Imaginaires politiques et pentecôtismes. Afrique ...



André CORTEN et André Mary (éds.)(2000)Imaginaires politiqueset pentec?tismes.Afrique/Amérique latineLES CLASSIQUES DES SCIENCES SOCIALESCHICOUTIMI, QU?BEC Les Classiques des sciences sociales est une bibliothèque numérique en libre accès, fondée au Cégep de Chicoutimi en 1993 et développée en partenariat avec l’Université du Québec à Chicoutimi (UQ?C) depuis 2000. En 2018, Les Classiques des sciences sociales fêteront leur 25e anniversaire de fondation. Une belle initiative citoyenne.Politique d'utilisationde la bibliothèque des ClassiquesToute reproduction et rediffusion de nos fichiers est interdite, même avec la mention de leur provenance, sans l’autorisation formelle, écrite, du fondateur des Classiques des sciences sociales, Jean-Marie Tremblay, sociologue.Les fichiers des Classiques des sciences sociales ne peuvent sans autorisation formelle:- être hébergés (en fichier ou page web, en totalité ou en partie) sur un serveur autre que celui des Classiques.- servir de base de travail à un autre fichier modifié ensuite par tout autre moyen (couleur, police, mise en page, extraits, support, etc...),Les fichiers (.html, .doc, .pdf, .rtf, .jpg, .gif) disponibles sur le site Les Classiques des sciences sociales sont la propriété des Classiques des sciences sociales, un organisme à but non lucratif composé exclusivement de bénévoles.Ils sont disponibles pour une utilisation intellectuelle et personnelle et, en aucun cas, commerciale. Toute utilisation à des fins commerciales des fichiers sur ce site est strictement interdite et toute rediffusion est également strictement interdite.L'accès à notre travail est libre et gratuit à tous les utilisateurs. C'est notre mission.Jean-Marie Tremblay, sociologueFondateur et Président-directeur général,LES CLASSIQUES DES SCIENCES SOCIALES.Cette édition électronique a été réalisée par Pinchinat Gilberto Jr JOACHIM, bénévole, étudiant à la Faculté des sciences humaines à l’Université d’?tat d’Ha?ti, Page web. Courriel: jp_joachimuniorto07@ à partir de?:André CORTEN et André Mary (éds.)Imaginaires politiques et pentec?tismes. Afrique / Amérique latine.Paris?: Les ?ditions Karthala, 2000, 368 pp. Collection “Hommes et sociétés”, collection dirigée par Jean Copans.L’auteur nous a accordé le 23 janvier 2017, l’autorisation de diffuser en accès libre à tous ce texte dans Les Classiques des sciences sociales. Courriel?: André Corten?: amcorten@ Polices de caractères utilisée?:Pour le texte: Times New Roman, 14 points.Pour les notes de bas de page?: Times New Roman, 12 points.?dition électronique réalisée avec le traitement de textes Microsoft Word 2008 pour Macintosh.Mise en page sur papier format?: LETTRE US, 8.5’’ x 11’’.?dition numérique réalisée le 14 mars 2019 à Chicoutimi, Québec.André CortenAndré MarySociologue, professeur associé,Département de science politiqueUQ?Mdirecteur de recherche au CNRS et membre du laboratoire Sociologie, histoire et anthropologie des dynamiques culturelles de l’EHESS (Marseille).Merci aux universitaires bénévolesregroupés en association sous le nom de:302323553403500Réseau des jeunes bénévolesdes Classiques des sciences socialesen Ha?ti.Un organisme communautaire ?uvrant à la diffusion en libre accès du patrimoine intellectuel ha?tien, animé par Rency Inson Michel et Anderson Layann Pierre.Page Facebook?:éseau-des-jeunes-bénévoles-des-Classiques-de-sc-soc-en-Ha?ti-990201527728211/?fref=ts-628657620000Courriels?: Rency Inson Michel?: rencyinson@ Anderson Laymann Pierre?: andersonpierre59@ Ci-contre?: la photo de Rency Inson MICHEL.André CORTEN et André Mary (éds.)Imaginaires politiques et pentec?tismes.Afrique / Amérique latineLausanne, Suisse?: Les ?ditions Page deux — Alain Bihr, 2e édition, 1999, 191 pp. Collection?: Cahiers libres. Nouvelle édition augmentée. Première édition, 1998.Cet ouvrage est publié avec le concoursdu Centre national du LivreCouverture?: Jorge de la Torre,??La conversion??, caséine sur papier, 2000.? ?ditions Karthala, 2000ISBN?: 2-84586- 163-XUn grand merci à Ricarson DORC?, directeur de la collection “?tudes ha?tiennes”, pour nous avoir prêté son exemplaire de ce livre afin que nous puissions en produire une édition numérique en libre accès à tous dans Les Classiques des sciences sociales.jean-marie tremblay, C.Q.,sociologue, fondateurLes Classiques des sciences sociales,3251835-19278600014 mars 2019.Imaginaires politiques et pentec?tismes.Afrique / Amérique latine.Quatrième de couvertureRetour à la table des matièresEn Afrique et en Amérique latine, deux types d’imaginaires du politique sont en présence dans des rapports hétérogènes: d’une part le type de représentation des ??forces invisibles??, désignées péjorativement comme ??forces occultes??, plut?t associées au mal, d’autre part celui de la visibilité et de la transparence de l’espace public. La thèse de ce livre est que le discours pentec?tiste tire toute sa force de sa capacité à mobiliser ces deux imaginaires en les traduisant l'un dans l’autre et en inventant une nouvelle syntaxe.Mobiliser n’est pas créer, le pentec?tisme n’est pas par lui-même porteur d’un imaginaire politique, il récupère et amalgame les imaginaires disponibles et ses ??traductions?? relèvent plut?t de mésinterprétations constructives. Les dispositifs rituels qu’il met en scène (témoignages, exorcismes, miracles), en faisant notamment irruption dans l’espace public, constituent autant d’opérations discursives qui dérèglent la syntaxe du dicible, déplacent les limites du possible et du pensable.?tudié dans ce r?le de traduction d’un imaginaire dans l’autre, le pentec?tisme ne peut pas être délimité en fonction de critères théologiques. Dans ce livre, tout un ensemble de mouvements (??de type pentec?tiste??) ne sont pas exclus a priori, même s’ils sont combattus par des pentec?tismes plus ??orthodoxes??, comme des manifestations sataniques. On y parle donc de pentec?tismes au pluriel. Le pluriel vise aussi, bien entendu, les différences existant entre les continents et à l’intérieur des continents et même à l’intérieur des pays comme le Brésil. Il marque, enfin, les différences entre les vagues de pentec?tisme. Cet ouvrage fait voyager du Mexique à l’Argentine et du Burkina-Faso à l’Afrique du Sud. D’étranges ressemblances se dégagent. Elles permettent de mieux comprendre cet ??univers des sectes?? souvent travesti par le sensationnalisme.Les auteurs?: Allan Anderson, Jean-Pierre Bastian, Véronique Boyer, André Corten, Albert de Surgy, René Devisch, Yvan Droz, Paul Freston, Carlos Garma Navarro, Paul Gifford, Pierre-Joseph Laurent, André Mary, Daniel Miguez, Ari Pedro Oro, Sylvie Pedron-Colombani, Angelina Pollak-Eltz, Pablo Semán.Collection dirigée par Jean CopansNote pour la version numérique?: La numérotation entre crochets [] correspond à la pagination, en début de page, de l'édition d'origine numérisée. JMT.Par exemple, [1] correspond au début de la page 1 de l’édition papier numérisée.[367]Imaginaires politiques et pentec?tismes.Afrique / Amérique latine.Table des matièresQuatrième de couvertureListe des auteurs [5]Avant-propos [9]Introduction, par André Corten et André Mary [11]Prologue?: Une ??grand-messe?? à Nairobi, Yvan Droz [35]PREMI?RE PARTIEAFRIQUE [39]1.Le choix du monde spirituel comme espace public: L’exemple du Bénin, Albert de Surgy [41]2.Diabolisation de l’autre et ruses de l’Esprit: les Assemblées de Dieu du Burkina-Faso, Pierre-Joseph Laurent [61]3.Les origines vernaculaires du Réveil pentec?tiste kenyan: Mobilité sociale et politique, Yvan Droz [81]4.Pentecostalism in Museveni’s Uganda, Paul Gifford [103]5.Les ?glises de guérison à Kinshasa: Leur domestication de la crise des institutions, René Devisch [119]6.La violence symbolique de la Pentec?te gabonaise, André Mary [143]7.Pentecostals and Politics in South Africa: Public Space and Invisibles Forces, Allan Anderson [165]DEUXI?ME PARTIEAM?RIQUE LATINE [183]8.Pentecostal Churches and their Relationship to the Mexican State and Political Parties, Carlos Garma Navarro [185]9.Les pentec?tismes au Guatemala?: éloignement du monde et salut national, Sylvie Pedron-Colombani [199]10.Imaginaire pentec?tiste et confessionnalisation de la politique au Costa Rica, Jean-Pierre Bastian [213]11.Ha?ti?: le pentec?tisme face à la déshumanisation, André Corten [233]12.Politics and Pentecostal Imagery in Venezuela, Angelina Pollak-Eltz [253]13.Le mouvement évangélique au Nord du Brésil: terres de mission et front religieux, Véronique Boyer [267]14.The Political Evolution of Brazilian Pentecostalism: 1986-2000, Paul Freston [287]15.Pentec?tisme et politique au sud du Brésil, Ari Pedro Oro [307]16.Culture politique péroniste et pentec?tisme en Argentine: Spiritualisation de la politique ou politisation de l’Esprit ? Pablo Semán et Daniel Míguez [321]Bibliographie sélectionnée [343][5]Imaginaires politiques et pentec?tismes.Afrique / Amérique latine.LISTE DES AUTEURSRetour à la table des matièresAllan Anderson, d’origine sud-africaine, est coordinateur de l’unité de recherche sur les études pentec?tistes et charismatiques au département de théologie de l’Université de Birmingham en Angleterre. Il enseigne dans le champ des religions africaines, des ?glises indépendantes et des nouveaux mouvements religieux. Il a publié notamment Moya: the Holy Spirit in an African Context (Pretoria, 1991), Pentecostals After a Century: Global Perspectives on a Movement in Transition (Sheffield, 1999, codirigé avec Walter J. Hollenweger), Zion and Pentecost: The Spirituality and Experience of Pentecostal and Zionist/Apostolic Churches in South Africa (Pretoria, 2000), et African Reformation: African Initiated Christianity in the Twentieth Century (Trenton, NJ, 2000).Jean-Pierre Bastian est professeur de sociologie des religions à l’Université Marc Bloch de Strasbourg et directeur du Centre de sociologie des religions de la même université. Ses recherches portent sur le r?le des sociétés de pensée dans les ruptures libérales en Amérique latine et sur les mutations religieuses contemporaines dans la région. Parmi ses publications: Le protestantisme en Amérique latine: Une approche socio-historique, Genève, Labor et Fides, 1994. La mutaci?n religiosa de America Latina, Mexico, Fondo de Cultura Economica, 1997. Los disidentes, sociedades protestantes y revoluci?n en Mexico, 1872-1911, Mexico, Fondo de Cultura Economica, 1989. Amérique latine, 1492-1992, conquête, résistance et émancipation, Genève, Labor et Fides, 1991.Véronique Boyer est chercheure en anthropologie au CNRS. En 1991, elle a soutenu une thèse sur les cultes de possession au nord du Brésil (Bélem-PA). Depuis 1993, elle est chargée de recherche et membre de l’UMR 8565-Empires, sociétés, nations (?cole des hautes études en sciences sociales, Paris). Elle a été détachée de 1996 à 1999 à l’IRD (Institut de recherche sur le développement) pour y mener une enquête sur l’expansion évangélique en Amazonie brésilienne. Principale publication: Femmes et cultes de possession au Brésil: les compagnons invisibles, Paris, L’Harmattan, 1993.André Corten est professeur d’analyse du discours et de science politique à l’Université du Québec à Montréal. Il étudie depuis trente ans la formation des catégories politiques dans le tiers monde et en particulier en [6] Amérique latine. Depuis une dizaine d’années, il analyse le pentec?tisme dans cette perspective. Il a publié Le pentec?tisme au Brésil (Paris, Karthala, 1995, traduit en anglais et en portugais) et Alchimie politique du miracle?: Discours de la guérison divine et langue politique en Amérique latine (collaboration de Viviana Fridman et Anne Deret), Montréal, Balzac, Univers des discours, 1999?; Diabolisation et mal politique. Haiti: misère, religion et politique, Montréal/ Paris, CIDIHCA/ Karthala, 2000. Il a dirigé avec Ruth Marshall-Fratani, Between Babel and Pentecost: Transnational Pentecostalism in Africa and Latin America, Londres/ Bloomington, IN, Hurst Publisher/ Indiana University Press, 2001.Albert de Surgy est directeur de recherche au CNRS. A travers de nombreux livres, il a diffusé ses recherches sur le système religieux des Evhé du littoral ghanéen et togolais, sur les pratiques des puissances traditionnelles - il a réhabilité à cette occasion la notion de fétiche - et sur la prolifération et le développement des ?glises (concurrentes des féticheurs) au sud du Bénin. Quelques ouvrages récents: La voie des fétiches: Essai sur le fondement théorique et la perspective mystique des pratiques des féticheurs, Paris, L’Harmattan, 1995; Un exemple d'?glise africaine: l’?glise du christianisme céleste au Bénin, Paris, Karthala, 2001. Il a dirigé Religions et pratiques de puissance, Paris, L’Harmattan, 1997.René Devisch est professeur et directeur du Centre des études africaines au département d’anthropologie de l’Université catholique de Louvain (KUL). De formation philosophique et anthropologique, il a confronté sa longue expérience anthropologique de la population yaka tant au sud-ouest du Congo qu’à Kinshasa, et à d’autres terrains comme la Tunisie et le sud de l’?thiopie. Sa recherche porte sur les rapports entre la culture, la symbolique du corps, le symbolisme psychique et la formation du sympt?me, et la guérison. Parmi ses publications Weaving the Threads of life: the khita Gynecological Healing cult among the Yaka. Chicago, University of Chicago Press, 1993; Forces et signe: regards croisés d’un anthropologue et d’un psychanalyste sur les Yaka, Paris, ?ditions des archives contemporaines, 1999 (en collaboration avec Claude Brodeur, traduit en anglais).Yvan Droz est chargé de cours à l’Institut d’ethnologie de Neuch?tel et également enseignant à l’Institut universitaire d’études du développement (IUED) de Genève. De 1993 à 1997, il a travaillé à l’Institut de sociologie de l’Université de Berne au sein d’un projet du FNS sur les migrations kikuyu au Kenya central (NSD). Il a mené diverses recherches ethnologiques en ?quateur, C?te d’ivoire, Burundi et Kenya sur l’anthropologie de la maladie et les transformations de la reproduction sociale. Auteur d’une thèse d’ethnologie consacrée aux transformations de l’ethos kikuyu, il conduit actuellement des recherches sur le monde paysan jurassien face à la mondialisation et sur les mouvements pentec?tistes kenyans. [7]Paul Freston enseigne la sociologie à l’Université de S?o Carlos (Brésil). Il a été professeur à l’Université méthodiste de S?o Paulo et chercheur à l’Institut d’études politiques, sociales et économiques (IDESP) de la même ville. Brésilien naturalisé d’origine anglaise, il a beaucoup publié sur la sociologie du protestantisme (en particulier du pentec?tisme) au Brésil et en Amérique latine. Il s’intéresse à la transnationalisation des ?glises brésiliennes et à la relation du christianisme évangélique à la globalisation. Il est un spécialiste de la participation des protestants à la vie politique brésilienne. Récemment, il a étendu sa spécialisation à d’autres régions du tiers monde. Son livre Evangelicals in Latin America, Asia and Latin America vient de para?tre à Cambridge University PressCarlos Garma Navarro est professeur et directeur du département d’anthropologie de la Universidad Autonoma Metropolitana Iztapalapa à Mexico. Il est l’auteur de Protestantismo en una Comunidad Totonaca (Mexico, INI, 1987) et de Peregrinaciones Religiosas (Mexico, UAM, 1994). Il a publié plus de vingt articles en espagnol sur la religion et les minorités religieuses.Paul Gifford est ma?tre de conférence à l’?cole d’études orientales et africaines (SOAS) de l’Université de Londres. Spécialiste renommé du christianisme africain, il a enseigné à l’Université du Zimbabwe et à l’Université de Leeds (Angleterre). Il a mené des recherches pour le Congrès panafricain des ?glises, basé à Nairobi. Il a publié de nombreux livres dont Christianity and Politics in Doe's Liberia (Cambridge University Press, 1993), The Christian Churches and the Democratisation of Africa (E.J. Brill, 1995) et African Christianity: its Public Role (Hurst and Co, 1998).Pierre-Joseph Laurent est anthropologue et professeur à l’unité de sociologie et d’anthropologie de l’Université catholique de Louvain en Belgique. Il travaille depuis une dizaine d’années en Afrique de l’Ouest, plus particulièrement au Burkina Faso. Il est l’auteur d’une dizaine d’articles consacrés aux ?glises pentec?tistes et notamment à l’?glise des Assemblées de Dieu. Il a publié récemment?: Une association de développement en pays mossi: le don comme ruse, Paris, Karthala, 1998.André Mary est directeur de recherche au CNRS et membre du laboratoire Sociologie, histoire et anthropologie des dynamiques culturelles de l’EHESS (Marseille). Ses travaux portent sur l’étude des entreprises prophétiques et des logiques du travail syncrétique qui contribuent à l’élaboration des formes contemporaines de la religiosité africaine. Auteur entre autres de La Naissance à l’Envers, Essai sur le rituel du Bwiti fang au Gabon, L’Harmattan, 1983, il a publié récemment Le défi du syncrétisme, EHESS-Paris, 1999, et Le bricolage africain des héros chrétiens, Paris, Le Cerf, 2000. Il s’intéresse aujourd’hui aux formes africaines du pentec?tisme et aux ressorts anthropologiques de la ??délivrance??. [8]Daniel Miguez est professeur adjoint à la faculté d’humanité et de sciences sociales de la Universidad Nacional del Centra de la Provincia de Buenos Aires. Il est chercheur au Conseil national de recherche scientifique et technique d’Argentine. Il a publié plusieurs articles sur le pentec?tisme en Argentine, et son livre Spiritual Bonfire in Argentina: Confronting Current Théories with an Ethnographic of Pentecostal Growth in a Buenos Aires Suburb, a été édité à Amsterdam (CEDLA, 1998).Ari Pedro Oro est directeur du département d’anthropologie de l’Université fédérale du Rio Grande do Sul à Porto Alegre (Brésil). Docteur de l’Université de Paris III, il a notamment publié Avan?o pentecostal e rea??o cat?lica (Petr?polis, Vozes, 1996) et AX? MERCOSUL: a expans?o das religi?es afro-brasileiras para os países do Prata (Petr?polis, Vozes, 1999). Il a dirigé avec Carlos Steil: Globaliza??o e religi?o (Petr?polis, Vozes, 1997). Il mène actuellement un projet de recherche sur le lieu du religieux dans la pratique politique des hommes et femmes ayant un mandat électif dans les institutions publiques brésiliennes.Sylvie Pedron-Colombani est ma?tre de conférences au département de sociologie de l’Université Paris X-Nanterre et membre de l’équipe de recherche en ethnologie amérindienne (CNRS, UPR 324). Auteure de l’ouvrage: Le pentec?tisme au Guatemala: Conversion et identité, Paris, CNRS ?ditions, 1998.Angelina Pollak-Eltz, vénézuélienne d’origine autrichienne, est docteure de l’Université de Vienne. Sa thèse portait sur les vestiges africains de la culture populaire au Venezuela. Elle a publié une trentaine de livres et trois cents articles en anglais, allemand, espagnol et fran?ais portant sur la religion populaire, le syncrétisme et les études afro-américaines. Elle est professeure d’anthropologie à l’université catholique Andres Bello de Caracas et a été professeure invitée aux ?tats-Unis et dans de nombreux pays. Elle a dirigé le livre El Pentecostalismo en América Latina: entre tradici?n y globalizaci?n, Quito, Abyayala, 1997. Son dernier livre: Estudio Antropol?gico del Pentecostalismo en Venezuela, Caracas, Universidad Santa Rosa de Lima, 2000.Pablo Seman est professeur à l’Institut des hautes études de la Universidad Nacional de San Martin et chercheur au Conseil national de recherche scientifique et technique d’Argentine. II a publié plusieurs articles sur le pentec?tisme en Argentine. Il a collaboré au livre collectif Pentecostalismo en Argentina dirigé par d’Alejandro Frigerio (1994) et, avec Ari Pedro Oro, à Between Babel and Pentecost: Transnational Pentecostalism in Africa and Latin America (dirigé par André Corten et Ruth Marshall-Fratani), Londres/Bloomington, IN, Hurst Publisher/ Indiana University Press, 2001. [9]Imaginaires politiques et pentec?tismes.Afrique / Amérique latine.AVANT-PROPOSRetour à la table des matièresLe pentec?tisme a commencé à faire l’objet d’études dès la fin des années 60, mais c’est surtout à partir des années 90 que les anthropologues, sociologues, politologues, etc., s’y sont intéressés. Ce regain d’intérêt des chercheurs correspond aussi à une vague d’expansion sans précédent de ce nouveau protestantisme né presque simultanément au début du siècle aux ?tats-Unis, en Afrique du Sud et au Brésil et qui conna?t depuis 1980 une croissance accélérée aussi bien en Amérique latine qu’en Afrique subsaharienne.Les études comparatives entre l’Afrique et l’Amérique latine sont pratiquement inexistantes. Cette lacune a suscité l’organisation de sessions thématiques dans le cadre de la Société internationale de sociologie des religions. Une première session a été organisée au 24e congrès de Toulouse (1997) sur le thème:???Pentec?tisme et transnationalisation: Afrique/Amérique latine??. Les contributions sont publiées sous le titre Between Babel and Pentecost?: Transnational Pentecostalism in Africa and Latin America (Corten André, Marshall-Fratani Ruth (éds), Londres/Bloomington, IN, Hurst Publisher/Indiana University Press, 2001).Une seconde session a été organisée lors du 25e congrès qui s’est tenu à Louvain (Belgique) en juillet 1999. Elle portait sur le thème Imaginaires politiques et pentec?tismes: Afrique/Amérique latine. Elle a été préparée ainsi que la problématique de ce livre gr?ce à l’accueil d’André Corten au sein du Centre d’études africaines (CNRS/EHESS) en avril-juin 1998 et à la collaboration qui s’est nouée avec André Mary. Cet ouvrage contient les contributions souvent sérieusement modifiées de la session de Louvain. D’autres contributions ont également été sollicitées par la suite. On trouvera ainsi un éventail assez représentatif des pentec?tismes dans les deux continents, le pari étant de mener de front un vaste état des lieux et l’approfondissement d’une problématique de recherche commune.L’organisation de ces sessions et la mise au point des manuscrits ont été facilitées par une subvention du Conseil de recherche en sciences [10] humaines du Canada. Annie Mercure a revu soigneusement la présentation des textes. Elena Fowler, Ginette Bergeron et Sol Millán ont également contribué à cette révision. Un séminaire organisé à Marseille dans le cadre de l’?cole des hautes études en sciences sociales a permis d’approfondir les questions soulevées dans l’introduction. Ce livre prend place dans le travail d’une unité de recherche de l’IRD (Institut de recherche sur le développement): Constructions identitaires et mondialisation.A.C. & A.M.[11]Imaginaires politiques et pentec?tismes.Afrique / Amérique latine.INTRODUCTIONAndré Corten et André MaryRetour à la table des matièresLa nouvelle vague du protestantisme qu’on appelle le pentec?tisme a maintenant une histoire de plus d’un siècle. Sa date de naissance est controversée. Pour certains, elle remonte aux mouvements de réveil du Tennessee de 1886 desquels est issue en 1907 la Church of God (Cleveland); pour d’autres le pentec?tisme na?t en janvier 1901 dans la communauté blanche de Topeka (Kansas) animée par le pasteur méthodiste Charles F. Parham, proche du Ku Klux Klan. De plus en plus - en particulier lorsqu’on veut souligner la composante ??africaine?? du pentec?tisme - on retient la date de 1906 marquée par l’effervescence religieuse d’une communauté noire de Los Angeles (Azusa Street Mission du pasteur baptiste William J. Seymour) qui se répand rapidement un peu partout dans le monde et notamment en Amérique latine et en Afrique.Le sociologue des religions David Martin distingue, en plus de la vague initiale du luthéranisme et du calvinisme, les trois vagues protestantes suivantes: la puritaine (notamment baptiste), la méthodiste et la pentec?tiste?. Au sujet du pentec?tisme proprement dit, Paul Freston distingue à son tour trois phases: de 1910 à 1950, l’implantation d’un pentec?tisme type Assemblée de Dieu en milieu rural; de 1950 à 1970 un pentec?tisme type ?glise quadrangulaire? ou Deus é Amor (Dieu est Amour) accompagnant l’urbanisation et la société de masse; enfin, à partir des années 70, un ??néo-pentec?tisme?? type ?glise universelle du Royaume de Dieu qui assimile les ressources modernes de la société de communication?. L’expansion récente du pentec?tisme, dans ses diverses composantes, [12] fait qu’il touche maintenant 10% de la population latino-américaine. Le pourcentage est néanmoins bien plus élevé (le double??) si on y intègre le mouvement charismatique au sens large et notamment la pentec?tisation des ?glises protestantes historiques et de l’?glise catholique (Renouveau charismatique). Même au sens restreint, la barre des 20% est dépassée dans plusieurs pays: Chili, Guatemala, Jama?que, etc.En Afrique subsaharienne, le pentec?tisme atteint également une proportion notable de la population chrétienne. Tout dépend là aussi de la ligne de partage qu’on établit entre les ?glises pentec?tistes ??historiques?? (type Assemblées de Dieu ou ?glise de Pentec?te), dont certaines sont implantées dès le début du siècle, et les ?glises de la ??mouvance pentec?tiste?? comme les ?glises de Réveil, les ?glises de l’Esprit ou les ?glises prophétiques africaines?. Les mouvements de Réveil des Balokole (??les sauvés??), au Rwanda, Kenya et Ouganda, ou des Aladura (one who prays) du Nigeria, sont étonnamment contemporains (1920-1930) des Réveils des colonies francophones de la Haute-Volta à l’Afrique équatoriale.Par ailleurs, l’histoire des rapports du zionisme sud-africain et du pentec?tisme ou les développements du néo-kimbanguisme au Congo témoignent de l’interférence constante en Afrique entre traditions prophétiques. ?glises indépendantes et mouvements de Réveil d’inspiration pentec?tiste. ? ces traditions nationales s’ajoutent, aujourd’hui, ce qu’on appelle les ???glises néo-pentec?tistes?? (brésilienne, coréenne, mais aussi proprement africaine), en partie impulsées par des ??croisades?? mondiales (type Reinhard Bonnke), et le mouvement en retour de pentec?tisation des ?glises historiques.Enfin les appellations en usage varient elles-mêmes d’un pays à l’autre: par exemple, au Ghana, le terme ??Pentecostal?? est réservé aux ?glises historiques et c’est le terme ??Charismatic?? qui sert à désigner tous les néo-pentec?tismes apparus à partir de 1970, alors qu’au Nigeria le terme ??Pentecostal?? s’applique à tous les néo-pentec?tismes, ??Charismatic?? étant réservé au Renouveau catholique?, la démarcation par rapport aux ?glises indépendantes africaines étant partout la règle.Les évaluations de l’importance du phénomène s’en ressentent. Pour les chercheurs qui restent fidèles à l’orthodoxie des dénominations historiques en excluant les ?glises prophétiques africaines et en stigmatisant les ?glises récentes, les pentec?tistes sont loin d’atteindre les 10%. Pour ceux qui refusent le critère théologique et qui intègrent dans une même [13] mouvance, pentec?tiste ou charismatique, toutes ces ?glises (y compris toutes les formes de pré-pentec?tisme ou de post-pentec?tisme à l’africaine), les pentec?tistes sont évidemment plus nombreux et ont dépassé, par exemple en Afrique du Sud, la barre des 40%.Pentec?tisme historique, mouvance pentec?tisteet culture charismatiqueLe Brésil exporte son pentec?tisme chez ses voisins mais aussi en Europe, en Asie et en Afrique où il est entré naturellement par les pays lusophones, l’Angola, le Mozambique, pour s’étendre à toute l’Afrique du Sud, puis à l’Afrique orientale (Kenya, Ouganda), à l’Afrique équatoriale (Congo, Gabon) et depuis cinq-six ans à l’Afrique de l’Ouest (C?te d’ivoire, Ghana). L’analyse comparative de l’expansion du pentec?tisme en Amérique latine et en Afrique en est néanmoins à ses débuts?.Le fait que les dénominations retenues et les catégories de classement qui président à l’étiquetage et à l’ordonnancement des données ont une histoire différente dans les recherches africanistes et américanistes ne permet pas, jusqu’à présent, d’avancer d’affirmation générale sur les similitudes et les différences. Il y a de fait une dissymétrie flagrante entre l’essor de la littérature sur les pentec?tismes en Amérique latine (par ailleurs en bonne partie écrite par des Latino-Américains)? et le caractère dispersé des écrits correspondant à cette rubrique sur l’Afrique.Si l’on possède pour plusieurs pays d’Amérique latine des livres entiers consacrés au pentec?tisme et s’il existe déjà des recueils de textes faisant un tour d’horizon par pays, la littérature sur l’Afrique est beaucoup moins explicite. Dans l’ensemble des études consacrées aux ??nouveaux mouvements religieux??, l’objet ??pentec?tisme?? n’a pas la même visibilité ni la même légitimité que le prophétisme ou le christianisme africain, alors même [14] que de grands noms de l’anthropologie et de l’histoire africaniste ont produit des monographies célèbres sur des églises relevant de la ??mouvance pentec?tiste ou charismatique?? (John Peel, Bennetta Jules-Rosette, Johanes Fabian, Jean Comaroff, Terence Ranger, et bien d’autres)?. Une nouvelle génération de chercheurs a fait surgir néanmoins, depuis quelques années, le pentec?tisme comme objet privilégié et conduit à réévaluer son importance dans l’histoire religieuse de l’Afrique contemporaine?.Certes les quelques grandes études d’introduction au pentec?tisme ont un caractère comparatif. D’abord, il y a l’étude pionnière de Walter Hollenweger (1968)?, un classique inégalé. Traitant du pentec?tisme dans les différentes régions du monde, il se limite néanmoins à étudier de fa?on systématique seulement deux pentec?tismes du tiers monde, celui du Brésil et de l’Afrique du Sud. Selon un parti pris ?cuménique dicté par sa proximité avec le Conseil mondial des ?glises, l’auteur est prêt à reconna?tre une impulsion commune au pentec?tisme classique et à certaines ?glises indépendantes d’Afrique du Sud, du Ghana et du Nigeria.Récemment, Harvey Cox, un théologien d’Harvard connu pour ses prises de position progressistes?, a entrepris un voyage en pays pentec?tiste qui lui fait visiter tous les continents. Pour lui, les ???glises africaines indépendantes constituent une expression du mouvement pentec?tiste mondial?? qui renoue avec ??la spiritualité primitive africaine???. Le pentec?tisme n’est pas une dénomination, mais un mouvement qui refa?onne le religieux??; il ne se caractérise d’ailleurs pas par le fondamentalisme mais par ce qu’il appelle l’??expérientialisme??, un effort commun pour restaurer l’??expérience?? comme dimension clef de la foi?. D’où une attitude [15] d’ouverture toute relative puisque ??les pentec?tistes réussissent à être hautement syncrétistes alors que leurs dirigeants prêchent contre le syncrétisme???. L’?cuménisme que pr?ne l’auteur contraste avec le discours des ?glises pentec?tistes ??historiques?? qui per?oivent une telle posture soit comme une man?uvre politique (mise au service de la religion pour des causes politiques et sociales comme c’est le cas à leurs yeux de la théologie de la libération), soit comme l’effet de la volonté d’hégémonie de Rome.David Martin?, qui ne se cantonne pas, comme le suggère le titre de son livre, à l’Amérique latine puisqu’il traite aussi de la Corée du Sud et de l’Afrique du Sud, prend note du sectarisme de la plupart des ?glises pentec?tistes mais, dans une optique plus wébérienne, y voit le vecteur d’adoption d’une nouvelle ??logique culturelle??? qui ??aide à réduire le fossé entre le christianisme et le capitalisme consommatoire???. Enfin Karla Poewe et Irving Hexham? n’hésitent pas à repérer au-delà des dénominations et des appartenances les signes de l’émergence d’une ??culture charismatique globale?? commune à l’Afrique et à l’Amérique.Les auteurs de ce livre s’accordent à voir dans le pentec?tisme un mouvement religieux dans lequel les ??croyants?? (crentes) ou les ??convertis?? (,born again), quels qu’ils soient (la?cs comme pasteurs), témoignent de l’expérience personnelle d’une force surnaturelle: la force de l’Esprit saint. Cette force qui est censée avoir changé leur vie se manifeste par des dons surnaturels et s’extériorise dans des pratiques cultuelles d’une ferveur très expressive et corporelle. Les ??croyants?? participent activement plusieurs fois par semaine à des cultes se prolongeant souvent des heures - la vie entière des adeptes est organisée autour de leur ?glise et les intègre dans un nouveau type de communauté, on parle de ??néo-communautés???.Les pentec?tistes opposent la puissance de l’Esprit saint au monde des esprits ??diaboliques?? des croyances africaines, afro-américaines ou amérindiennes. C’est un esprit d’une supériorité écrasante mais pas pour autant transcendante puisqu’il vient ??agiter?? les corps (selon les termes bibliques), faire parler les langues, inspirer les esprits. Les pratiques cultuelles peuvent être vues comme autant de ponts entre l’individu et ces forces bénéfiques ou maléfiques qui supposent la médiation du discernement. [16] C’est le cas du ??parler en langues??, c’est-à-dire la glossolalie?, de la vision prophétique, de la délivrance par l’imposition des mains et de la guérison divine. A travers ces pratiques soumises à la seule inspiration de l’Esprit, le pentec?tisme récupère des éléments et s’approprie des schèmes qui sont au c?ur des cultures populaires qu’ils stigmatisent (cultes de possession au Brésil, fétichisme du vodu et sorcellerie africaine).Ce que les analyses brésiliennes ont été amenées à souligner en suivant l’évolution des églises ??néo-pentec?tistes?? sur plusieurs décennies et leurs stratégies de mondialisation, c’est qu’en luttant contre l’Autre, le Diable, qu’il s’agisse de l’?glise catholique ou des cultes afro-brésiliens, en adoptant ses propres armes, ces ?glises finissent par épouser certains traits de leurs formes organisationnelles, de leurs pratiques rituelles et à conforter dans leur existence les démons qu’ils convoquent et pourchassent?. Ce mélange de plasticité et de mimétisme qui a toujours fait le succès des syncrétismes afro- brésiliens (et qui conduit certains à penser que le pentec?tisme d’origine étrangère peut aujourd’hui être considéré comme ??une religion brésilienne??)? était d’une certaine fa?on déjà présent dans cet idiome religieux hybride né en Californie au début du siècle de la rencontre entre la tradition méthodiste du réveil, le fondamentalisme biblique et la culture des Africains américains. L’affinité entre certaines ressources de cette culture pentec?tiste (la transe, la vision, la guérison, la lutte contre les démons) et les formes de la religiosité africaine, de même que leur commune plasticité, expliquent sans doute cette rencontre singulière du mouvement de pentec?tisation et d’indigénisation qui marque l’histoire récente du pentec?tisme brésilien et du christianisme africain, et particulièrement du zionisme sud-africain.Cette transnationalisation fondée sur l’appropriation mimétique des ressources des autres peut conduire à voir dans le pentec?tisme une culture de parias et de parvenus?, mais elle n’empêche nullement au contraire [17] l’essor de processus spécifiques d’identifications individuelles et collectives comme on l’a montré par ailleurs. Il faut prendre acte du fait que le bricolage religieux peut parfaitement co?ncider avec un souci extrême d’orthodoxie ou de pureté originelle, que l’hybridité ou la plasticité des croyances et des pratiques peuvent servir de matrice au réveil d’identités ethno-nationales, et que l’appel à la fraternité (en Christ) a souvent pour envers la démonisation de l’autre, le pa?en, le musulman ou l’inconverti.L’imaginaire du politique:espace public et forces invisiblesLe pentec?tisme alimente des mobilisations identitaires, il brasse aussi des imaginaires politiques. C’est le thème de ce livre. Le pentec?tisme mobilise des imaginaires qui relèvent de cultures hétérogènes dans des contextes politiques en apparence radicalement différents. D’un c?té l’Amérique latine où, dans plusieurs pays, l’élite contr?le des institutions démocratiques qui prétendent fonctionner en termes d’espace public et de l’autre l’Afrique où la corruption de l’?tat et la ??politique du ventre?? sont souvent évoquées, dans le discours populaire aussi bien que dans le langage des élites, en termes de domination ou de contr?le des ??forces invisibles??. La dissymétrie du contraste est sans doute trompeuse, et les exceptions sectorielles ou globales sont nombreuses dans les deux cas. Depuis la fin des régimes de parti unique et du temps des hommes forts, l’Afrique est désormais sommée de répondre aux injonctions de la bonne gouvernance et de donner des gages à l’imaginaire de l’espace public.Notre thèse est que le discours pentec?tiste tire toute sa force de sa capacité à mobiliser ces deux imaginaires de l’espace public et des forces invisibles en les traduisant l’un dans l’autre et en inventant une nouvelle syntaxe. Mobiliser n’est pas créer, le pentec?tisme n’est pas par lui-même porteur d’un imaginaire politique, il récupère et amalgame les imaginaires disponibles et ses ??traductions?? relèvent plut?t de mésinterprétations constructives (working misunderstanding) au sens de Marshall Sahlins?. Les dispositifs rituels qu’il met en scène (témoignages, exorcismes, miracles), en faisant notamment irruption dans l’espace public, constituent autant d’opérations discursives qui dérèglent la syntaxe du dicible, déplacent les limites du possible et du pensable. [18]La notion d’imaginaire qui est ici mobilisée, et encore plus celle d’imaginaire politique (ou du politique), suppose quelques précisions. Le télescopage permanent de la notion d’imaginaire, associée comme chez Castoriadis à la fonction symbolique, et de l’idée d’un fonctionnement à l’imaginaire que Lacan oppose pour sa part au symbolique, est une constante du discours ordinaire des sciences sociales d’aujourd’hui. Le caractère fictif de l’imaginaire des sociétés traditionnelles, comme celui des sociétés modernes, n’a jamais empêché celui-ci de remplir pour les sujets sa fonction de symbolisation et de socialisation.Le problème surgit, en période de crise, lorsque la matrice des significations imaginaires qui fondent la vie d’une société se met à fonctionner, si l’on peut dire, ??à l’imaginaire??. On mesure alors l’ambigu?té d’un terme qui désigne à la fois, dans son usage substantif, la fonction symbolique en général et, dans son usage modal, une sorte de dérive de cette fonction où la référence au passé mythique ou au fondement du pouvoir, du savoir et de la loi, devient ??imaginaire??, non pas tant parce qu’elle est fictive ou rêvée, ce qui est toujours plus ou moins le cas mais parce qu’elle opère sur la base d’une relation narcissique, duelle, spéculaire (en miroir, pour reprendre la métaphore et les termes du lexique lacanien), c’est-à-dire en dehors des médiations symboliques et des régulations sociales d’une mémoire collective disposant de cadres, de lieux et de repères. Dans la perspective d’inspiration lacanienne, l’imaginaire livré à lui-même est condamné à l’impasse de la répétition du même et à l’enfermement narcissique, le salut ne pouvant venir que de la puissance structurante de l’ordre symbolique qui instaure la séparation de l’un et de l’autre, qui garantit l’ouverture à l’autre et le renouvellement du même.La problématique des imaginaires sociaux de Cornélius Castoriadis? s’inscrit dans la même problématique d’une imagination constituante et transcendantale, avec un déplacement d’accent puisque, tout en reconnaissant le r?le structurant du symbolique, il craint sa dérive vers une combinatoire dans laquelle le sujet risque d’être enfermé et dominé?. Certes, les images ont besoin du symbolique pour s’exprimer et pour exister mais ??le symbolisme présuppose (aussi) la capacité imaginaire?? comme dimension inaugurale et instituante de tout ordre symbolique. ??Il présuppose la capacité de voir dans une chose ce qu’elle n’est pas, de la voir autre qu’elle n’est???. L’imaginaire donne du relief et permet de donner un sens qui déborde la combinaison des signes. Dans la conception [19] de Castoriadis, l’imaginaire n’est pas une cha?ne ininterrompue d’images, une cascade d’analogies en miroir, qui ne produiraient aucun effet de sens. L’ordre qui confère à ce magma de significations une stabilité relève du symbolique, mais c’est dans l’imaginaire qu’une société trouve un complément à cet ordre?. Ce que Lacan et Castoriadis s’efforcent donc de penser, dans des termes certes différents, c’est la dialectique de l’imaginaire et du symbolique qui permet à la société d’inventer à chaque instant les significations sociales inaugurales qui décident de ce que sont ses ??vrais?? problèmes, irréductibles aux réalités rationnelles ou fonctionnelles du moment.Deux types d’imaginaire du politique sont ici en présence: d’une part le type de représentation des ??forces invisibles??, désignées péjorativement comme ??forces occultes?? plut?t associées au mal, d’autre part celui de la visibilité et de la transparence de l’espace public. La symbolique de ces représentations a été largement étudiée dans la littérature.La première correspond à la mobilisation du schème de la sorcellerie et des forces persécutives du mal comme grille de lecture des événements individuels et collectifs (maladie, accident, guerre) et d’évaluation des rapports de force en présence. Toute une tradition anthropologique fonctionnaliste a pu contribuer à rabattre cet imaginaire de la sorcellerie sur l’univers confiné des conflits intra-familiaux et à restreindre ses enjeux aux accusations et confessions censées réguler les tensions villageoises au profit des puissants. Mais la sorcellerie a toujours été en même temps, même au sein des sociétés traditionnelles, un discours global et très ambivalent sur les fondements politiques du pouvoir et de la richesse et sur la nécessité de ??sacrifier?? ou de ??manger?? la substance des autres pour réussir ses entreprises?. Les prophètes africains se sont faits les relais de l’application de cette grille de lecture à la compréhension des secrets du pouvoir et de la sorcellerie des Blancs, autrement dit à la situation coloniale, et ont été les premiers à conjuguer sorcellerie et modernité en invitant les Noirs à renoncer à leurs fétiches pour devenir des Blancs.Le pentec?tisme, en poursuivant le procès de diabolisation des sorciers, des génies et des esprits ancestraux amorcé par les missionnaires, contribue à la globalisation d’un imaginaire des forces du mal qui emprunte tous ses traits au monde de l’argent, du marché, de la bureaucratie et de la technologie la plus moderne?. Tout le problème est que la sorcellerie relève fondamentalement de l’univers du soup?on et de la [20] rumeur: le sorcier, le diable, c’est l’autre qui vous jalouse, qui vous vampirise et vous ??bouffe??. Pour sortir des impasses d’un fonctionnement ??à l’imaginaire?? où le sorcier et l’ensorcelé (les grands et les petits, les vieux et les jeunes, les citadins et les villageois) se renvoient la balle, les sociétés traditionnelles ont toujours eu recours à des médiations symboliques et à des procédures d’ordalie. Le défi qu’impose le nouveau contexte de globalisation et de mondialisation des forces diaboliques est bien celui de l’invention de nouvelles médiations symboliques en matière de contr?le du soup?on et de l’accusation, d’où sans doute le succès de toutes les formes d’exorcisme politique ou thérapeutique.Si l’univers des forces invisibles para?t relever ??naturellement?? - du point de vue de la rationalité occidentale - de l’imaginaire, autant dire de l’irréel, alors même qu’il nous parle de la réalité du pouvoir et des rapports de force entre les hommes, la symbolique de l’espace public souffre d’un biais contraire puisqu’elle se donne l’illusion de relever du réel-rationnel. Or, si des institutions sont directement attachées au ??domaine public??, ce qui garantit leur réalité, c’est la cohérence d’une symbolique se manifestant dans la fonctionnalité des dispositifs mis en place pour assurer la pluralité et la concurrence dans le système politique. Cette symbolique est en fait reliée à la conception de l’usage public de la raison développée par les Lumières et mise en évidence par les Encyclopédistes et par la tradition kantienne. Avec Hannah Arendt, Karl Otto Apel et Jürgen Habermas, cette conception est associée, à travers les concepts de communauté de paroles et d’éthique de la discussion, à notre vision de la démocratie et de l’espace public.Dans un Occident encore marqué par les Lumières, l’espace public est spontanément considéré comme l’essence du politique. Le cas échéant, on regrette sa désintégration au profit d’une ??publicité acclamative??? qui fait accepter par le public des décisions prises dans des cercles fermés. On considère l’espace public comme le lieu par excellence du politique et on tente d’en accro?tre la transparence. Appliqué aux pays du tiers monde, l’émergence de l’espace public s’inscrit dans une vision de modernisation politique. Dans ses analyses de la constitution symbolique de l’ordre démocratique et de l’espace public, Claude Lefort? donne un certain écho à la tension entre le symbolique et l’imaginaire évoquée ci-dessus. La charte symbolique de la démocratie suppose la désubstantialisation du lieu du pouvoir, l’épreuve de l’indétermination quant au fondement de l’autorité, de la loi et du savoir, mais elle risque à tout moment de dériver dans l’imaginaire du totalitarisme, dans le fantasme du peuple-un, [21] d’une identité substantielle et d’une communauté organique soudée à sa tête, d’un pouvoir incarné sans médiation et sans procédure et d’un ?tat délivré enfin du mal de la division. Par son refus d’une ??société divisée??, son souci de porter témoignage de ??l’unité organique du Peuple de Dieu, animé en sa diversité par un même Esprit??, en se démarquant de ceux qui sont victimes des puissances ténébreuses, le pentec?tisme évite-t-il ce type de dérive???Imaginaire diabolique et guerre spirituelleLa plupart des textes de ce recueil s’accordent sur la matrice globale qui structure l’imaginaire religieux du pentec?tisme. Schématiquement on peut le présenter comme suit. Le pentec?tisme se livre à un travail symbolique de fa?onnage des forces invisibles en les reprenant telles qu’elles se trouvent dans les systèmes en crise. Il remet en scène un univers populaire traité avec condescendance par les élites catholiques, protestantes et la?ques. Il prend au sérieux les ??esprits?? des religions africaines, afro-américaines et médiumniques et leur donne un nouveau statut en les assimilant à Satan. Il donne ainsi une forme manichéenne à la distinction faite entre ??forces du mal?? et ??forces du bien?? en mettant fin à leur ambivalence. Mais le pentec?tisme se présente, dans le même temps, comme capable, tel que mentionné par Droz? dans son étude sur le Kenya, de ??manipuler ces forces pour h?ter la venue du Royaume de Dieu??. Il prétend opposer aux ??forces du mal?? des ??forces du bien?? d’un pouvoir infiniment supérieur, une ??Puissance de l’Esprit?? mise au service de ceux qui sont persécutés par les ??forces du mal??. Que les ??forces du mal?? soient identifiées aux fétiches des cultes traditionnels ou, au contraire, aux objets du monde de la consommation moderne?, il s’agit d’en libérer ceux qui en sont possédés. Au plan de la scène de représentation du monde, la puissance de Jésus s’affirme dans un affrontement constamment renouvelé avec la réalité des ??forces du mal??, ce qui n’est pas sans introduire quelque doute sur la victoire finale et l’éradication définitive de ces forces. [22]Le pentec?tisme intervient essentiellement dans un univers de diabolisation. Dans certains cas, cet univers est particulièrement pesant comme le montre l’analyse de Corten sur Ha?ti où le protestantisme historique continue néanmoins à jouer un r?le important. Mais qu’il s’agisse de la mise en scène des entités traditionnelles et de leurs attributs (dieux du panthéon africain ou Mamy Wata et maris invisibles, qu’évoque Mary) ou des objets symboles du consumérisme moderne, le discours et les pratiques de dramatisation laissent place aussi à la parodie. C’est en ce sens qu’on peut interpréter certaines mises en scène de ??miracles de prospérité?? présentés par la télévision brésilienne (de la déchéance et de la ruine dans laquelle il se trouvait ??au fond du baril??, le miraculé ??qui a ouvert son c?ur à Jésus?? se trouve comblé fantasmatiquement de satisfactions matérielles: ??santé totale, deux entreprises, trois voitures, deux ou plusieurs maisons, vie conjugale idyllique?!!??)?. Devisch retrouve cet esprit de dérision dans le mimétisme des rituels des ?glises de l’Esprit du Congo. ??Les églises de guérison créent ainsi un miroir où le peuple peut s’observer lui-même dans les modèles de l’Occident et du parti-?tat??.Cet imaginaire religieux du pentec?tisme s’attache à donner un certain sens à la symbolique de l’espace public véhiculée par les institutions politiques plus ou moins importées. Plusieurs textes de ce livre raisonnent à partir de cette forme rationnelle et idéal-typique de la modernisation politique pour tenter ensuite de caractériser l’imaginaire de la ??guerre spirituelle??. Le pentec?tisme, ou certaines églises, contribueraient à édifier une société civile, permettrait d’élargir l’espace public?, serait en définitive, comme le suggère Gifford, dans le cas présent de l’Ouganda, un facteur de renforcement de la démocratisation. L’entrée sur la scène politique de leaders charismatiques associant la ??guerre spirituelle?? et la ??négociation corporatiste?? d’intérêts confessionnels qu’observe Bastian au Costa-Rica para?t témoigner surtout d’un rapport instrumental à la culture démocratique et à la représentativité citoyenne. Dans le cas d’Ha?ti analysé par Corten ou du Burkina Faso évoqué par Laurent, cette lecture modernisatrice s’avère encore moins évidente. Ruth Marshall, dans la conclusion qu’elle a pu développer dans un autre livre à partir de la situation nigériane, est plus nettement négative?: ??The Pentecostal “project” of remoralising the public sphere is not understood in terms of debate or négociation [23] with the other groups or associations who have their own contributions to make; rather, pentecostals want to colonise it completely???. Mary rejoint ici ce point de vue au regard du projet ??communautaire?? qui sous-tend l’investissement de l’espace public des médias par certains pasteurs pentec?tistes brésiliens en Afrique.La modification de l’équilibre des forces invisibles mis à mal par la crise des systèmes sociaux et le sentiment d’un renforcement de la corruption altèrent la crédibilité de la symbolique et notamment de la transparence de l’espace public. Les couches sociales, qui auparavant étaient accablées par une conception persécutive du mal, sont invitées à profiter de la protection de la puissance nouvelle. La participation à la politique et l’engagement sur la scène publique se font bien s?r sous la bannière de la ??moralisation?? de l’espace public. Mais cette ??moralisation?? dont il est question dans de nombreux textes de ce recueil ne peut être vue comme un programme politique, elle relève d’un imaginaire fondamentalement ambivalent dont la traduction sociale et éthique n’a rien d’univoque. Pour certains, l’imaginaire de la transparence est un ??trompe l’?il??, ce qui domine c’est une vision du politique réglée par les forces de l’invisible dont le ??protestantisme?? promet de sortir. Laurent parle de ??groupe de sortie du groupe?? - ou qu’il transcende - de Surgy parle d’un espace public transmué en ??monde spirituel??. Les contours mêmes des forces sociales et politiques en viennent à s’effacer, et on peut conclure dans ce cas à une espèce d’annihilation de la représentation du politique.Participation à la vie politiqueNombre des textes qui suivent portant aussi bien sur l’Amérique latine que sur l’Afrique montrent la participation croissante des pentec?tistes à la vie politique. On peut observer toute une échelle de gradation dans cet engagement. Au Gabon, où le président Omar Bongo, converti à l’islam, pour des raisons ??politico-diplomatiques??, est régulièrement réélu, l’absence d’alternance exclut tout investissement des pentec?tistes dans le jeu politique. Au Congo-Za?re, alors que les ?glises protestantes soutenaient traditionnellement le parti-?tat mobutiste, les ?glises de l’Esprit étudiées par Devisch mettent en scène dans leurs cultes une parodie des reliquats de celui-ci. Au Burkina Faso, la participation prend la forme de [24] l’acceptation par l’Assemblée de Dieu de diriger la Commission électorale indépendante. En Afrique du Sud, alors que non seulement le pentec?tisme ??classique?? mais aussi le zionisme se réfugiant derrière un apolitisme évangélique avaient soutenu dans le passé la politique d’apartheid, ils vont découvrir, au début des années 90, comme le souligne Anderson, ??leur potentiel pour changer l’espace public avec leur vote massif??. En Ouganda et au Kenya, ils offrent un soutien plus ou moins discret au pouvoir du président Museveni, sans que celui-ci ne les coopte, et du président Moi qui s’affiche comme converti.En Amérique latine, la participation à la vie politique va parfois jusqu’à la constitution de partis politiques évangéliques. C’est le cas notamment du Salvador, du Nicaragua et d’Ha?ti. L’exemple du Venezuela, étudié ici par Pollak-Eltz, témoigne du fait que l’échec électoral de ceux-ci n’implique pas pour autant leur expulsion du jeu politique. Leur r?le de soutien au chavisme (du nom du président Hugo Chávez élu en 1998) est reconnu. Au Costa Rica, analysé par Bastian, l’influence des évangéliques ne se limite pas au jeu des partis confessionnels et les demandes corporatistes religieuses se servent de tous les canaux. Au Costa Rica comme au Brésil ou au Pérou, cela devient de plus en plus un exercice obligé des candidats à la présidence de se présenter à des ??journées de prière?? rassemblant dans le stade national des milliers d’évangéliques.L’entrée des pentec?tistes en politique est souvent tributaire de l’évolution des rapports entre l’?glise et l’?tat, rapport parfois scellé par un Concordat comme en Ha?ti (1860) mais toujours très étroit dans ce continent tellement catholique. Même au Mexique où le mouvement de la Réforme de Juarez (1855-1867) marqué par l’anticléricalisme (en opposition aux conservateurs) établit une nette coupure entre l’?glise et l’?tat, il faut attendre le début des années 90 pour que les protestants soient vraiment reconnus par les pouvoirs publics. Au Brésil, c’est à l’occasion de la Constituante de 1987 où, à travers la définition de la liberté religieuse, s’esquissent de nouveaux rapports entre l’?glise (catholique) et l’?tat, que les évangéliques entrent en groupe organisé (bancada) au Congrès (32 élus). Aux élections de 1998, 49 protestants sont élus au Congrès; ils sont répartis en différents partis. Les dix-huit députés fédéraux élus avec l’appui de l’?glise universelle du Royaume de Dieu se sont finalement regroupés dans deux petits partis qui agissent comme un bloc au Congrès. Au Guatemela, l’entrée des pentec?tistes en politique - en fait, comme le souligne Pedron-Colombani, il s’agit d’une ?glise fondamentaliste d’origine californienne assimilée au ??néo-pentec?tisme?? (l’?glise du Verbe) - atteint les sommets de l’?tat avec l’arrivée au pouvoir suite à un coup d’?tat du général Efraín Rios Montt (1982-1983) et gr?ce au suffrage universel de Jorge Serrano Elias (1991-1993) (?glise El Shadda?). Là, une césure totale existe entre les positions idéologiques des milieux défavorisés [25] et d’origine indienne qui sont nombreux à participer à des ?glises pentec?tistes pratiquant par leur apolitisme une ??protestation symbolique?? et ce ??néo-pentec?tisme?? de classes moyennes porté dans sa lutte contre le mal à l’ethnocide.Mécanismes de régulation politiqueLes pentec?tistes ne pèsent pas seulement sur la politique à travers leur participation à la vie politique. Ils influent sur ce que les politologues depuis Max Weber identifient comme les trois paradigmes de la régulation politique, à savoir la contrainte, la légitimité et les intérêts?. Cette influence ne se limite aucunement à des moyens politiques institutionnalisés - programmes, demandes, négociations, etc. - mais opère à travers un monde plus global d’imaginaires politiques. Ceux-ci affectent les axes de la régulation politique à travers des fonctionnements discursifs mais aussi à travers le travail des rituels. L’étude de cette influence à travers l’examen des fonctionnements discursifs (à distinguer du contenu des discours) et des rituels est à peine entamée dans l’ouvrage collectif que nous présentons ici. Il s’agit là d’un véritable programme de recherche à long terme. Il est possible néanmoins de relever de fa?on intuitive quelques influences.Au niveau de la contrainte, on peut relever que les mouvements pentec?tistes se présentent comme une alternative par rapport à l’imposition d’une ??religion?? héritée des Pères ou de la colonisation, et une réaction au caractère hiérarchique des ?glises historiques. Chacun devient missionnaire et est censé pouvoir créer sa propre ?glise et échapper aux compromissions des ?glises instituées. Le ??monde?? est un monde de péché, de dépendance par rapport aux vices et aux intérêts auxquels l’individu est ??attaché??; la foi permet de se libérer de ses ??cha?nes??. Dans la plupart des textes, on note une nette évolution du pentec?tisme sur ce point. ?volution et non coupure à l’intérieur du pentec?tisme, comme le suggère un peu faussement la distinction entre ??pentec?tisme classique?? et ??néo-pentec?tisme???. Aussi bien en Afrique qu’en Amérique latine, les pentec?tistes, surtout lorsqu’ils sont amenés à prendre part à la vie politique, véhiculent une nouvelle vision du ??monde?? et une nouvelle représentation du possible et du pensable puisque qu’avec Jésus ??tout est possible??. Dans certains cas, c’est pour stigmatiser la dégradation de la [26] situation économique et le déferlement de la violence, comme cela peut être le cas au Brésil ou en Ha?ti, ou encore stigmatiser la pandémie du sida ou l’enlisement dans d’atroces guerres comme signes d’une malédiction. Comme le disent les enseignes de l’?glise universelle, ??Arrêtez de souffrir. Il y a une solution??. Dans d’autres cas, comme l’analyse Gifford dans son étude sur l’Ouganda, c’est un nouveau régime - celui de Museveni - qui apporte la confirmation qu’il existe une voie de sortie par rapport à la fatalité.Au niveau de la légitimité, les mouvements religieux de la mouvance pentec?tiste mettent en doute l’authenticité des symboles et la sincérité des croyances sur lequel se fonde le respect de l’autorité traditionnelle. Ce qui est visé à travers la lutte contre la corruption et pour la transparence, c’est la sincérité des acteurs politiques. Ces mouvements s’attaquent en quelque sorte au ??désenchantement du monde?? issu de l’hégémonie de la rationalité légale-rationnelle et de l’affaiblissement de ce que Legendre? appelle les ??effets de normativité??. Les textes de Oro et de Freston sur le Brésil montrent que si les évangéliques (cela désigne tous les protestants) ont parfois été accusés à leur tour de mauvais usage de fonds publics, ils parviennent à maintenir l’imaginaire de la transparence dans toute sa pureté.De ces textes se dégage le paradoxe de l’?glise universelle dont le discours prétend militer pour la transparence alors que son mode d’organisation est particulièrement opaque. Sans doute est-ce le sort de nouveaux mouvements religieux de se prétendre persécutés en même temps que d’être criminalisés?, mais si l’?glise universelle est capable de continuer à soutenir son discours c’est qu’elle dispose d’une ??machine narrative?? performante.Au Venezuela, comme le montre l’étude de Pollak-Eltz, c’est l’opposition proclamée par Chávez entre les corrompus et le peuple qui attire du c?té du leader populiste une partie des pentec?tistes qui sont pourtant généralement peu gauchistes. Au Gabon, au Burkina Faso et au Bénin, le pentec?tisme combat la corruption introduite par l’argent facile. ??Dieu est plus fort que l’Argent?? ou ??l’argent tue?? sont des formules qui permettent de mettre en évidence dans la conjoncture présente la croyance dans l’omniprésence du monde de Satan. En Afrique du Sud, le pentec?tisme se ??réveille?? d’un univers d’apartheid subjugué par les forces du mal. Il accorde, au moins pour ce qui concerne les ?glises africaines, une nouvelle légitimité à l’espace public - un espace où avec Mandela les Noirs sont là massivement.[27]Au niveau du paradigme des intérêts, les mouvements pentec?tistes contrent le dérèglement de la conciliation des intérêts produit d’une part par le décha?nement des conflits (et ils sont en général opposés à la rhétorique de la théologie de la libération) et d’autre part par la férocité de la compétition du marché (??l’argent tue??). Face à ces deux visions, le pentec?tisme propose une lecture irénique de la réalité selon laquelle les riches sont tout simplement comblés de la bénédiction de Dieu en même temps qu’il réactive continuellement les menaces en agitant l’imaginaire sorcellaire.La théologie de la prospérité couplée à la théologie de la guerre spirituelle est le corpus qui définit le contenu du discours pentec?tiste et surtout ??néo-pentec?tiste?? sur ce plan. Définition du contenu mais pas nécessairement du mode de fonctionnement. D’où aussi beaucoup de mésinterprétations. Il n’y a pas dans cette perspective une recherche angoissée des signes d’élection comme dans la conception calviniste qui, elle, préfigure ou exprime la compétition du marché mais au contraire une harmonisation par l’abondance. La misère, loin d’être rapprochée de la pauvreté évangélique, est vue comme l’?uvre de Satan. Il faut donc s’en libérer?!La prospérité se mesure d’abord à l’expansion des églises qui est vue comme un signe direct de la bénédiction de Dieu, même si Dieu peut soumettre le croyant et le pasteur ayant lancé une nouvelle église à des épreuves. Il en est question dans plusieurs textes de ce recueil. Mais, comme le souligne Droz, ??la vraie foi?? doit logiquement s’accompagner [n’est pas incompatible avec] d’un luxe ostentatoire??. Droz se demande si cette conception correspond plus à une Afrique urbaine où ce sont les couches moyennes qui sont touchées par le pentec?tisme. Mais c’est prendre le discours au pied de la lettre, car la prospérité est un imaginaire qui fonctionne sur les couches les plus pauvres, comme la passion pour la loterie ou la ??borlette?? (Ha?ti). Du reste en Amérique latine, comme le montrent Pollak-Eltz et Pedron-Colombani, on trouve des pentec?tismes pour classes populaires mais aussi pour classes moyennes.David Maxwell souligne de son c?té, dans une publication parallèle?, les réserves suscitées par l’importation de cet ?vangile de la prospérité au Zimbabwe au sein d’une population de fidèles plus soucieuse de sécurité et de santé que de prospérité, aspirant à un travail et à un bon mariage. Notons cependant que, malgré les fantasmes qu’elle agite, la théologie de la prospérité ne produit pas comme le calvinisme un cadre d’aspirations et de mobilité. Comme le souligne ici Mary, le fond du problème repose sur les malentendus et les suspicions que peuvent susciter la rencontre ou le télescopage entre l’imaginaire sorcellaire de la ??politique du ventre??, [28]et toute l’ambivalence qui entoure le statut de ceux qui ??profitent?? parce qu’ils se nourrissent des autres, et ce nouveau discours qui laisse entendre qu’on pourrait être puissant, riche et bon à la fois, avec la bénédiction de Dieu.Afrique / Amérique latine: des convergencesLes différences entre l’Afrique et l’Amérique latine sont considérables. Cela fait deux cent ans que l’Amérique latine tisse son imaginaire de légalisme et de réalisme magique sur un métier de juridisme, de positivisme et de médiumnité?: il en résulte des systèmes politiques dans lesquels les élites sont formées au jeu de l’usage public de la raison sur fond de décor baroque. Cela ne fait qu’une dizaine d’années que certains pays africains sont sortis, au moins formellement, du système de parti unique. Le maniement en trompe l’?il de l’espace public par les élites africaines, comme dit Laurent, est encore principalement à usage externe.On peut certes relever, malgré ces différences, des contemporanéités. Le pentec?tisme na?t en même temps en Afrique du Sud, au Chili et au Brésil. Ensuite, il pénètre gr?ce à quelques équipes de missionnaires américains en Afrique occidentale et en Amérique centrale dans les mêmes années 20, 30 ou 40. Il s’agit de missionnaires des Assemblées de Dieu, de l’Apostolic Church? ou de la Church of God mais aussi de missions suédoises. Alors que le pentec?tisme commence à prendre une force numérique en Amérique latine dans les années 50 et à s’identifier comme mouvement religieux authentiquement latino-américain avec Brasil para Cristo ou Deus e Amor au Brésil - c’est à ce moment que le pentec?tisme brésilien commence à s’étendre à ses voisins (Argentine, Bolivie, etc.et que, celui-ci s’avance en Afrique dans le cadre d’?glises prophétiques de la ??seconde génération???. L’exemple type est l’?glise du Christianisme céleste héritière des ?glises Aladura du Nigeria (1925) qui se répand dans toute l’Afrique occidentale et descend jusqu’au Gabon, au Cameroun, au Congo et au Za?re, et ouvre des paroisses partout en [29] Europe?. Mais à partir de 1980, on observe une plus grande convergence et une diffusion transnationale plus poussée encore de ce qu’on appelle les ??néo-pentec?tismes??. Au niveau de la recherche et au plan médiatique, le pentec?tisme ??sort du placard???!Bien s?r un aspect de la transnationalisation est tributaire d’une structure en réseau mise en place par les grands noms du télé-évangélisme international, à commencer par Billy Graham qui poussera en 1982 les ?glises évangéliques à sortir de leur quiétisme et de s’impliquer dans le ??monde???. Il s’agit à travers une ??somme de liens faiblement centralisés mais au demeurant largement fonctionnels dans la diffusion de valeurs et de pratiques??? d’organiser un réseau de diffusion ??remettant radicalement en question la logique hiérarchique, verticale et organisationnelle de l’institution???.C’est dans ce cadre que, partout en Amérique et en Afrique, se développent des croisades, se transmettent des programmes de télévision, s’articulent des projets d’édition de best-sellers symbolisés à un moment ou à un autre par des noms comme Jimmy Swaggart, Pat Robertson, Kenneth Copeland, Reinhard Bonnke, Paul Yonggi Cho... Ces évangélistes et beaucoup d’autres réussissent à attirer des foules immenses souvent réunies dans les stades nationaux; certains livres de piété publiés à des centaines de milliers d’exemplaires et traduits dans de nombreuses langues se retrouvent dans les plus petites librairies évangéliques?; certains programmes de télévision de ??guérison divine?? sont répandus sur l’ensemble de la planète et captés par antennes paraboliques ou diffusés par vidéo-cassettes (notamment le 700 Club de Pat Robertson). Aujourd’hui, ce sont tout autant les programmes de l’?glise universelle de TV Record qui circulent en Amérique latine et en Afrique. Les radios évangéliques empruntent une ??machine narrative?? à la fois transnationale et pourtant autochtone qui fait adopter partout un style presque identique de diffusion de témoignages, de récits de miracles, de prières et de chants.Enfin, en plus de ce réseau de diffusion, il y a aussi tout le réseau des associations dont le Full Gospel Businessmen’s Fellowship International (FGBMFI), fondé en 1951 aux ?tats-Unis et répandu à partir des années 80 dans beaucoup de pays d’Amérique latine et d’Afrique?, est la forme la plus connue. Au début proche des Assemblées de Dieu, l’association appara?t comme le vecteur par excellence de la théologie de la prospérité, [30] mais le tapage fait autour d’elle en fait une vitrine en même temps qu’un leurre.Dans la propagation simultanée du pentec?tisme ou du ??néo-pentec?tisme?? dans la plupart des pays d’Amérique latine et d’Afrique à travers cette structure en réseau mais aussi (surtout en Afrique) à travers l’implantation de nouvelles dénominations, il y a bien parfois l’effet d’une expansion d’?glises mères américaines - pour la plupart blanches, car l’?glise de Dieu en Christ, la grande ?glise pentec?tiste noire nord-américaine, n’a tout simplement pas les moyens financiers - mais dans chacun des pays, les pasteurs et les croyants se servent de ces moyens étrangers avec ruse. Depuis les travaux de David Stoll et Virginia Garrard Burnett, le lieu commun encore fermement ancré dans le grand public selon lequel le pentec?tisme ne serait que le sous-produit de la politique étrangère nord-américaine a été fortement relativisé?.On a montré depuis lors que les flux d’argent n’étaient pas toujours dans le sens qu’on croyait. L’?glise universelle du Royaume de Dieu (brésilienne) par exemple tient sa puissance financière d’un continuel travail de sollicitation auprès des populations pauvres brésiliennes, portugaises, angolaises, etc.?. Ce travail s’opère dans les églises. En fait, le travail principal dans le pentec?tisme se réalise dans les lieux de culte cela distingue d’ailleurs très fort le pentec?tisme du tiers monde et le pentec?tisme blanc nord-américain?. C’est dans les temples, à travers les prédications, les chants et les rituels que le pentec?tisme conna?t le test de son succès. Les chiffres globaux manquent pour quantifier l’expansion par continent. Notons simplement à titre d’exemple l’évolution dans deux grands pays d’Afrique et d’Amérique latine?: l’Afrique du Sud et le Brésil. En Afrique du Sud, étudiée ici par Anderson, la proportion de la population africaine adhérant aux ?glises africaines indépendantes (selon lui principalement de type pentec?tiste) est passée de 30% en 1980 à 46% de la population en 1991. Au Brésil, selon les recensements de la population, les pentec?tistes sont, en 1980, 3,3% de la population, en 1991, [31] 5,6%. En 2000, 8,8% des 170 millions de Brésiliens sont pentec?tistes (l’ensemble des protestants représente 11,7%). Mais partout la croissance est spectaculaire depuis 1980 comme on le voit dans les textes qui suivent.Plusieurs textes suggèrent une explication de cette croissance extraordinaire. L’analyse comparative permet de la rendre plus explicite. En Amérique latine, le pentec?tisme occupe un vide laissé par la fin du populisme et le retrait de l’?tat. En Argentine, Semán et Míguez observent que ??“les forces spirituelles” du pentec?tisme ont servi à récupérer une partie de la tradition péroniste menacée de tomber en désuétude et que, d’un autre c?té, les traditions péronistes ont servi à concevoir quelques structures organisationnelles des communautés pentec?tistes??. Au Venezuela, alors que le pentec?tisme des classes moyennes est plut?t apolitique, le pentec?tisme des milieux défavorisés a adhéré au discours de Chavez ??de lutte pour l’égalité des droits humains et contre la corruption??. Ce pentec?tisme a permis à des personnes de milieux défavorisés de se donner la sensation de participer à la politique; il s’est emparé du climat magico-religieux pour donner plus de relief aux enjeux politiques. Chavez lui-même est-il à l’abri du ch?timent de Dieu? Sa popularité charismatique ne risque-t-elle pas d’être démasquée s’il fait preuve d’opportunisme?? Le pentec?tisme introduit dans le populisme une touche de surnaturel.Le populisme en Amérique a une toute autre tradition que le populisme xénophobe tel qu’on le conna?t en Europe malgré quelques ressemblances?. Adulation du chef, discours polémique contre les riches et en faveur des défavorisés - les ??descamisados?? (les ??sans-chemises?? de Juan et d’Evita Pérón) -, méfiance vis-à-vis du cosmopolitisme des oligarchies, encadrement dans des organisations corporatistes, prise en charge de secteurs économiques par l’?tat mais aussi distribution de droits sociaux et d’une certaine couverture sociale ainsi que forte valorisation de l’éducation, tous ces traits du populisme ont, en même temps que l’urbanisation, transformé l’imaginaire latino-américain. Ces caractéristiques du populisme sont aujourd’hui traitées par le discours technocratique international comme un imaginaire régressif. On lui attribue tous les maux du clientélisme pourtant toujours aussi présent dans les sociétés soumises à la privatisation. Or, certains éléments du populisme se retrouvent bien dans le discours pentec?tiste. Ainsi, par exemple, cette manière de traiter le salut en termes de solution - ??Jésus est la solution?? - transpose la confusion entre le privé et le public caractéristique des mobilisations populistes. De même, la notion de ??peuple de Dieu?? fournit une matrice d’appropriation de l’héritage du péronisme. D’une manière plus générale, [32] la plasticité du pentec?tisme lui permet à la fois de fournir un espace d’accueil et d’expression des identités ethno-nationales (indiennes entre autres) tout en étant soup?onnée dans le même temps d’alimenter une sorte d’ethnocide culturel, de mettre en péril l’?me des cultures populaires (notamment afro-brésiliennes).En remplissant un certain vide laissé par le retrait du social, le pentec?tisme s’affirme comme donnant de la consistance à un imaginaire menacé par le désenchantement. Dans quelle mesure cet imaginaire fonctionne-t-il à la répétition du même?? Dans quelle mesure offre-t-il de nouvelles capacités d’imagination aux milieux défavorisés?? Le pentec?tisme joue bien un r?le qui dépasse de loin la place qu’il occupe dans les statistiques d’appartenance religieuse.? ce propos, une analogie peut être esquissée avec ce qui se passe en Afrique. Comme la fin du populisme dans les années 70, l’ouverture des conférences nationales et la fin (au moins formelle) des systèmes de parti unique à la fin des années 80 marquent une césure. Il n’est évidemment pas question d’établir un parallèle entre populisme latino-américain et système africain de parti unique car s’il y a bien dans les deux cas une certaine confusion entre ce qu’on appelle, dans l’imaginaire de la transparence, le privé et le public, cela répond à un découpage totalement différent. Ceci étant dit, on constate que l’essor du pentec?tisme des années 80 en Afrique est certes lié à la fin des interdictions opposées aux sectes mais qu’il remplit aussi un vide laissé par l’abandon (au moins formel) de la gestion ??familiale?? et patrimoniale de l’?tat. On peut sans doute faire une lecture de l’Ouganda, du Kenya, du Bénin et du Burkina Faso dans ces termes. D’ailleurs le succès du régime de Museveni en Ouganda décrit par Gifford et la bienveillance à son égard des milieux pentec?tistes ne sont-ils pas tributaires du fait que ce régime est un système de parti unique déguisé? Le succès du référendum du 29 juin 2000 et le rejet du multipartisme garantissent la poursuite du fameux système du ??mouvement??, dont chaque Ougandais est automatiquement membre, et une ??nouvelle forme de démocratie?? appliquée à tous les échelons de la vie publique du pays.S’il est clair qu’il y a des pentec?tismes parce que le pentec?tisme latino-américain a une autre tradition que le pentec?tisme africain, parce que le pentec?tisme d’origine nord-américaine est bien différent des pentec?tismes autochtones centre-américains ou des mouvements africains de ??type?? pentec?tiste, parce qu’il existe un pentec?tisme des milieux défavorisés et des classes moyennes (qui ont parfois un comportement politique inversé: apolitisme des milieux défavorisés au Guatemala et des classes moyennes au Venezuela), enfin parce qu’on distingue le pentec?tisme et le néo-pentec?tisme (dans lequel on met parfois des ?glises fondamentalistes charismatiques passablement éloignées de la tradition [33] pentec?tiste), on doit aussi relever dans une analyse plus globale des imaginaires une possibilité de convergence. Le ou les pentec?tismes dans leur essor des années 80 remplissent une fonction d’invention? de l’imaginaire social, là où celui-ci est éliminé par les transformations imposées par les programmes d’ajustement structurel. Centrer son attention sur cet imaginaire ou ces imaginaires en s’employant à les voir d’abord comme un mode dynamique d’ouverture du symbolique, de redéploiement de l’espace du possible, ne conduit pas à négliger les glissements vers la répétition du même qui, en l’occurrence, peuvent se traduire aussi bien par la dérive narcissique du populisme latino-américain que par les impasses identitaires de l’ethno-nationalisme à l’africaine. Ce livre se veut en définitive une analyse comparative des imaginaires politiques plus encore qu’un panorama du développement foisonnant des pentec?tismes. Il s’efforce de répondre à une attente justifiée. [34][35]Imaginaires politiques et pentec?tismes.Afrique / Amérique latine.PROLOGUEune ??grand-messe?? à NairobiYvan DrozRetour à la table des matièresUn ancien cinéma délabré dissimule une église qui se construit, littéralement de l’intérieur. En effet, à la place de l’écran, on découvre un chantier: une scène avec des murs en construction, représentant deux tours, une arche et l’ébauche de ce qui sera le bassin baptismal. Ce nouveau lieu de culte mesure près de quinze mètres de hauteur et peut accueillir plus de sept cents personnes. Le sentiment de se trouver au Moyen Age dans une cathédrale en construction envahit le passant égaré en ces lieux improbables. Certains murs du cinéma laissent encore appara?tre des traces de la peinture blanche et bleue qui égayait les séances cinématographiques d’antan, lambeaux d’un stupre passé. Les échafaudages, les murs vierges de crépi, les anciennes lampes en forme de toile et les ruines du faux plafond, composé de plaquettes blanches et bleues alternées, sont autant d’éléments qui accentuent l’impression de reconstruction: expression architecturale du renouveau charismatique.Les gradins, composés des anciens fauteuils de cinéma ornés de cendriers, sont quelque peu anachroniques dans une église pentec?tiste. Le seul mobilier approprié au nouvel édifice est constitué d’un pupitre orné d’une sobre croix, de huit chaises, vestiges de deux salles à manger différentes, et d’une effigie représentant un gladiateur armé d’un bouclier (scié dans les restes des lambris qui ornaient le cinéma) et d’une lance (un b?ton vaguement décoré de tissu rouge) ainsi que d’un immense glaive de carton; sa tête est une feuille de papier agrafée en forme de cercle où l’on a dessiné sommairement une expression sévère.On pénètre librement dans l’église, bien que toutes les allées et venues soient surveillées par les membres de la confrérie. Les fidèles sont abordés par un placeur qui leur présente un siège dans l’une des rangées de fauteuils, il s’agit là de l’unique pratique sociale à avoir traversé les divers usages du b?timent?! On remarque sur la scène huit personnes agenouillées [36] au pied des chaises de l’estrade; elles tournent le dos à la salle en tenant leur tête entre les mains. Une neuvième personne marche compulsivement de long en large sur l’estrade et semble fort préoccupée. Au début du service religieux, la salle ne compte que quatre-vingts individus, mais elle va se remplir progressivement jusqu’à compter près de trois cent cinquante fidèles. Les huit personnes agenouillées en prière (sept Africains et un Européen) sont les adjoints du pasteur: celui-ci leur tendra parfois le microphone pour qu’ils reprennent le sermon au vol.? dix heures, le pasteur - un Brésilien - commence le service religieux par des hymnes entrecoupés de sermons ponctués d’Amen?! et de Jésus?! Le pasteur fait participer la salle comme le ferait un politicien ou une vedette du show business: il annonce à voix basse, mais audible, les phrases de son sermon puis les reprend à voix haute suivi par ses ouailles: il joue avec les intonations de sa voix pour chauffer la salle, rugissant comme un lion mena?ant, parlant avec piété ou consternation, ou faiblement, la voix pleine de compassion. Parfois, l’expression est tellement rapide que le discours en devient incompréhensible, mais les fidèles le connaissent souvent par c?ur. De temps à autre, le rythme est plus lent et plein de suspens, l’orateur pose des questions et la salle répond Oui?!, Non?! Ou Jésus?! A d’autres moments, il demande à l’assistance de participer par des gestes: il faut alors claquer des mains, agiter un bras en signe d’assentiment, lever les deux bras au ciel pour recevoir la bénédiction de Jésus, mettre les mains sur le sommet du cr?ne pour sentir l’effusion du Saint-Esprit entrer en soi, faire mine de jeter ses péchés au loin d’un geste brusque ou encore trépigner avec rage, pour écraser le mal. L’assistance suit avec persévérance les injonctions du pasteur: elle se lève et s’assied, transformant le service religieux en un exercice physique. Le tout est fort mouvementé et quelque peu assourdissant, même si la sonorisation est, heureusement, d’une excellente qualité. En effet, le pasteur parle au moyen d’un microphone sans fil et une batterie de haut-parleurs à pleine puissance transmettant le discours et la musique.Le sermon rappelle parfois les morceaux de rap saccadés ou de chansons de musique rock ou pop des années 60 qui présentent le même rythme et le même jeu sur les intonations de la voix. Puis, le parallèle avec les commentateurs sportifs latino-américains surgit et le sentiment de suivre un match de football au moment où l’une des deux équipes se lance à l’assaut du but adverse est immédiat: le ton monte et vibre, comme si la libération ou le but était proche. Peu à peu, la salle se met au diapason et oscille au rythme de la musique, retient son souffle pour écouter la fin du sermon et vibre avec le pasteur. L’implication des ouailles et des pasteurs dans le service religieux est aussi physique et émotionnelle. ? la fin des bénédictions (il y en aura plusieurs), les membres de l’assemblée se tournent vers leur voisin et se serrent chaleureusement la main en disant?: ??Vous êtes sauvé maintenant?!?? ou ??Votre vie est bénie?!??[37]La vigueur avec laquelle le service est conduit suscite une autre comparaison: le pasteur, comme un chanteur de rock ou de variétés, gesticule en dansant, hurle dans le microphone avant de passer à des chansons tendres ou à des blues et annonce soudain un message plus ou moins politique. La transmission du microphone aux pasteurs auxiliaires au cours du sermon accentue ce parallèle: chacun d’eux reprend immédiatement le sermon là où l’avait laissé son prédécesseur et donne un nouveau rythme au chant, parfois plus grave, d’autre fois plus rapide, ou encore plus neutre, ce qui diversifie le c?té musical du sermon. En outre, le vêtement strict, mais élégant des pasteurs rappelle la sape za?roise et accentue le c?té variété du spectacle.Une fois la salle chauffée, le pasteur raconte dans un anglais approximatif accompagné d’une traduction simultanée en kiswahili l’histoire de David et Goliath: l’effigie du soldat romain qui se dresse sur la scène s’avère être celle du géant Goliath. Le pasteur explique à l’assemblée que chacun doit enfermer sa foi dans la pierre lancée par David, car la pierre représente Jésus. Les fidèles sont invités à construire un Goliath en ??condensant?? tous leurs ennemis et tout ce qui se met en travers de la réalisation de leurs désirs professionnels. Le pasteur annonce que, le dimanche suivant, chacun pourra jeter sa pierre contre Goliath et montre comment procéder. Avant de donner l’exemple, il chuchote dans le microphone ??Pourvu que je ne rate pas?!?? en éclatant de rire, il lance sa pierre et rate. Les gens sourient, trouvant la plaisanterie fort dr?le. Le jeu sur les émotions de l’assemblée est très élaboré et le pasteur dissimule une grande maestria sous ses airs de jouvenceau appliqué. Associée à la ferveur cathartique et aux intenses manifestations émotionnelles des fidèles, cette technique renforce l’efficacité symbolique de la prière: chacun des fidèles est placé, resitué dans le contexte originel de la guérison opérée par le Christ. La prière ainsi vécue devient une procédure de reconstitution symbolique du contexte des récits bibliques.Peu après, le pasteur annonce le don prochain de l’huile d’olive d’Isra?l qu’il est allé chercher le mois précédent à Jérusalem. Il explique alors comment procéder pour laver ses péchés gr?ce à cette huile bénite. Il recommande de s’en oindre le mardi (jour des malades), le jeudi et le samedi. Le dimanche suivant, les fidèles qui auront suivi ses conseils seront purifiés de tous les maux qui les frappent. A plusieurs reprises, il annonce le don imminent de l’huile avant de reprendre son sermon. L’huile est ainsi au c?ur du service religieux, comme le laissaient entendre les panneaux publicitaires posés devant l’église depuis une semaine.? la fin du service, les fidèles déposent sur l’estrade les enveloppes contenant la d?me, réclamée inlassablement par le pasteur au cours du service. Le lien avec le mont des Oliviers et le Christ est immédiat et ne [38] pouvait pas échapper aux fidèles, alors que l’insistance sur fonction fait référence à l’étymologie du verbe oindre qui correspond en hébreu au terme de messie. Gr?ce à cet enracinement dans l’étymologie et la mythologie biblique, le pasteur renforce le sentiment des fidèles de vivre dans le monde réenchanté des premiers temps, ce qui revient à associer la quotidienneté kenyane au monde biblique dans lequel Dieu est présent immédiatement par ses miracles. La foi dans la force du verbe divin va ainsi de pair avec l’interprétation littérale de la Bible, puisqu’il suffit de rejouer scrupuleusement les scènes bibliques pour que Dieu manifeste sa présence par une pluie de miracles. Constater cette présence immédiate, donc l’efficacité de la prière soulignée par les miracles, revient à reconna?tre la pertinence de l’interprétation littérale de la Bible.Avant le don de l’huile, le pasteur aborde le thème sensible des finances. Il explique que personne ne peut acheter le Royaume de Dieu avec des shillings kenyans, mais, comme tout le monde le sait, les finances sont importantes, même pour l’?glise. Ensuite, il rappelle que l’église est ouverte tous les jours et que les fidèles peuvent venir à tout moment s’y recueillir et participer à l’un des trente-deux services religieux hebdomadaires. Il ajoute que Dieu ne donne pas gratuitement, qu’il faut d’abord se donner à lui, faire don de soi à Jésus, faire le premier pas avant d’être récompensé au centuple. Donc, précise-t-il, les fidèles doivent faire un don pour recevoir l’huile d’olive d’Isra?l et le pasteur les y invite. Il demande à ses auxiliaires de déposer au pied de l’estrade deux tables sur lesquelles chacun pourra apporter son offrande et recevoir l’huile d’Isra?l. Nombreux sont ceux qui préparent un ou deux billets de vingt shillings avant de recevoir une enveloppe contenant un bon donnant droit à la fameuse huile. [39]Imaginaires politiques et pentec?tismes.Afrique / Amérique latine.Première partieAFRIQUERetour à la table des matières[40][41]Imaginaires politiques et pentec?tismes.Afrique / Amérique latine.PREMI?RE PARTIE?: AFRIQUE1“Le choix du monde spirituel comme espace public: L’exemple du Bénin.”Albert de SurgyRetour à la table des matièresUn pentec?tisme afro-chrétien élaboré au Nigeria fut le premier à s’introduire au Bénin à l’issue de la seconde guerre mondiale. Il avait vu le jour en 1931, à l’occasion d’un vaste mouvement de ??réveil??, par suite du rattachement à l’Apostolic Church? d’un groupe de prière? qui, en butte à la réprobation des autorités religieuses locales, avait jugé bon de s’affilier en 1923, à une secte fondamentaliste de Philadelphie (la Faith Tabernacle Congregation)?. L’?glise apostolique nigériane qui en résulta réalisa une première synthèse entre une tendance évangélique fondamentaliste et une tendance pentec?tiste. Elle s’implanta au Bénin, à proximité de la frontière, dès 1944, mais ne commen?a à s’y développer qu’une fois introduite indépendamment à Porto-Novo en 1956. Elle ne s’imposa donc dans le paysage religieux que plus de vingt ans après l’introduction dans la même ville de la première ?glise prophétique régionale (celle des chérubins et séraphins qui y avait été importée du Nigeria en 1935) et neuf ans après la fondation sur place (en 1947), de l’?glise du christianisme céleste, très largement inspirée de la précédente.[42]De cette ?glise apostolique, sortirent bient?t, par scission ou imitation, plusieurs autres ?glises: principalement la Christ Apostolic Church (fondée en 1940, mais peu diffusée au Bénin), la Redeemed Christian Church of God (fondée en 1944, modérément représentée au Bénin depuis 1990) et la Mission évangélique de la foi (fondée en 1955, introduite à Cotonou en 1980, comptant au Bénin plus de trente paroisses).Les ?glises se rattachant à ce premier courant pentec?tiste furent vite rejointes par une série d’autres ?glises dérivées d’une implantation missionnaire au Ghana de la même Apostolic Church du Royaume-Uni. Une émanation africaine de cette mission s’implanta à l’ouest du pays en 1952, puis à Cotonou dès 1955, sous le nom d’?glise de Pentec?te apostolique. La future ?glise évangélique de Pentec?te internationale s’en sépara dès 1975 avant d’être quittée à son tour, en 1991, par les fondateurs du Ministère de l’espérance. L’?glise de Pentec?te du réveil en sortit bient?t à son tour avant qu’une scission en son propre sein n’aboutisse en 1987 à la fondation, par rattachement à une ?glise du Za?re, de la Fraternité évangélique de Pentec?te en Afrique. A la suite d’un grave conflit d? à la revendication d’un de ses responsables à l’autonomie nationale, une ?glise de Pentec?te de la foi (actuellement près d’une centaine de paroisses) se sépara, en 1986, de ce qu’il en resta sous le nom d’?glise de Pentec?te au Bénin (dans les 125 paroisses).Les principales ?glises pentec?tistes blanches nord-américaines commencèrent peu après à se manifester elles aussi au sud du Bénin. L’?glise de la foi apostolique fut introduite à Cotonou, dès 1948, par un Togolais qui l’avait connue au Nigeria (où elle avait été implantée auparavant à partir du Ghana). ?tant donné son caractère assez singulier, elle ne connut cependant, à compter des années 70, qu’un développement modéré. Elle ne comprend aujourd’hui qu’une quinzaine de paroisses.L’?glise des Assemblées de Dieu, introduite au nord du pays, à partir du Burkina Faso, à la fin de la seconde guerre mondiale, ne s’activa dans la région de Cotonou et Porto-Novo qu’à compter de 1963, mais n’y prit également un véritable essor qu’après 1970, une fois formés plusieurs pasteurs indigènes. Elle revendique aujourd’hui plus de 125 paroisses. Une petite ?glise qui s’en inspira fut fondée dès 1970 sous le nom de Mission évangélique des gagneurs d’?mes. L’?glise évangélique internationale Foursquare, présente au Nigeria dès 1955, fit son apparition à l’est du Bénin en 1969 mais ne gagna Porto-Novo qu’en 1981, puis Cotonou en 1986. Elle affirme compter dans le pays jusqu’à 33 paroisses.De ces ?glises nord-américaines s’inspirèrent les fondateurs de nouvelles ?glises afro-chrétiennes. La célèbre ?glise biblique de la vie profonde (Deeper Life Bible Church) fut instituée à Lagos en 1982. Introduite à Cotonou en 1986, elle comptait au Bénin, huit ans plus tard (en 1994), 35 paroisses. De cette dernière (ou de la même source) s’inspira [43] également l’?glise de l’ascension du Christ (Christ Ascension Church). Reconnue au Bénin en 1994, elle n’y compte pour l’instant que deux paroisses.D’anciens membres de l’?glise du christianisme céleste convertis aux thèses des ?glises évangéliques fondèrent de leur c?té (outre des ?glises purement évangéliques) diverses ?glises modérément pentec?tistes. La plus importante d’entre elles est l’Union et renaissance des hommes en Christ. Instituée en 1973, elle revendique dans le pays une bonne centaine de paroisses. A la suite de diverses crises qui l’affectèrent à partir de 1985, huit petites ?glises du même genre en dérivèrent par sécession. La seconde est l’?glise africaine du réveil. Elle ne fut officiellement fondée elle aussi qu’en 1973, par séparation d’avec un groupe affilié à l’Association for Native Evangelism (constituée par l’évangéliste T. L. Osborn depuis 1953). Elle comprendrait une soixantaine d’églises locales. L’?glise messianique universelle (ne comptant que 7 paroisses) s’en sépara en 1985.En plus des ?glises précédentes, il faut signaler l’existence d’une bonne quarantaine d’?glises de petite taille, proliférant surtout depuis les années 80, dont certaines ne rassemblent qu’une poignée d’individus?. Les unes ont été inventées sur place?. D’autres ont une origine nord-américaine?. La plupart proviennent de pays africains voisins?. Le marché du religieux arrivant à saturation à partir de 1990, un bon nombre de ces ?glises récentes se livrèrent, pour recruter des fidèles, à une sorte de surenchère en matière de vivacité liturgique, de production de miracles et de manifestations du Saint-Esprit.Mentionnons enfin le Renouveau charismatique catholique qui, introduit à Cotonou dès 1978, rencontra dans le pays un immense succès. Il y compte vraisemblablement aujourd’hui plus de vingt mille adhérents. Gr?ce à lui [44] l’?glise catholique parvint à résister à la séduction exercée sur beaucoup de ses membres par les ?glises proposant à leurs fidèles le soutien de prières efficaces et l’expérience exaltante d’effusions de l’Esprit saint.Le recensement ayant eu lieu au Bénin en 1992 fait état?, sur une population totale de 4 421 094 habitants, de 1?156?398 catholiques, de 156?897 ??protestants?? (surtout des méthodistes dont le nombre avoisinait les 100 000 en 1996?, et sans doute à l’époque les 85?000?), et de 261?113 ??autres chrétiens?? (dont sans doute, à l’époque, 140?000 membres d’?glises prophétiques)?. Sur un total de 1?574?408 chrétiens, il aurait donc existé en 1992 environ 193?000 chrétiens autres que catholiques, méthodistes et membres d’?glises prophétiques. Parmi eux, le nombre de non-pentec?tistes (membres des ?glises rattachées à l’Union des ?glises évangéliques du Bénin, des ?glises baptistes, adventistes, etc., ainsi que de plusieurs ?glises africaines non charismatiques) avoisine probablement les 55?000?. Il reste donc un effectif d’environ 138?000 pentec?tistes.Dans l’attente de statistiques plus précises, il semble donc exister au Bénin à peu près autant de pentec?tistes que de membres d’?glises prophétiques (chrétiens célestes, chérubins et séraphins et apparentés)?. Ils y représentent environ 8,77% du nombre total de chrétiens et 3,12% de la population du pays. Un peu plus de la moitié d’entre eux appartiennent à [45] des ?glises, certes très rigoureuses, mais relativement modérées dans leur liturgie et leurs activités (Assemblées de Dieu, ?glise de la foi apostolique, la plupart des ?glises dont la dénomination inclut le mot Pentec?te, et Union et renaissance des hommes en Christ)?. Ces ?glises mettent surtout l’accent sur l’enseignement et l’intériorité de la foi, ne développent pas ostensiblement d’activités charismatiques et ne se lancent pas dans de tapageuses campagnes d’évangélisation.Les autres appartiennent à des ?glises plus affairées, soucieuses d’efficacité et enclines à l’ostentation, se rattachant au courant pentec?tiste afro-chrétien le plus ancien comme à l’activisme évangélique récent. De telles ?glises se veulent ??vivantes??, ??chaudes?? et combattantes. Elles mettent l’accent sur les manifestations spirituelles et les ??miracles??. Elles multiplient les ministères de guérison ou de délivrance, ainsi que (mues par l’Esprit de Pentec?te) les grandes ??croisades?? d’évangélisation?.Tous font effort pour occuper puissamment le champ social, mais ne se mêlent pas de politique proprement dite. On trouvera, ci-dessous, un essai de présentation de la mentalité qui gouverne leur attitude en ce domaine. Je dois avouer qu’il ne repose pas sur une analyse de comportements, de prises de position et de participations effectives à la vie publique, mais uniquement sur celle de prières, de prédications, de conférences, de brochures, d’articles de presse et d’interviews de simples fidèles comme de responsables paroissiaux.Préservation de la croyanceen une direction surnaturelle du mondeQu’ils soient pentec?tistes ou non, les chrétiens du sud du Bénin continuent de penser, comme leurs compatriotes vodouisants, que la partie visible du monde est l’aboutissement d’un processus de conception puis de gestation des phénomènes gouvernés par d’invisibles puissances, spirituelles ou surnaturelles.Selon le système de représentation traditionnel qui continue de les imprégner, non seulement la venue sur terre d’un être humain, mais encore [46] toute réalisation d’une possibilité se laisse décrire comme l’acheminement sur le territoire habité de quelque chose demeurant préfiguré, par delà l’horizon, dans le giron de la terre, sous forme d’embryon d’existence?. Un événement arrivé à terme a épuisé tout son potentiel d’actualisation. En quelque sorte il est mort. Tout se joue donc avant qu’il ne se manifeste au grand jour. Il n’est possible de le modifier qu’en amont, en intervenant dans ses mécanismes de production ou en empêchant certains agents indésirables d’intervenir à leur gré dans sa progression vers le monde.Du fait que l’homme est radicalement séparé depuis sa naissance? du lieu où les événements prennent source, il ne parvient à ma?triser conformément à son intérêt leur mise en route vers lui ou vers les êtres qui le concernent qu’en recourant à des puissances de l’au-delà. De telles puissances, capables de cultiver en son nom l’invisible champ des possibilités qui lui sont offertes, constituent l’essentiel de l’héritage culturel dont il dispose. Elles se présentent comme des divinités (vodou) largement autonomes, plus ou moins étroitement associées à ses ancêtres, parfois même identifiées à eux, ne se laissant pas moins influencer - et quasiment manipuler - à l’aide de symboles adéquats.Cependant, une fois amorcé, le processus de gestation des événements peut être bloqué ou perturbé par toutes sortes d’esprits disséminés dans l’espace intermédiaire: esprits de la nature, esprits de défunts non encore ancestralisés ou exclus du pays des ancêtres, forces magiques projetées par des vivants. Les puissances évoquées plus haut se montrant seules capables d’exercer sur eux une autorité lucide, ou d’indiquer par quel moyen les berner, c’est encore à elles qu’il convient de s’adresser pour favoriser l’arrivée des événements souhaitables ou écarter les événements f?cheux.Pour agir à bon escient sur les facteurs déterminants de son sort, faire de son existence une production intelligemment ma?trisée, signifiante de quelque chose d’autre, l’homme se trouve donc dépendant d’entités immatérielles extérieures et antérieures à lui, ne lui appartenant pas en propre. Il ne parvient à s’affranchir d’une condition initiale de simple objet de la nature qu’en manipulant rituellement les relations qu’il lui est permis d’établir avec des puissances qui le dépassent, bien que la plupart d’entre elles aient été placées à son service. Toute action qui ne prend pas source en de telles puissances, autrement dit qui ne survient pas en réponse à un acte religieux, est une action illusoire. Elle est impuissante à modifier le cours des choses par lequel, comme dans un torrent, tout organisme [47] vivant se trouve malgré lui emporté. Elle ne grandit pas son auteur. Elle n’en accro?t ni la force spirituelle, ni la renommée, et n’améliore en rien son futur statut d’ancêtre.Opposition farouche aux puissances de la religion traditionnelleSans renier, pour l’essentiel, une telle conception de l’homme dans le monde, les chrétiens se distinguent radicalement des non-chrétiens par leur volonté de ne plus s’adresser qu’à une seule puissance divine surpassant infiniment toutes les autres: celle du Fils de Dieu descendu montrer la voie aux hommes en prenant corps parmi eux. Ils réagissent, ce faisant, contre l’habitude adoptée par leurs ancêtres de se placer sous la protection de puissances particulières défendant sans scrupules les intérêts de leurs adeptes au détriment de ceux des autres, consentant très volontiers à agresser des ennemis, à humilier des rivaux ou à punir férocement ceux qui portent atteinte à l’équilibre me les manières de traiter avec de telles puissances ne sont connues que de quelques initiés, investis de privilèges sacerdotaux, chacun ignore quelles sont celles dont ses voisins disposent tout en les sachant capables de lui compliquer la vie ou de l’agresser. Il en résulte une méfiance généralisée entre les individus et les groupes sociaux, qui avait autrefois le mérite de calmer les ambitieux et les malfaiteurs. Cependant une telle dissuasion par la terreur, favorisant le repli sur soi et l’immobilisme, tout en détournant vers des pratiques occultes une grande part des énergies humaines, est difficilement acceptable par une nation moderne, soucieuse de faire coopérer une multitude de travailleurs de plus en plus spécialisés et encourageant, comme moteur de développement, une émulation ne pouvant que susciter de nombreuses jalousies.Les chrétiens s’accordent à y voir une entrave au bon développement du pays. Parmi eux, les membres des ?glises de ??réveil?? se montrent les plus intolérants à l’égard de la culture de leurs a?eux. Ils accusent de connivence avec le Diable les puissances à l’aide desquelles elle se perpétue et qu’elle encourage à solliciter, et appellent à les combattre implacablement.-J’estime que les cultes traditionnels ne permettent pas à l’homme d’évoluer.-Les cultes traditionnels poussent les gens à faire du mal à leur prochain. [48]-Je déteste les cultes traditionnels. Ils sont source de gaspillage d’argent et constituent des tremplins pour les forces maléfiques?.-??Les Africains commencent leur vie par une malédiction puisque, quand nous naissons dans nos familles, nous y trouvons des coutumes et des traditions. Ces coutumes et ces traditions sont des malédictions que Satan a introduites dans nos familles.??Nous devons couper les liens avec nos a?eux. Alléluia... Les fétiches que nous possédons, les idoles que nous avons, ce sont des malédictions qui bloquent tout chemin, qui bloquent tout progrès... Toi qui es chrétien... si tu continues à te conformer aux coutumes et aux traditions, à manger les viandes du Diable, cesse maintenant dès ce soir.??Certains d’entre vous ne sont pas de vrais chrétiens. Ils sont toujours des Béninois. Moi, je peux être né Za?rois, mais j’écrase ma culture, mes traditions, pour sauver mes frères et mes s?urs. Voilà ce qu’il faut faire. Amen???.La conversion au christianisme marque une rupture avec le souci de tenir dissimulées les protections et les armes spirituelles dont chacun dispose. Alors qu’un responsable de vodou garde soigneusement pour lui les secrets qui lui ont été transmis, un chrétien s’emploie à proclamer partout l’?vangile. Il ne dissimule nulle part, dans la masse de quelque objet ou sous un autel, des moyens spéciaux d’accès à son Dieu, analogues aux ingrédients des fétiches. Il n’emploie pas, pour l’évoquer, de dangereux noms magiques. Les cultes auxquels il participe, et les enseignements qu’il re?oit, demeurent ouverts à tous. La propagation de sa foi n’est restreinte par aucune limite familiale, ethnique ou nationale.Sous l’égide d’un tel Dieu, une fraternisation sans borne devient possible. Corrélativement, l’histoire cesse d’être cyclique. Elle est orientée vers l’instauration sur la planète entière de l’autorité du Christ. La notion de progrès s’impose, mesuré à la proportion des baptisés et à leur fidélité, autrement dit à l’extension et à la vertu de l’?glise. Chaque croyant est invité à y contribuer en arrachant les populations à leurs ??ténèbres??, en les libérant de leurs jalousies, de leurs méfiances et de leurs haines, pour leur enseigner l’amour, le respect d’autrui et les bienfaits de l’entraide mutuelle.Les pentec?tistes évangéliques se distinguent, là encore, par leur activisme. Ce sont eux qui défendent avec le plus d’intransigeance cet idéal de simplicité spirituelle (en se refusant à toute interposition d’intermédiaires tels que des prêtres ou des saints, entre Dieu et le c?ur de [49] l’homme; en rejetant les images de culte, les symboles mystérieux, les accessoires liturgiques et même de simples ornements), de divulgation totale de la source de force à laquelle ils puisent (en revendiquant le libre examen par tous des Saintes ?critures) et de ralliement à elle d’un maximum d’?mes (par des croisades d’évangélisation remplissant des stades entiers). Ils reprochent aux responsables des religions plus anciennes de se comporter en gestionnaires prudents d’institutions religieuses et non en ap?tres vertueux, de ne plus lutter sérieusement contre le Diable et de faire preuve d’une indulgence coupable à l’égard de trop nombreux fidèles qui continuent de fréquenter les cérémonies ??pa?ennes??.Le combat méritoire contre les puissances des ténèbresRedressés par l’Esprit dont ils aiment se pénétrer, les pentec?tistes s’indignent plus que d’autres de voir les groupes sociaux dépenser tant d’énergie en luttes ou intimidations respectives pour tenter de mettre ou conserver la main sur des richesses dont Dieu seul est le légitime propriétaire. Ces groupes, estiment-ils, ont vocation à être pacifiquement intégrés dans une communauté universelle, animée par un même Esprit capable de réduire à néant leurs prétentions égo?stes. En effet la vraie civilisation est celle qui permet de coordonner les efforts de tous au service du bien commun en les mettant en valeur les uns par les autres. Le stade ancien de société qui induit chacun, lorsqu’il ne mène pas campagne, à n’exister qu’avec la plus grande précaution, à demi calfeutré dans son terrier, doit être dépassé. Il ne saurait donc y avoir de solution durable que par abolition définitive du système religieux correspondant.Engagés dans un combat sans merci contre les puissances destinataires des cultes traditionnels, ils jugent paradoxalement inutile de leur accorder la moindre considération. Les mettant toutes dans le même sac (en les englobant dans le camp de Satan), ils se bornent à en dénoncer le caractère malsain, expliquant que leur entretien n’aboutit qu’à prolonger les situations conflictuelles, au lieu de les résoudre, en alimentant l’espoir de parvenir à contrecarrer, gr?ce à elles, à son avantage, les projets des autres.? quoi bon en effet faire effort pour identifier de telles puissances?? Aucune force, aucune intelligence humaine, n’est capable de les affronter avec succès. Quiconque veut y parvenir doit renoncer à faire usage de sa propre force pour se remplir de celle que l’Esprit saint lui accorde et l’utiliser non pas comme il le juge bon, mais selon les directives de Dieu lui-même.La lumière divine qui s’établit alors sur le monde ne permet pas d’en distinguer les contours. Elle absorbe en elle leur nature bénéfique et révèle, [50] pour le reste, qu’il ne s’agissait que d’ombres, d’entités fantasmatiques ne pouvant inspirer de terreur qu’aussi longtemps que les ténèbres persistaient. Aussit?t que le jour s’impose, les silhouettes correspondantes se replient dans l’ab?me, au fondement terriblement réel du monde où la lumière ne pénètre point et d’où elles resurgissent à la moindre occultation de l’Esprit.En se délectant de prières d’intercession et de délivrance, les pentec?tistes donnent souvent l’impression d’avoir l’esprit moins préoccupé par Dieu que par des entités maléfiques ou prétendues telles auxquelles ils confèrent malgré eux un étrange relief. Cependant, ils ne peuvent mener à bien leur combat contre les forces des ténèbres qu’une fois remplis de force divine. S’opposer constamment à Satan va donc de pair avec un plein épanouissement spirituel et social par effusion renouvelée de l’Esprit saint. Jésus-Christ, qu’ils entendent imiter, n’a-t-il pas été envoyé au monde pour y combattre le royaume du Diable et s’y imposer à terme comme Roi des rois?S’il est vrai qu’une révolution culturelle est ardemment désirée par eux, elle passe, de leur point de vue, par une révolution religieuse impliquant l’éviction des anciens cultes. La menace constante d’une réactivation de ces derniers, ou de leur réapparition sous de nouveaux déguisements, exige de la part de ??soldats de Dieu?? une vigilance constante.Redressez-vous. Appelez vers vous la lumière divine, et ouvrez les yeux, semblent-ils nous dire. Alors tous les démons qui s’opposent à l’instauration d’une communauté mondiale fondée sur l’amour seront aussit?t terrassés.Le dégo?t des pentec?tistes pour la politiqueEn règle générale, les pentec?tistes se détournent de la politique. Elle leur semble faite par des individus souvent compromis dans des affaires de corruption et de trafic d’influence, plus dévorés par l’ambition ou des idées fanatiques que par le souci de servir le peuple. Elle ajoute aux rivalités familiales, ethniques ou professionnelles des rivalités de partis.? leurs yeux le débat public est trompeur. Ceux qui s’y font entendre dissimulent les raisons profondes de leurs discours. Ils restent mus par leurs intérêts et leurs passions. Leurs affrontements oraux ne sont jamais que la partie perceptible d’un rapport de forces demeurant par nature invisibles ou volontairement masquées.L’espace public de la démocratie s’avère être investi par d’obscures et inavouables puissances dont le jeu entrave non seulement l’élévation de [51] l’?me vers Dieu mais encore, de ce fait, la soumission du monde à la seule autorité capable de l’orienter vers le bien. Ce n’est pas à son niveau qu’il convient d’agir, mais, par-delà l’écran qu’il constitue, à celui où les forces d’incitation au péché sont susceptibles d’être réduites. L’action politique doit donc être d’abord spirituelle. Il importe essentiellement de changer les c?urs, d’y imposer silence à Satan, ma?tre et incitateur de tous les mauvais penchants, pour y faire tr?ner Jésus-Christ.L’arme essentielle dans la lutte politique est donc la prière.- ??Seigneur, nous savons que tu es la solution à tous les problèmes de ce monde...??- Le r?le du chrétien est de prier, beaucoup prier, et aussi je?ner pour que les choses aillent mieux dans le pays.Un chrétien doit contribuer au bon développement du pays par la prière. Il doit prier pour toute la nation. Il doit prier pour que les politiciens se comprennent, pour qu’il n’y ait pas la guerre, pour qu’il y ait de l’argent pour tous.Il faut prier pour s’opposer aux envo?tements et aux sorciers:- Prier pour délivrer les fidèles et exorciser le pays afin de faire régner la paix à laquelle Satan s’oppose.- Si le christianisme, à l’image de l’Union et renaissance des hommes en Christ, peut guérir des envo?tements, sauver nos enfants de la mort et de la sorcellerie, il aura contribué au développement du pays.Il faut prier pour la paix, notamment quand elle se trouve menacée.- Le r?le fondamental du christianisme est de prier pour la paix, l’entente, l’amour du prochain, sans lesquels il ne pourra y avoir de bon développement du pays.??Nous allons une fois de plus prier pour le pays en entier... Nous allons demander à Dieu que tous les plans de Satan et de ses démons, visant à semer le trouble dans ce pays, soient anéantis. Amen... Nous allons demander à Dieu vraiment de camper autour de notre pays pour que nous puissions, en paix, y mener à bien nos entreprises???.Il faut enfin prier pour que les décisions des dirigeants du pays leur soient exclusivement inspirées par Dieu.??Nous allons prier pour notre président, pour tous ses ministres, pour tous les dignitaires de ce pays, pour tous ceux-là qui nous dirigent. Nous allons demander leur conversion... Nous allons demander à Dieu de les [52] rencontrer comme il a rencontré Paul sur le chemin de Damas. Amen. Et qu’ils puissent recevoir Jésus-Christ comme leur sauveur. Nous allons également demander à Dieu qu’il atteindra la crainte de Dieu dans la gérance des affaires de ce pays. Amen. Nous allons demander encore à Dieu que le Seigneur nous donne vraiment de trouver gr?ce à leurs yeux afin que nous puissions mener une vie paisible dans cette nation et que l’?vangile puisse y aller de l’avant???.Les pentec?tistes sont opposés à la lutte entre classes sociales, entre ethnies, entre nations et entre partis politiques défendant avant tout les intérêts de leurs clientèles électorales.De la politique en tant qu’art du compromis pour faire coexister dans un même espace des groupes d’intérêts divergents, ils s’écartent précautionneusement. Ils ne veulent plus en effet d’une société divisée en ??factions se tenant mutuellement en respect par la menace de vengeances occultes. Ils rêvent d’une société harmonieuse, semblable à un bel organisme vivant, où chacun trouverait à exercer pleinement les talents qui lui sont propres.Un tel organisme ne saurait être animé par une multitude d’esprits indépendants, mais par un même esprit incitant chacune de ses cellules à se rendre utiles aux autres. Il s’agit idéalement du corps mystique du Christ, c’est-à-dire de l’?glise universelle diversifiée en institutions et églises locales possédant chacune leur spécificité, toutes aussi nécessaires les unes que les autres à l’?uvre commune?.Le seul objectif convenable leur para?t donc d’accro?tre l’?glise en évangélisant le monde entier.- Pour faire évoluer ce pays, les chrétiens doivent essayer de faire conna?tre l’?vangile aux pa?ens.- Pour contribuer à une bonne évolution du pays, le chrétien doit évangéliser. Il doit dire à tous les bienfaits de Dieu.- Si nous suivons correctement la Bible, nous serons tous unis et nous nous aimerons les uns les autres. [53]Pour donner l’exemple et porter vraiment témoignage de ce qu’est un corps social vivifié par l’Esprit, ils se mettent à part des autres hommes qu’ils jugent livrés aux puissances ténébreuses. En marge de la société profane, ils se constituent en communautés saintes obéissant à une tout autre logique, persuadés que seules de telles communautés leur permettront de survivre aux désastres qui sont proches. Ce retranchement, et le mépris qu’ils affichent pour une sagesse du ??monde?? qui n’est que prudence d’hommes sans foi à l’égard des forces maléfiques, leur valent parfois de faire figure de sectes contre lesquelles il est bon que la société se protège. Ils demeurent pourtant puissamment préoccupés par le salut spirituel et matériel des autres, se révèlent ainsi largement ouverts sur le reste de la société et méritent d’autant moins les reproches habituels que l’on fait aux groupes sectaires qu’à leurs yeux l’expérience de l’Esprit l’emporte infiniment sur toute adhésion à une doctrine et que nul de leurs pasteurs ne saurait se substituer à Jésus-Christ comme chef de l’?glise.Localisation de l’espace publicdans un au-delà spirituel purifiéLes débats politiques n’étant pour eux que l’expression sans grande conséquence de tractations et de conflits ayant déjà été réglés dans les coulisses, hors de vue de citoyens mal informés ou trompés, c’est dans le domaine des ??forces de l’invisible?? qu’ils estiment devoir agir pour réformer la société. Néanmoins ils ne veulent pas le faire à l’ancienne, mystérieusement, en se cachant de leurs voisins, mais au vu de tous, en pleine lumière. Ils se représentent l’univers spirituel comme le seul qui soit entièrement accessible à la clarté. ? l’inverse, derrière les apparences qu’il revêt, le ??monde?? demeure irrémédiablement opaque, car d’aveugles forces de progrès, de désordre et de corruption travaillent sourdement les corps qui l’occupent.La ??chair?? ne saurait être transparente. De la transparence ne peut régner que dans l’espace, parcouru de souffles, intermédiaire entre la surface terrestre et les hauteurs éthérées du Ciel. Cependant elle n’y devient effective qu’après que les ténèbres y ont été vaincues, les ombres chassées, et les volutes de brume évaporées, autrement dit une fois que le Diable en a été évacué par l’Esprit saint.Un tel espace, lieu naturel des brouillards et des tempêtes, se métamorphose dès lors en un lieu de rencontre et d’enrichissement mutuel où l’on ne cherche plus à s’affronter en des débats passionnés mais à s’abreuver à une même source d’énergie vitale. La souveraineté n’y est pas orgueilleusement revendiquée mais rendue au Seigneur. La confrontation et la négociation s’y effacent au profit de la communion. [54]La seule politique à promouvoir est donc celle qui s’accomplit au sein de l’?glise. Les fidèles ne s’y rassemblent pas pour discuter des décisions qu’il leur semble bon de prendre, mais pour réfléchir à la meilleure fa?on de se mettre ensemble au service de Dieu, s’entraider à mieux comprendre sa Parole, dialoguer avec lui par la prière, en recevoir de la force et parfois aussi des directives précises, intercéder enfin pour leurs ??frères??, leurs voisins qui vivent dans l’ignorance, et même leurs ennemis, en appelant sur eux l’Esprit divin.Une telle ?glise n’est pas une assemblée démocratique mais théocratique. Certes chacun y est l’égal des autres en tant qu’objet de l’amour de Dieu. Il y a droit à la parole et est invité à s’y rendre utile. Cependant il possède des capacités distinctives qui le prédisposent à exercer telle fonction (de direction, d’enseignement ou de service) plut?t que telle autre. Les responsables n’y sont pas élus: Dieu lui-même les choisit en leur faisant manifester des dons adéquats ou en poussant des prophètes à les désigner publiquement?.Le mode d’engagement pentec?tiste dans les affaires du mondeDeux orientations se font jour au sein du mouvement pentec?tiste. La première, convenant à des tempéraments introvertis, met l’accent sur l’expérience spirituelle, l’assistance aux cultes, la purification par le je?ne et la prière. Ceux qui la suivent songent avant tout à se préparer pour le Ciel en se soutenant mutuellement pour traverser sans faiblir les épreuves terrestres. La seconde, convenant à des tempéraments extravertis, met l’accent sur l’évangélisation et sur l’amendement de la société humaine pour la préparer comme il se doit à accepter la royauté du Christ. La réussite d’une telle t?che, impossible à accomplir sans ressources divines, fait premièrement honneur à Dieu lui-même.Ces deux orientations sont complémentaires comme le sont les ordres contemplatifs et les ordres séculiers, les premiers spécialisés dans la recherche des sources de l’énergie spirituelle et sa distribution au reste des hommes, les seconds dans l’utilisation de cette énergie à diverses fins salutaires. [55]Les ?glises ou ministères qui suivent la première ne se mêlent en aucune fa?on des affaires publiques, mais il n’en va pas de même des autres dont les membres se posent volontiers en conquérants et réformateurs du monde pour le Christ. Ces derniers aiment faire valoir qu’une multitude de bénédictions pleuvent sur les individus dont la relation à Dieu est excellente. De telles bénédictions ne sont pas à négliger. Elles ont le mérite de rendre le christianisme attractif. Néanmoins, pour renforcer cette attraction, ils s’imposent de donner partout le bon exemple.- Pour contribuer positivement à l’évolution du pays, un chrétien doit être exemplaire... Il doit chercher à prendre en compte l’intérêt national et non son seul intérêt personnel.Ils cherchent à devenir partout les plus efficaces et à occuper le maximum de postes clés. Tel leur para?t être, en effet, le meilleur moyen pour que des pratiques chrétiennes s’imposent, au bénéfice de tous, dans le gouvernement du pays comme dans la gestion des affaires.??L’?glise n’est pas une salle d’attente pour aller au Ciel, mais un laboratoire de gouverneurs pour changer les nations...Jésus nous encourage à être offensifs...Beaucoup de chrétiens aujourd’hui se comportent comme des réfugiés dans une arche. Ils attendent à l’intérieur en chantant des cantiques. Ils disent: “Seigneur, tu peux venir, nous sommes prêts, envoie la pluie”. Le Seigneur leur répond: “Non, vous vous êtes trompés d’époque. Mon plan n’est pas celui-là. Sortez de votre arche, de votre sécurité. Ma volonté est que vous fassiez de toutes les nations mes disciples”.- L’?glise n’a pas de stratégie terrestre. Elle est prête à perdre en ne songeant qu’aux choses du Ciel. Quelqu’un a dit: “Si Dieu ne t’a pas encore pris pour aller au Ciel, c’est qu’au Ciel il n’y a pas de problèmes”. Les problèmes sont sur la Terre, mais l’?glise abandonne la Terre au lieu d’avancer. Elle gémit au lieu de prier. Elle ennuie au lieu de passionner. Si ?a continue, dans quelques années, toutes les professions de médecins, d’avocats, de professeurs, d’ingénieurs, de producteurs de films..., ces professions qui exigent un travail long et hardi, seront entre les mains des gens qui ne craignent pas Dieu...Ayons une attitude conquérante. Soyons des chrétiens engagés... Celui qui a compris qu’il fait partie du corps du Christ doit chercher à le glorifier en devenant le plus recherché dans sa profession. Même dans le domaine des médias, il faut que nous soyons à la tête, et non à la queue... Considère-toi dès ce soir comme le chef des réformateurs du monde...Comment édifier le corps du Christ avec des mendiants, des paresseux, des gens qui ne sont pas formés pour bien faire leur travail??... Nous n’avons pas besoin de gens qui, dans l’?glise, espèrent profiter avant tout [56] de la générosité d’autrui. En plus de pasteurs, nous y avons besoin d’ouvriers compétents dans tous les domaines: de médecins pieux, de mécaniciens pieux, de chauffeurs pieux... Car lorsque le travail est bien fait vous constatez que les non-chrétiens sont attirés???.- ??La plus grave des maladies est la médiocrité. Dieu veut que tu sois le meilleur car l’excellence est le signe que c’est bien lui qui travaille à travers toi. Il importe par exemple que les policiers et les douaniers non corrompus soient des chrétiens...Dans les ministères, dans la finance, au sein des familles, à tous les postes de responsabilité qui permettent de changer la société, dis-toi que Dieu a un r?le à te confier???.- ??Plus de médiocrité. Dieu ne veut plus d’un peuple de médiocres... Soyez les premiers et non les derniers. Dieu ne veut pas de chanteurs, de prédicateurs, de présidents, etc., qui soient des médiocres???.Mais, selon certains, l’exemplarité individuelle des chrétiens et leur présence à des postes de responsabilité doivent être complétées par la création de sociétés industrielles ou commerciales chrétiennes, avant tout placées au service des chrétiens, dont les bénéfices pourraient être mis à profit pour l’expansion de l’?glise.En juin 1997 fut ainsi créée à Cotonou une Coopérative chrétienne d’épargne et de crédit. Les ??frères et s?urs des communautés évangéliques?? étaient invités à y effectuer des dép?ts afin qu’elle devienne rapidement capable d’octroyer des prêts pour la promotion des plus démunis.Un jeune comptable originaire de Porto-Novo, affilié à divers mouvements de jeunesse africains et membre de la Communauté internationale des hommes d’affaires du plein ?vangile, fonda en 1990 le Ministère d’évangélisation par la prière (MEP), puis l’année suivante le Groupe de représentation industrielle et commerciale pour l’évangélisation (GRICE) qui se fixa pour objectif de promouvoir la création d’entreprises rentables dont les dirigeants accepteraient de verser au MEP la moitié de leurs bénéfices pour soutenir son action d’évangélisation et ses mesures de soutien financier aux ??frères?? en difficulté. En 1995 il devint en outre président de la section béninoise de la Chambre de commerce chrétienne internationale (International Christian Chamber of Commerce)?.[57]Dans le journal L’Agneau d’avril 1996, il nous présente cette Chambre de commerce comme:??...un regroupement d’hommes d’affaires chrétiens qui ont été appelés par le Seigneur à mettre leurs entreprises au service du Seigneur afin qu’il puisse s’en servir comme une plate-forme pour préparer son retour... un formidable réseau mondial d’entreprises se soutenant mutuellement sur le plan matériel et spirituel tout en étant entièrement consacrées au Seigneur et conduites par lui??.Elle se proposerait en priorité d’identifier et propager ??tous les enseignements du Seigneur en matière d’affaires: en matière de crédit, d’aval, de caution, etc.??. En effet, affirme-t-il dans le numéro de juillet 1997 du même journal?:??Le chrétien ne doit pas chercher à s'enrichir illicitement... Il doit bannir de sa vie une mauvaise pratique, une certaine contrebande, une certaine corruption ou une certaine manière de faire des affaires à la manière du monde??.??(Au Bénin) le Seigneur est en train de susciter des hommes et des femmes qui ont réellement la volonté de sacrifier leurs affaires au Seigneur, tout ce qui constitue leur propriété. Le Seigneur veut les bénir, mettre de l’ordre dans leurs affaires, ensuite les élever en les faisant prospérer afin qu’ils soient le secours de Dieu pour son peuple?; des gens capables de pourvoir au financement de l’?uvre de Dieu et constituer une plate-forme matérielle pour le retour de notre Seigneur Jésus-Christ??.Prenant modèle sur l’?glise primitive où ??personne ne disait que ses biens lui appartenaient en propre mais que tout était commun entre eux??, il estime qu’un tel amour, une telle solidarité, devraient aussi s’imposer de nos jours?:??Gr?ce à cette Chambre de commerce chrétienne internationale dont le réseau couvre plus de 75 pays, les hommes d’affaires chrétiens béninois seront amenés à travailler rien qu’avec des hommes d’affaires chrétiens fran?ais, allemands, belges, etc. Peut-être que nous arriverons à une banque chrétienne, à une société de transit chrétienne, peut-être que nous arriverons à une grande société de transport chrétienne... Si nous comprenons vraiment le sens de cette solidarité, je pense que nous pouvons vraiment vaincre le monde et toutes les forteresses, tous les obstacles que Satan met devant les enfants de Dieu aujourd’hui pour leur rendre la vie difficile??.[58]Constatons en conclusion que, pour un pentec?tiste, il est parfaitement louable d’occuper un poste élevé dans la fonction publique ou les affaires, mais non de militer dans un parti politique ou de fonder un nouveau parti: cela reviendrait à essayer de se tailler une place dans un ??monde?? ne méritant que d’être condamné. Il est concevable qu’il se fasse élire à un poste de responsabilité (chef d’?tat, gouverneur, etc.), ou se fasse désigner dans une assemblée comme meilleur représentant du peuple qu’un autre. Il se situe de préférence alors au-dessus des partis, ou s’arrange pour obtenir le soutien de plusieurs partis, ne désirant s’affirmer partisan d’aucune doctrine ou d’aucun système politique particulier. Son unique profession de foi restera chrétienne. Il ne s’engagera à rien de plus qu’à respecter dans ses décisions les préceptes de la Bible interprétés à la lumière de l’Esprit saint.Au nom de principes sacrés, dégagés d’une méditation inspirée des saintes ?critures, il sentira de son devoir d’interpeller les politiciens, les syndicalistes, et toutes sortes de décideurs publics ou privés, pour les rappeler à l’ordre et les aider à ?uvrer en vue du bien commun. Le r?le qu’il serait fier de voir assumé par son ?glise, essentiellement celui d’un levain dans la société, me fait penser à celui que jouent, de nos jours, dans les grandes démocraties, une pluralité d’associations émanant de la société civile, promptes à s’unir en réseaux et à se constituer en groupes de pression. De telles associations préservent soigneusement leur autonomie vis-à-vis de l’?tat?; mais, en raison de leur contact étroit avec le peuple, sont fréquemment consultées, avant l’élaboration de projets de lois ou de décrets d’application, par des élus ou des membres du gouvernement. Il arrive même qu’elles soient invitées par les pouvoirs publics à participer à la réalisation de projets concernant leurs champs d’activité.Aux yeux d’un pentec?tiste, tous les systèmes politiques, comme toutes les coutumes, se valent à peu de choses près. Tous peuvent avoir du bon dans la mesure où les citoyens qui s’y soumettent se comportent en hommes intègres, respectueux des intérêts de leur prochain, surtout de ceux des plus démunis. Sauf en cas d’atteinte à la dignité de la personne humaine, il ne juge pas de son devoir d’intervenir dans les choix constitutionnels et législatifs.De même qu’il n’existe pas de corps humain plus chrétien qu’un 7autre, mais une manière chrétienne d’investir son corps et d’en assumer la direction, il n’existe pas pour lui d’?tat chrétien idéal mais une manière chrétienne de servir l’?tat. Il se garde d’affirmer qu’une forme de société (ou un type de culture) est plus chrétienne qu’une autre, mais estime qu’il est chrétien de prendre ses distances vis-à-vis de toute société pour lui assigner des objectifs conformes à la volonté de Dieu.Tout comme il travaille dans son ?glise à la régénération des individus par l’Esprit saint, il entend travailler parallèlement à la régénération des [59] sociétés humaines. Son seul projet politique se résume néanmoins à confier à Dieu le gouvernement de la cité. Concédant à la nature ou au ??monde?? le soin d’engendrer les systèmes sociaux à gouverner, il évite soigneusement de se mêler aux tractations politiciennes qui président à l’organisation et au fonctionnement de l’?tat (car les affaires de Dieu ne sont pas à confondre avec celles de ??César??).Bien que pr?nant la soumission aux autorités établies, par référence à saint Paul (Romains, 13?: 1-7), il n’est pas favorable à une séparation de l’?glise et de l’?tat. Tout comme il lui semble bon que l’?me prenne intégralement possession du corps, il souhaite l’investissement complet de l’?tat par l’Esprit propagé par son ?glise.De son point de vue, les relations entre l’?tat et l’?glise ne doivent pas être celles des pouvoirs publics à une institution parallèle autorisée à n’intervenir que dans la vie privée des personnes (car uniquement concernée par leurs relations intimes avec Dieu). Elles ne doivent pas non plus être celles d’un des nombreux ?tats à un super-?tat impérial ou mondial qu’il conviendrait de faire investir pareillement par l’Esprit saint. Traversant et pénétrant l’ensemble des ?tats, l’?glise constituée par la réunion de tous les croyants en Jésus-Christ ne se présente pas comme un ?tat suprême, mais comme un ?tat universel? préfigurant, par l’établissement de son autorité morale, la forme de tout ?tat et communiquant à chacun d’eux, tel un principe à ses dérivés petits ou grands, une même substance vivifiante puisée dans un ordre qui les dépasse.Ainsi se justifie notamment la décision du président béninois Mathieu Kérékou, ancien marxiste converti à une ?glise évangélique, de placer son mandat sous le signe de la protection de Dieu?. 5422265000[60][61]Imaginaires politiques et pentec?tismes.Afrique / Amérique latine.PREMI?RE PARTIE?: AFRIQUE2“Diabolisation de l’autre et rusesde l’Esprit : les Assemblées de Dieudu Burkina-Faso.”Pierre-Joseph LAURENTRetour à la table des matièresLes fidèles de l’?glise des Assemblées de Dieu se per?oivent comme des ??soldats de Dieu??, à qui, en retour, l’?glise propose d’arrêter de souffrir et d’accéder au paradis sur terre. La noirceur de l’existence trouve son explication dans la vision démoniaque du monde. Le malheur est issu de la possession par des esprits maléfiques et Jésus, dont la puissance se révèle à travers la médiation de l’Esprit saint, possède un pouvoir libérateur. Le pasteur ou le croyant investi de la puissance de l’Esprit saint dispose de l’autorité - au nom de Jésus - pour exorciser les possédés. La chance d’accéder à une vie nouvelle leur est ainsi donnée.L’indigénisation rapide et effective de cette ?glise au Burkina-Faso repose sur un culte tourné vers l’Esprit saint. Ce dernier se révèle à certains fidèles et, ainsi, brouille sans cesse les hiérarchies établies. Autrement dit, n’importe qui, en principe, peut être investi de sa gr?ce et s’adresser à la communauté (glossolalie). Cette sorte ??de ruse de l’Esprit??, ou, plus exactement, cette ??politique de l’Esprit??, transforme le fidèle de spectateur en acteur de sa propre existence, ce qui renvoie à une logique intrinsèquement populaire et, donc, à un sens pratique. Ainsi, à travers la venue de l’Esprit, il est essentiellement question, pour les fidèles, de saisir le moment opportun en guise de réponse à un monde en transformation.Les Assemblées de Dieu soutiennent des fidèles tentés par une distanciation par rapport au holisme du village, tout en proposant, par ailleurs, de nouveaux espaces de socialité et d’efficacité pour les laissés-pour-compte de la modernité. Elles participent donc à une forme de désenchantement du monde par la promotion d’un rapport pragmatique à Dieu et à la guérison, mais conduisent en même temps vers son réenchantement par l’expérimentation d’un Dieu totalitaire et jaloux qui ne peut tolérer la concurrence de la modernité. [62]Aper?u historiqueLes Assemblées de Dieu comptent aujourd’hui au Burkina-Faso plus de 400 000 membres baptisés sur une population de 10,4 millions d’habitants, 1?800 pasteurs et 1?750 lieux de culte?. Les différentes confessions du pays se répartissent entre les religions coutumières (26,5%), l’islam (52,5%), le catholicisme romain (15%) et les protestantismes évangéliques, dont font partie les Assemblées de Dieu (4%), et les autres confessions (2%)?. L’?glise des Assemblées de Dieu - fondée aux ?tats-Unis en 1914 - appartient à la mouvance des ?glises pentec?tistes?. Ces dernières se singularisent par une résolution pragmatique du problème du Salut, une expérience divine basée sur l’émotion et l’efficacité, l’utilisation de la Bible comme mode d’emploi du monde et par un zèle de prosélyte infatigable, où chaque croyant devient un ??soldat de Dieu??. Deux moments ressentis comme une expérience intime avec la divinité marquent particulièrement la vie des adeptes?: la conversion et - aujourd’hui plus qu’hier et en ville plus qu’au village - le baptême de l’Esprit. Le terme générique de ??protestant??, dans le contexte burkinabè, renvoie aux Assemblées de Dieu qui ne possèdent pas de réels concurrents dans le champ des ?glises protestantes.Plusieurs implantations missionnaires en Afrique s’organisèrent à partir de l’?glise mère de Springfield depuis le début du siècle. Une première vers le Moogo (pays mossi) fut projetée à partir de la Sierra Léone dès 1914. Les missionnaires durent toutefois attendre la fin de la première guerre mondiale pour mettre à exécution leur projet et l’?glise des Assemblées de Dieu du Burkina-Faso fut fondée en 1921?. Les missionnaires accordèrent d’emblée une grande importance au moré (langue des Mossi), afin de commencer l’évangélisation. Ils se lancèrent rapidement dans une traduction de la Bible. Les premiers ??pasteurs-paysans?? furent ordonnés en 1934. Le fait que les missionnaires américains choisirent dès cette période l’empire mossi comme principal lieu d’implantation et d’évangélisation explique encore l’importance numérique des Mossi, ainsi que leur influence culturelle déterminante. [63]Le conseil général et le bureau exécutif constituent les principaux organes des Assemblées de Dieu qui sont territorialement divisées en dix-sept régions. Cette structuration évoque, par certains aspects hiérarchiques, l’organisation politique des royaumes mossis. Ainsi, à l’image des chefs de village mossi (tenga naaba), les pasteurs animent leur communauté?. ? un échelon intermédiaire, ils se rassemblent mensuellement au sein d’une structure régionale animée par un pasteur responsable, ce qui n’est pas sans évoquer les commandements mossi des royautés intermédiaires (les chefs de royaumes dépendants, appelés plus familièrement les chefs de canton: ko’mbe’mba). Enfin, au niveau national, à Ouagadougou, siège du moogo naaba, un bureau élu préside aux destinées de l’?glise.Les ??Américains??, comme on appelle familièrement les adeptes des Assemblées de Dieu, conna?tront un succès réel, populaire et urbain à partir du milieu des années 80. Le succès que connaissent aujourd’hui les pentec?tistes - ils n’étaient encore que 125?000 à l’occasion de leur cinquantième anniversaire en 1972 - est un phénomène récent, du moins en milieu urbain, où jusqu’il y a peu de temps l’?glise était avant tout identifiée aux paysans. Il importe de noter le parallélisme de cette expansion avec l’urbanisation rapide de la ville de Ouagadougou, le retour des migrants suite à l’effondrement de l’économie des plantations en C?te-d’Ivoire et à la xénophobie qui y règne envers les Mossi, les nombreux cas de ??folie?? constatés au sein de la population de retour de migration, l’apparition de nouvelles maladies incurables et l’affaiblissement de la capacité d’intervention de l’?tat.Les Assemblées de Dieu possèdent de nombreuses implantations à travers le monde; hormis les ?tats-Unis et l’Afrique dont il a été question, on les rencontre en Amérique du Sud (Argentine, Brésil, Guatemala, Mexique, Pérou, etc.), en Asie (Corée au Sud) et en Europe?. Une comparaison des cultes mise en ?uvre par ces ?glises contribue à montrer qu’aujourd’hui plus qu’hier, les Assemblées de Dieu s’accordent avec la mondialisation et ses effets sur des groupes de population. C’est dans ce [64] sens qu’il convient de parler de transnationalisation à propos d’éléments relevés récemment au sein de cultes pentec?tistes?. Ainsi, au-delà d’une capacité d’adaptation aux cultures locales, certains aspects cultuels, qui se retrouvent à présent dans de nombreuses ?glises pentec?tistes de par le monde, pourraient être interprétés comme une adaptation populaire - elle-même déjà transnationalisée - en regard des effets d’une inclusion problématique dans la mondialisation. L’approche comparée montre que le nouveau converti devient partout un ??soldat de Dieu??, à qui, en retour, l’?glise propose, on l’a vu, d’arrêter de souffrir afin d’accéder au paradis sur terre. Le fidèle est amené à développer une vision démoniaque du monde en mesure d’expliquer les problèmes contemporains. Le malheur provient du fait que les gens sont esclaves d’esprits maléfiques, tels ceux de l’alcool, la misère, la violence, l’adultère, etc. Jésus, dont la puissance se révèle à travers la médiation de l’Esprit saint, possède un pouvoir libérateur. Le pasteur ou le croyant investi de la puissance de l’Esprit saint dispose alors de l’autorité - ??au nom de Jésus?? - pour libérer les possédés à travers un rituel d’exorcisme. La chance d’accéder à une vie nouvelle leur est ainsi donnée. Ainsi résumé, ce corps doctrinaire contemporain du pentec?tisme peut servir de toile de fond à la présente analyse.Les Mossi possèdent - en raison de circonstances politiques et économiques particulières - une longue tradition de migration et, à l’instar des chefferies mossi dont le mode de reproduction impliquait une constante expansion?, les protestants, et plus concrètement les pasteurs, partiront à la ??conquête?? des sociétés limitrophes et des pays voisins. Considéré comme le noyau dur, le siège de Ouagadougou sert de point de départ à de nombreuses missions d’évangélisation en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale (Ghana, Togo, Bénin, C?te-d’Ivoire, Sénégal, Niger, Mali, Congo). Ce dynamisme et cette fougue des prosélytes reposent sur cinq écoles pastorales disséminées dans le pays (Bobo-Dioulasso, Djibo, Kaya, Koubri, Koudougou). Parallèlement aux cours en fran?ais, ces écoles prodiguent des formations en moré, lesquelles sont fréquentées par de jeunes convertis issus de la paysannerie. Ce mode de recrutement et de formation de ??pasteurs-paysans?? a induit une indigénisation rapide et effective des Assemblées de Dieu en milieu rural?.[65]Dès 1948 furent créés les premières écoles primaires? et les premiers collèges - dont certains pour jeunes filles? - des Assemblées de Dieu. Depuis 1970, ces dernières organisent un mouvement national appelé ??la Jeunesse des Assemblées de Dieu??; en 1976, l’Association des servantes du Christ fut créée. Sur un autre plan, il convient de signaler que les actions de développement (petits barrages, mara?chages, crédits pour l’achat de matériel aratoire, etc.) initiées par l’ONG burkinabè ODE (Office de développement des ?glises évangéliques) peuvent s’appuyer, pour leur diffusion, sur la structure institutionnelle de l’?glise et, pour leur mise en ?uvre, sur des interlocuteurs villageois organisés en une communauté cohérente?. Par ailleurs, les Assemblées de Dieu produisent des émissions pour la radio (depuis 1964) et la télévision nationale (1974). En outre, elles possèdent deux radios privées (Radio ?vangile et développement?; Radio Lumière Vie et développement) et l’accès à la télévision privée ??Canal Viim Koeega?? de la Fédération des ?glises et missions évangéliques. Depuis 1994, l’?glise protestante édite le Magazine Flamme.Depuis leur installation au Burkina-Faso, les Assemblées de Dieu ont connu une première dissidence en 1959. Un pasteur, responsable des écoles bibliques et en désaccord avec la hiérarchie, fonda alors la Mission apostolique. Suite à des différends internes, celle-ci se divisa, en 1965, pour donner naissance à l’?glise apostolique. Plus récemment, en 1997, M. Karambiri, ancien directeur d’un établissement public - le Faso Yaar - et influencé par l’?glise du réveil spirituel de Toronto, a quitté les Assemblées pour fonder le Centre d’évangélisation.[66]Les perceptions du politiqueD’une manière générale, les protestants se représentent la politique comme une souillure et la possibilité de s’en mêler devient synonyme ??d’être dans le monde??, symbole de la noirceur. L’attitude la plus courante est donc celle d’un désintérêt pour la politique, considérée comme une activité impure, sale, et donc indigne. ?tre pur - respecter la loi et les interdits? - permet de plaire à Dieu qui, en retour, nous sauve par sa gr?ce. Dans le même ordre d’idée, une homologie s’opère entre la pauvreté et le péché de même qu’entre celui-ci et la maladie. Pour le fidèle, sa politique tourne autour d’un devoir de prosélytisme, celui d’annoncer la Bonne Nouvelle, celle de ne plus ??revenir dans le monde???. Ceci signifie qu’il devient envisageable de se libérer de l’?preté de la condition paysanne, dans la mesure où nous attend le royaume de Dieu duquel on ne revient plus??; convertir l’autre revient donc à prendre part à l’?uvre de Dieu. Ce prosélytisme se traduit par la volonté de devenir ??un soldat de Dieu?? et la prière crée une relation d’échange (don et contre-don), entre le croyant et le Seigneur qui l’arme, afin qu’il puisse partir ??dans le monde?? témoigner de son supplément d’?me et de la toute-puissance du Très Haut.Ce processus renvoie avant tout à des principes de recherche de la sécurité économique et sociale en vigueur en milieu populaire. Ainsi, l’idée de l’endettement de Dieu par le don de soi, ou encore le don de sa sainteté (par le respect des interdits), qui sous-tend ces pratiques, permet d’espérer recevoir en retour hic et nunc, la bénédiction divine?. Il convient donc de donner pour recevoir. La prise en considération de ceci.[67]en poussant le raisonnement jusqu’à ses limites, comme dans certaines ?glises qui prêchent la théologie de la prospérité, peut conduire à la manipulation, par les pasteurs, de ce principe populaire de la recherche de la plus grande sécurité. La théologie de la prospérité est cependant rejetée par l’Assemblée de Dieu du Burkina-Faso. Ainsi cet entretien avec le pasteur Z. Delmas (décembre 1998), membre du bureau exécutif des Assemblées de Dieu à Ouagadougou:??Nous n’appuyons pas la doctrine de la théologie de la prospérité. Nous mettons surtout l’accent sur la pauvreté. Nous ne voulons pas que les pasteurs rentrent dans le business parce qu’ils connaissent des techniques de mara?chage ou d’élevage par exemple: cela équivaudrait à “ rentrer dans le monde ”. Il fut un temps où nous avons longuement débattu la question. Certains voulaient y aller et d’autres poussaient dans l’autre sens. Cette doctrine est beaucoup plus enseignée dans les pays c?tiers. Nous n’avons que quelques pasteurs qui laissent passer cet enseignement dans leur ?glise, mais pas de manière officielle. Nous souhaitons que la doctrine soit claire et qu’elle reste équilibrée entre la richesse et la pauvreté??.Un pasteur interrogé sur sa perception du politique répond généralement que l’?glise ne fait pas de politique, mais que, le moment venu, les politiciens leur demandent de prier pour eux, pour les protéger, ce à quoi ils se consacrent. On prie dans les ?glises pour soutenir les responsables du pays.Cette première approche résume plut?t le point de vue de fidèles et de pasteurs de base; pour sa part, une certaine élite intellectuelle a tenté, il y a quelques années, de développer une nouvelle conception du rapport ?glise-parti-?tat. Cette tendance est à relier à la timide ouverture démocratique que conna?t le pays depuis 1991, laquelle s’est sensiblement réduite aujourd’hui. C’est à la faveur d’une situation où le politique a totalement saturé la société que les Assemblées de Dieu connaissent aujourd’hui un franc succès. Autrement dit, alors que l’?tat est mis à mal (politique d’ajustement, importation de la bonne gouvernance, restructuration des organes constitutionnels autour d’un parti-?tat) et que s’amenuise parallèlement ce qu’il est convenu d’appeler l’espace public?, les Assemblées de Dieu [68] peuvent se comprendre comme une sorte d’espace ??privé collectif?? où les fidèles expérimentent la ma?trise et la gestion de biens communs et donc l’élaboration de nouvelles règles de vie commune, face à la noirceur du monde où règnent, selon eux, l’arbitraire, la violence et l’impunité.Au même titre que Jésus qui recommande à ses disciples d’attendre la puissance de l’Esprit avant de partir convertir les nations, on invite les fidèles à ne pas résister au baptême de l’Esprit, afin de devenir témoins et ouvriers de l’élaboration du royaume de Dieu. En d’autres termes, le baptême de l’Esprit conduit cette fois le protestant à témoigner de son excellence ??dans le monde??. Le fidèle devient un ??soldat de Dieu?? appelé à participer à la construction ??terrestre?? de l’?uvre. D’une situation où la politique était qualifiée d’impure et était indigne du protestant, le désintérêt devient désormais une faute. Le chrétien qui possède une vocation pour la politique doit s’engager, non pas par intérêt personnel, mais pour la gloire de Dieu?; s’engager physiquement et se salir dans la politique, pour contribuer à restaurer la bonne gestion du monde. Il n’est pas question ??d’aller (sans autre forme de procès) dans le monde??, autrement dit se pervertir, mais précisément de le c?toyer en restant dans la foi. Cette vision s’oppose à l’image que donnent les protestants des politiciens, lesquels accompliraient leur travail à la faveur de la protection de fétiches protecteurs des jalousies et des ranc?urs. Cet engagement ne se con?oit donc pas comme une entreprise personnelle, liée à un intérêt individuel. L’engagement est absolu. Il exprime la volonté de Dieu et requiert fidélité, honnêteté et humilité. La politique, per?ue initialement comme ??ténèbres intenses??, devient à l’issue de cette nouvelle lecture de la Bible, un phénomène humain qui ne peut plus laisser le fidèle indifférent??; ne pas se salir en politique équivaudrait à prendre part à ce pourrissement. Le devoir du chrétien consiste désormais à témoigner de sa moralité à l’intérieur du monde politique, afin d’infléchir la situation actuelle, décrite comme corrompue. Les fidèles, forts de la prière et du soutien de l’?glise, sont conviés à inventer un contenu politique inédit et consistant pour le pays.Une scène politique en trompe-l’?il?: Esprit démocrate, espace privé public et big man africainCette vision quelque peu idéaliste, portée par quelques intellectuels de l’?glise protestante, est aujourd’hui battue en brèche: ??Notre démocratie [69] n’est pas une vraie démocratie, donc tu as peur??, m’affirmait un pasteur en avril 1999. Le parti majoritaire s’est progressivement mué en parti-?tat?. Cette tendance s’est affirmée à l’occasion des élections de novembre 1998, où la constitution a été révisée afin que le mandat présidentiel ne soit plus limité à deux. C’est dans ce contexte, où la marge de man?uvre s’avère étroite, qu’il convient de comprendre la participation des pentec?tistes à la vie politique.Ainsi, à l’occasion des élections présidentielles de novembre 1998, les Assemblées de Dieu ont été sollicitées pour diriger la Commission électorale nationale indépendante. L’acceptation de cette mission fut longuement débattue au sein du bureau exécutif, dans la mesure où, jusqu’à ce moment, les protestants qui se contentaient de prier pour les autorités du pays et pour la paix s’étaient abstenus de toutes implications directes dans la vie politique du pays. Cette habile demande des autorités équivalait à les impliquer dans la politique nationale. Finalement, le pasteur S. Yaméogo (responsable d’une ONG protestante), épaulé par les pasteurs du pays, s’acquitta de cette t?che. Malgré les événements qui émaillèrent la disparition du journaliste Norbert Zongo en décembre 1998, les Assemblées de Dieu, prises à partie par certains - qui les identifièrent à l’élite dirigeante en raison de leur engagement dans le processus électoral -, se considèrent toujours comme apolitiques. Selon les responsables, leur r?le dans l’organisation et la vérification des élections n’équivaut pas à une entrée sur la scène politique. Toujours est-il que les protestants, qui possèdent une réputation morale avérée dans la société burkinabè, ont d?, pour l’occasion, témoigner leur allégeance en apportant leur caution au régime?: avaient-ils pour autant le choix?? Ne pas sacrifier à cette sollicitation aurait équivalu à manifester explicitement leur désaccord avec le parti-?tat. Dans le contexte politique burkinabè, où l’établissement du consensus? prime sur d’autres modes de gestion du politique, cette situation est tout simplement intenable pour un mouvement religieux de cette ampleur.Les protestants s’appuient aujourd’hui sur un réseau composé de fidèles impliqués à un haut niveau dans la gestion des affaires de l’?tat?. Ils ne constituent pas, à proprement parler, un groupe politique organisé au sein du parti majoritaire. Il s’agit plut?t de technocrates que de personnalités [70] politiques qui, à travers la fréquentation de l’?glise centrale et plus concrètement de cellules de prière, participent activement à la dynamisation d’un réseau d’affinités électives, en mesure de porter et de résoudre certains problèmes de l’?glise ou de fidèles.Ceci étant dit, s’il existe aujourd’hui une implication des Assemblées de Dieu dans la vie politique du Burkina-Faso, il convient de la rechercher au sein des collectivités locales. Depuis la mise en ?uvre du processus de décentralisation?, suivi de l’organisation d’élections communales, des enjeux nationaux se rapportent désormais au niveau local. Il est donc impensable de traiter du politique, ou encore de rendre valablement compte de l’imaginaire de l’espace public, s’il en est un, en dehors de l’univers de sens qui le produit.Ainsi, dans le contexte d’une ville émergente du Burkina-Faso, l’importation de pratiques démocratiques, que je qualifierais, pour faire bref, d’officielles, en recoupent d’autres, officieuses cette fois, dont le métissage conduit à des situations de gestion de l’?tat totalement inédites qu’il serait trop long de détailler ici et dont une approche ethnologique permettrait de rendre compte?. De ces pratiques, officieuses à nos yeux, retenons toutefois qu’un personnage que je qualifierais de big man?, acquiert aujourd’hui du pouvoir s’il accapare une ressource à partir de [71] laquelle s’organise une rente qui nécessite de nombreux échanges entre les espaces publics, privé et collectif. La rente lui permet d’instituer un système de redistribution et, à terme, une clientèle qui constitue des réseaux de dépendants, dont il n’est d’ailleurs jamais lui-même indépendant?. C’est donc bien le tandem obligation-dépendance qui se trouve au c?ur de la gestion des collectivités locales. Les rentes les plus courantes consistent en la ma?trise de l’accès au système foncier en voie d’urbanisation (domaine majeur de l’investissement et de la spéculation), à l’eau potable?, aux dignitaires du régime, aux responsables de ministères et de la coopération au développement?.Ainsi Ziniaré, ville émergente de près de 12 000 habitants - elle en comptait encore 3000 en 1989 - où je mène des enquêtes depuis des années, ne conna?t pas à proprement parler de véritables enjeux autour de l’élection du maire. Il n’est pas considéré comme le seul personnage déterminant de la vie politique de la région et tout se passe comme si la gestion de l’espace public se tenait partiellement ailleurs; les structures démocratiques laissent alors appara?tre leur nature importée et s’apparentent, dans ce contexte, à un trompe-l’?il derrière lequel se joue une autre pièce. Le maire - qui possède une légitimité coutumière de par son ascendance - est catholique, tout comme un haut fonctionnaire de l’?tat originaire de la région, dont il est proche. La crainte de déplaire à ce dernier régule les conduites des fonctionnaires ou de tous les autres responsables d’institutions, même religieuses.Le big man le plus courtisé appartient à la famille de ce fonctionnaire. Chaque matin devant son domicile, une foule se presse, chargée de multiples requêtes; il assure un r?le de courtier? entre la population et ce dignitaire, par lequel transite un ensemble de ressources matérielles et symboliques. Outre ce big man, il y en a d’autres qui, sans vraiment se concurrencer, ma?trisent, à leur compte, rentes et réseaux de dépendants. Par ordre décroissant d’influence, le plus réputé serait, d’après mes informateurs, un pasteur des Assemblées de Dieu qui a fondé l’association paysanne Wend-Yam; considéré comme l’homme des paysans, à la fois [72] riche et religieux, il force le respect. Vient ensuite le représentant officiel de l’?tat dans la province, suivi d’un grand commer?ant qui ma?trise les principaux circuits d’approvisionnement de la ville. Le maire vient en quatrième position. Enfin, on compte un commer?ant qui partage son temps entre ses activités et sa fonction de conseiller à la mairie.Ces big men locaux s’instituent comme tels à la fois par la ma?trise d’une rente et par leur dépendance-obligation vis-à-vis de différents réseaux, qu’ils soient de nature politico-économique, magico-religieuse ou composés de parents, voisins ou amis?, et coexistent sans vraiment s’affronter. La notion d’espace public possède ici un sens relatif qui renvoie à une forme de ruse, celle de la mise en spectacle de l’image officielle de la collectivité locale, image voulue par les tenants de la bonne gouvernance, par exemple, et produite dans l’espoir d’un financement en retour. En d’autres termes, c’est un monde d’objets possédés en commun, pour reprendre une définition de l’espace public proposée par Hannah Arendt, qui semble faire défaut. Et cela favorise une gestion patrimonialiste? qui repose précisément sur une équivoque entretenue entre les espaces publics, collectif et privé.Le big man local, figure à travers laquelle je traite des imaginaires politiques, tient sa fonction de sa capacité à organiser une rente, dont une partie des ressources alimente des réseaux d’obligés-dépendants. Cette proposition peut être formulée plus clairement par le recours à la métaphore du trin?me peur-violence-dépendance multiple de l’entourage, dans la mesure où quiconque n’est pas avec le big man est contre lui: ceci renvoie à l’idée ??d’une gestion coup d’?tat??. Tous jouent un double jeu où alternent la confiance et la trahison; ces sentiments impliquent une gestion où interviennent le plus souvent les forces de l’invisible. Autrement dit, la rente repose sur un processus qui inclut l’individu dans les réseaux du big man, en transformant son statut de celui qui oblige, en celui de dépendant (le processus est réversible avec le temps, ce qui alimente la redistribution). Le réseau de dépendants est donc bien consubstantiel à l’organisation de la rente par le big man (qui a besoin des réseaux, en guise d’alibis, pour se constituer une rente). En d’autres termes, le réseau ne constitue pas seulement le faire-valoir du leader, mais représente une partie nécessaire d’un tout. Le big man n’est donc que l’aiguilleur de la rente, sujet et otage de celle-ci; il ne serait rien sans le réseau et vice-versa?. [73]Une logique populaire entre modernité,postmodernité et traditionL’originalité des Assemblées de Dieu réside dans la souplesse, l’ambivalence ou encore l’adaptabilité. Ces qualités tiennent, pour une part non négligeable, à l’importance accordée à l’Esprit saint. Ce trait pourrait être interprété comme la ??ruse d’un Esprit démocrate??. Il trouble les hiérarchies établies, car il permet aux fidèles, investis de l’Esprit, de prendre légitimement la parole et d’exprimer, à l’assemblée, la loi de Dieu. Celle-ci renvoie le plus souvent aux requêtes et désirs des fidèles, socialement établis et contr?lés par la communauté. L’?glise protestante, on l’a vu, soutient à la fois des fidèles tentés par la distanciation par rapport au holisme du village, tout en proposant, par ailleurs, un lieu de sociabilité et d’efficacité pour les laissés-pour-compte de la modernité. En ville surtout, la survie tient au hasard, celui, par exemple, d’une rencontre, considérée comme miraculeuse, avec la personne qui vous viendra en aide. Les communautés protestantes sont modernes dans ce sens qu’elles représentent ??le groupe de la sortie du groupe??. Ceci constitue, ou plus exactement a constitué pendant longtemps (voir infra) un des facteurs de cohérence interne de l’?glise par la production d’un consensus entre l’élite urbaine des Assemblées de Dieu, les ??pasteurs paysans?? et leurs fidèles. Il existe un consensus dans le sens où l’élite dirigeante con?oit le projet modernisateur de ??l’?uvre?? et les communautés rurales l’exécutent.Le changement, à savoir le développement ou encore la rétention pour soi d’une accumulation, commence par un formidable défi. Celui-ci consiste à se protéger et à combattre les forces de l’invisible, véhiculées par la pensée coutumière et particulièrement la sorcellerie, dont l’un des objectifs vise à enjoindre le déviant, tenté par une aventure plus personnelle, de rejoindre ??l’entre-soi?? ou l’univers de la dépendance de l’entourage qui endette autant qu’il sécurise. Il en va de même à l’intérieur d’un groupe de jeunes paysans mossi ou, en d’autres termes, dans le cadre d’une génération qui vit de profondes transformations sociales, culturelles, démographiques et environnementales et où l’aspiration aux changements est immense. Celle-ci se focalise surtout autour du libre choix du conjoint qui devient le véritable cheval de bataille d’une jeunesse en mal d’émancipation.Cet affrontement symbolique qu’engagent les protestants avec la pensée coutumière - dont la victoire est garantie par la croyance en un Dieu plus fort que le plus fort des sorciers - revient à s’émanciper de la figure de la persécution (exprimée à leurs yeux par les ancêtres, génies, fétiches, talismans, gris-gris, et autres ??Grands Dieux??...) ou plus prosa?quement de la persécution de l’autre, c’est-à-dire du lignage, des voisins et des amis, bref, de tous ceux qui incarnent la culture traditionnelle désormais [74] diabolisée et dénoncée comme un handicap au progrès économique. Ces forces représentent l’ennemi face auquel il convient de se battre afin de formaliser un désir de liberté incarnée par l’idée d’entreprendre pour soi. La conversion se vit comme une aventure personnelle et émotionnelle qui peut parfois s’apparenter à un traumatisme psychique, soit à une véritable initiation, conduisant à l’expérience de la toute-puissance de Dieu et à l’éradication des intermédiaires entre lui et les fidèles. L’Esprit saint devient ici l’allié pour mettre à bonne distance l’entourage et son cortège de forces invisibles.Il est question de protection de l’individu-sujet, contre ??l’entre-soi?? du village, constitué des voisins, amis et parents. L’individu confronté à des transformations de son horizon spatio-temporel trouve dans les Assemblées de Dieu un dispositif symbolique en mesure d’accompagner l’inédit de sa nouvelle condition. Ce dispositif repose essentiellement sur l’expérience d’une relation personnelle avec Dieu, où la culpabilité - soit la conscience de la faute? - mais aussi la figure du pardon et donc de l’obéissance, de l’amour et de la confiance participent à la moralisation du fidèle. Une telle expérience relève de la modernité?, sans que les conceptions coutumières de la personne (notamment celles d’un moi multiple)?, ne cessent vraiment d’exister dans les représentations quotidiennes des fidèles. Les pasteurs insistent beaucoup pour que les fidèles abandonnent leurs anciennes croyances mais la question essentielle porte sur le degré d’intériorisation de la conception (doctrinaire) de la personne véhiculée par les Assemblées de Dieu, qui dans un contexte de diabolisation des multiples entités de l’acceptation coutumière du ??moi??, conduit assez logiquement vers une conception ??métissée??, dans la mesure où les croyances traditionnelles ne sont pas niées, mais simplement per?ues négativement ou mises à bonne distance. [75]Pour participer ??du corps du Christ??, la doctrine de l’?glise impose (en principe) aux fidèles de s’éloigner de la conception traditionnelle du monde, ce qui demande d’avoir l’audace de tout ??l?cher?? (les fétiches protecteurs, conception traditionnelle de la personne), afin ??d’être libre?? (libéré des sentiments de ranc?ur, de vengeance, de jalousie) dans la foi en Dieu. La confiance dans un Dieu protecteur permet de marcher dans l’assurance et la tranquillité, dans un univers où à la fois l’athéisme et l’invention du rapport à l’autre sans protections surnaturelles restent inconcevables. Dès lors, l’imaginaire politique que véhiculent les forces invisibles, mobilisées par les Assemblées de Dieu, renvoie à la mise en ?uvre d’une modernité qui se résume par l’idée d’être libre, c’est-à-dire de vivre dans la vérité et d’être affranchi de l’entourage, étant entendu que la liberté, conquise à la faveur de la protection d’un Dieu fort, semble impensable lorsqu’un individu ??marche dans le monde??.Toutefois, compte tenu du contexte économique et social défavorable du pays, il semble hasardeux, voire impossible, pour le protestant de s’émanciper vraiment de l’autre - et donc des rapports de communauté, sous-tendus par les fétiches protecteurs et la conception traditionnelle de la personne, qui ne sont pas niés, mais simplement diabolisés - et d’aspirer ainsi à une ??vraie liberté?? (celle de l’individu sujet de la modernité); ce contexte singulier conduit à tempérer sans cesse l’énoncé modernisateur. Malgré le désir de changement, le mode de pensée traditionnelle mossi survit sous une forme qu’il conviendrait d’appréhender avec précision. Ceci devient une raison essentielle de la conversion qui permet de placer l’entourage à bonne distance.Il est donc question d’une nette mise à distance de l’entourage et non de son rejet. Autrement dit, la modification de l’horizon spatio-temporel, sous l’influence d’expériences nouvelles et exogènes, conduit à l’invention d’autres rapports entre divinités immanentes et transcendantes?. Cet imaginaire syncrétique ou bricolé? est ignoré du discours officiel du leadership des pasteurs qui le nie farouchement par crainte d’une perte d’efficacité ou d’absorption par la tradition, ce dont témoigne un surinvestissement dans les interdits religieux qui assure pureté, différence et donc efficacité.Cependant, lorsque les Assemblées de Dieu - dans les quartiers populaires de la capitale surtout, mais aussi en zone périurbaine et même récemment en milieu rural - recréent la communauté et le groupe avec des pratiques telles que le don, la dépendance de l’entourage ou la crainte de l’autre, elles gèrent alors un état de déliquescence sociale et économique [76] résultant de la modernité. En ce sens, les Assemblées de Dieu se révèlent postmodernes. La communauté des fidèles devient alors la condition de survie et le lieu d’une nouvelle efficacité. Les protestants, par l’engouement pour la prière de délivrance, tentent d’exorciser l’insociabilité en recréant, ??entre soi??, des groupes homogènes aux relations sociales intenses. Ce mouvement répond plut?t à une crise de référence à l’espace, à savoir celui de la société locale. La communauté protestante comble alors le vide lié à la destruction partielle des groupes locaux et du patrimoine organisationnel de la société mossi par une sorte de ??re-villagisation??? des espaces urbains. Tout se passe comme si à l’intérieur des communautés de fidèles s’instauraient une sorte ??d’espace public?? lequel, à défaut de mieux, peut se comprendre comme une sorte d’espace ??privé-collectif??.Le culte des Assemblées de Dieu est événementiel?, émotionnel et les fidèles y expérimentent, sans délais, gratuitement et pour tous, la puissance divine, révélée par les manifestations de l’Esprit saint, littéralement convoqué à la cérémonie. Le ??croyant-guérisseur??, investi de l’Esprit, en devient la clé de vo?te; il possède des dons (glossolalie, interprétations, guérison...) - autant de ruses d’un ??Esprit démocrate?? - qui l’entra?nent progressivement à s’émanciper du leadership pastoral. L’Esprit saint peut choisir de s’exprimer par l’intermédiaire d’un ??simple?? fidèle. Souvent éloigné de l’orthodoxie doctrinaire, le croyant-guérisseur propose une recombinaison inédite entre les relations oblatives créatrices de liens et la restauration d’interdits producteurs de frontières et d’altérité?. L’Esprit saint, qui s’exprime ici à travers celui-ci, endosse le r?le du persécuteur de l’individu qui, tenté par la recherche d’une accumulation, ren?cle devant l’obligation d’entraide vis-à-vis d’un entourage laissé pour compte de la modernité. De manière plus complexe, l’Esprit réintroduit toutefois - selon un schème qui combine à la fois des sentiments de persécution et de culpabilité? - une forme d’autorité et donc un principe de responsabilité, pour ne pas parler de la peur de l’autre. Ce schème vise une reconstitution inédite du lien social, où la mobilisation des forces de l’invisible amène à concevoir l’espace collectif en termes de groupe d’affinité élective. Ce type de prophétisme que sécrètent aujourd’hui les Assemblées de Dieu, sans vraiment disposer des moyens de le contr?ler, est moins le passeur de [77] frontières vers une pensée en accord avec une forme de modernité que l’inspirateur de la ??réélaboration?? du lien social, situé plut?t dans un entre-deux-mondes, dans la chaleur d’un entre-soi protecteur face à la violence, la corruption et l’impunité.En résumé, les cultes protestants, par une souplesse cultuelle acquise à la faveur de pratiques valorisant les relations avec l’Esprit saint, peuvent participer, dans la cohérence et la globalité, à l’invention d’un ??nouveau vivre?? de groupes. Les populations sont confrontées à des modifications sans précédent de leur environnement qui s’expriment, entre autres, à travers les transformations du lien social. Les Assemblées de Dieu rendent ces transformations symboliquement pensables et cela en acceptant en leur sein des formes multiples, à la fois concurrentes et concomitantes, de sociabilité qui conduisent à la fois à l’individuation, à la déliaison ou à la redécouverte de la dépendance de l’entourage.Pour les protestants, la diabolisation de l’autre explique tous les problèmes contemporains. Ainsi, cette diabolisation rend pensable ou simplement supportable l’idée de liberté, soit celle contenue dans l’intention, par exemple, d’accumuler pour soi, gr?ce à la protection qu’elle confère face aux persécuteurs potentiels - assimilés aux dépendants, le plus souvent les parents, voisins et amis, ou, sous un autre angle, aux ayants droit qui se manifestent selon les critères de la redistribution coutumière?. A contrario et dans d’autres circonstances, la diabolisation de l’autre peut conduire au moyen d’une (contre)manipulation des forces de l’invisible par ??un croyant-guérisseur?? - élément incontr?lé par la hiérarchie implicite des pasteurs, à qui le monopole du dialogue avec l’Esprit saint échappe - à réintroduire les sentiments de crainte, de persécution et obliger ainsi les personnes qui s’estiment visées, à rejoindre ??l’entre-soi?? et donc l’univers de la dépendance et de la recherche de la sécurité par la valorisation de l’endettement et du don.Cette situation entra?ne un puissant mécanisme syncrétique?, dans la mesure où l’autre - demeurant toujours un recours éventuel dans la [78] recherche de la sécurité socio-économique? - se retrouve mis à distance, sans qu’il soit oublié, nié ou totalement négligé. Ceci équivaut à une distanciation relative des règles de ??l’entre-soi??. Il demeure néanmoins possible, pour celui qui s’estime laissé pour compte, d’agir, par le truchement de la ma?trise de l’imaginaire, sur la personne qui est tentée par une aventure plus individuelle et rechigne devant les obligations envers l’entourage, mais qui, en même temps, doute de sa réussite et, par conséquent, de son émancipation définitive de la figure holistique?.C’est dans ce sens que l’imaginaire politique est structuré par des forces invisibles qui, instrumentalisées, permettent aux pentec?tistes de jouer avec des sentiments tels la crainte, le doute et la peur qui conduisent à l’endettement, au don et donc à la dépendance qui sécurise. En d’autres mots, le réenchantement, ou la prise au sérieux des esprits, devient une condition de la survie populaire pleinement reconnue par les Assemblées de Dieu. La manipulation des forces de l’invisible par les protestants traite avant tout du lien social. Sa constante élaboration conduit les fidèles à mettre en ?uvre des éléments de réinterprétation culturelle qui leur permettent de suivre les aléas d’une société aux prises avec de profondes transformations.ConclusionLe processus ambivalent de réinterprétation culturelle mis en ?uvre par les ?glises protestantes peut être mieux cerné à partir des aspects suivants. On constate que certains membres de l’?glise expriment leur expérience concrète des limites d’une forme de développement. Ce développement qui a mis à mal le patrimoine organisationnel de leur société fait peur à cause des transformations culturelles qu’il a provoquées?: ??L’argent nous tue, la vie change et devient dure??, m’expliquait un pasteur en avril 1999. Le développement et la démocratie sont assimilés à l’invention de la liberté comprise dans le sens où désormais chacun peut faire ce qu’il lui pla?t. Selon ce même informateur, ces transformations mènent à une ??absence de règles??? où ??le [79] développement sans ?tat conduit à une situation chaotique, face à laquelle il vaut mieux garder la coutume??. Le pasteur conclut par une intéressante formule qui exprime à la fois la souplesse du pentec?tisme et sa capacité à traiter du lien social: ??Notre culture avec la Bible, c’est très bien??.Un autre aspect illustrant l’interprétation du politique par les protestants tourne autour de l’idée de pureté. Nous sommes loin d’une doctrine de la prospérité où un succès (matériel) résulterait de l’élection divine??: ??Ce n’est pas parce qu’on a du succès qu’on pla?t à Dieu??. Il est essentiellement question d’être en règle avec le Tout-Puissant. Autrement dit, c’est une vie sainte, ??loin du monde?? qui sauve (ce qui ne serait pas sans rappeler une certaine vision calviniste). La recherche de la pureté par le respect d’interdits renvoie au désir de moraliser le monde par une action de prosélytisme basée sur le témoignage de la découverte du bonheur et de la joie. Elle vient se juxtaposer à l’imaginaire du rapport à l’autre basé sur la crainte et la persécution.Avoir le courage de tout l?cher et de se ??convertir de c?ur?? pour s’affranchir de la crainte, de la peur ou de la persécution qui participent à l’entretien des réseaux de dépendance et, par conséquent, d’entraide, revient à être libre dans la foi de Dieu. C’est dans ce sens que l’assemblée traduit l’image du ??groupe de la sortie du groupe??. J’ai toutefois tenté de démontrer, à travers ce texte, toute la relativité de ce projet, largement tempéré par les contraintes de l’environnement social et économique. ? Ouagadougou, qui a connu une urbanisation rapide, et plus récemment en milieu rural, la recherche d’une conversion afin de s’assurer les protections nécessaires pour se hasarder à accumuler pour soi, sans trop se soucier des ranc?urs de l’entourage, mis ainsi à bonne distance, coexiste avec les pratiques de fidèles subissant les effets de la globalisation. [80][81]Imaginaires politiques et pentec?tismes.Afrique / Amérique latine.PREMI?RE PARTIE?: AFRIQUE3“Les origines vernaculairesdu Réveil pentec?tiste kenyan.Mobilité sociale et politique.”Yvan DROZ???The customary dichotomy of pre-colonial/colonial/post-colonial distorts conceptions of religious change. [...] The point is much more that through ail these periods African religious movements were flexible and responsive, reflecting a great variety of aspirations and interests, and engaged both in micro and macro politics??(Ranger, 1986?: 49).Retour à la table des matièresL’imaginaire politique qui voit dans les forces invisibles une des causes de la richesse des puissants et du malheur des nécessiteux a des origines vernaculaires en pays kikuyu qui contribuent à expliquer la conversion au pentec?tisme. Nous interpréterons dans cette perspective le succès des mouvements pentec?tistes au Kenya qui prétendent manipuler ces forces pour h?ter la venue du Royaume de Dieu et guérir les fidèles. En particulier, nous replacerons la conversion au pentec?tisme au sein de l’univers sorcellaire et thérapeutique qui ??explique?? le succès et le malheur, ce qui permettra d’interroger la foi des fidèles et le sens de la conversion. Nous verrons que l’attente millénariste de la seconde venue du Christ est au c?ur du processus de conversion et de l’intérêt que suscite le pentec?tisme. En revanche, nous n’aborderons que succinctement les interprétations proprement politiques de l’attente millénariste puisqu’elles [82] ont fait l’objet d’un autre texte?. Nous nous contenterons de montrer que la conversion reste ench?ssée dans la reproduction sociale des sociétés précoloniales et qu’elle contribue à expliquer le malheur en mobilisant l’imaginaire des ??forces?? occultes, participant ainsi au bien de la cité.Rappeler brièvement les grands traits de l’introduction du christianisme au Kenya para?t nécessaire pour comprendre le sens de la conversion au pentec?tisme (la ??renaissance?? chrétienne) et de ses usages politiques actuels. Nous ne ferons qu’esquisser cette histoire religieuse en l’illustrant par le cas du Kenya central et des Kikuyu.?.Pentec?tisme et indépendance au KenyaTra?ons succinctement les nombreuses formes que les mouvements religieux peuvent prendre aujourd’hui, au Kenya. Trois courants chrétiens ont joué un r?le important dans l’évangélisation du Kenya central?: les catholiques, les protestants et les anglicans?. Pourtant, cette division demande à être précisée, car si pour les catholiques et les anglicans - les convertis de la Church Missionary Society (CMS) se sont rassemblés derrière la Church of the Province of Kenya (CPK)? - elle ne pose pas de problème, le label ??protestant?? recouvre une immense diversité. Mais commen?ons notre tour d’horizon par les deux premiers courants.Religion superficielle, suspectée de pactiser avec les anciennes pratiques religieuses kikuyu, telle est l’image - inspirée par le puritanisme protestant - que le catholicisme possède aujourd’hui chez ses concurrents chrétiens. Il demeure soup?onné de christianisme nominaliste ou sociologique et est quelque peu méprisé par les autres confessions chrétiennes qui prétendent détenir chacune la pureté de la foi dans son intégralité. Dans le même registre, le catholicisme est considéré comme dissimulant certaines activités ??sataniques?? par les membres du Réveil est-africain. [83]Les aspects sociaux de la catéchèse, telles les activités paroissiales, l’enseignement et surtout les soins de santé ont fortement contribué - et contribuent toujours - au développement du catholicisme?; même si les écoles catholiques n’étaient pas réputées pour être parmi les plus brillantes du pays. En outre, la nationalité des pères (italiens et fran?ais) leur permettait de se dissocier du gouvernement colonial tout en les contraignant à une extrême prudence politique. Cette particularité du catholicisme contrastait fortement avec l’attitude des anglicans et des protestants tentés par la compromission politique et toujours soup?onnés de soutenir les colons. La position politique presque marginale du catholicisme, au sein d’une colonie d’obédience anglicane n’est pas passée inaper?ue aux yeux des futurs convertis:??Le christianisme qui est garant de la promotion matérielle et économique n’est pas le catholicisme des missionnaires italiens, mais la religion du colonisateur. Ce qui attire, c’est la religion du “plus puissant”, de ceux qui commandent, qui contr?lent la situation et qui par là manifestent leur force supérieure???.En regard de ces observations, le relatif succès du catholicisme peut surprendre (il regroupe actuellement un tiers des chrétiens) et semble bien résister à l’hémorragie de fidèles que subissent les autres dénominations religieuses. Il faut en chercher l’explication dans la retenue prudente et les rares scandales qui entachent la hiérarchie - contrairement à d’autres courants chrétiens - mais surtout dans l’implication sur le terrain des missionnaires catholiques, ainsi que dans le prestige papal?: le catholicisme peut aussi représenter la ??religion du plus puissant??.Ancienne ?glise de l’?tat britannique, la Church of the Province of Kenya (CPK) est restée l’?glise des colonisateurs et était suspectée de connivence avec le pouvoir temporel. Il est vrai que le r?le tenu par cette religion lors de la guerre civile a laissé des traces douloureuses. Celles-ci ont réveillé les anciennes blessures de la controverse sur la clitoridectomie des années 1929-1930, dans laquelle elle avait pourtant soutenu une position modérée?. Elle reste aujourd’hui associée au courant conservateur, [84] bien qu’elle se distancie des positions gouvernementales en adoptant - de concert avec l’?glise presbytérienne (PCEA) - un regard très critique sur la politique?. Selon David Barrett (1973), l’?glise anglicane (CPK) ne comptait en 1972 qu’à peine plus de 8% des chrétiens de l’ensemble du Kenya, soit le double de l’?glise orthodoxe africaine affiliée à l’?glise orthodoxe grecque depuis 1946.Les ?glises protestantes regroupent un petit tiers des chrétiens du Kenya central. La plus importante d’entre elles reste la Presbyterian Church of East Africa (PCEA), issue de la Church of Scotland Mission (CSM). Les protestants écossais de la CSM représentent ainsi la composante presbytérienne (PCEA) alors que les nombreuses ?glises pentec?tistes constituent une deuxième composante, très vigoureuse aujourd’hui. ? la différence des anglicans, ces deux courants du protestantisme considèrent la consommation d’alcool et de tabac comme des péchés. Cet interdit confirme la rigueur de la foi que ces ?glises proposent et donne quelques éléments d’explication au prétendu laxisme des catholiques.Considérons maintenant les diverses ?glises indépendantes issues des courants anglicans et surtout protestants?. Comme dans le reste de l’Afrique subsaharienne, les ?glises missionnaires ont eu à faire face au processus fissionnel qui a conduit à l’établissement de ces ?glises indépendantes africaines. Celles-ci se sont constituées à la suite de la querelle sur la clitoridectomie et sur la qualité de l’éducation (1929-1938). Au Kenya central, elles comptent d’ailleurs le même nombre d’affiliés que les protestants restés dans le giron des courants missionnaires. Le mouvement multiforme vers l’indépendance religieuse - stimulé également par le racisme colonial et l’activisme politique - a eu lieu simultanément à l’arrivée du Réveil est-africain (1936-1938) originaire du Rwanda?. Il est [85]donc pertinent de considérer, avec Terence Ranger, cette corrélation comme une réaction des ?glises missionnaires à l’hémorragie de fidèles dont elles se voyaient l’objet de la part des ?glises indépendantes:??Movements of independency almost nowhere swept the mission churches away. There was a rallying by African mission Christians. In many places independency was countered by movements of revival from within the mission churches, led by African Christians and expressive of the dynamic values of popular Christianity. Often these mission revivais were as enthusiastic as any prophetic movements, sweeping across wide areas like wild-fire and giving the colonial authorities the same anxieties as the Zionist and Apostolic movements?? (Ranger, 1986: 35).C’est exactement ce qui s’est produit au Kenya central où le Réveil est-africain a opposé une alternative vigoureuse à l’indépendance religieuse. Pentec?tisme et indépendance sont donc les deux faces d’une même médaille qui propose de nouvelles perspectives de conversions thérapeutiques et, plus généralement, de mobilité sociale en vue d’une réalisation de soi?.En effet, les liens qui unissent ces deux courants religieux ne s’arrêtent pas aux motivations conduisant à la conversion, comme nous le verrons, mais ils se retrouvent également dans de nombreux points de doctrines, dans l’accent porté sur une expression émotionnelle de la foi, ainsi qu’au niveau institutionnel. Même si certains aspects ??pa?ens?? peuvent para?tre caractériser les ?glises indépendantes, l’organisation des ?glises de ces deux courants répond souvent aux mêmes structures?: indépendance paroissiale ou participation active des fidèles aux services religieux par exemple?. En outre, historiquement, ces courants se sont développés de concert jusqu’à l’indépendance. Ainsi, dans les années 20 et 30, le pentec?tisme restait confiné dans des cercles restreints, souvent composés de colons, car cette expression du pentec?tisme provenait des milieux fondamentalistes ??blancs?? nord-américains, qui se distinguaient du pentec?tisme ??noir?? américain. ? l’arrivée du Réveil est-africain (REA), le mouvement pentec?tiste prend son essor?:[86]??En mettant l’accent sur l’expérience de la conversion plut?t que sur l’instruction religieuse, [le Réveil est-africain] s’est rendu plus accessible aux fidèles illettrés ou peu éduqués. De plus, ses hymnes (et notamment, le chant Tukutendereza qui a donné le nom local du REA) rencontrent un formidable succès et sont souvent intégrés aux cérémonies des autres églises. Le troisième facteur de son succès tient au fait que le REA accorde une place décisive aux la?cs (et notamment aux femmes) qui sont librement élus pour gérer le groupe. Ce courant a d’emblée développé des affinités avec les pentec?tistes, ses fondateurs étant fortement influencés par le mouvement d’Oxford et surtout de Keswick qui constitue l’un des fondements doctrinal du pentec?tisme???.On peut distinguer une seconde période dans le développement du pentec?tisme au Kenya qui débute dans les années 60, moment où les ?glises indépendantes semblent conna?tre également un important essor consécutif à la fin de la guerre civile des Mau. Cette phase se caractérise par l’arrivée de prédicateurs étrangers, généralement originaires du continent américain, qui trouvent au Kenya un terrain fertile, comme le montre l’essor des Assemblées de Dieu. ? Nairobi, le nombre d’?glises pentec?tistes a doublé entre 1972 et 1986, à l’instar du nombre de missionnaires protestants - souvent pentec?tistes - présents au Kenya.??Les pasteurs américains sont généralement affectés à la succursale kenyane d’organisations religieuses occidentales. Ils diffusent également leur idéologie en démarchant le clergé des petites églises (pas nécessairement pentec?tistes) et en sponsorisant leur formation aux quartiers généraux de Swaggart à Springfield, au Rhema Bible College d’Oklahoma ou toute autre université pentec?tiste. Ils ont ainsi converti de nombreuses églises indépendantes de théologie “born again" mais manquant d’encadrement et de soutien pédagogique???.Au Kenya, un rapprochement a lieu aujourd’hui entre pentec?tisme et protestantisme évangélique, ainsi qu’à une certaine fluidité entre ?glises indépendantes et pentec?tistes: les fidèles ou les ?glises pouvant passer au gré des événements d’un courant à l’autre. Ce rapprochement et cette situation confuse s’expriment lors des nombreuses croisades (Osborne, Bonnke, Cho, Paul, Cerullo, etc.) qui ont lieu au Kenya et dont l’assistance ne se limite pas aux pentec?tistes puisque l’on y rencontre des membres de diverses affiliations religieuses.[87]??De nos jours, le pentec?tisme kenyan appara?t donc comme une nébuleuse aux contours relativement vagues. Par contre, le pentec?tisme en tant qu’organisation et institution semble relativement faible. Il pr?ne l’idée de communauté des croyants; elle existe au niveau des paroisses mais au-delà elle est inconsistante, ce qui invalide les possibilités de mobilisation de ces populations???.Cette nébuleuse compterait selon les rares estimations disponibles près de 10% de la population kenyane et plusieurs centaines d’églises?.Une dernière remarque: la prétention à classifier les différents courants religieux (catholique, évangélique, anglican, indépendant ou pentec?tiste) ne semble pas rendre justice aux pratiques religieuses kenyanes, car bon nombre d’entre elles paraissent correspondre à une forme d’?cuménisme, voire de syncrétisme. Ainsi, en est-il du ??butinage?? religieux de certains fidèles qui n’hésitent pas à ??essayer?? différentes affiliations religieuses avant d’en choisir une pour un temps; ainsi en est-il des familles qui conjuguent quatre ou cinq affiliations religieuses, sans que cela ne semble poser de problème de convivialité; ainsi en est-il de certains itinéraires de conversion où le changement d’affiliation religieuse para?t répondre, comme nous allons le voir, à des raisons thérapeutiques plus qu’à l’appel de la ??vraie?? foi.Aux origines de la conversion religieuseDeux éléments méritent d’être soulignés pour comprendre l’engouement pour le pentec?tisme. Le premier est que la conversion religieuse considérée comme englobant l’adhésion à l’ensemble de la doctrine chrétienne ou comme une ?uvre d’acculturation missionnaire ne correspond pas au processus historique d’introduction de la foi chrétienne au Kenya, encore moins à l’expérience du réveil pentec?tiste. En effet, le christianisme s’est trouvé d’emblée mis en concurrence avec l’islam et les mouvements prophétiques qui surgissaient au XIXe siècle?. Ainsi, mis à part les exclus ou [88]les réfugiés de la grande famine, qui ont formé le lot des premiers convertis, les conversions du début du siècle, à l’instar des cours d’eau, suivaient souvent le rythme des précipitations atmosphériques: elles croissaient après les pluies pour se tarir en période de sécheresse ou inversement. En effet, l’adhésion ou la conversion au christianisme dépendait alors des pouvoirs anti-sorciers ou des talents de ??faiseur de pluie?? des évangélisateurs?. Nous verrons que cette remarque s’applique toujours à la conversion au pentec?tisme qui promet monts et merveilles, santé et richesse, mais surtout protection contre Satan et ses acolytes, ce qui revient à doter le fidèle d’un bouclier anti-sorcier.Le second élément est en lien étroit avec le précédent, car il s’agit des aspects thérapeutiques de la conversion en pays kikuyu. La conversion religieuse pouvait être assimilée à un cas extrême de ??conversion thérapeutique?? - en réalité un ??changement d’affiliation rituelle??? - censée remédier aux malheurs persistants. La conversion ??religieuse?? n’était donc pas inconnue de la ??société kikuyu??, puisqu’elle était employée pour lutter contre un sort ingrat. Ainsi, pour traiter une suite de malheurs, une famille pouvait procéder à une migration symbolique, en lieu et place du déménagement réel qui constituait pourtant le procédé le plus commun. La migration symbolique s’effectuait au moyen d’un changement de guilde? et l’ensemble de la famille se présentait, parée pour un long voyage, au lieu de la cérémonie?; puis, elle regagnait ses habitations avec armes et bagages?. Ajoutons que, outre le changement de guilde, la conversion pouvait également prendre la forme d’un changement ??d’ethnie?? ou de pratiques religieuses. Ainsi en est-il du déménagement en territoire maasa? avec l’insertion au sein d’une section, ou de l’adoption du mode de vie ndorobo sur la frontière pionnière?.[89]L’utilisation thérapeutique de la conversion correspond bien à une migration spatiale, puisqu’elle en procure les mêmes effets bénéfiques:??Le changement de résidence est ici appréhendé comme une démarche censée d’apporter [sic] remède aux maux qui affligent l’humanité [...]. Ce comportement implique une certaine exaltation des propriétés thérapeutiques de l’endroit nouveau, du lieu non-habité auparavant, du milieu non-contaminé par les infirmités et les blessures contractées ailleurs. Nous sommes en présence d’une mystique de la migration???.Ainsi, le lieu géographique constitué par la mission devient principalement un lieu symbolique, nouveau et pur. Les Kikuyu ont donc per?u la conversion religieuse dans la perspective des pratiques de changement d’affiliation rituelle - ou de guilde - qui existaient auparavant.Cette association entre le déménagement symbolique et la conversion au christianisme est importante pour comprendre le sens des conversions aux nouveaux mouvements religieux qui se développent aujourd’hui. En effet, à la suite de cette première transformation de la conversion rituelle - le changement de guilde ou de groupe ethnique -, le déménagement salvateur s’est transformé en changement d’affiliations religieuses au sein du christianisme. Ainsi, le passage d’une ?glise chrétienne à l’autre était censé impliquer des apports bénéfiques pour la famille qui abandonnait son ancien état malheureux pour l’avenir radieux réservé aux ??vrais?? croyants en l’avènement du Sauveur?. On peut considérer que la rupture brutale de relations sociales que la première conversion impliquait - avec la réclusion dans les stations missionnaires séparées de la société kikuyu.Se reproduit, dans le cas des mouvements pentec?tistes, chez l’individu touché par la gr?ce divine. En effet, cette connaissance intime de Dieu qu’est la réception de la gr?ce ou l’effusion du Saint-Esprit est tenue pour une conversion, la ??vraie??, censée remédier aux errements de la première, qui n’était qu’apparence. Ceci peut conduire à rejeter certains membres de la famille soudaine considérée comme ??pa?ens??.Mais ne nous méprenons pas, il ne faut pas considérer cet emploi pragmatique de la religion dans une perspective purement économique ou thérapeutique, car il s’agit des conséquences de la conception ??traditionnelle?? de la religion qui la voit ench?ssée dans les pratiques sociales qui, au même titre que les pratiques rituelles, se jaugent à leur efficacité concrète quotidienne?. [90]Ainsi lorsque la religion kikuyu ne répond plus aux attentes de ses fidèles, au moment où elle montre sa faiblesse face au pouvoir colonial, les conversions s’accélèrent, pour se mesurer à armes égales avec les Blancs?.Précisons que l’efficacité symbolique de la conversion participe d’un contexte où la question de la ??réalité?? de la conversion, chère aux mouvements pentec?tistes, n’a pas de sens. En effet, les interrogations sur la pureté - ou la ??véracité?? - de la foi ne peuvent appara?tre que dans un monde chrétien où la transcendance et le choix individuel ont un sens. Or, comme nous l’avons dit, les pratiques religieuses sont longtemps restées ench?ssées - au sens que Karl Polanyi donne à ce terme - dans les pratiques sociales et les considérer séparément, c’est-à-dire parler de foi et de ??véritable?? conversion revient à les constituer en un ensemble de pratiques singulières, artificiellement isolées. En d’autres termes, l’univers des pratiques religieuses a été profondément modifié et rendu relativement indépendant des pratiques sociales par un demi-siècle de colonisation, mais, comme nous le verrons, il reste imprégné de considérations qui ne participent pas du domaine religieux, au sens chrétien du terme.Ainsi, des aspects de la religion kikuyu se retrouvent dans la doctrine de la plupart des ?glises indépendantes, telles l’African Independent Pentecostal Church of Africa (A1PCA) ou les divers mouvements religieux ak?rin??. L’insistance sur les rêves, origine de prophéties et de messages de Dieu en est un exemple, à l’instar de la notion de thahu (souillure rituelle) qui explique l’isolement dans lequel se maintiennent certains ak?rin?, ainsi que le rejet des objets européens. De plus, si le mouvement pentec?tiste est aujourd’hui extrêmement vivace dans tout le Kenya central, c’est sans doute en raison des liens qu’il entretient avec les [91] pratiques religieuses précoloniales qui redoublent l’élan que le pentec?tisme conna?t dans une grande partie du monde chrétien. Ceux-ci rendent partiellement compte du succès qu’il a connu dès son arrivée au Kenya et que l’exemple de la conversion - l’effusion du Saint-Esprit -, au c?ur de la doctrine pentec?tiste, illustre à merveille:??La confession des péchés est un élément très commun dans la culture traditionnelle. En particulier l’équivalent traditionnel de la conversion, guciaruo ?kabi, comporte comme élément constitutif une “confession”, un rite de purification, de réfection de l’“homme ancien” impur, gotahe-kia. Mais au-delà de ces éléments concernant uniquement la confession, nous commen?ons à nous apercevoir, en outre, que de l’étude de la tradition émerge une séquence événementielle?: (A) [Kwerira, Gothahekia, Kuhonoka] correspondant point par point à la cha?ne des expériences constituant la conversion évangélique et pentec?tiste (B) [Repentance, Confession, Salut]???.? l’instar des premières conversions qui participaient d’un mouvement de mobilité sociale et de purification personnelle, l’expérience de la ??vraie?? foi s’inscrit dans une perspective identique?: il s’agit à la fois d’un mode de purification (guérison miraculeuse) et d’une prétention à la mobilité sociale (récompenses matérielles).Pourtant, surestimer les aspects traditionnels du pentec?tisme serait négligé les propriétés essentiellement chrétiennes de ce mouvement, à l’instar de celles des ?glises indépendantes. Lorsqu’il parle du fondateur d’un mouvement pentec?tiste, Valeer Neckebrouck affirme?:??C’est sa ferme conviction que Jésus reviendra sur terre, que ce retour est imminent et qu’il sera aussi visible et réel que le fut sa mort. Il sera accompagné de milliers de Ses saints, et II viendra inaugurer un royaume de paix et d’abondance qui durera un millénaire, pendant lequel le diable se trouvera encha?né et empêché d’accomplir son ?uvre nuisible. Toujours selon le témoignage scripturaire, l’avènement du règne millénaire sera précédé des grandes tribulations. ? la fin du règne. Dieu jugera les vivants et les morts selon leurs ?uvres. Ceux qui sont sauvés iront au ciel, tandis que les condamnés seront repoussés en enfer. Le bonheur des uns et le malheur des autres seront également perpétuels. Alors, ce monde-ci, qui a été pollué par le péché, passera définitivement et Dieu créera “un nouveau ciel et une nouvelle terre” où Sa justice régnera à jamais???.[92]On peut chercher vainement des aspects de la religion kikuyu précoloniale dans ce tableau millénariste. Or, ce sont bien les particularités du millénarisme qui distinguent le pentec?tisme est-africain des autres mouvements chrétiens d’Afrique orientale.Ainsi, l’intrication de pratiques sociales ??traditionnelles?? et de la foi chrétienne puritaine qui caractérise tant le mouvement pentec?tiste que les ?glises indépendantes, n’implique pas qu’ils en deviennent pa?ens pour autant?. Tant le pentec?tisme que les ?glises indépendantes proclament un attachement littéral à la Bible, tout en y recherchant - plus particulièrement dans les ?glises indépendantes - des liens avec les pratiques kikuyu. Cette prétention originelle, qui a pu associer les Kikuyus à l’une des tribus perdues d’Isra?l?, a favorisé la diffusion de ces mouvements religieux dès les années 30, lorsque les autres courants chrétiens participaient activement de l’aventure coloniale. Ainsi, les missionnaires rejetaient les pratiques religieuses précoloniales et cherchaient à imposer une morale victorienne qui légitimait la hiérarchie coloniale?. Les ?glises indépendantes ont donc pu prétendre à un christianisme pur, des ??premiers temps??, reprenant à leur compte l’aspiration égalitaire contenue dans les textes bibliques. C’est d’ailleurs cette prétention originelle - qui alliait une tradition mythique au christianisme biblique - qui a justifié la contestation de la domination politique et religieuse européenne. Aux yeux des fidèles, les missionnaires, les colons et les administrateurs se sont paradoxalement métamorphosés en mécréants qui ne respectaient pas les enseignements bibliques... contrairement aux ??purs?? Kikuyu.Millénarisme et richesse ostentatoireL’impression - fréquente au Kenya aujourd’hui et qui, comme nous l’avons vu, traverse les mouvements pentec?tistes - de vivre un purgatoire économique et politique, ainsi que d’attendre le Jugement dernier des [93] prochaines élections présidentielles donne quelque crédibilité à la perspective millénariste propagée par de nombreux prédicateurs. Il suffit ici de citer un de nos interlocuteurs qui manifeste bien les tribulations que les migrants kikuyus du plateau de Laikipia estiment vivre aujourd’hui:??Today, you will see that even a man of 40 years marrying a child in school and they call them ndogo ndogo (small small). Also you will see a man of 19 years marrying a women of his mother’s ?ge. Also women of today are marrying younger men as they have enough money. But this is not their wish, but it is the world ending and also money has spoilt them??.Si les hommes m?rs épousent des enfants, et surtout les considèrent comme tels, si les jeunes hommes se marient avec des femmes de la même classe d’?ge que leur mère, ce qui représente une forme d’inceste, c’est bien que le monde arrive à sa fin. Le retour du Christ est donc ressenti comme imminent et ses actions sont souhaitées dans toute leur matérialité?: punition des supp?ts de Satan et récompenses concrètes pour les fidèles?. C’est exactement ce qu’affirme Valeer Neckebrouck lorsqu’il décrit l’attente millénariste des pentec?tistes kikuyu?:??Le millenium est d’ordre eschatologique, situé dans l’avenir. Il est suscité par Dieu et centré sur son Messie, le Christ-Roi. Mais en même temps, et à l’encontre de l’eschatologie classique, son avènement inaugure un règne terrestre du Messie où ceux qui auront cru seront bénis, heureux et prospères. Les gratifications immédiates que le pentec?tiste kikuyu attend de l’Esprit sont également des éléments constitutifs du millenium différé???.Remarquons que si ces tendances millénaristes ne sont pas expressément présentes dans les anciennes pratiques religieuses kikuyu?, elles animaient les missionnaires protestants dès les débuts de l’évangélisation du Kenya et ont fortement teinté l’introduction du christianisme en pays kikuyu?:??Faith Missions such as the Africa Inland Mission had a feeling that ‘the time was short’ before the coming of the Lord, and god’s agents should not heavily involve themselves in éducation???.Associés à l’arrivée du Réveil est-africain, ces sentiments ont informé les pratiques religieuses tout au long de l’évangélisation, plus particulièrement lors de la période de la guerre civile, lorsque les prédicateurs [94] ??réveillistes?? retournaient les anciens Mau Mau pour en faire les fervents propagateurs du millénarisme chrétien?.Aujourd’hui, outre les services religieux pentec?tistes, des prêcheurs font également du prosélytisme sur les marchés ou dans les parcs municipaux à l’aide de leur seule voix, parfois soutenue par un porte-voix. Ils annoncent soit la fin du monde, soit l’imminence du règne de Dieu ou du millenium, et incitent l’assistance à se confesser publiquement pour être sauvée en recevant le baptême du Saint-Esprit. ? l’instar des anciens prophètes kikuyu, certains prédisent les événements à venir ou ??expliquent??, armés de passages de la Bible, les accidents extraordinaires ou les cataclysmes naturels. Ces modestes prédicateurs se transforment parfois en fondateurs de nouveaux mouvements religieux et rassemblent quelques dizaines ou quelques centaines de fidèles derrière eux, embryons de nouvelles ?glises?.La description suivante présente le surgissement, ou l’irruption au niveau national, d’un nouveau mouvement religieux à tendances pentec?tistes. Remarquons que rien n’en garantit le succès, puisque, selon toute vraisemblance, les principaux acteurs de ces événements ont fini sous les verrous.??Une femme rena?t d’entre les morts??, annonce le quotidien Nation trois jours avant No?l 1993?. Elle aurait survécu trois jours à la morgue de Nairobi, où elle a été conduite après qu’un officier d’état civil eut signé le certificat de décès. Deux cents fidèles d’une ?glise Roho (pentec?tiste), scission de la Legio Maria, se sont rassemblés devant la morgue et le fondateur de ce mouvement religieux a finalement été autorisé à y pénétrer pour prier et appeler la jeune femme par son nom. ? la surprise générale, une faible voix a répondu d’une des chambres froides et la femme en est ressortie très affaiblie, mais bien vivante. Les jours qui suivent, la police émet des doutes sur la légalité du certificat de décès, puis lance un mandat d’arrêt contre le responsable de la petite ?glise. Celui-ci se cache quelques jours, puis finit par se rendre à la police, non sans avoir passé à la rédaction du quotidien pour y présenter sa version de l’événement. Il prétend être ??aussi vieux que Jésus??, pouvoir ??téléphoner?? à Dieu et avoir le don de parler en langue (anglais, fran?ais, latin et [95] ??beaucoup d’autres langues??) lorsqu’il est inspiré. Il sera accusé de vol, de direction d’association illégale (l’?glise n’avait pas été enregistrée comme telle) et de troubler l’ordre public. En effet, les quotidiens nationaux avaient consacré leur grand titre à cette nouvelle résurrection au cours de la période de No?l. La petite ?glise avait atteint soudainement une audience nationale et ses dirigeants sont devenus des martyrs, considérés par le pouvoir temporel comme de vulgaires bandits. Face à la tournure des événements, l’ex-morte a réaffirmé sa foi en la personne du dirigeant de ce mouvement religieux, le considérant comme Jésus-Christ, et a certifié avoir bien été décédée...Au-delà de son aspect rocambolesque, cet exemple participe des guérisons miraculeuses qu’effectuent les prédicateurs pentec?tistes, signe du pouvoir que Dieu leur a conféré. Les aveugles voient, les culs-de-jattes marchent et les morts ressuscitent: le millenium semble donc proche. En effet, selon les textes, il sera précédé de miracles semblables à ceux du Christ et ces prodiges marqueront sa seconde venue. La crédibilité que confèrent les quotidiens à cette affaire - partagés entre l’incrédulité et la tentation - montre bien l’extension de l’attente millénariste qui caractérise ces nouveaux mouvements religieux. Cette attente peut d’ailleurs prendre des formes violentes lorsque la déception suit l’espoir effréné de miracles, tel comme Jackson Makau, qui, après avoir participé à une semaine de guérisons miraculeuses, n’a pu se résoudre à rentrer chez lui toujours invalide. La police a donc d? intervenir pour l’empêcher d’agresser les autres participants à la semaine de prières censée aboutir à des guérisons miraculeuses?.Cette ambiance d’attente exaltée de la parousie s’exprime également par les très nombreuses publications pentec?tistes vendues dans la rue, aux abords des services religieux des multiples églises pentec?tistes aux noms évocateurs?: Maximum Miracle Centre, Universal Church of the Kingdom of God, Jésus is alive Ministries, Jésus exploits Ministry, Glory of Christ Ministry, etc. Ces publications annoncent les ??croisades?? à venir et colportent les rumeurs qui sont autant de signes de la prochaine fin des temps. L’Antéchrist vit parmi nous et tente les fidèles au moyen de faux prophètes?; le bogue ??Y2K?? des ordinateurs montre que le pouvoir de Dieu reste supérieur aux miracles techniques de l’Homme?; les codes-barres dissimulent le chiffre de la Bête, car si l’on y regarde de plus près et si l’on procède à quelque calcul numérologique, on obtient le fameux 666?; des enfants morts revivent après avoir re?u l’imposition des mains de prédicateurs valeureux?; l’attentat de 1998 contre l’ambassade américaine de Nairobi est une tentative des supp?ts de Satan d’affaiblir les soldats du Christ?; l’inauguration d’un temple hindou est un signe de la puissance des idol?tres. Bref, nombreux sont les Kenyans qui vivent [96] dans un monde réenchanté par les prédications apocalyptiques des mouvements pentec?tistes.De telles rumeurs sont légion et ne se confinent pas au pentec?tisme proprement dit, puisqu’elles animent un grand éventail de mouvements religieux?: il suffit de mentionner le cas du mouvement Mungiki pour se convaincre que les guérisons n’expliquent pas tous les attraits des nouveaux mouvements religieux, qu’ils soient pentec?tistes ou indépendants. En effet, le mouvement Mungiki dissimule une contestation politique à base ethniste (kikuyu) et exprime la constitution d’un contre-pouvoir politique comme l’analyse Hervé Maupeu?.Ainsi, il para?t pertinent de dégager le lien existant entre appartenance politique et courant religieux. Au Kenya, le président Moi joue sur sa conversion au pentec?tisme pour s’assurer le soutien des mouvements pentec?tistes et contester la légitimité des prélats d’autres dénominations religieuses?, alors que la contestation politique s’exprime par la voix des ?glises établies ou par la création, ou la réactivation d’?glises indépendantes comme le montre l’exemple de Mungiki. En effet, si dans les années 80, le président a pris en main l’African Inland Church d’obédience évangélique en ??purgeant?? sa hiérarchie des éléments kamba - potentiellement contestataires - et en renfor?ant les prélats kalenjin, il cherche aujourd’hui le soutien des ?glises pentec?tistes et des prédicateurs étrangers ou locaux. Ainsi, dans l’ensemble, les mouvements pentec?tistes incitent leurs fidèles à respecter le pouvoir politique séculier, car celui-ci aurait été choisi par Dieu lors des élections de 1992 et de 1997 gagnées par Daniel Arap Moi. Ceci, même si ??les églises pentec?tistes ne s’expriment pas ou si peu dans les débats politiques kenyans. Leur insertion dans l’espace public est à débusquer au-delà des discours???. En effet, les services religieux ou les croisades sont l’occasion de réaffirmer la nécessité d’obéir aux autorités politiques, car leur mission est légitimée par la volonté divine. Si le pentec?tisme n’intervient pas dans l’espace public kenyan, il inscrit - comme nous le verrons - son action dans le domaine de l’imaginaire des forces invisibles qui offrent la richesse aux puissants et abandonnent les infidèles à leur triste sort.Certains prédicateurs, les évangélistes ??internationaux??, tel Reinhard Bonnke, K. A. Paul, Don Double ou T. L. Osborn, attirent des foules immenses dans les croisades pentec?tistes à l’aide de moyens audiovisuels dignes des plus grands groupes de variétés?. D’aucuns sont [97] accusés de ??voler?? les croyants des petites ?glises indépendantes ou de détourner leur hiérarchie afin de ??prouver?? la valeur de leur travail évangélique auprès des associations européennes, sud-africaines ou nord-américaines. Le fondateur d’une ?glise pentec?tiste critique d’ailleurs vertement ces prédicateurs:??[II] pointe [...] vers les activités de missionnaires blancs, représentants de minuscules groupes pentec?tistes anglo-saxons, parfois même des Free Evangelists, qui pour pouvoir continuer de bénéficier du support financier de leur base dans leur pays d’origine doivent être à même de prouver que leur zèle prosélytique n’a pas été déployé en vain. Or, détacher une section d’une église pentec?tiste déjà existante représente apparemment une voie plus rapide et plus facile pour arriver à cette fin que l’alternative consistant dans une campagne d’évangélisation visant à gagner de nouveaux convertis???.Cette quête effrénée de fidèles renforce encore le processus fissionnel inhérent aux ?glises pentec?tistes et indépendantes. Certains de leurs dignitaires se laissent tenter par la perspective séduisante de créer une nouvelle ?glise, et d’être ainsi non plus un membre éminent d’une ?glise, mais bien le fondateur d’un nouveau mouvement religieux, appelé à voir .son nom inscrit en bonne place dans l’histoire de l’?glise. Par ailleurs, si cette tentative de fission ou de détournement du mouvement comporte une dimension pécuniaire, beaucoup passent le Rubicon et fondent un mouvement religieux qui ne diffère du mouvement originel que sur des points de doctrine, somme toute, mineurs. Ainsi, la possibilité de ??vendre?? leurs fidèles contre une aide financière en vue de la construction d’un nouveau b?timent religieux ou de l’adjonction de certains fastes aux services religieux, donne un surcro?t d’intérêt à l’entreprise fissionnelle.L’exemple de ces dignitaires, avides de richesse et de reconnaissance personnelle, fournit des arguments à l’interprétation qui voit dans la fondation d’un mouvement religieux un moyen de mobilité sociale. D’ailleurs, certains migrants kikuyu du plateau de Laikipia sont particulièrement diserts à cet égard et soulignent cet aspect:??Most of the people who change from one established church to another established church are people who have been leaders in their former churches. They have eaten church money and when asked they run away from that church to another. Some also have been caught doing evil things [98] like stealing, prostitution and when they realize that they are known, they run away to another church.Others lost to established church to another estabüshed church hoping that vyhen he/she will join the next one, he/she will be given post like chairman, secretary, treasurer and will earn money which will be brought by the church members mbeca cia mihothi this was may be to the church which he/she was going tried to be given a post but meanwhile not possible so he/she went to that church and join another church thinking that it is very simple for him/her to get a post to that church. Other change thinking that he/she will become a pastor or bishop to that church as thinking that he/she might be appointed at that church to be a preacher.Some people change to new religious movements [or established church] due to various reasons: Some change due to dissatisfaction in the churches they are in (spiritual). Others due to ask of leadership post in their old churches. Others due to disagreement with other church members. Others in order to attract aid from western countries. They would like to attract the donor and the aid corn through them. Other due to denial of some important church ceremonies, e.g. baptism of their children. Condemned people in their own churches.??Dans une thèse déjà ancienne, Susan Abbot? remarque que les adeptes du pentec?tisme appartiennent plut?t à une couche relativement aisée de la communauté qu’elle décrit. Les observations que nous avons menées sur le plateau de Laikipia? nous permettent d’apporter quelques éléments de confirmation: les unités domestiques qui s’affirmaient saved affichaient des signes extérieurs de richesse qui laissent penser qu’elles se situent dans la couche relativement aisée, toutes proportions gardées, de cette communauté défavorisée. De plus, les fidèles des mouvements pentec?tistes de Nairobi présentent les mêmes caractéristiques extérieures?: il semble bien que le pentec?tisme mobilise plut?t des individus disposant d’une assise financière qui les distingue des plus pauvres sans qu’ils appartiennent pour autant aux couches moyennes ou aisées généralement anglicanes ou presbytériennes?. Pourtant les maigres ressources des fidèles n’offrent pas d’assurance face à l’avenir?; elles ne garantissent pas leurs enfants contre les coups du sort, qu’ils soient politiques, [99] économiques ou écologiques. L’inquiétude face à l’avenir, liée à la conviction de la prochaine parousie, sont deux caractéristiques communes aux fidèles pentec?tistes.App?t du gain, conflits internes, convoitises hiérarchiques ou détournements de fonds ou de fidèles sont également des éléments qui permettent d’expliquer les fréquentes conversions, ou changement d’affiliation, religieuses qui ont cours parmi les Kikuyu. Cependant, nous ne voudrions pas limiter ces éléments à des aspects pécuniaires, car ils nous semblent correspondre également aux pratiques en vogue dans l’administration kenyane qui ne se bornent pas à l’enrichissement matériel. En effet, dans les deux cas, nous avons affaire à une tentative de réalisation personnelle, certes dépendante des moyens financiers, mais qui va au-delà de cette perspective matérialiste, car elle concerne, à nos yeux, l’accomplissement de soi dans un cadre plus vaste?: l’obtention du statut de m?ramati?.Les fidèles des mouvements pentec?tistes ne sont pas insensibles au déploiement ostentatoire de la fortune de leur ?glise qui justifie, à leurs yeux, l’affiliation à une lointaine ?glise étrangère. Cette attirance pour la richesse s’inscrit dans la droite ligne de la ??théologie de la prospérité?? propre au courant nord-américain du pentec?tisme (la richesse est un signe de Dieu, tout comme la pauvreté est un signe du péché) ou à certains courants du pentec?tisme camerounais, nigérian ou ghanéen?. Pourtant, dans le cas présent, la relation entre l’opulence et la foi religieuse nous semble également plonger ses racines dans l’ethos kikuyu de l’homme accompli comme le révèlent les aspects redistributifs du big man. C’est d’ailleurs ce que John Lonsdale décrit lorsqu’il parle de l’ethos qui présidait à l’acquisition de richesse?. Etre riche récompensait les hommes de bien, ceux qui faisaient preuve de compassion (tha) et redistribuaient leurs biens pour séduire de nombreux dépendants. Le contre-exemple de la richesse égo?ste attirait les accusations de sorcellerie, [100] car elle était immorale et ne pouvait provenir que de sources occultes. Dans le cas des ?glises pentec?tistes, le déploiement de richesse nous semble donc exprimer les liens intimes qui encha?naient richesses matérielles et probité morale au sein de l’ethos kikuyu?.Pour les pentec?tistes, la ??vraie?? foi doit logiquement s’accompagner d’un luxe ostentatoire - car la pauvreté des vrais croyants ne peut plaire à Dieu - comme le m?ramati exposait son opulence en signe de moralité. Répétons donc qu’il serait erroné de considérer le processus fissionnel - et les motivations des dirigeants des nouveaux mouvements religieux - sous le seul angle de l’app?t du gain, car les connotations symboliques de la richesse dépassent ses aspects purement pécuniaires et présentent des aspects moraux qui conduisent à l’accomplissement de soi.Une dernière remarque: l’éthique chrétienne de la pauvreté se trouve à l’exact opposé de l’opulence qui sied à l’homme accompli ou aux responsables d’un mouvement religieux. Pourtant, elle est parfois évoquée, paradoxalement, pour expliquer la pauvreté soudaine d’une ?glise, interprétée comme une mise à l’épreuve des fidèles, comme un épisode des tribulations qui précèdent la seconde venue du Christ; ou dans un autre domaine comme une critique subversive de la corruption qui mine le monde politique et économique kenyan?. C’est un autre signe de l’ambivalence qui prévaut dans l’appropriation des pratiques religieuses chrétiennes par les mouvements religieux indépendants ou pentec?tistes. L’imaginaire auquel participe le pentec?tisme voit donc dans les ??forces?? occultes, bénéfiques ou sorcellaires un principe d’explication du monde où la richesse, dans son ambivalence, fonctionne comme l’indice - voire le sympt?me - qui permet de les déceler. Si le monde politique et, dans une moindre mesure, ecclésiastique tente d’instrumentaliser cet imaginaire afin de conserver ou d’obtenir le pouvoir temporel?, il est bon de rappeler l’ambigu?té qui le caractérise et rend son ??usage?? incertain et potentiellement dangereux pour qui s’y risque.Au terme de cette excursion dans l’imaginaire - qu’il soit sorcellaire, thérapeutique ou qu’il participe d’une ethnicité morale - qui a accueilli le Réveil pentec?tiste, il convient de rappeler quelques éléments. Tout d’abord, la conversion au pentec?tisme ne constitue pas une nouveauté [101] puisqu’elle correspond à une pratique thérapeutique ??traditionnelle??. Ensuite, l’ambivalence des interprétations que le pentec?tisme propose de la situation sociopolitique autorise des retournements soudains (richesse comme signe de Dieu ou comme récompense satanique), ce qui rend son usage politique incertain. Enfin, la ??vérité?? de la foi ou de la conversion ne peut être dissociée de ses usages pragmatiques (mobilité sociale, procédé thérapeutique) et chercher à comprendre la conversion sans considérer ces aspects revient à imposer une conception occidentale de la foi sur des pratiques sociales polymorphes, c’est-à-dire mutiler la réalité sociale du pentec?tisme. [102][103]Imaginaires politiques et pentec?tismes.Afrique / Amérique latine.PREMI?RE PARTIE?: AFRIQUE4“Pentecostalismin Museveni’s Uganda.”Paul GIFFORDRetour à la table des matièresSince independence Uganda has had a trajectory almost unique in Africa?: total collapse, followed by strong recovery. In this article I will argue that this peculiar history has influenced the type of Pentecostalism now found in Uganda.Uganda came to independence in October 1962 with Milton Obote as Prime Minister. In April 1966 Obote made himself Executive President. In September 1967 he abolished the four kingdoms (till then enjoying some federal autonomy) and introduced a new constitution. In 1969 he banned all opposition parties. His oppressive rule was overthrown in January 1971 by Idi Amin. Amin’s regime became a byword for brutality and savagery. In 1972 Amin, as part of an “economic war”, expelled all Asians, which in one stroke destroyed a great part of the country’s economy. Intellectuals were murdered or fled, the infrastructure crumbled, institutions collapsed. Only Uganda’s fertile soil and assured rainfall prevented starvation. In 1978 Amin tried to annex the Kagera salient, part of neighboring Tanzania?; in 1979, in retaliation, the Tanzanian army, along with the Uganda National Liberation Army, composed of exiles, invaded Uganda and in April 1979 took Kampala. A provisional government was established and in December 1980 held elections. Obote’s UPC (Uganda People’s Congress) won so Obote returned from exile to become President for a second time. The elections were widely deemed to have been rigged and opposition groups took to the bush to fight Obote’s regime. The most important of these groups was Yoweri Museveni’s National Resistance Army (NRA). The Obote government responded with the torture and murder of thousands of civilians. As the war escalated, Obote was overthrown in 1985 by the army which established a Military Council, promising elections one year later. All opposition movements reached agreement with the Military Council, except for the NRA which took Kampala in 1986 and dissolved the Military Council. [104]Museveni formed a cabinet with representatives of all groups, even three from the previous administration. A National Resistance Council (NRC) was established and in place of a legislature, Museveni introduced a system of Resistance Councils (RCs) as a form of grassroots participatory democracy to oversee local affairs. He encouraged guerrilla forces to join the NRA and has been quite successful in this, although there are still dissident forces, particularly in the north (most notably the Lord’s Resistance Army, built on the remains of Alice Lakwena’s Holy Spirit Movement which was crushed in 1987 with considerable loss of life). Museveni took control of a country in ruins, with no functioning institutions. He has tried to rebuild it. He has adopted structural adjustment policies and practices. He has preached reconciliation and tolerance, encouraged exiles to return, and tried to include in his National Resistance Movement (NRM) people from all groups and parties. He has tried to decentralize through his system of Resistance Councils and Local Defence Units. In 1994 elections were held (with candidates standing as individuals, not as party representatives) for a Constituent Assembly whose task it was to finalize and enact the new constitution. This Assembly had a working majority of Museveni’s supporters. The Constitution was promulgated in October 1995 and in the May 1996 presidential elections, with candidates standing as individuals again, Museveni won 70% of the vote in a poll judged to be free and fair?.Within Uganda Museveni seems respected and popular. Outside Uganda Museveni receives remarkable good press, with both Britain and the USA particularly strong supporters. He has been the recipient of considerable aid money, and in Africa has been the one to have most debt cancelled, as a reward for good economic governance. He has often been portrayed as the most remarkable of a new breed of African leader, a military commander with a relatively disciplined army, with a cause to fight for and totally contemptuous of the generation that took Africa to independence. Although one cannot downplay Uganda’s enormous problems, especially the social disruption caused by the AIDS epidemic, the spiraling cost of living, the brutality of the insurrection in the north, and the hardship of ordinary people as they struggle to pay for schooling or health care, there has been through the 1990s in a great part of Uganda an almost palpable spirit of optimism. The war in the north has dragged on, and Museveni’s military involvement in the Democratic Republic of the Congo in the late 1990s may yet undo much of his achievement and reputation. However in this article I will set the rise of Pentecostalism in [105] Uganda within this context of a transition from collapse to restoration, from despair to optimism.If the country has its own special history, the history of the Christian Churches is just as unique. Anglican missionaries of the Church Missionary Society arrived in 1877. They were followed two years later by the Catholic White Fathers. Their two Churches, respectively the Anglican (normally called the Protestant Church, or the Church of Uganda, COU) and the Catholic, have since constituted almost a duopoly. These two Churches are an essential part of the social fabric. They exerted enormous influence during the time of British rule. All education was in their hands (only in the 1950s did the British administration decide to open its own schools), thus reinforcing the divide between Catholics and Anglicans, ensuring that there was a religious divide among the elite from the beginning. Both Churches have become profoundly fused into political, social and cultural life. The rivalry between Anglicans and Catholics has become institutionalized in their respective political parties?; Obote’s UPC was linked to the COU, and the DP (Democratic Party) to the Catholic Church (although an oversimplistic identification should be avoided?; other, particularly ethnic, factors also play a part). The political significance of this division between Catholic and Protestant is probably the main reason why African Independent Churches in their classic form never took root in Uganda?; it was simply too important for one’s identity to be either a Catholic or an Anglican?.However, one peculiarity deserves comment here. Within the COU was a remarkable phenomenon that had many qualities of a Pentecostal Church, namely the balokole movement, the revival movement of the “saved”. Begun just over the border in Rwanda in the 1930s it spread in waves throughout East Africa, although remained centred in Uganda. It was essentially a lay community of prayer and fellowship, unclericalized and uncompromisingly rejecting any assimilation of the Church and the world, of Christianity and African custom, which it claimed to detect among the mass of not too enthusiastic Christians. There are different assessments of the qualities the balokole movement has brought to COU public life. Some claim that it has led to an element of exclusiveness or intolerance?: “Compromise was alien to balokole vocabulary”. At the same time, it is also said to have fostered “a culture of honesty, openness, [106] accountability, and restitution”?. Undoubtedly, it did both, as Hastings notes?: “If the Revival brought a much needed new outburst of commitment to the confession of faith and high moral standards, an intense personal loyalty to Christ which would prove decisive for many in moments of crisis, it also brought conflict, narrowness, spiritual arrogance and near schism”?. Some schisms were real, like that of the Abazukufu (the “reawakened”) which began in the 1960s as a result of the perceived laxity of the saved. Even though the revival persists in the 1990s, it is nothing like the force that it was?. It seems to have run out of steam during the Amin years (1971-79), and several reasons are given for this. First, the movement was based on the concept of equality, yet about this time several balokole became COU bishops. The movement was disorientated by this infusion of episcopal authority, not to say authoritarianism. Likewise, a movement built on unity now developed different geographical centers of power. Secondly, some of the bishops who laid claim to the label mulokole seemed in their conduct anything but “saved”?; such discordance caused some crisis of identity. Thirdly, during the terrible Amin years, the moral map changed?; uncompromising truthfulness, for example, simply could not work in circumstances where one could survive only by operating on the black market. Fourthly, the exclusively personal or individual ethics of the movement had little to offer in circumstances where some social theology was demanded. For all these reasons, the movement had run out of steam by the mid-1980s when Museveni restored some state of normality. Before it could re-establish itself, new Churches were appearing with a different appeal, one far more attractive to the young. Thus the full-blooded Pentecostal Churches so visible today are something other than a revival of the balokole movement. Obviously, the new Churches fulfil some of the role formerly played by the movement but they should be viewed as part of the wider Pentecostal phenomenon, rather than in terms of the particularities of Central Africa which produced the balokole revival. Besides, most of these Churches would [107] distinguish themselves quite sharply from the balokole movement, and even attack it publicly (the balokole all-night prayer sessions, with their real or imagined abuses, seem a particular focus for attack)?.Pentecostalism within Uganda has had a most artificial history, since the British administration did not encourage Churches other than the Anglican and Catholic, and Amin’s edicts in 1973 and 1977 outlawed all Churches except the Catholic, Anglican, and much smaller Orthodox?. Even so, a few Pentecostal denominations did appear - the most important being the Pentecostal Assemblies of God, a fellowship of autonomous Churches linked to the Canadian Assemblies of God, established in Uganda in 1935. (They are found particularly in eastern Uganda, being essentially a spillover from neighboring Kenya.) When Museveni took control in 1986 and began the return to normality, a new era dawned for Christian Churches. Local Churches have arisen. Numbers of missionaries have arrived (though they cannot simply evangelize?; as a condition of entry, Museveni demands that they involve themselves in some form of development work). The enormous increase in Churches seems due less to mass conversion than to a hemorrhage of nominal members from the two established Churches. Dissatisfaction with these established Churches arises particularly from their pivotal role in the old and discredited dispensation, whose evils are well remembered.Thus Pentecostal Churches have mushroomed luxuriantly throughout the 1990s. Kampala alone has countless new Churches, with names like the Namirembe Christian Fellowship, the Rubaga Miracle Center, El Shaddai Ministries, the Redeemed Church of Christ, Prayer Palace Christian Center, Victory Christian Center, the Church on the Rock, and Abundant Life. Similar Churches are in all major centers, and Pentecostalism should not be seen as an exclusively urban phenomenon - all are aggressively involved in Church planting in the surrounding rural areas, spreading their particular brand of Christianity. To give some impression of the variety in question here - a variety that the simple label “Pentecostal” hardly does justice to - let us look in some detail at some examples within Kampala. [108]First, consider the Kampala Pentecostal Church, known locally as KPC. This is a Church of the Canadian Pentecostal Assemblies of God (PAG). It is distinguished for its lively worship, but this is exuberant rather than unrestrained?; for example, no trance-like states would be encouraged. Here, participation is complete, the English hymns are led by a five-piece band (electric guitars and percussion, with the pastor’s Canadian wife on the electronic keyboard.) The services are a blend of testimonies, choir singing, and will even include healings, but these are neither emphasized nor flamboyant. The essence of the service is the sermon, delivered whenever possible by the Canadian pastor. The message is influenced by the faith movement of health and wealth. Thus the pastor preached in July 1995 about “the law of harvest”. He claimed that “God is not more inclined to bless an American than a Ugandan... When walking in God’s favor, God blesses us. If we are faithful, abundance will continue to flow”. He gave an example?: “I believe God loves me enough to give me a new Land Rover Discovery. I’ve already seen it [in faith], and God has provided most of the money... It will happen. I haven’t got it registered yet, but I’ve seen it in faith”. However, it would be misleading to suggest that the Church’s incessant preaching was one of prosperity. This sermon was one of a series on the miraculous, and in this same sermon the pastor actually said?: “You know my life, you know I don’t preach this every week”.The Church’s most obvious characteristic is its professionalism. Services begin and end on time. Choirs are well rehearsed, and take their assigned place in a planned programme. Hymns for congregational singing are projected on a giant screen. Sermons are meticulously prepared and skilfully delivered, with points clearly made, and frequent recapitulations and summaries. The numerous office staff are stylishly dressed, competent and obliging. The Church has a wide range of activities (for youth, for mature youth, for women, and nearly a hundred cell groups), all conducted exactly as advertised. The Church building is a former cinema in central Kampala, and the Church owns the entire block of about 20 shops?; all have been extensively renovated, making this some of the most desirable real estate in central Kampala. The Church is heavily in debt because of this development, mainly to the Canadian Assemblies who advanced most of the money, but this investment should in time provide a considerable income. There is absolutely no suspicion of financial irregularity or personal enrichment - essentially because the pastor is white and therefore trusted totally. The entire business operation is managed by another Canadian missionary.The Church has grown enormously?; it was founded only at Easter 1984, and by the mid-1990s had about 5000 people attending its three Sunday morning services?; a number steadily increasing. To convey some idea of this achievement, this number is already more than those attending the Catholic cathedral, and more than those attending all the services at [109] both Kampala’s Anglican cathedrals. (Some suggest that much of the KPC membership formerly belonged to the congregation of the nearest Anglican cathedral.) But numbers alone do not convey the Church’s impact in the city. The pastor recounts that in 1984 the newspapers would not advertise a Pentecostal service?; because Pentecostalism was so strange to Uganda, he could not even borrow their “Jesus Film” from the evangelical body Campus Crusade, because “we don’t lend to Pentecostals”. Initially there were all sorts of problems with parents refusing permission for children to attend KPC. By the mid-1990s, however, important people were openly grateful for the Church’s effect on their children. The Church’s members are educated (services totally in English ensure that), and many are well off, obvious from the expensive cars in the parking lot.Undoubtedly the Pentecostal spirit world is the world view of KPC members, but this is not particularly obtrusive. KPC is thoroughly North American, with all that that means in terms of professionalism, presentation, planning, marketing, and customer satisfaction. This Western element is certainly a big part of its appeal and there is no doubt that the effect of all its activities is westernizing.Next, consider the Abundant Life Church, founded by a Black Canadian in Kampala in October 1989. It began meeting in Kampala’s Sheraton Hotel, but in January 1991 moved to a spectacular hilltop site 9 kms along the road to Entebbe airport. Free buses are provided every Sunday to transport worshippers to the Church. In October 1992 the present building was opened which holds about 1200. This building will become a mothers’ hall when the proposed domed 15?000 seat cathedral is completed, at an estimated cost of $1.5 million.This Church is totally personal. If Pastor Handel Leslie left, there would be nothing. He is the prophet, he is the pastor, he is the anointed man of God. (He is from an Adventist-Pentecostal background, and studied “at Church of God and interdenominational seminaries in the States”?.) This is a faith Church, but the general faith doctrine of health and wealth has here taken its own path. Although not ignoring healing, Pastor Leslie has relegated it to the very periphery to focus almost exclusively on success. And success is understood almost entirely in terms of becoming a successful businessman. He repeatedly denounces working for the government as a [110] waste of time. One must have one’s own business. Even if one is a lawyer or doctor, one must create a business, perhaps run by others, which will be the main source of revenue. (This represents a complete change from the first days of African independence when to have a government job was to be one of the chosen.) Success for those at Abundant Life comes from the quasi-magical gifts of the pastor - or more correctly, success comes through his anointing, and through the inexorable working of the spiritual law of sowing. (There is a slight tension here?; success is to come through the automatic application of laws, and yet needs the pastor’s influence.) Both aspects are evident in the following examples.On 29 May 1994 in the course of the service he claimed?: “I feel anointing in my left hand. All those who want a job within 17 days come out”. About 120 came out to the front, and he touched their hands with his left hand, saying?: “Receive jobs in Jesus’ name. I command these jobs to come, I command these jobs to come (repeated ten times). Seventeen days will not pass without a job. Come, in Jesus’name (six times). I break the spirit of joblessness in Jesus’ name. I decree those jobs to come. Jobs, I command you to come. And I speak of the highest and best jobs”. All these blessings are to come solely through the special gifts of this pastor, through his special anointing.The second aspect of the message is the law of sowing and reaping. In the course of one service the pastor held three separate collections. He called all those who were jobless but hoping for a job, to come forward to pledge 10% of the salary they were hoping for, the pledge to be paid within the following ten days. As soon as the jobless came forward, ushers distributed pens and paper for them to write their names and the amount pledged. Then at the end of the service he told of a revelation he had received the previous Friday night. He called out all those who would donate 8 0(X), 80?000 or 800?000 Ugandan shillings (then US$8, $80, or $800) within the following ten days. Again, the sanction of God was invoked?: “Obey the urging of the spirit”. About 120 came forward. Again, paper and pens were immediately distributed so that they could write their names and the amount they committed themselves to. He told them?: “You are doing this for yourself, for your business, for your promotion”.The following Sunday he preached on the gift of prophecy, and had no hesitation in describing himself as a prophet. The latter part of the sermon dealt with supporting a prophet. “Whenever you meet a prophet you should not meet him empty-handed. Because usually something happens”. He told the story of Elijah’s taking money from the widow (1 Kings 17,7- 16), after which every time she went to her store, it increased. “You cannot give to a prophet and become poor. God will never decrease your supply, he will increase it”. He told the story of Saul consulting a prophet about his missing asses (1 Sam 9,3-8). In commenting on v 7, he said, “It is [111] important to bring the man of God a gift. Yet there are people who don’t think to give a prophet anything. The way to get more out of a prophetic anointing is to bless the prophetic anointing”. After this, nearly three quarters of the congregation went forward to give an offering to the pastor, who collected it personally in his own hands saying “God bless you” to each donor, and then placing it in baskets by his side. If 800 people gave an average of 500 Ushs, this would come to 400 000 Ushs (about $US 400).The worship here is lively, with English hymns, a band with electric guitars and keyboards and a choir who perform two or three numbers every service, but the service is almost exclusively focused on the pastor, although his wife will sometimes play some part in the proceedings. The members are well off, young and beautifully dressed. The members seem very westernized, with the women in stylish fashions and hats - there are few women in traditional attire or gomesi here. There are numerous expensive cars in the car park, including some with the legend “World Bank” or “Office of the President” on the doors. There are sometimes visiting speakers and the pastor will frequently travel outside Uganda “for courses”, but the dynamics here are essentially intra- Ugandan?; the message is for local people who intend getting on, and the money is (as we have seen) raised locally.My impression is that in the mid 1990s these two Churches were almost paradigmatic. Their enormous growth, public profile and impact were evident to all. They were not identical in their theology?; Abundant Life was far more aggressively faith gospel than KPC. For our purposes the significant thing was that although the Pentecostal understanding of spiritual forces undoubtedly underpinned them both, the stress was elsewhere. The stress in both was on success and getting on, and I think this was possible because Museveni has visibly turned the country round, and improvement was believed possible for the first time in decades. Life is visibly better and there is no need to find scapegoats or name demons responsible for ills?; in these Churches the emphasis was on blessings, growth and plenty?. And their influence is not just because their success has made them national exemplars. KPC, for example, has its own strategy of Church planting. KPC aims to create Churches in Uganda’s regional cities, and to spread throughout the rural areas from there. Since [112] 1994 KPC has each year targeted three cities where the PAG has no presence - thus largely in the south and west. Teams of about 25 people, trained in personal evangelism, spend two weeks in the chosen city. The first week they spend in personal evangelism?; the second week they follow up the contacts from the first week. Then a pastor from Kampala is left in charge of the new Church. Through this method the KPC has founded Churches in places like Mbarara, Kabale, Masaka and Fort Portal, Masinde, Luwero and Hoima. (These Churches are thus daughter Churches of the KPC rather than part of the general outreach of the PAG).Other Pentecostal Churches are appearing, perhaps more obviously African, which emphasize the spiritual realm much more, even if the spiritual forces are posited on the personal rather than the national level. Consider Namirembe Christian Fellowship, an autonomous Church begun in 1977 by Simeon Kayiwa, a young art graduate and teacher. This is Kayiwa’s Church. He could not be transferred?; it is his Church, or, more properly, the Church is him. He has personally attracted a large following, for whom he is a mighty man of God, with an overflowing anointing. It is his gifts that brought the Church into being, and preserve it. These gifts are particularly evident in healing, and now it is for his claims to heal AIDS that Kayiwa is known. By November 1994 he claimed to have healed over 30 AIDS patients. Newspapers suggest that although he trains others in a healing ministry, the ability to cure AIDS is special to Kayiwa. His gifts go further than healing AIDS however. He can perform spectacular miracles. He will readily recount how in 1982 the girlfriend of a “witchdoctor (sic)” in Hoima came to him. Kayiwa told her not to go back to the witchdoctor, so she stayed with him for six weeks. “The witchdoctor said he was going to kill me within a week if she did not go back”. Kayiwa, unafraid, sent the witchdoctor a message that he himself must come to Jesus. “That very day fire came from heaven and killed him.” He tells how another woman was attacked by fire, for a month. The fire would hover in the house, burning various things, like children’s toys. “The burnt spots in the house are still evident”. “The Anglican clergy went but they couldn’t do anything. It got worse. I went into the compound and it stopped immediately. It stopped because of the anointing I have, and because of (my) faith”. In recounting his exploits, he frequently refers to the role of dreams. Services at NCF are not as organized as at KPC. On occasions it is clear that they have not been planned, and sermons are often repetitious and rambling. The preacher can even arrive late. The social status of those attending is not as high, and the numbers are in the hundreds, rather than thousands. Kayiwa undoubtedly has followers, and even a certain pre-eminence among a group of born-again pastors, but although perhaps more representative in one sense, he is not an exemplar or model on the level of the two previous pastors.[113]For an example with even more Africanness, consider the Holy Church of Christ. This Church looks back to the Ghanaian prophet John Obiri Yeboah, who lived in Uganda in the 1970s but returned to Ghana when Amin moved against the newly emerging Pentecostal Churches. He returned to Uganda in 1986, before dying in 1987. This Prophet John is an important figure in current Ugandan Pentecostalism, for several Churches are descended from him. He established the first association of Pentecostal Churches, the National Fellowship of Born Again Churches and United Reformed Council, in 1986?. During his brief second stay in Uganda, he allegedly singled out a woman and made her a prophetess. In the light of Prophet John’s anointing, she and her husband Sam, both in their early 30s in the mid-1990s, have gone on to establish their Church, in which he is the pastor, she the prophetess. This is a truly joint operation. Services last from about 10am till 5pm each Sunday, and are attended by about 1200. The congregation seems to come from all classes. A good part of the service is spent in healing, which both the pastor and his wife perform. The Church has a most distinctive character as Prophet John had been a Catholic. Candles, incense, water and oil are everywhere in evidence. As the long lines move to the front for healing, bottles of olive oil and buckets of water from the spring under the Church are utilized - the oil is even rubbed on women’s stomachs. At the end of the service everyone is not sprinkled with but thoroughly dowsed in holy water. There is no choir at these services. This was a deliberate choice. For both pastor and prophetess choir practice and fornication are almost synonyms, they insist that it blocks the working of the Holy Spirit to have such dubious people standing near the preacher. There is surprisingly little singing, although occasionally the pastor or the prophetess will break into a few verses of some old favorite, which an electronic keyboard will then take up. There is no attempt to involve anyone beside themselves. The service is" essentially them, although there are frequent testimonies, with the microphone passed to people clamoring to testify, nearly all of whom speak in local languages translated into English. Most of these testimonies focus on what the pastor or the prophetess has done for the testifier.These services have a much more African feel than those of the other Churches mentioned above. The prophetess can fall into a trance and lie apparently senseless on the steps. There are periods of uninhibited and unrestrained worship, with women shouting and whirling and requiring [114] restraint to prevent harm. It is also quite relaxed - at times the couple’s young children wander up to their mother, to be given a coke or something to eat. The service is the major Church activity. There are no cell groups or Bible studies for members, and there is no mission strategy. During office hours on week days, the Church functions as a clinic - this is the word the couple choose to describe their Church - with at any one time up to 20 suppliants waiting their turn to see one or the other.If the service involves (besides the sermon) mainly healing, the testimonies and prayers focus mainly on jobs and money. Again, there is a heavy accent on success, which comes not so much through faith as through the gifts of the couple. They have the anointing of the Spirit and can do more than any “witchdoctor” could through his Satanic wiles. There is an acceptance of African spiritual realities not found in most other Pentecostal Churches?; frequently the testimonies repeat, “I went to the witchdoctor to no avail?; then I came to the prophetess and I was cured (or found a job, or made some money)”. Going to the “witchdoctor” is not denounced?; it is just pointless when one has the opportunity to come to the prophetess or pastor and be helped by Jesus himself. The element of success and prosperity is thus again prominent. The pastor told me, “I used to be poor and sick. But we built a house in six months, we built a Church in six months. Our God makes us able”. While proudly showing me round their buildings, both kept repeating?: “Can the devil do this??” During a service, the prophetess prayed?: “Jesus has put down our enemies?; we shall never be poor”. Theirs is less the unadulterated faith gospel of the American originators Hagin and Copeland, and has more of a local flavor. They have heard of the American proponents of the faith gospel - in Uganda’s charismatic Churches today it would be hard to be totally uninfluenced by them - but not really read them. They do not have visiting speakers, nor do they go overseas for courses. They are not funded from overseas, although they are seeking links. They are both remarkable people, very intelligent, with an enormously impressive knowledge of the Bible, although lacking the education or formal training of someone like Kayiwa. Yet they have thought very deeply about Uganda’s situation. They repeat Museveni’s theme that “We need job- creators, not job-seekers”. They claim that the problem in Uganda is not illiteracy?; the problem is the number of educated people with no jobs. And poverty is not the problem. “There is money here?; you in the West have been misled. The problem is not poverty?; it is lack of trust, of knowledge, of organization”. Again, “The problem is not poverty, it is guidance, mobilization, trustworthiness and organization”. So they have set themselves to create wealth, motivate their members, and demonstrate accountability and skill in organization. They have embarked on an impressive building project involving pastor’s house, Church, and a [115] bakery. Much of their service is spent praying for jobs and promising jobs, but they have a genuine economic vision and a GOP (Get Out of Poverty) plan to achieve it?; there is less supernaturalistic agency than at Abundant Life, although there is still plenty. Again, the spiritual forces provide the background to the message, but are not the most salient thing.I think it is undeniable that Ugandan Pentecostalism has neither the fixation on evil spirits nor the deliverance ministries so prevalent in some other countries of Africa, particularly West Africa?. Part of the reason for this might be the strikingly less “magical” character of traditional Ganda religion?. However, in my opinion the main reason is the transformation Museveni has achieved (again, leaving aside the north of the country). There are no evils needing to be represented as satanic, or attributed to evil spiritual forces. Quite the contrary - the improvement is so palpable that Pentecostalism’s focus is victory, blessing, advance, success, wealth. This attitude chimes in or meshes with Museveni’s own programme. Pentecostalism has considerable relevance in Museveni’s Uganda. Museveni is creating a new country from the ashes of the old. As he has repeatedly claimed?: “This is not a changing of the guard?; this is a new dispensation”. For many at least, he is succeeding. The two established Churches were also part of this old dispensation. They too have to be transcended?; hence (at least in part) the hemorrhage from them to Pentecostalism. This sentiment is heard everywhere in the vocabulary of the born-agains?: words and phrases like “victorious”, “breaking through”, “climbing over”, “creating a new order”. Their hymns express this victory, this unstoppable surge, this wave carrying all before it. Pentecostalism can be seen as the religious side of a more widespread enthusiasm. The born-again movement relates to Museveni’s movement of reconstruction, in a dynamic not so evident elsewhere else in Africa.So often in Africa, born-agains consider politics a dirty business, responsible for so many of their ills. The imagery of satanic forces is applicable to the oppressive elite and the closed opaque political system they operate. Museveni, though, is something of a visionary with an agenda for Uganda (some say all Africa) involving grassroots participatory democracy, accountability, predictability, legitimacy. Uganda’s public space is relatively open and transparent. In Uganda, there is no need to demonize the political sphere. In the eyes of many, the evil spirits were part of the previous, superseded dispensation. In 1994 a Senior Principal Revenue Officer told me that 273 employees had recently, as part of a rationalization of the civil service, been retrenched [116] from the tax department. Previously, corruption was rampant - in his language, “Spirits controlled the tax office”. It was the job of this particular Revenue Officer to select those to be made redundant. He had made sure that no born-agains had been dismissed. As a result, in the month before the dismissals, the office had collected 21 billion shillings?; the month after, they had collected 59 billion. In his language, “God is working miracles, we shall claim the place in Jesus’name”?. He saw Pentecostalism as part of the government-sponsored movement of reconstruction. In Museveni’s Uganda, to an extent not possible in much of Africa, Pentecostalism need not be an opting out, it may be an opting in.Uganda has, as is well known, been at the center of Africa’s AIDS epidemic. However, although there is no minimizing the personal tragedy the disease has wrought, the Museveni administration has won considerable acclaim for the way in which it has publicly and openly addressed the problem. Nothing was hidden or denied, as has been the case in so many African countries. Statistics were made public, modes of transmission explained, educational campaigns were mounted, with the result that the situation has been controlled and the rate of infection has reportedly even been turned around. Again, Museveni’s openness has lessened the opportunity for AIDS to be seen as a mysterious realm of spirits and demons. In my opinion, it is not primarily so viewed.Because of Uganda’s particular history, Museveni sees ethnic and religious differences as enormously destructive. Through his non-party, inclusive or “movement” form of democracy, he attempted, throughout the 1990s, to outlaw divisions on lines of ethnicity or religion. It is almost a compact whereby he will deliver stability and rising standard of living, provided the people leave overall national policy to him. By and large Ugandans have acquiesced in this, even gratefully, and although all could change if Museveni’s DRC involvement becomes a fiasco, at least in the latter part of the 1990s this is not yet the case. Pentecostals are not co-opted by the government. Musevini himself keeps his distance, although his wife Janet is born-again, and is sometimes a key speaker at conventions. Pentecostals are active in the public realm. Pentecostal Churches even see themselves as making a special contribution here, most obviously through raising up trained and principled leaders. For example, the pastor of the Kampala Pentecostal Church recently made leadership his special focus throughout an entire year, arguing that “KPC stands for the reform of Uganda through total personal integrity on the part of Christians who take on positions of leadership”. Many of the leadership skills learnt in such Churches might be specifically directed at leadership in ministry. This emphasis is understandable, for many people will tell you that there is [117] today such a revival occurring in Uganda that the only brake on it is the lack of personnel to manage it. Nevertheless, the skills learnt in this personal of family or Church area are then available for application in the wider sphere. In Uganda, today, many Pentecostal Churches seem to view this leadership training as among their very top priorities. They certainly do not see the public realm as in any sense closed to them, or hostile to them, much less as evil. In this matter, as in so much else, Uganda’s new political dispensation has determined the way the Pentecostal Churches understand themselves and operate. [118][119]Imaginaires politiques et pentec?tismes.Afrique / Amérique latine.PREMI?RE PARTIE?: AFRIQUE5“Les ?glises de guérisonà Kinshasa.Leur domesticationde la cris des institutions.”René DEVISCH?Retour à la table des matièresDepuis une vingtaine d’années, dans la plupart des villes en République démocratique du Congo ainsi que dans les zones rurales avoisinantes, quelques centaines d’?glises charismatiques de l’Esprit saint, dites de guérison, se sont développées. ? Kinshasa, elles comprennent quelque 20% de la population dont, avant tout, des migrants, des mères monoparentales, des cols blancs et autres représentants des classes moyennes, des personnes déplacées ainsi que des jeunes gens souvent coupés de leurs milieux d’origine. La plupart de ces ?glises prennent naissance autour d’un prophète, dont la demeure ou le jardin offrent aux adeptes du voisinage un cadre d’accueil familial. En général, une ?glise comprend une centaine voire plusieurs centaines d’adeptes, se regroupant dans une ou plusieurs communautés de prière appelées paroisses; il y a autant d’?glises affirmant une autonomie ou indépendance qu’il y a de prophètes fondateurs. Ces ?glises rompent explicitement avec les impératifs de partage et de conformité des milieux villageois, qui [120] s’appuient sur les liens de sang et une gérontocratie masculine considérée par trop facilement vindicative par voie sorcellaire. Elles prennent leurs distances aussi face aux modèles évolutifs et moralisateurs re?us de l’Occident colonisateur et missionnaire?. Elles critiquent l’exclusion de la grande majorité de la population des avantages propres à la globalisation économique et informationnelle en cours. C’est-à-dire que ces ?glises charismatiques se donnent la t?che de combler le vide éthique et législatif suscité par la faillite sur place de la modernisation et par la dissolution du parti-?tat?.Elles agissent sur leurs fidèles et, par répercussion, sur la société par la voix et l’action de prophètes qui se sont prescrit une double t?che (que nous avons enregistrée à l’occasion de maints sermons): 1) ??Protéger la communauté des agressions invisibles de l’extérieur et démasquer les attaques de la sorcellerie auxquelles est exposée toute victime qui souffre d’une déception personnelle, de noirceur mélancolique, d’incrédulité, etc.??; 2) ??Conduire la communauté vers une nouvelle existence, un nouveau monde, dans un voyage vers la lumière et la foi, la vraie vie, pour une Rédemption ou une transformation vécues à la manière d’un mariage avec Jésus??.Je me penche ici sur ces communautés de prière, communément dénommées ???glises de l’Esprit saint?? ou ?glises de mpeve ya nlongo (littéralement, ??de l’esprit de l’autre monde??, notamment, du monde ancestral). Ces communautés à grande effervescence religieuse ont connu une large expansion en particulier chez les Koongo du Bas-Congo et de Kinshasa. Elles se distinguent des ?glises pentec?tistes issues de l’?uvre missionnaire principalement américaine. Comparées aux ?glises indépendantes, ces ?glises pentec?tistes affichent une autorité forte centralisée et peu de pluralisme, voire un contr?le ferme d’orthodoxie dans la liturgie, l’exégèse et les messages dits prophétiques. Mon étude? se limite aux [121] ?glises indépendantes de l’Esprit saint dans la capitale (où les Koongo constituaient 80% de la population vers 1956 et en représentent aujourd’hui sans doute quelque 40%).Ma thèse est que les ?glises indépendantes examinent de nouvelles voies articulant une jonction entre différents horizons culturels, depuis celui du village jusqu’à celui de l’?tat-nation dans l’ensemble africain, voire mondial. La première partie de l’étude qui suit offre un bref historique de ces ?glises. La deuxième partie traite de la question de l’implication des ?glises de guérison dans la vie politique. Celles-ci affirment chercher à rompre avec le mode bureaucratique de gouvernement ou d’autorité ainsi qu’avec la vision panoptique si caractéristique de l’?tat postcolonial et de l’?glise missionnaire. En effet, la colonie a mis en place un système de pouvoir et des modèles civilisationnels en rupture avec l’ordre politique, éthique et culturel en vigueur dans les sociétés locales?. Les ?glises de guérison sont une protestation indirecte face à l’?tat (post)colonial, dont elles refusent l’autocratie bureaucratique. Tout comme elles s’opposent aux relations de subordination établies dans la colonie entre celui que l’on appelait jadis ??le villageois?? ou bien ??l’indigène?? et celui qui appartenait à ??l’élite des évolués?? ou à l’univers ??des blancs noirs??.Elles tentent de promouvoir dans l’espace public des rapports davantage égalitaires ou du moins à décoloniser l’imaginaire? collectif en le ??ré-endogénisant? [122] au contact des terroirs culturels propres aux masses. En effet, le contact direct et intense avec le prophète et l’Esprit saint place tous les membres, officiants et simples adeptes, sur un plan de fondamentale égalité. Les visions nourries par les textes des prières, les chants et particulièrement la Bible - le livre capital des Blancs -, tout comme l’emprise soudaine ou imprévisible de l’Esprit saint qui révèle son message dans le rêve et dans le parler en langues ou la glossolalie, bref tout cela brise ou atténue la dépendance envers l’élite politique et les textes bureaucratiques. L’Esprit saint descend en toute liberté sur les adeptes, sans tenir compte de leurs mérites ni de leur origine ou niveau intellectuel. Il ne favorise que ceux qui s’abandonnent inconditionnellement à la gr?ce divine. Dans la troisième partie, consacrée à l’imaginaire des ?glises de guérison, je soutiens en outre la thèse que la parodie ou l’extravagance dans la célébration liturgique sape l’autorité des modèles blancs et chrétiens. Elle donne aux assemblées une identité dans l’écart, un bénéfice d’identité en cannibalisant les modèles d’identification eurocentrés.Bref historiqueDans les années 20, suite à une génération de colonisation et de présence missionnaire, puis au tournant de l’indépendance en 1960 ainsi que du début de la décennie 80 à aujourd’hui, on a assisté à la floraison d’?glises de guérison en marge des nouveaux centres du pouvoir dans les régions du Bas-Congo, du Bandundu et des deux Kasa?.Au Congo belge, les premiers prophètes se profilèrent en milieu koongo au moment où ce peuple était affaibli par la maladie du sommeil, à savoir vers 1904-1906 dans la région où l’on aménagera le chemin de fer au prix de nombreuses vies humaines et d’une déstabilisation désastreuse de l’écosystème et de l’ordre social. Vers les années 20, sans doute influencés par l’ambiance anticoloniale suscitée par le retour des soldats congolais du Cameroun, où ces derniers avaient eu pour mission de contenir la force allemande, des prophètes surgirent pour chercher à domestiquer la puissance blanche, missionnaire et coloniale.Les quelque trois millions de Koongo occupent un espace qui déborde sur le Congo-Brazzaville et l’Angola, s’étendant sur 350 kilomètres le [123] long de l’immense fleuve Congo, depuis Kinshasa jusqu’à l’océan Atlantique. De la fin du XVe jusqu’au XVIe siècle, des missionnaires portugais, italiens et espagnols introduisirent le catholicisme romain tout au long de la région c?tière du royaume de Koongo. Se nourrissant de ce premier contact, des mouvements messianiques, qui entendaient restaurer le royaume de Koongo et son tissu social, surgirent à partir de la fin du XVIIe siècle jusqu’au début du XIXe siècle. Tels furent, entre autres, l’antoinisme de Dona Beatriz Kimpa Vita et le mouvement kiyoka?. Au cours des années 20, apparaissent les prophètes Koongo qui, en se désignant eux-mêmes par le terme de messager (en langue kikoongo, ngunza)?, se réfèrent autant aux prophètes de l’Ancien Testament qu’à ces messagers de la tradition Koongo qui représentent le chef et les ancêtres. Ces prophètes semblent souvent être issus de branches marginalisées de familles prestigieuses, voire dynastiques. Les mouvements charismatiques visant à une anti-acculturation, connus sous le vocable de ngunzisme, ont pris leur essor dans les milieux missionnaires évangéliques anglais, américains et suédois qui avaient quelque audience dans des régions Koongo en marge de l’entreprise coloniale, en particulier chez les Manianga installés sur la rive droite du fleuve Congo et à la frontière entre le Congo fran?ais et la colonie belge?. C’est dans ce territoire qu’en 1917-1918, Simon Kimbangu eut une vision lui enjoignant d’aller prêcher, mais il se heurta à l’opposition farouche des pasteurs?. La guérison par imposition des mains, les sermons et la lutte efficace contre les pratiques de sorcellerie attirèrent un grand nombre d’autres pasteurs et l’attention des foules, mais très vite apparut aussi la répression coloniale survenue en 1920. Toutefois l’esprit du mouvement se maintint même après l’exil des prophètes?.En s’arrogeant l’accès au statut de pasteurs chrétiens, étant possédés par l’Esprit saint et ayant le don de parler en langues puis d’interpréter la Bible, ces prophètes contestaient la supériorité blanche et l’hégémonie coloniale et cherchaient, par voie indirecte et tout à fait subversive, à [124] regagner quelque contr?le sur une société confrontée à l’expansion européenne. Leur exil dans la région des Lacs au centre du Congo (Oshwe, Belingo, Bossassa, Lokolama et Befale) ou au Katanga dura du début des années 20 jusqu’à la veille de l’indépendance. Néanmoins les communautés charismatiques continuèrent à fonctionner en marge de la société coloniale, sans doute gr?ce à leur marginalisation.Dans les années 30, David Biangana, pasteur de l’Armée du salut au Congo fran?ais, exer?a une profonde influence sur certaines ?glises. En 1939, Simon Mpadi quitta cette même Armée du salut pour aller fonder la Mission des Noirs, un mouvement radicalement anticolonial appelé, en outre, Ngunza (Kaki) en référence à l’habillement de ses adeptes. Beaucoup d’autres mouvements millénaristes prirent leur essor? et, à la veille de l’indépendance, la reconnaissance officielle par le pouvoir colonial du kimbanguisme en tant qu’?glise à part entière, connue sous le vocable d’?glise de Jésus-Christ sur la terre par le prophète Simon Kimbangu (EJCSK), ouvrit une période de répit relatif pour le courant messianique?.Dans les années 70, l’esprit messianique s’est manifesté sous une nouvelle forme avec la politique du recours à l’authenticité pr?née par Mobutu, le président fondateur du parti-?tat identifié au Mouvement populaire de la révolution (MPR), qui se voulait à l’avant-garde du nationalisme africain. [125] Au cours des années 80, le déclin de ce régime politique et de son idéologie s’est accompagné du surgissement, à travers le Congo, de centaines d’?glises charismatiques de l’Esprit-saint, particulièrement au sein des sociétés matrilinéaires et des foyers matrilocaux?.La plupart des ?glises indépendantes de l’Esprit saint (qui portent des dénominations diverses) sont soudées entre elles par la référence à Simon Kimbangu, considéré comme le Christ noir. Ces ?glises indépendantes s’attribuent, comme prophète fondateur, l’un ou l’autre des contemporains de Kimbangu et/ou compagnons d’exil de celui-ci. Bien qu’elles ne soient pas organisées de manière centralisée ou hiérarchique, certaines ?glises peuvent se prévaloir de douzaines, sinon de centaines de ramifications, appelées paroisses, qui reconnaissent l’autorité charismatique d’un prophète-fondateur commun.Les ?glises, la mission civilisatrice coloniale et missionnaire,l’ordre politique contemporainEn examinant la genèse des ?glises de guérison, on se rend compte de la fa?on dont elles sont issues de l’?uvre missionnaire et de l’incursion coloniale au Congo. Le regard rétrospectif que je jette ici sur cette période d’intrusions et de ruptures sociales et culturelles veut épouser le point de vue des colonisés et celui des ?glises. Beaucoup de ceux qui s’interrogent sur le passé colonial ressentent obscurément que la marginalisation des masses populaires, tant par rapport à l’?tat que par rapport à leur ancien univers culturel, est un aboutissement de la division hiérarchisée et moralisatrice que l’?uvre coloniale a établie entre le dirigeant et la population, le moderne et le primitif, la rationalité et la crédulité, le chrétien et le pa?en, la loi et la coutume, la civilisation universelle et les m?urs locales.La colonisation au Congo visait la mise en place d’un mode de gouvernement issu des conceptions bourgeoises de l’Europe du XIXe siècle. Elle consistait à intégrer le prolétariat suburbain et les masses rurales dans le projet réformiste global d’urbanisation ainsi que de généralisation des soins de santé et de l’instruction de base tout en cherchant à ériger un ?tat monarchique et patriarcal de type moderne. La colonie était per?ue ou plut?t imaginée comme une dixième province de la Belgique, une extension suburbaine et rurale en bordure de la métropole. Succédant à l’?tat indépendant (1885-1908), domaine privé du roi Léopold?II, le projet [126] de colonisation du Congo belge fut une entreprise souvent violente. Les colons justifiaient le pouvoir coercitif qu’ils exer?aient sur les populations par leur projet civilisateur, ?uvre dite de générosité à l’égard d’un peuple arriéré et misérable. Ils se voyaient comme des b?tisseurs d’?tat, des héros du progrès et des philanthropes. Les populations ??villageoises?? étaient définies en termes de manques.Tout au long de la colonisation, la mission civilisatrice trouvait sa raison d’être dans une représentation imaginaire de l’Autre, en l’occurrence dans l’imagerie négative que le miroir occidental projetait du colonisé. Cette représentation rehaussait encore, par contraste, le décorum colonial et l’image immaculée du Blanc. Dans les années 20 et 30 cependant, les administrateurs soutinrent le point de vue qu’il fallait trouver une certaine accommodation avec les cultures locales. Ce relativisme culturel et l’idée de gouvernement indirect étaient dans l’air: l’?tat devait apporter son soutien aux chefs ??légitimés?? (affublés alors du titre de chefs médaillés) ainsi qu’aux tribunaux indigènes et aux traditions. Durant ces premières décennies de présence blanche, nombre de missionnaires flamands imprégnés de leur nationalisme d’origine favorisèrent une certaine ??indigénisation?? de l’école et du message religieux, tout en se fixant strictement à leur conception rigide de l’éthique (familiale) chrétienne. En ce jeune ?ge de la colonisation, les efforts relatifs d’adaptation aux réalités sociales et culturelles congolaises permirent aux colonisés d’échapper à un assimilationnisme brutal, mais ceux-ci n’en restaient pas moins assujettis au projet de construction de l’?tat colonial. Ce projet se donnait une légitimation par son objectif philanthropique d’aider les colonisés à se libérer des mauvaises conditions de vie, de l’esclavage, d’un rattachement forcé à la collectivité, voire de l’autoritarisme de chefs coutumiers abusifs et sans instruction. Le projet se donnait en outre la mission de libérer les colonisés de l’économie de troc dite improductive ainsi que des traditions irrationnelles ne cessant d’endormir leur esprit et d’amollir leur volonté.Le concept de civilisation occidentale en tant que norme et modèle universels fut largement pr?né pendant l’entre-deux-guerres, bien que les stratégies d’assimilation qui l’accompagnaient, sous l’influence de la tradition ma?onnique et républicaine, n’ont pas rencontré un franc succès avant les années 40. La ferme croyance en une modernité réformiste destinée à se répandre outre-mer fut caractéristique des années 40-70. C’est pendant cette époque que l’?tat colonial présenta son entreprise en Afrique centrale comme un effet presque naturel, découlant du rayonnement même de la civilisation la plus avancée s’étendant à partir de la métropole. Ainsi, dans sa visée culturelle, le projet belge de colonisation prétendait amener les indigènes à la ??Civilisation?? et transformer certains d’entre eux (nommément les évolués, uniquement des hommes) en [127] partenaires actifs. La réforme civilisatrice en Afrique centrale a été principalement d’inspiration conservatrice de droite, impliquant tant le rationalisme des sciences exactes qu’une élévation morale gr?ce à la religion, à l’instruction généralisée et à l’apprentissage de la culture des civilisés?.Une prémisse pour les missionnaires se rendant au Congo, autant chez les catholiques que chez les protestants évangélistes, consistait en l’éthique d’égalité entre les hommes à réaliser progressivement dans le contexte d’une chrétienté théocratique. Les campagnes en faveur de ces missionnaires organisées en Europe et en Amérique du Nord présentaient l’image de l’Africain comme pa?en à convertir et à développer, plut?t que comme primitif à pacifier et à dompter?. Par contre, dans le discours qu’ils tenaient sur les épidémies, les maladies sexuellement transmissibles, la lèpre, ainsi que sur la nudité et la polygamie, les missionnaires rejoignaient bel et bien les colons: ils reflétaient l’ethos bourgeois occidental préoccupé par la ma?trise de soi et la droiture morale, opposées au manque de retenue, à l’incapacité de planning et à l’absence de prévision du non-civilisé?.Les missionnaires cherchaient à atteindre des Africains, hommes et femmes, en tant qu’individus, cherchant notamment à les sauver du pire péché, à savoir de l’attachement à leur société ainsi qu’aux coutumes locales, au culte des idoles et à la polygamie. Ils se donnaient la mission d’ébranler, en se targuant de le faire pour leur bien, leur organisation familiale et l’intégrité de leur culture. En particulier, le discours missionnaire stigmatisait la lascivité sexuelle des hommes, les dures conditions de travail auxquelles les femmes étaient astreintes ainsi que l’abandon cruel des veuves et des handicapés à eux-mêmes?; ce discours repérait autant de signes évidents d’un paganisme rétrograde. Pareil discours faisait en partie écho aux programmes réformistes destinés à rehausser le statut social des sombres banlieues de l’Europe alors en pleine industrialisation. Pendant plusieurs décennies, bon nombre de missionnaires flamands ?uvrant ??en brousse?? ont partagé largement la perspective du nationalisme flamand en idéalisant le Moyen-Age et ses monastères, tout en étant méfiants à l’égard de l’urbanisation et des valeurs dites matérialistes du progrès moderne: aux yeux de la plupart des missionnaires, seule la christianisation était apte à transmettre la nouvelle civilisation, ce que la modernisation réformiste était incapable de faire. [128]La stratégie des missionnaires catholiques au Congo à partir des années 30 consistait de plus en plus en une foi dans le progrès matériel et dans l’évolution sociale. L’accent fut mis fortement sur l’école et son r?le dans la formation du caractère, dans l’acquisition d’une discipline de travail indispensable à la rationalisation de la production ainsi que dans l’accès à une vie sociale copiée sur le modèle (rural) européen.Bien à l’écart des efforts d’expansion missionnaire catholique déployés surtout par les Belges - efforts étroitement liés tant à l’instauration de l’ordre colonial qu’aux idéaux d’émancipation à travers l’artisanat, l’agriculture et l’instruction -, les missionnaires évangélistes suédois et américains ?uvraient dans le nord du pays Koongo visant la formation de communautés chrétiennes autocentrées. Au regard des évangélistes, le salut chrétien s’étend bien à toutes les races, mais chacune le re?oit diversement, en complément à son génie culturel et social. Certains pasteurs apprirent à leurs communautés la manière de se livrer au contact direct avec l’Esprit saint et à son flux de gr?ce et de force. Ces missionnaires eurent à c?ur d’inclure dans le clergé des frères congolais, d’autant plus qu’ils considéraient par-dessus tout la religion comme un don gratuit, une communion directe avec l’Esprit saint. Ils envisageaient leur future congrégation, dit Anderson?, comme une ?glise formée d’un cercle d’?mes unies entre elles, brisant ensemble les cha?nes du paganisme et étant semblables à autant de tisons arrachés au feu de l’enfer... L’affection que les populations témoignaient à l’égard des missionnaires évangélistes et les immenses vagues de baptêmes au cours des premières décennies furent considérées comme la manifestation d’un don divin aux démunis et sous-développés.Au cours des premières décennies du XXe siècle, c’est dans cette ambiance missionnaire évangéliste en marge de l’édification de l’?tat et de l’?uvre coloniale que, dans le territoire des Manianga, quelque 150 prophètes et 33 prophétesses koongo fondèrent des ?glises indépendantes de l’Esprit saint?. Les prophètes faisaient resurgir les souvenirs d’évangélistes américains qui étaient venus ??de l’autre c?té de l’océan??, notamment du lieu où la cosmologie koongo situe le monde des ancêtres (un domaine toujours associé à la blancheur, mpeemba). Comme je l’ai analysé antérieurement?, en favorisant la soumission à l’emprise de l’Esprit saint, les adeptes amalgamaient celle-ci avec la possession par un ancêtre, que la cosmologie koongo associe à la blancheur du squelette, de la lune ainsi que des eaux souterraines. [129]? l’opposé de la conversion à l’ordre missionnaire et à rebours de la modernisation (surtout à partir les années 40) - deux projets préprogrammés et présupposant l’instruction des populations ainsi que l’adoption tant de la langue fran?aise des colons que d’un nouveau genre de vie hautement codé -, les ?glises charismatiques et de guérison n’ont cessé de développer un espace-temps rebelle et quelque peu soustrait à la vision évolutionniste et à la politique de la colonisation ainsi qu’au projet missionnaire.L’Esprit saint apparut alors disposer de mille et une fa?ons de s’introduire dans un individu ou un groupe sans avoir de plan préétabli, mais en épousant toute la force du désir de l’adepte. Dans leur effervescente multiplicité, les ?glises charismatiques et de la guérison essaient de vaincre le monde réglementé et clivé de la situation coloniale. Aujourd’hui, elles tentent de triompher de la crise civilisationnelle profonde due aux guerres locales et à la faillite de fait des idéaux de consommation capitalistes véhiculés notamment par des cha?nes de télévision qui quadrillent le monde et ne cessent de miroiter des modes de vie hédonistes de plus en plus chimériques.L’imaginaireLes ?glises de guérison se réapproprient et domestiquent, sous un mode parodique ou ironiquement mimétique, les textes de la Bible, non pas en commentaires de l’Absolu ou de certitudes, mais en prêtant l’oreille à leurs messages encore inconnus et transmis non pas sur la base d’une érudition lettrée, mais par illumination et en vue d’une revigoration. Ici les plus démunis, voire des illettrés et des sans-professions, peuvent recevoir de l’Esprit saint le don du parler en langues ou de la glossolalie et animer un climat émotionnel par la musique et les chants envo?tants, ainsi que par les prières, les prédications, l’énonciation de versets bibliques et les bénéme le déclarent les adeptes, ??nous explorons et découvrons le monde gr?ce à la prière et à l’action de l’Esprit saint et ne nous fions plus aux images trompeuses de la télévision??. En même temps, l’image de l’Esprit saint se concrétise en s’affublant des principaux attributs de l’esprit ancestral.Dans le cadre mouvementé des assemblées liturgiques, aidé par les voyants et les guérisseurs titulaires, le prophète guide la communauté, la mettant ainsi en garde contre l’agression sournoise de l’extérieur pour démasquer l’ensorcellement que toute personne attire sur elle ??en se [130] fourvoyant par illusion, sombre pessimisme ou incrédulité??. Le prophète s’assigne la t?che d’amener la communauté à une nouvelle existence, à un monde nouveau ou à un nouvel itinéraire de lumière et de vérité (en langue kikoongo, mwinda), à la vraie vie (mooyi; en langue lingala, nzela ya bomoi, koyeba bosolo) ainsi qu’à la délivrance (li. nzela ya libiki) ou à la métamorphose (li. nabongwani) qui sont considérées comme une sorte de mariage avec Jésus (li. kobala Yezu). Le prophète est associé à l’idée de bravoure, de résistance (kikesa), de force virile et de fermeté (kibakala), de jeunesse et de rayonnement (kitoko). En tant que principal personnage charismatique, il est considéré comme l’envoyé, l’épiphanie (ntumwa, mpungi) de l’Esprit saint dont il détient le pouvoir (ngunza) et dont il canalise le don de vie (mooyi) re?u de Dieu; il est vu comme celui qui insuffle vigueur et puissance (luleendo) à la communauté plut?t que comme un représentant du Christ (fonction qui implique une historicité et l’une ou l’autre forme d’institution hiérarchique).La personnification de l’Esprit saint par le prophète évoque la relation existant entre l’esprit des ancêtres et le chef de famille dans la société koongo, relation que l’on compare à celle qui existe entre le courant et le lit du fleuve. De même que chaque chef de clan personnifie le fondateur du clan ainsi que la source originelle et intarissable de vie associée à ??l’utérus du monde? (kalunga), le prophète est à la fois le fondateur d’une l’?glise indépendante et une incarnation de l’Esprit saint. Ce modèle rhizomatique rompt avec le modèle hiérarchique, qualifiant les rapports de délégation gue les missionnaires entretiennent avec le Christ de souche et fa?te d’une ?glise missionnaire arborescente.Cependant, dans leur relation à l’?tat, les ?glises indépendantes reconnaissent l’autorité civile; un certain nombre d’entre elles jouissent en retour d’une reconnaissance étatique formelle. Chaque communauté religieuse a d’autre part son représentant légal, notamment un intellectuel qui, comme dans toute ONG ou entreprise, peut représenter la fondation devant les autorités civiles (ce représentant légal est supposé, en règle générale, ne pas entrer en transe).En vue de ??nourrir l’?me?? ou de sanctifier le temps, les sessions liturgiques (lisalisi, li. mopamboli), comprenant la prière, les sermons, les révélations et/ou les rites de guérison, sont toutes destinées à marquer la présence de l’Esprit saint et à unir à celui-ci les fidèles. Les cérémonies liturgiques sont organisées dans l’enceinte de la parcelle du prophète.Une étude antérieure? décrit la figure du prophète et de ses assistants, ainsi que les diverses célébrations liturgiques. [131]La modernité soumise à une guérison homéopathiqueDans l’ensemble, les célébrations religieuses recréent, du moins pour la durée des assemblées, une communauté morale unie dans l’allégresse qui explore de nouvelles formes d’alliance. Les assemblées se positionnent résolument dans une relation homéopathique vis-à-vis de la réalité macro-économique et de l’?tat. Associant cette dernière à la figure de Satan, les célébrations recyclent les croyances populaires en la sorcellerie en une contre-force homéopathique et cherchent ainsi à ma?triser les ténèbres, le chaos et le mal (li. likundu, nyimbi). Il s’agit d’amener Satan, le mal et la sorcellerie à se retourner contre eux-mêmes afin de s’autodétruire et, à l’inverse, de favoriser la lumière, l’unité, l’ordre et la santé. Les assemblées de prière visent à retourner contre elle-même (nyaakisa) toute situation marquée par l’échec, l’autodéception, l’indécision, la volte-face et la souffrance (mikakatanu); elles cherchent à transformer pareille situation en une occasion d’obtenir la gr?ce, la paix et la ma?trise de soi (kikesa). La guérison est un revirement et une alliance qui revitalise. Ce revirement constitue l’objectif de base de la démarche homéopathique des ?glises de guérison koongo.L’assemblée - et spécialement le prophète et ses assistants - aide les membres à retrouver leur foi en la capacité qu’ils ont à modifier leur destin. Les très nombreux prophètes, dans les centaines d’?glises de guérison, évoquent l’antique et populaire ??terreur de la nuit??: ils se réfèrent ainsi de fa?on indirecte à la docilité et à l’hébétude résultant du poids successif du pouvoir colonial, puis du parti-?tat. Ils se réfèrent à l’humeur dépressive si courante en ville ou aux croyances tenaces aux ??ensorcellements??. En partageant et en incarnant de fa?on collective la puissance de l’Esprit saint, la communauté recycle la terreur et le marasme propres à l’existence ??dans le monde?? en une logique de résistance et d’alliance mutuelle (kikesa), d’autodétermination (kibakala), de bonne volonté (dienga) et de lumière ou de lucidité (mwiinda).Cela se réalise surtout par l’aveu public que le converti fait de sa faiblesse, soit en confirmant la révélation prophétique, soit en confessant lui-même ses fautes, c’est-à-dire en se purgeant (nsukululu) ou en apportant un témoignage. En conséquence, l’adepte s’en remet à la puissance de l’Esprit saint et de la communauté. Par le récit de leurs souffrances et le témoignage de leur conversion soudaine et de la nouvelle identité (mindimi) qu’ils ont acquise, les convertis transforment les ?glises en des espaces de renaissance charismatique et de renouveau éthique entre frères et s?urs. Par l’acte du désaveu de ses mauvais penchants et de sa vie dissolue, l’adepte devient par le fait même un allié de l’Esprit saint. La confession est une sorte de dépouillement, d’exfoliation par laquelle l’individu mue et s’intègre profondément au corps fusionnel collectif de l’assemblée. [132]Pour reprendre les mots d’un des prophètes, ??si vous vous ouvrez à l’Esprit??, par la prière et la participation à la célébration, ??vous serez guéris??. L’ouverture (lufuungulu) et le flux qu’on laisse venir en soi sont l’exact opposé de la souffrance et du mal, définis comme fermeture, inertie, liens qui retiennent prisonnier (-kaanga).D’après la vision Koongo du monde, la vie suit un cycle entre des positions alternantes: jour et nuit, clarté et ténèbres, activité et repos, la maison en tant que coquille protectrice et l’acte d’en sortir ou d’y rentrer par la porte, l’Esprit saint et Satan. L’altruisme est caractéristique du jour, et l’acrimonie, telle la quête égo?ste du profit, est liée aux forces nocturnes. L’acte de guérison est une purification, une rotation, un retournement et un retour (-nyaakisa). Je crois que, dans ces ?glises, Satan et l’Esprit saint sont les deux figures de Janus d’un domaine plus englobant de forces bipolaires et cependant complémentaires, comme la nuit et le jour, le froid et la chaleur, la dispersion ou le laisser-aller et la ma?trise de soi, l’agitation et le repos. Dans cette versatilité et aux points marquant les transitions entre le jour et la nuit ou l’intérieur et l’extérieur, ces forces polaires que sont l’Esprit saint et Satan, ou le mpeemba et le monde tangible, atteignent un point zéro ou d’égalité. Plut?t que de nommer le mal, ce qui le rendrait présent, il s’agit de le chasser au loin et de s’en détourner. Puisque Satan est toujours aux aguets ??sur le seuil de la porte??, la vigilance est requise en permanence pour éloigner le mal, pour qu’il n’entre en aucune fa?on. Comme la lumière et les ténèbres, l’Esprit saint et Satan sont inévitablement liés l’un à l’autre, à la fa?on de polarités.La parodie comme imitation ironiqueLa parodie, par ses expressions à double sens ou ses gestes et symboles jouant à deux niveaux, recontextualise, corrige ou inverse un message dans les termes et sous le déguisement d’un autre, ou en ayant comme but ce dernier?. Très semblable au caméléon qui parvient à faire passer inaper?ue son adaptabilité chromatique, la parodie transforme, mélange ou substitue des significations sans annoncer clairement son but subversif. La parodie permet au Kinois subalterne de se vider de son contenu, de cannibaliser ou de se restructurer autrement, ??dans l’allégresse?? et depuis l’autorité invisible de l’Esprit saint (surgissant en apparence de nulle part).[133]les récits et modèles d’émancipation et de plus haute civilisation, qui lui viennent de son ma?tre chrétien ou (post)colonial.En même temps, cette parodie lui permet de rétablir le sens de ses propres modes d’agir dans les secteurs et les discours mêmes destinés en principe à sa promotion, mais qui l’ont frustré de ses rêves eurocentriques et, qui plus est, l’ont aliéné culturellement. A titre d’exemple, la parodie qu’on retrouve dans les ?glises de guérison rend les Kinois à même de prendre leurs distances par rapport aux effets discriminatoires de l’héritage - missionnaire ou autre - à caractère civilisationnel occidental, avec ses pratiques et idéaux concernant l’individualisme libéral, l’ascétisme personnel et le perfectionnement de soi. Pour les ??évolués?? de la colonie, qui entrait dans une ère nouvelle par la conversion au christianisme, l’éducation scolaire et le travail rémunéré impliquaient leur réinstallation dans un camp de travail, dans l’enceinte d’une mission, ou celle d’une ville nouvelle ou encore d’un centre suburbain. ?tablis là, ils étaient appelés à rompre avec les modèles parentaux religieux, éthiques et de solidarité avec la famille élargie, liés au contexte villageois.J’émets l’hypothèse que la figure duelle et réversible de l’Esprit saint/Satan (où l’un des p?les fonctionne comme l’opposé radical de l’autre), figure omniprésente dans le discours des ?glises et dans la mise en acte de leurs célébrations toujours très vivantes, est dans une certaine mesure un personnage parodique, de farce. Les membres des ?glises de guérison se remémorent dans cette bipolarité, le souvenir traumatisant de leur identité obscure, définie comme arriérée et comme celle d’un Noir ??blanchi??, ??évolué?? ou ??déraciné??. Dans la figure de Satan, les adeptes des ?glises de guérison rejettent donc le ??fardeau de l’homme blanc??, à savoir les définitions négatives et les ??identités dans le miroir de la métropole??; ces identités leur ont été imposées par les missionnaires et les experts du développement dans les domaines tous azimuts tels que ??le travail, la terre, l’habitat, le confort, la nourriture, la santé, l’électricité, l’énergie, l’éducation, l’autonomie, la paix, le planning familial, le sexe sans danger, l’émancipation, la démocratie, les droits de l’homme??.Les ?glises de guérison rejettent et exorcisent également le portrait, imposé par l’homme blanc, d’un nouvel être évolué vu à l’image d’un Jésus blanchi ou de tout autre modèle exogène mis en avant par l’éducation scolaire ou les médias transnationaux. Par contre, dans l’espace-temps effervescent et pluriel de la transe au sein d’une communauté de frères et s?urs, les ?glises se réfèrent à l’Esprit saint dont le fugitif pouvoir n’en est pas moins effectif gr?ce à sa capacité d’animer, de redonner de l’énergie et de prendre possession de la totalité de la corporéité tout comme reconna?tre leur identité et l’univers de vie des adeptes, et non pas uniquement de leur ?me (blanchie). L’Esprit saint rend donc possible [134] pour les adeptes un réenchantement de leur monde qu’il protège entièrement, loin des effets de division et d’aliénation; effets résultant d’un ethos moderniste-évolutionniste et des modèles occidentaux de consommation hédoniste (définis comme sorcelleries sataniques).L’acte caractéristique de la glossolalie extatique dans les ?glises de guérison commence habituellement par une énonciation allitérative sans contenu immédiatement saisissable. La glossolalie exalte une union sensuelle et affective avec l’Esprit saint, désencombrée de toute fonction porteuse d’un devoir. Elle met en scène une parodie de la perspective monocentrée et du discours porteur de vérité liée au pouvoir de la bureaucratie, de la connaissance scolaire orthodoxe et de la religion chrétienne établie. Les officiants, comme l’assemblée, subvertissent ??le verbe?? (au sens de parole autoritaire, combien souvent abusive dans la cité) et la hiérarchie instaurée entre l’oral et l’écrit en faisant de la Bible un simple moyen d’exorcisme.La glossolalie est un travestissement de la signification verbale et écrite évoquant à la fois la familiarité et la rupture avec les codes connus et l’autorité du sujet parlant. Au cours des célébrations, un scribe a l’ordre de retranscrire dans une écriture automatique et comme en transe, les flots de paroles extatiques émis par les prophètes et la communauté, captant ainsi la pulsation des clameurs d’enthousiasme et des énergies libérées. La déhiérarchisation de l’écrit sur l’oral s’accorde à l’oralité communautaire, démontrée, en outre, à la fois dans les ?glises de guérison par l’absence de toute liturgie monoscénique ou de tout programme fixé entièrement à l’avance, de même que par la ponctuation régulière de la célébration liturgique par des alléluias spontanés et des cris de louange fusant de toutes parts.Dans une parodie gestuelle et verbale, chaque alléluia et chaque louange viennent interrompre le programme prévu et la structure apparemment dialogique de la célébration. Les adeptes qui sont envahis par l’Esprit saint se comportent comme s’ils étaient de simples rhizomes ou canaux ramifiés de la gr?ce dans le vaste espace surréel du parler en langues, plut?t que comme des acteurs qui suivraient les règles d’une liturgie planifiée. De telles interjections créent la sensation d’un temps discontinu et imprévisible, fondant et défaisant simultanément la possibilité d’une rencontre dialogique au sens strict entre les participants ou avec le sacré.La parodie sert, de plus, à introduire une rupture avec le déterminisme expérimenté face aux institutions modernes qui amènent la promotion de soi mais aussi des dysfonctionnements par leurs abus. L’hyperinflation?, l’impuissance, l’effondrement de l’éducation scolaire et des services de santé publique ainsi que les ruses du gouvernement, de l’administration et des forces de l’ordre imposent inévitablement à l’ordre public une ambiance [135] d’anarchie et d’impuissance durables. Dans l’imagination collective, la parodie produit un détachement par rapport à la situation difficile que vit tout un chacun dans le contexte urbain, due en particulier au naufrage de ces institutions, en exorcisant à l’avance ou en conjurant les conséquences néfastes qu’un tel état de choses peut avoir sur la population.Cette glossolalie remet en question les récits de la modernité coloniale en les associant avec Satan. A travers la caricature de l’énonciation glossolalique et du mimétisme bouffon dans les gestes liturgiques, la parodie met en scène un appara?tre trompeur des missionnaires et des fonctionnaires de l’?tat colonial et postcolonial?; elle questionne de la même fa?on le style de vie bourgeois ou hédoniste des milieux nantis. L’occidentalisation par le biais de l’école et de la conversion chrétienne, tout comme l’espoir suscité par la rhétorique du développement socio-économique, ont fini par s’effriter et par déboucher sur un désarroi total, notamment sur une hyperinflation économique ainsi que sur une certaine criminalisation des institutions publiques et une ?pre lutte pour la survie.En d’autres mots, les ?glises de guérison n’assimilent pas tous ces bouleversements contre l’orthodoxie et l’autorité institutionnelle des ?glises établies et du parti-?tat. Cependant, elles incarnent dans leur comportement le droit de l’individu à l’inspiration hétérodoxe et à l’énonciation individuelle et institutionnelle. En outre, en renouant de fa?on créatrice avec certaines valeurs et configurations culturelles ancestrales dans la gestion de la fertilité et des rapports intergroupaux, nombre de ces ?glises aspirent à une sorte d’affranchissement, de libération à l’égard des modèles chrétiens importés, tout en inventant et enracinant dans le terroir congolais un ordre social et culturel articulant l’ancien et le nouveau.L’usage tant?t dogmatique et tant?t hétérodoxe qu’elles font des textes, leur liturgie immodérée comme expérience de libre gratuité, l’exorcisme dans une lutte à mains nues ou à l’aide d’eau bénite avec Satan et, surtout, leurs rites de guérison ostentatoires (qui obligent par exemple le patient à s’étaler sur le sol, afin qu’un coreligionnaire lui ??piétine les articulations du corps??), reproduisent, au niveau des techniques du corps, l’expérience qu’ont vécue les populations lors des contraintes de l’?tat (post)colonial et donc les critiquent dans leur outrance même.Le discours extatique pluriel contraste même avec le parler en langues bien plus orchestré et ??normalisé?? des ?glises pentec?tistes, dans lesquelles des révélations énoncées sous forme de récits de faits ou d’exhortations par les membres charismatiques sont nécessaires pour prouver l’investissement authentique de la communauté par l’Esprit saint. Dans les ?glises de guérison indépendantes, pour leur part, des milliers de prophètes et d’adeptes, envahis par les dons de l’Esprit saint, agissent comme des canaux aux ramifications multiples ou comme une sorte de [136] puissante panacée qui rend vigueur au groupe et à leur univers de vie. Comportant une pluralité de voix et un message qui n’est qu’indirect, la glossolalie est appelée ??langue céleste?? (ndiinga zi zulu). Dans leur affabulation, les gens aujourd’hui comparent la glossolalie avec les voix mystérieuses ??venant de loin et de tous azimuts?? que diffusent les satellites de télécommunication. Dans le parler en langues, une suite rapide et incompréhensible de sons incohérents voile légèrement les messages envoyés comme injonctions et dons spirituels à la communauté. Le contenu du message glossolalique n’est souvent accessible que gr?ce à un décodage approprié fait par une personne, homme ou femme, douée d’une aptitude spéciale de discernement, non liée à la possession d’un dipl?me blanc ou à quelque fonction étatique, mais à l’intervention directe de l’Esprit saint.Dans l’acte de parler en langues, les clameurs de louange peuvent être considérées comme cherchant à subvertir le style enflé des discours politiques et économiques des médias et des porte-parole de l’?tat. Au contraire de ces discours parlant la langue de bois des ordonnances-lois et des statistiques, le parler en langues ne communique de prime abord rien du tout. Il est illocutoire? au sens strict du terme ne portant en lui-même aucun message clair. Celui-ci est subsumé dans l’acte même de parole, dont le contenu est d’exprimer un sentiment de joie et de liberté aux membres de la congrégation. Comme celui de louer Dieu, parler en langues est un acte gratuit. Il exprime une gratuité d’émotion esthétique et de sentiments, plut?t que le sens de faire ou d’accomplir quelque chose sous les effets de l’Esprit saint per?u comme une force de don. Ceci est appelé guérison divine, enflammant le c?ur et l’imagination jusqu’au point où l’?me se trouve transformée: cette guérison libère le fidèle de son sentiment individuel d’impuissance - face, par exemple, à l’attrait exercé par l’alcool, le plaisir suspect ou l’argent facile - et l’aide à surmonter la propension à l’avidité ou à mener une existence de parasite. Il est dit que le don de l’Esprit saint fortifie le sujet, plut?t qu’il ne lui commande ou l’instruit.Plusieurs membres de la congrégation peuvent parler en langues en même temps ou se faire écho les uns aux autres; simultanément, cet acte peut être interrompu à tout moment par des cris ou des voix discordantes. Les clameurs de louange des alléluias, comme le parler en langues (ou la retranscription automatique de ce dernier par l’écriture extatique), célèbrent un ordre temporel de soudaineté et d’excès; il s’agit dans tous les [137] cas d’expressions esthétiques de rupture et de violence. L’extase entra?ne un ordre temporel situé hors du temps linéaire et progressif de la modernité occidentale et ses ??grands récits?? de progrès continu. Les clameurs de louange concrétisent le temps fantasque de la parodie exprimant la fa?on dont une succession de faits et le prétendu progrès sont susceptibles à tout moment de dissolution ou de défiguration. Elles se moquent ainsi des grands récits combien creux de la modernisation et du développement socio-économique, tout autant qu’elles apparaissent comme une manière de protester contre le millénarisme en faillite du parti-?tat. Sous l’influence des explosions de louanges et de la glossolalie, les fidèles sont progressivement reliés par fusion intime à la voix divine et célèbrent donc leur participation imaginaire au succès, à la bonne fortune ou à la victoire de l’Esprit saint sur le satanique. L’acte illocutoire de la louange est re?u comme un don de l’Esprit saint, exorcisant à son tour la mauvaise fortune et la situation de pauvreté du croyant. L’émotion du moment réalise et célèbre l’accès de l’adepte, non à quelque savoir particulier, mais à une force; la louange et le parler en langues, suivis d’acclamations, sont des évidences de la venue de l’Esprit saint, du don qu’il apporte ainsi que de l’ère nouvelle qu’il inaugure et à laquelle il introduit.Plus ce changement profond du c?ur et cette force transformatrice sont traduits en discours, plus ils prennent le caractère d’une profonde révolte émotionnelle et d’un rejet des conditions de vie inacceptables des faubourgs, mais tout ceci sous la forme de la parodie. A c?té de la pléthore de forces ou de passions intenses et de frénésies de l’assemblée, la parodie dans l’apparence et dans le parler en langues des leaders et de ceux qui les suivent, exige le droit au délire du verbe. Plus encore que la forme frénétique que prennent les rassemblements eux-mêmes, la parodie constitue un défi à l’apparence de légitimité ou d’autorité revendiquées par tout ordre et système de loi centralisateur ou monopolistique. La parodie place les ?glises dans une perspective qui est au-dessus et au-delà des hiérarchies et institutions établies, démontrant à quel point ces dernières reposent sur un jeu absolu d’apparences et de conventions. De cette manière, la parodie sert à priver l’?tat de sa prétention à tout gouverner et exorcise donc l’ordre établi et sa tyrannie.Si les gens sont impuissants à saisir par la raison le caractère qui n’est que trop arbitraire de l’ordre des choses, celui-ci peut du moins être en partie ma?trisé par le verbe délirant et le thé?tre grotesque. Le parier en langues, désinvolte et inoffensif, démasque le caractère immodéré et irresponsable propre à l’ordre des choses, et suscite donc le rire d’une fa?on mutuelle et complice entre les participants. La parodie engage dans ce manque de modération burlesque ou hyperbolique et éphémère son propre instrument pour vaincre l’anomalie, l’usurpation, la cruauté, la frénésie, l’ignorance et l’égotisme dans l’ordre public. Elle ressort ainsi du [138] domaine de l’homéopathie, à savoir l’autodestruction du mal par lui-même, mal largement associé à l’erreur ou à l’usurpation et qui s’écroule sous son propre poids. Un tel principe homéopathique est une conception vieille de plusieurs siècles dans les traditions civilisationnelles bantoues.C’est précisément en cela que les ?glises prophétiques de guérison en milieu suburbain se révèlent si utiles dans l’accueil du migrant déraciné et dupé. Deux dynamiques sont en particulier évidentes ici. La première, comme un effet positif de l’action des ?glises au bénéfice du peuple, consiste en une revalorisation de l’espace urbain auquel l’?tat-nation n’a pas réussi à apporter ordre et prospérité. La seconde dynamique est que les ?glises charismatiques, dans un contexte amalgamant des migrants provenant de tant d’arrière-plans ethnoculturels différents, instaurent une communauté à identité commune ou globale qui vient supplanter les différences sociales ou de classes tout comme les diverses identités issues des ethnies hétérogènes. Les deux dynamiques en question représentent un défi à l’?me le soutiennent Deleuze et Guattari?, le prophète, en étant opposé à l’autorité étatique et religieuse du prêtre, dirige le mouvement qui fait de la religion une ??machine de guerre???; cette religion retourne son rêve d’un ?tat absolu contre la forme même de l’?tat. En marge de l’?tat-nation en ruines, les ?glises indépendantes développent donc une ??machine de guerre?? qui ronge à la fois le pouvoir ascendant de l’?tat et la mission civilisatrice de l’écrit invoquée par l’enseignement occidental et l’?glise catholique et des ?glises protestantes établies.Les ?glises de guérison explorent tous les moyens possibles de réunifier la représentation de soi, antinomique et tronquée, du (post)colonialisme et de battre en brèche la vision habituelle opposant la chrétienté et le paganisme, l’Occident et le reste du monde, la modernité et la tradition, l’élite politique et les masses populaires, le milieu urbain et le milieu rural, l’alphabétisme et l’oralité. Elles stimulent une ??ambiance?? d’utopie englobante, faisant contrepoids à l’humeur maniaco-dépressive qui imprègne de plus en plus la ville. D’autre part, elles expriment indirectement une critique sociale par la recherche intense d’un renouveau de la sociabilité de base et d’une régénération du monde: elles explorent en effet des formes de solidarité communautaire, sans toutefois se risquer à s’en prendre ouvertement au parti-?tat et à la société de classes. Ces communautés procurent également une solution alternative à la critique sociale précisément en suscitant une aspiration intense vers un renouveau plus profond de la structure sociale et une régénération du monde. En agissant ainsi, les ?glises charismatiques sont à même de développer des formes [139] alternatives et communautaires de solidarité, sans réellement émettre de critique ouverte contre le parti-?tat ou la classe politique.Célébration carnavalesque de l’immunité culturellepar l’extravagance et l’hétérodoxieLa parodie crée un scénario dans lequel figurent les caractéristiques et les exigences - jadis dominantes mais aujourd’hui encore mystificatrices - de l’ordre moderne (telles l’usage du fran?ais, les documents écrits, l’immatriculation, les denrées et marchandises, la consommation ou les richesses ostentatoires), propagées par la colonisation et le parti-?tat ou les éléments d’un christianisme missionnaire (la Bible, le salut, l’éducation scolaire) qui ont formé des générations d'évolués. La parodie ouvre un espace dans lequel cet univers aliénant peut être remis en acte d’une manière contr?lée ou plut?t distanciée et partiellement critique. Elle démontre, par exemple, à quel point la langue coloniale fran?aise, de même que la religion chrétienne et l’ordre économique capitaliste et néolibéral, qui ont été adoptés par les institutions publiques (post)coloniales, constituent à la fois un sujet d’exaspération et une défaite pour les gens du commun. Dans ce type de parodie, la langue fran?aise et le rituel chrétien sont déformés et caricaturés dans les énonciations de la glossolalie et une imitation bouffonne des gestes liturgiques.La structure de la parodie et de la glossolalie en particulier, manifestée dans la possession thé?trale par l’Esprit saint, évoque un jeu carnavalesque de forces déployant et opposant à la fois le bien et le mal, la bonne fortune et la mauvaise, l’ordre moderne et le monde ancestral. Les réactions des prophètes et des autres fidèles portant témoignage par leur état de transe de l’envahissement ou de la possession par l’Esprit saint, servent à décoder et à affronter de fa?on homéopathique les forces obscures en jeu?: sont-elles démoniaques ou un don de la gr?ce et un signe de salut pour la communauté?? Pendant l’offrande cérémonielle d’argent au prophète et aux assistants qui conduisent l’assemblée, des adeptes peuvent faire cercle parfois une heure entière autour du reste de la congrégation en dansant et en chantant, dans le but de réenchanter l’une des sécularisations les plus frappantes de la modernité, à savoir l’échange devenu pur commerce anonyme; ce faisant, ils célèbrent et tournent en dérision leur participation à une nouvelle économie monétaire devenue à présent assujettie à un ordre salvateur et aux idéaux utopiques d’égalité, d’équité et de solidarité. L’offrande vise aussi à transformer la pauvreté et l’état de besoin de la personne subalterne en ce qui est défini comme une gr?ce divine ou [140] une guérison. En célébrant leur participation à une nouvelle économie monétaire qu’elles inaugurent de fait, les ?glises prophétiques répondent au capitalisme global?; elles assujettissent l’économie monétaire à un ordre salvateur et aux idéaux utopiques d’équité et de solidarité entre leurs membres, se considérant tous comme frères et s?urs.Les ?glises de guérison exorcisent l’avidité matérialiste et l’occidentalisation des m?urs, ou même la politique de l’?tat, les stigmatisant comme ??l’?uvre des puissances sataniques??. Elles développent ainsi une critique très efficace de la collusion catastrophique existant entre la modernisation économique et la dépossession économique tout comme l’aliénation socioculturelle des masses subalternes. En même temps, au travers de la transe collective et des formes chrétiennes de télépathie ou de voyance au nom de l’Esprit saint, les ?glises explorent des moyens de domestiquer ou de ma?triser ces forces de modernisation et de sécularisation: elles instaurent un espace-temps de frères et de s?urs, à savoir une vie communautaire qui échappe à la réalité vécue d’une ??chose publique?? profondément divisée et eurocentrique.L’extravagance presque psychopathique des prophètes dans leurs comportements, leurs rêves et leurs messages glossolaliques attribués à l’Esprit saint (celui-ci n’ayant ni couleur ni forme) fait jaillir, d’une part, la croyance confiante en leur véracité au même moment où elle dématérialise le réel, tandis que, d’autre part, elle témoigne de la nature désorganisatrice ou même dislocatrice de la rencontre avec le monde chrétien et colonial. Les prophètes sont des témoins vivants de la fa?on dont la perte de tout pouvoir politique et social des petites gens les libère culturellement de l’hégémonie bourgeoise (post)coloniale: tout en parodiant dans leurs transes l’indétermination du flux des informations médiatisées et du capital global. Cette attitude communautaire manifeste une différence radicale ou une immunité culturelle vis-à-vis de l’avidité et des divisions capitalistes de classes de la modernité occidentale, toutes dénoncées et écartées comme ?uvres de Satan.L’ironie et la parodie permettent aux subordonnés de nourrir l’idée que, même si rien ne change en apparence, il y a place pour l’action libre, la joie, la résistance et l’utopie. ? travers le double sens, la dérision de l’autorité, l’art de rire de soi et de ses conditions de vie humiliantes, les gens créent un contre-pouvoir de style propre, au sein d’un espace-temps, qui échappe à la vision évolutionniste des prémisses et prétentions missionnaires et modernistes (administratives, développementales, consuméristes) au salut et au progrès.En fait, ils préparent la fin du post colonialisme, par le biais d’une rétroaction, d’un reflux, d’un renversement (appelés -kaya ou -nyaakisa dans la langue kikoongo de plusieurs ?glises): au lieu de se définir eux-mêmes dans le miroir de l’Occident et de ses grands récits de la modernité, [141] les prophètes réinscrivent les sources de leur nouvelle identité dans la tradition euchronique de l’Ancien Testament, tout en reconnectant leurs techniques corporelles du rythme, de la transe et de la voyance avec la source même de la culture ancestrale dans ??l’utérus du monde??. L’expérience corporelle et émotionnelle, de même que la dimension temporelle euchronique dans les célébrations des ?glises, se relient à l’habitus des gens eux-mêmes et à leur inconscient collectif.L’imitation parodique de la liturgie chrétienne par les prophètes et les masses subordonnées entra?ne la guérison homéopathique des gens par rapport à la modernité, préservant de ce fait leur potentiel d’esprit critique et de scepticisme. Les prophètes contribuent à la mise en place d’une afro-modernité?, c’est-à-dire qu’ils s’arrogent le droit de définir, pour le peuple, leur contribution propre sur la scène culturelle mondiale d’aujourd’hui. En adoptant les symboles chrétiens - tout en exagérant jusqu’à la moquerie et la parodie -, certains gestes liturgiques et fragments de récits bibliques, en particulier avec le règne de la cupidité avide et des puissances sataniques, les ?glises africaines développent des stratégies subtiles pour intégrer la modernité eurocentrique et y échapper à la fois. Tout appara?t dès lors moins oppressant et plus humain: il n’y a pas de mal persistant et tout pouvoir oppressif est destiné à s’effondrer un jour ou l’autre. [142][143]Imaginaires politiques et pentec?tismes.Afrique / Amérique latine.PREMI?RE PARTIE?: AFRIQUE6“La violence symboliquede la Pentec?te gabonaise.”André MARYRetour à la table des matièresDans les ?glises chrétiennes africaines, du Rwanda au Congo, les prêtres et les pasteurs appellent à ??prier pour la paix?? et à demander ??pardon à Dieu?? pour les massacres commis. Les ressources de solidarité qu’apportent les communautés religieuses sont censées prendre le relais d’un ?tat défaillant ou servir de refuges contre la violence d’?tat. Mais quand on entre dans ce qu’on appelle les ?glises évangéliques, pentec?tistes ou charismatiques, on ne peut qu’être surpris par la violence de certaines formes de religiosité. Les prédications y parlent moins le langage de l’amour du prochain que celui du soup?on de l’autre proche?; la solution de la délivrance et de la conversion s’impose comme le meilleur ??blindage?? contre les démons des inconvertis (Les pa?ens, les catholiques, les musulmans). Le prix accordé au secret de la ??Puissance du Sang de Jésus?? (pour reprendre le titre d’une brochure de Reinhard Bonnke) ou aux vertus de la ??Puissance agressive de l’Esprit Saint?? ne relève pas d’un simple discours métaphorique mais participe de la culture de la violence que l’on dénonce par ailleurs. Une des forces de la ??guerre des esprits?? dans laquelle sont engagées ces ?glises, c’est la relation de? [144] ??double entente?? qu’entretient l’imaginaire diabolique dont elle se nourrit avec l’univers pa?en qu’elle pourchasse mais dont elle reprend en partie les pratiques et les schèmes d’interprétation: la persécution du mal, le sens de la force, la présence de l’Esprit au quotidien.Quelles modifications du rapport au monde se jouent donc dans l’appel à la puissance de l’Esprit saint plut?t qu’à la bénédiction des esprits ancestraux, dans le glissement de l’accusation de sorcellerie à la diabolisation de l’autre, et dans le relais que prend la thé?tralisation du combat entre Satan et Christ par rapport aux formes rituelles de lutte contre la sorcellerie? La grille de lecture sorcellaire et sacrificielle des représentations du pouvoir politique et de la réussite économique est-elle fondamentalement remise en cause par l’imaginaire des confessions sataniques concernant le secret de l’argent et de la puissance des Grands ou traduit-elle une même relation ambivalente au pouvoir et à sa malédiction? Que dire de la complicité des uns et des autres dans cette violence régressive des scènes de confession, d’aveu ou d’exorcisme qui font une grande partie de leur succès médiatique? Faut-il conférer à cet imaginaire de la guerre spirituelle et au dispositif rituel de la guérison divine un sens ??politique??? Au-delà de l’engagement éventuel des nouveaux acteurs religieux sur la scène politique, de leurs interventions intempestives dans l’espace public ou de leur investissement ostentatoire dans le social, à quel type de société et de valeurs sociétales l’imaginaire pentec?tiste du Bien et du Mal, et le combat spirituel auquel il invite, introduit-il?Les réveils de la Pentec?te gabonaiseLa réputation d’émirat africain du Gabon, les retombées de la manne du pétrole, ont depuis plusieurs décennies attiré de nombreux commer?ants et travailleurs migrants (environ 20% de la population actuelle de Libreville?). Si l’essentiel des migrants, notamment de l’Afrique de l’Ouest (Maliens, Sénégalais), restent fidèles à l’islam, les Ivoiriens, Togolais et Béninois, les Ghanéens et Nigérians, les Camerounais et les Congolais, ont contribué à faire de ce pays un vrai carrefour des religions. La population autochtone, jusque-là partagée entre le p?le des ?glises [145] missionnaires établies (?glise catholique et ?glise protestante, en l’occurrence ?glise réformée de France) et le p?le des cultes syncrétiques (Bwiti ou autres) ou des ?glises prophétiques d’origine africaine, s’est trouvée fortement sollicitée, particulièrement à partir des années 80, par toute une série d’églises, de communautés, parfois de simples groupes de prière (ou ??églises de maison??) relevant plus ou moins de la mouvance ??évangélique??, ??pentec?tiste?? ou ??charismatique??.Mais la première Pentec?te gabonaise, l’émergence explicite d’un mouvement de Pentec?te, se situe dans le cadre du Réveil qui affecte l’?glise évangélique du Gabon dans les années 1935-1936, une église protestante, organisée sur le modèle presbytérien de l’?glise réformée de France qui a pris en fait le relais des missionnaires américains de la Mission congrégationaliste installée dans l’estuaire du Gabon dès 1842, à Baraka, sur un ancien campement d’esclaves (barracao), non loin de la future Libreville?. Une des retombées de ce Réveil pentec?tiste des années 30 sera la fondation dissidente en juillet 1939 de la Mission évangélique de Pentec?te en Afrique équatoriale fran?aise, transformée en 1956 en Assemblées de Dieu du Gabon, la plus importante des ?glises pentec?tistes de la région.L’?glise de l’alliance chrétienne, d’origine américaine, implantée au c?ur des populations du sud du Gabon dès 1934, n’a cessé également dans ces dernières décennies de profiter des conflits de pouvoir et de la crise structurelle qui affecte l’?glise évangélique du Gabon, pour jouer le r?le d’une véritable matrice de nouvelles ?glises?: Communauté de Béthanie, ?glise Moridja, ?glise Bethsa?da, etc. Parallèlement à ces recompositions locales, les ?glises ??évangéliques?? d’origine plus nettement anglophone s’appuyant sur la migration ghanéenne et nigériane n’ont cessé de se multiplier: l’?glise de l’unité du Saint-Esprit, l’?glise biblique de la vie profonde, l’?glise des hommes d’affaires du plein ?vangile, l’?glise néo-apostolique, le Ministère de la foi agissante, etc. C’est aussi par le biais de la migration béninoise et nigériane que des ?glises prophétiques africaines d’inspiration pentec?tiste comme le christianisme céleste se sont implantées au Gabon dans les années 80. Enfin plus récemment, à partir de 1995-1996, la tradition pentec?tiste franco-gabonaise et la mouvance évangélique anglophone se sont vues bousculées (réveillées) par l’arrivée intempestive d’?glises néo-pentec?tistes brésiliennes (Dieu est Amour, ?glise universelle du Royaume de Dieu) s’attaquant de front à un des hauts-lieux de rencontre entre le fétichisme de l’argent et le paganisme africain. [146]Les Assemblées de Dieu du Gabon?:??La marche absolue par la foi??La première Pentec?te gabonaise est en fait d’origine franco-suisse. Ses deux principaux acteurs sont deux pasteurs suisses: Samuel Galley (un grand spécialiste de la langue et de la culture fang) arrivé au Gabon en 1913 et Gaston Vernaud, au départ simple artisan, qui s’est vu confié la charge pastorale de la station mère en pleine perdition, en mai 1935. C’est en Suisse que les couples Galley (en 1931-1932) et Vernaud (en 1933-1935), font connaissance de la Mission de Pentec?te et qu’ils re?oivent le ??baptême de l’Esprit??. L’imposition des mains à deux évangélistes autochtones, par Vernaud, sera le point de départ d’un mouvement de masse d’inspiration pentec?tiste relayé par des évangélistes indigènes sensibles à la possibilité offerte pour la première fois aux Noirs d’accéder à la puissance de l’Esprit dont parie la Bible. Le mouvement associe la multiplication des confessions publiques, les conversions ??du c?ur??, les révélations de dons de prophétie et les guérisons miraculeuses?.Mais les autorités de Paris et certains missionnaires (sans parler des catholiques) s’empressèrent de stigmatiser un certain nombre de déviations dues, selon leurs dires, autant à la régression fétichiste et magique qu’au dogmatisme et à l’aveuglement des thèses dites pentec?tistes?. Confondant l’action de l’Esprit avec ses signes sensibles (transes, agitations, pleurs), le mouvement est accusé de rechercher certains états émotionnels par des procédés appropriés (prières criées et incantations répétitives) et de confondre la ferveur de la foi et l’excitation collective. La gr?ce du baptême de l’Esprit devient une expérience privilégiée et discriminante conférant un statut d’initié ou d’élu. L’imposition des mains et les dons du Saint-Esprit sont mis au service de la quête de puissance. Les confessions publiques fournissent l’occasion de procès de sorcellerie et de prophéties d’accusation (qui conduisent certains à se réfugier sous la protection du catholicisme).Plus que jamais convaincu par leur expérience, confiant dans le travail de l’Esprit?, le couple Vernaud fonde en juillet 1939 la Mission évangélique de Pentec?te au Gabon dans des conditions matérielles héro?ques, avec le soutien actif de quelques fidèles. L’entreprise missionnaire obtient en octobre 1956 la bénédiction des Assemblées de Dieu (ADD) de France. La présidence de l’?uvre sera confiée à un Gabonais, le pasteur [147] Ndjongue, en 1963, et l’?glise sera reconnue au Journal officiel de la République gabonaise (n° 18) le 15 ao?t 1963. ??Ce ne sont pas des évangélistes blancs qu’il faut à l’Afrique, répétait Vernaud, mais de vrais ap?tres???, et l’investissement dans le ??ministère indigène?? était sa priorité. Dès 1955, les ADD ont des points d’accrochage en Guinée équatoriale et elles se sont installées au Cameroun en 1960 (à Douala). En 1967, à la suite des mouvements d’évangélisation lancés à Brazzaville et Kinshasa, les ADD de France s’installent au Congo Brazzaville, laissant l’?uvre dans les mains des ??ouvriers locaux?? du Gabon: 9 pasteurs. Le Gabon, avec son ??Réveil de 1936??, a donc été la plaque tournante de l’expansion des Assemblées de Dieu pour toute l’Afrique équatoriale (comme le Burkina Faso l’a été pour l’Afrique de l’Ouest).Le deuxième souffle viendra du pasteur Jude N’Gouwa, actuellement président des ADD du Gabon. De manière spectaculaire, en octobre 1991, à 45 ans, Jude N’Gouwa annonce qu’il quitte, après 25 ans de service, ses fonctions de fondé de pouvoir à l’Union gabonaise des banques pour se consacrer entièrement à sa mission d’évangéliste, ce qui lui confère un réel charisme médiatique?. Le quotidien national L’Union titre: ??Dieu plus fort que l’Argent??. A partir de 1990, c’est donc ??le second Réveil??, gr?ce aux campagnes d’évangélisation qui se succèdent: en mars 1992, Reinhard Bonnke rassemble toutes les dénominations évangéliques au grand stade, et le nouveau journal Pentec?te Gabonaise rend compte de cette campagne. La mort du grand président de l’?uvre, le pasteur G. Ndjongue à 78 ans le 16 avril 1993 donne lieu à un grand hommage national auquel se joignent toutes les confessions religieuses et le président de la République en personne. C’est la consécration de l’?glise évangélique de Pentec?te du Gabon. Signe tangible, la construction d’un grand temple (pour le Gabon) de plus de 5000 places où se retrouvent la plupart des convertis de Libreville au moins pour le culte dominical. Autre signe non négligeable, et autre temps, le renforcement des liens avec les ADD des ?tats-Unis à travers les missions de ses représentants pour l’Afrique centrale en décembre 1997 et la participation au Xe anniversaire de la Mission américaine en Guinée équatoriale en juin 1998.Entre la première génération des papas et mamans du ??Réveil de 36?? et la masse des jeunes hommes et femmes, soignés et lettrés, employés et fonctionnaires, qui aujourd’hui fréquentent assid?ment le culte, avec [148] Bible et cahier dans le cartable, le bond en avant est frappant. Le charisme de ce pasteur président, ancien banquier converti au service de Dieu, voyageant régulièrement en Europe et dans les pays africains anglophones ??par la gr?ce de Dieu??, invité et reconnu comme un pair par les missionnaires américains, offre à ces jeunes, selon ses propres termes, le témoignage vivant de la ??puissance agressive du Christ vainqueur??. Mais cet évangile de la réussite s’inscrit bien dans la continuité de ??cette marche absolue par la foi?? que scandait le fondateur de l’?uvre.Le pentec?tisme à la brésilienne au pays de l’or noirLes ?glises d’origine brésilienne n’ont pas évidemment la même épaisseur historique, ni la même respectabilité. L’implantation au Gabon de Dieu est Amour date de 1996? et a pour acteur essentiel le pasteur Marquez, originaire de S?o Paulo, mais présent en Afrique depuis les années 90, et arrivé à Libreville via le Cap-Vert, S?o Tomé et Principe, le Nigeria et le Cameroun voisin. Certains désaccords avec la direction brésilienne quant à la gestion financière des fonds de l’?glise locale ont conduit d’emblée à une scission au sein même de l’antenne du Gabon, et à la nouvelle dénomination?: ???glise chrétienne Réveil du Saint-Esprit??, qui revendique au moins 7 églises réparties dans tout le pays sans compter les cellules de prière. Les traits qui caractérisent cette ?glise ??locale?? au regard des Assemblées de Dieu du Gabon rappellent point pour point ceux qui distinguent de fa?on toute relative le pentec?tisme historique du Brésil et les ?glises néo-pentec?tistes?.Une des premières stratégies qui a fait du pasteur Marquez une vedette locale a consisté à investir un temps d’antenne dans une radio privée et à créer sa propre émission?: Message de Vie. Une stratégie classique dans le pentec?tisme ??à la brésilienne?? mais une grande nouveauté au Gabon où les émissions religieuses dominicales (radio ou TV) rassemblaient jusqu’alors des représentants des différentes ?glises officielles échangeant leurs points de vue respectifs sur tel ou tel sujet. Refusant, selon ses dires, ce type de débats ??manipulés par les journalistes??, le pasteur Marquez organise et anime lui-même, en reprenant des techniques éprouvées [149] au Brésil, une émission journalière qui accorde une place importante aux témoignages vivants de guérison et aux luttes corps à corps avec les sorciers enregistrés pendant les cultes. La collection de cassettes sur laquelle il .s’appuie n’est pas pour autant diffusée, ni commercialisée?; le but est d’amener les auditeurs à assister en direct au culte?.Cette ?glise brésilienne s’est aussi fait remarquer par la manière dont elle investit, comme dans les autres capitales africaines (Brazzaville, Abidjan, Nairobi) ou européenne (Paris) les salles de cinéma, les anciens bars et autres lieux de dépravation, pour des ??réunions de délivrance?? à répétition dont la liturgie est particulièrement expressive et agressive, au point que tout le quartier vit toute la journée et une partie de la nuit au rythme des prières des ouvrières, des prédications des évangélistes, des claquements de main des ??cantiques de combat??, des alléluias des ??offrandes d’amour?? et des cris de délivrance des fidèles. La guérison divine par l’imposition des mains, la préoccupation de la ??cure des ?mes?? et de la ??délivrance??, ont toujours fait partie de l’héritage pentec?tiste. Dans les Assemblées de Dieu, il existe un service d’accueil et des réunions hebdomadaires pour les malades, et surtout certaines campagnes d’évangélisation et de guérison étalées sur plusieurs soirées, organise sur fond de recueillement et de prière intense, la descente de l’Esprit et la floraison des témoignages personnels. Mais les débordements de la transe font ici l’objet d’un contr?le rigoureux car le seul signe authentique de l’effusion de l’Esprit reste le ??parler en langues?? et non l’agitation du corps. Dans les séances de délivrance et de guérison (on se refuse à parler d’??exorcisme??) de Dieu est Amour, la mise en scène de la transe des possédés, le duel spectaculaire du pasteur et du sorcier, l’aveu des esprits diaboliques et la chasse collective des démons, sont par contre l’aboutissement ultime de la ??réunion???.Le pasteur Marquez justifie cette option ??évangélique?? par deux raisons majeures. D’abord un principe de répartition dans les missions des diverses églises, certaines ayant plus spécialement le don de la Parole, d’autres étant vouées à chasser les démons et à guérir les malades. Ensuite vient l’idée forte selon laquelle lorsque les gens sont malades ou au ch?mage, il ne sert à rien de s’en tenir à leur prêcher la Bonne Nouvelle, il faut d’abord prendre à c?ur leurs problèmes, les écouter, les [150] guérir et pour qu’ils puissent accepter Christ commencer par chasser les mauvais esprits qui sont en eux. Le discours est explicite: si on veut convaincre que ??Christ est la Solution?? (selon la formule consacrée), il faut donner aux gens des ??signes de la Puissance de l’Esprit??, leur montrer qu’??avec Dieu tout est possible??. Ce discours ??branché?? sur les réalités quotidiennes des ??quartiers?? et plut?t méfiant vis-à-vis des ??Docteurs de la Parole?? n’est pas sans rapport avec la population, toujours ??propre?? et bien habillée - comme il se doit lorsqu’on se rend dans la maison du Seigneur - mais sans doute plus modeste et plus démunie que celle qui fréquente les Assemblées de Dieu ou l’Alliance chrétienne. Il s’inscrit surtout dans la lignée de ces ??rescapés de l’Enfer?? dont le pasteur Marquez offre la figure emblématique et dont il porte le témoignage?.Le pasteur Marquez est convaincu de l’urgence d’un vrai Réveil au Gabon qui ébranle toutes les ?glises en place compte tenu du défi que représente la situation spirituelle inquiétante de ce pays, un vrai carrefour des entreprises diaboliques. On pourrait penser que ce diagnostic se nourrit des représentations missionnaires d’une Afrique centrale dont le c?ur serait particulièrement marquée par la ??noirceur?? et la malédiction des fils de Cham, mais le pasteur Marquez s’empresse de préciser que ce n’est pas tant le fétichisme atavique des Gabonais qui est en cause que l’attrait suscité par l’argent du pétrole, l’or noir, sur toute une population d’étrangers avides, corrompus et corrupteurs, un discours qui n’est pas sans concession à la xénophobie de populations gabonaises dont la démographie est particulièrement faible et qui se vivent comme ??vampirisées?? par les autres?. L’?tat gabonais qui se nourrit essentiellement de la rente du pétrole a toujours, par temps de crise (notamment de baisse du prix du baril), exploité cette xénophobie en dénon?ant les ??pécheurs en eaux troubles??, en pratiquant une sorte d’exorcisme politique par le biais de l’expulsion sporadique de telle ou telle catégorie d’étrangers (Béninois, Camerounais, Nigérians).La politique des hommes fortsUn tel diagnostic du mal gabonais et un tel souci de guérir le pays sont radicalement étrangers à toute velléité d’engagement sur la scène politique. La position officielle de toutes les ?glises évangéliques ou pentec?tistes [151] (et encore plus des catholiques) est le respect le plus strict des autorités en place et la non-ingérence absolue dans les questions touchant à la politique du pays. Leur reconnaissance et leur implantation dans le pays sont à-ce prix. Par temps d’élections, on se contente de prier pour les gouvernants dans un esprit ??biblique??. La formule de Romains (XIII, 1) permet seulement de rappeler aux politiques qu’il n’y a point d’autorité qui ne vienne de Dieu. Mais comme le déclare régulièrement le pasteur N’Gouwa: ??Le pasteur doit rassembler et non disperser. Il ne doit pas être membre d’un clan ou d’un parti politique?; mais au contraire prier pour et conseiller les hommes politiques???.Il faut dire que l’histoire gabonaise autant que la situation présente découragent tout investissement dans le jeu politique. Pendant toute la période du parti unique (de 1967 à 1990), l’?glise catholique, l’?glise évangélique et l’islam (auquel El Hadj Omar Bongo s’est ??converti?? pour des raisons politico-diplomatiques) ont été les seuls à être reconnus et re?us officiellement. Toutes les ?glises nouvelles ou les ??sectes?? étrangères qui apparaissent dans les années 70-80 sont suspectes et régulièrement soup?onnées d’être des lieux de complot contre le régime. La Conférence nationale de 1990 a marqué un tournant: présidée par un ??Monseigneur??, elle a rappelé la liberté de culte inscrite dans la constitution et encouragé l’effervescence religieuse. Mais la reconnaissance du multipartisme n’a pas vraiment créé sur le plan politique les conditions d’une alternance démocratique et le président en place depuis plus de trente ans s’est pour la énième fois fait réélire en décembre 1998. La ??pétro démocratie?? a encore de l’avenir.Le fait qu’un des principaux leaders de l’opposition au régime et le concurrent électoral le plus sérieux (élu à la mairie de Libreville en février 1997), le père Paul Mba Abessole? soit un religieux aurait pu laisser penser à une sorte d’alternative au régime fondée sur la ??religiosisation?? des enjeux politiques, un procès amorcé par l’esprit de conjuration des puissances du mal qui a pu être celui des ??conférences nationales?? et de leurs rituels de lavement des mains?. Mais il n’en est rien. Pour les membres de la mouvance évangélique et pentec?tiste, principalement originaire du sud du Gabon et du groupe Punu (le deuxième groupe ethnique après les Fang majoritaires), le leader du Rassemblement national des [152] b?cherons, dont l’idéologie est fortement ancrée dans un ethno nationalisme fang, est surtout l’incarnation typique de cette alliance ??diabolique?? entre le catholicisme romain et le fétichisme africain qui fait la malédiction de l’Afrique.La diabolisation du politique comme lieu du mensonge et de |a ??corruption?? est en fait plus global et la cl?ture de la sphère politique par trente ans de règne ininterrompu y a largement contribué. La politique est décidément un combat entre hommes forts mobilisant des armes secrètes et le langage du ??dialogue??, de la transparence, de l’espace public ou des droits de l’homme, une concession rituelle à l’injonction de démocratie. L’émergence d’un parti évangélique ou pentec?tiste, ou même d’un député pasteur, se proposant de nettoyer ce monde par le sang de Jésus, n’est pas à l’ordre du jour. La solution ne passe pas par les élections, mais par la conversion à Christ.Imaginaire diabolique et ambivalence sorcellaireLes sorciers et les féticheurs, le diable et les démons, sont des personnages omniprésents dans le Gabon d’aujourd’hui, dans les médias comme dans la vie quotidienne. L’indifférenciation des schèmes d’interprétation qui relèvent du registre de la sorcellerie et de la possession, du fétichisme et de la magie, de l’anthropophagie ou des sacrifices humains, mais aussi de la démonologie, est désormais chose commune. Les journaux locaux, les médias, aussi bien que les rumeurs véhiculées par radio trottoir ou les conversations privées, se font complaisamment, jour après jour, le relais d’affaires de sorcellerie, de meurtres-rituels, de pactes diaboliques qui touchent tous les domaines de l’existence.Ces affaires ne sont pas là seulement pour exciter l’imagination populaire, elles font écho aux interrogations que suscitent la maladie, la stérilité, le ch?mage, les accidents, les échecs scolaires, etc. Même si la police, la justice et les journalistes mettent généralement la main sur de misérables exécutants promus au r?le de ??chef de secte??, ??sacrificateur?? ou de ??faux pasteurs?? (en général des ??étrangers??) complaisamment photographiés et donnés en p?ture au public, il va de soi pour le makaya (le peuple des quartiers, les matit?) que le pouvoir politique est en fait le véritable commanditaire de ce marché sacrificiel. Chacun sait que les ??Grands??, les ??Hauts d’en haut??, se sont toujours nourris de la substance vitale des autres, du sang des sacrifices humains, de rapts ou de mise en esclavage des ?mes. Tous les récits qui alimentent cet imaginaire (enlèvements et disparitions mystérieuses, salle de torture et prélèvement d’organes dans les [153] palais, couloirs souterrains pour éliminer les déchets, découvertes macabres de sexes dans les coffres de voiture) entretiennent en même temps une réelle fascination vis-à-vis du secret du pouvoir et de sa perpétuation.L’imaginaire du diable que véhicule la mouvance pentec?tiste, par ses prédications et ses témoignages, écrits et radiophoniques, vient conforter cette grille de lecture du monde des Grands, même si le discours qu’elle engendre a été en fait rapidement récupéré (ou retourné) par le discours politique africain. La diabolisation de l’autre fournit un nouveau langage à la dénonciation rituelle de la corruption. Jean-Fran?ois Bayart, en rappelant la pluralité et l’hétérogénéité discursive des répertoires de la culture politique africaine, souligne la place qu’y occupe depuis toujours le ??genre discursif chrétien???. Le thème de la ??bonne gouvernance?? - que dire de la ??repentance???! - témoigne seulement d’une certaine protestantisation de la culture politique qui affecte désormais les pays francophones.La littérature spécialisée dans le genre diabolique (??J’ai vécu une semaine avec le diable??), les brochures véhiculées par les kiosques et librairies évangéliques, jouent sur la rencontre entre la démonologie inspirée de certaines sectes fondamentalistes américaines et les représentations traditionnelles ou modernes de la sorcellerie africaine?. Assimilant les sorciers aux diables, ce télescopage précipite le triomphe d’un dualisme radical du Bien et du Mal, du Diable et du Bon Dieu, met fin à la fameuse ambigu?té des figures pa?ennes. La diabolisation de la sorcellerie contribue également à accélérer sa ??globalisation??, autrement dit l’application de la grille de lecture sorcellaire aux problèmes individuels et collectifs des temps ??modernes??. L’imaginaire du retour du Diable fait ainsi écho au thème de la résurgence cyclique des sorciers par temps de crise, et les nouveaux missionnaires, pasteurs et évangélistes, réactualisent à leur fa?on le geste prophétique inauguré par les prophètes africains, en réinscrivant les problèmes des individus dans une dramaturgie universelle du Mal et dans le combat spirituel contre Satan et ses complices.Les mouvements fondamentalistes contemporains sont souvent antithéologiques et assimilent les instituts de théologie modernes aux écoles du diable, mais la littérature diabologique tient lieu de traité de théologie narrative fondée sur l’expérience. L’inflation manifeste et le caractère ostentatoire des confessions sataniques, qui épousent le scénario de l’initiation à la [154] sorcellerie, témoignent du mélange d’édification et de fascination qui travaille les nouveaux convertis. Les titres sont évocateurs: ??Délivré des puissances des ténèbres?? d’Emmanuel Eni, le récit d’un grand sorcier du Nigeria membre d’une ?glise chrétienne, semble le best-seller des pays anglophones, mais les pays francophones ont leur équivalent avec ??Rescapés de l’Enfer?? de Barajika, un adepte za?rois de la magie noire initié par un prêtre catholique qui était le neveu du dernier pape (confirmation du lien entre la magie africaine et le catholicisme romain), ou encore ??Comment Jésus-Christ m’a arraché à ma double vie d’homme-démon??, la vie et la conversion d’un Camerounais responsable de Satan pour l’Afrique?. Ces récits alimentent une sorte de cosmologie diabolique à l’échelle de la planète mais leur genre narratif est celui du ??témoignage??, de la ??confession?? d’une expérience vécue et relatée en première personne, et profondément ancrée dans l’univers de la famille et du village. Repris comme modèle ou évoqué explicitement dans les récits de conversion, ils permettent à tout un chacun de s’identifier. Leur crédibilité est censée jouer sur le critère de la sincérité de l’aveu, mais ils cumulent en fait (à l’image du scénario des séances de délivrance) le double profit de la posture du complice se livrant au récit complaisant et surabondant d’actes dont personne n’aimerait être accusé et de celle de la victime, prise en otage par le diable, se livrant humblement à une confession édifiante.??Dieu plus fort que l’argent??Cette théologie narrative témoigne de l’existence d’un monde en double, d’un monde parallèle construit à l’image du monde ??moderne?? et lieu du secret caché des Grands (fétichisme, sacrifice humain, esclavage des ?mes). Le monde de Satan est spécialement construit sur le modèle de l’?tat, de la bureaucratie, de l’armée, de la banque. Le message semble clair: les Grands, les ministres, les hommes d’affaires, les politiciens ont acquis leur pouvoir et leur richesse non de Dieu mais du diable dont ils sont en fait les otages, mais en définitive, comme le titrait le journal local L’Union, à propos de la conversion du banquier-pasteur: ??Dieu est plus fort que l’Argent??. [155]Le souci de rompre avec la thèse de la ??fausse conscience?? peut conduire à lire ces fictions diaboliques comme un travail symbolique de ??reconstruction?? de l’expérience populaire du monde (la ??reconstruction?? faisant partie du langage théologique du christianisme africain d’aujourd’hui). Cette métaphore d’un diable identifié à l’argent, au capital, qui ??pompe?? les ressources humaines à son profit ne conduit-il pas à situer - non sans lucidité - les sources du malheur et du mal social non au niveau des individus (responsables et coupables) mais au niveau des agents collectifs que sont l’?tat, l’argent, le FMI?? Dans la lutte contre l’apartheid en Afrique du Sud, n’a-t-on pas vu 150 théologiens progressistes, noirs et blancs, user clairement et stratégiquement (dans le fameux Kairos Document) de la diabolisation de l’?tat d’Afrique du Sud pour justifier sa condamnation: ??La politique de l’apartheid doit être nommée pour ce qu’elle est, la politique de Satan????? Le diable ou la diabologie pourrait jouer ainsi un r?le d’éveilleur de la conscience sociale et politique des peuples et certains se mettent ouvertement à rêver d’une théologie de la libération pentec?tiste?.Ces lectures rappellent celles qu’ont pu susciter dans la période précédant les indépendances africaines les promesses des mouvements prophétiques. La réactivation par le prophète africain du schème persécutif stigmatisant l’Autre (le Blanc) qui nous vampirise, nous exploite, ne pouvait- elle pas se lire comme l’expression potentielle d’une certaine lucidité sur le sens des rapports de force en présence et sur l’exploitation des masses par l’?tat capitaliste colonial? Tout le problème est que le soup?on porté sur la sorcellerie des Blancs, la mise en esclavage des ?mes des Noirs, n’était pas sans fascination pour son esprit d’entreprise, sa réussite et ses richesses, et se retournait facilement en discours sur la malédiction des fils de fétiches et en culpabilisation individuelle des consciences. Le scénario qui conduit dans les ?glises pentec?tistes à glisser du combat contre le prince des ténèbres et ses complices à la violence de la ??conviction de péché?? n’est pas très différent.En réalité l’imaginaire diabolique comme l’imaginaire sorcellaire tire toute sa force de l’ambigu?té de son message et de l’ambivalence des rapports au monde ??moderne?? qu’il trahit, ce qui rend particulièrement problématique toute lecture sociologique immédiate de cet imaginaire de [156] même que toute conclusion univoque quant à son sens politique?. La diabolisation correspond à un procès d’unification mondiale et planétaire des forces du mal sous l’égide de Satan, mais la pluralité surabondante des diables ou de leurs complices fait que ceux-ci opèrent d’abord au sein du village, de la famille, conformément à la topologie africaine traditionnelle des accusations de sorcellerie. Les sorciers soup?onnés ce sont les Grands ou les étrangers (au Gabon, l’?quato-Guinéen, le Congolais, le Béninois) qui nous vampirisent, nous bouffent, mais l’accusé, c’est en bout de course l’autre le plus proche, le voisin, le parent, celui qui vous dévore de l’intérieur. Il est significatif que, dans certains récits sataniques, le voyage au bout du monde se conclue par cette révélation majeure que le lieu d’élection de Satan c’est l’?glise, pas seulement les églises catholiques, ce qui va de soi, mais même les églises pentec?tistes.La plasticité et la réversibilité des représentations qui s’attachent au pouvoir, et à son envers, la sorcellerie, sont encore une des clefs de l’ambivalence des traductions africaines de l’?vangile de la réussite versus les démons de la pauvreté?. En déculpabilisant l’esprit d’entreprise, en légitimant le désir de réussite sociale, l’?vangile de la réussite conforte les aspirations des jeunes lettrés et salariés du milieu urbain et récuse les vertus d’une condition de pauvreté qui engendre le mauvais c?ur et le mauvais esprit et non l’humilité et la charité.Mais les choses ne sont pas si simples car même les pasteurs qui réussissent, et témoignent ainsi de leur bénédiction divine, peuvent toujours être soup?onnés par leurs ??frères et s?urs en Christ?? de céder à ??la politique du ventre??. Tout le problème est que celui qui réussit par lui-même, par son travail, dans ses entreprises, et s’élève au dessus des autres (à l’image de la maison à étages), est toujours susceptible d’être ??jalousé?? et soup?onné de sorcellerie, surtout s’il ne redistribue pas aux siens et garde tout pour lui. Vu du village, et de la fameuse solidarité communautaire, le sorcier désigné c’est celui qui s’enrichit, qui accumule, qui ??profite?? au détriment des autres. Mais le soup?on est réversible, et celui qui tombe malade, qui échoue soudain dans ses entreprises, qui se retrouve au ch?mage, sera porté à accuser ceux qui sont jaloux (le vieil oncle du village, la femme rivale, la mauvaise voisine). Les sorciers désignés ce sont alors les ??petits?? voués au ressentiment et aux mauvaises pensées. [157]Dans cette vision ??africaine?? du monde liant rapports de force et rapports de sens, la force sorcière (au Gabon l’evu) n’est en elle-même ni bonne ni mauvaise. Si l’ensorcelé a un problème, il tient entre autres à sa faiblesse car on ne peut prétendre à aucun pouvoir, à aucune réussite, à aucune richesse en ce monde sans la force de l’evu. Ceux qui n’ont pas d'evu sont des innocents ??qui n’ont rien dans le ventre??, des ??moutons?? condamnés à se faire ??manger?? par les autres. Ils sont trop faibles parce qu’ils sont ??trop bons??, ils manquent de cette agressivité qui conditionne l’accès à la richesse, à la puissance?. Aux yeux des adeptes du Bwiti du Gabon, l’imitation de Jésus-Christ, si elle devait se comprendre comme un renoncement à l’evu, serait synonyme de conversion à la posture de l’imbécile heureux et renoncement à s’accomplir comme homme complet et avisé.En mettant en avant la puissance agressive de l’Esprit et le modèle du Christ vainqueur, on voit bien comment une des forces du pentec?tisme tient à la réponse anthropologique qu’il apporte à la question de savoir comment on peut être fort et bon, puissant et pur, à la fois. Les hommes forts que sont les prophètes africains avaient déjà travaillé à rectifier l’incompréhension suscitée par le message chrétien sur ??l’agneau divin??, sur les vertus de l’innocent sacrifié et de la condition de pauvreté, sur la ??simplicité des ?mes noires??. La ruse prophétique consiste à reconna?tre pleinement la force sorcière mais en la prenant à son propre piège, en la confrontant à plus fort qu’elle. L’initiation au bwiti comme la conversion au pentec?tisme n’ont rien d’angélique: elles fournissent une protection, un ??blindage?? contre les sorciers, qui tiennent pour les uns au super-fétiche qu’est l’eboga, pour les autres à la puissance du sang de Jésus. L’enjeu dans ce rapport de forces est de gagner et de vaincre, celui qui échoue à tort.??La violence de la conviction de péché??Le problème des séances de délivrance est justement de redonner à des chrétiens démunis, sans protection, de la force en transformant l’angoisse paralysante de l’innommable en agressivité dirigée sur un autre désigné. ? défaut d’éveiller la conscience sociale et politique des masses, le manichéisme du combat entre Christ et Satan peut offrir, comme l’illustre [158] l’identification des récits de conversion aux ??confessions sataniques???, des ??bénéfices psychologiques?? à des individus plongés dans une situation de chaos moral et de perte de tout repère identitaire familial, ethnique ou de genre. Il a pour ambition de réinstaurer un système d’alternatives, de laisser entendre aux individus qu’ils ont un choix simple à faire entre le Bien et le Mal et qu’ils peuvent le faire. D’autant plus que ce dualisme se traduit concrètement, dans la vie de tous les jours, par un système fort d’interdits (le tabac, l’alcool, l’adultère, la polygamie, le vol) qui sépare absolument le converti de l’inconverti, le pur de l’impur. Mais en passant de ces ??machines narratives??? que sont les confessions sataniques et les témoignages de conversion au dispositif cultuel des séances de ??délivrance?? où le diable est convoqué comme acteur de la situation, on franchit une autre étape dans la réactivation d’un schéma persécutif du mal qui encourage l’accusation de l’autre proche aussi bien que la diabolisation de l’étranger, à commencer par l’inconverti.Les procédures d’ordalie, d’interrogation du cadavre ou de mises à l’épreuve permettaient dans les sociétés traditionnelles de médiatiser, socialement et symboliquement, la désignation du sorcier. Le recours à des formes de nomination euphémisées pouvait également faciliter l’évitement du rapport frontal en respectant, comme le soulignait Evans-Pritchard, un code de bonne conduite?. La juridiction coloniale s’est en général efforcée de mettre fin à ces procédures d’accusation en mena?ant l’accusateur (la victime qui se dit ensorcelée) de poursuite pour diffamation, la protection accordée à l’accusé (le sorcier présumé) au nom des droits de l’individu et des exigences d’un certain régime de vérité, n’étant pas sans susciter des malentendus. La généralisation récente, dans des pays comme le Cameroun, le Gabon ou le Congo, de ??procès de sorcellerie?? d’un nouveau genre organisés au sein même de l’espace juridique moderne, sous contr?le des juges et avec la complicité de devins-guérisseurs, de nganga d’un nouveau type, tend à accorder une nouvelle légitimité à l’accusation de l’autre sorcier?. C’est dans [159] ce cadre qu’il faut situer le recours systématique aux procédures d’exorcisme, de conjuration et de confession que pratiquent toutes les nouvelles ?glises, prophétiques ou pentec?tistes. Un des enjeux majeurs des pratiques nouvelles, procès de sorcellerie ou exorcisme, tourne autour des modalités de la désignation de l’autre persécuteur et porte sur les procédés d’euphémisation ou de dénégation de l’accusation.Les lectures chrétiennes qui s’efforcent de donner une version acceptable de la sorcellerie comme facteur de régulation des conflits intrafamiliaux, instrument d’éradication de la violence et de réintégration du sorcier dans la communauté, misent sur les vertus libératrices de l’aveu et sur l’apaisement du pardon mais passent sous silence les ressources curatives de la décharge d’agressivité sur un autre persécuteur. Malgré la bienveillance qui s’impose à ??l’initié?? qu’il prétend être, le père jésuite Eric de Rosny ne cesse de témoigner pour sa part de son malaise de chrétien (même charismatique) face à la pratique des nganga de Douala, une pratique, dit-il, qui donne un exutoire à la violence tout en ménageant subtilement la possibilité de la réconciliation?.Le discernement et le diagnostic du mal tels que les pratiquent les pentec?tistes protestants ou les charismatiques catholiques confortent la croyance en la sorcellerie diabolique tout en prétendant rompre avec les pratiques d’accusation?. Accuser l’autre, le désigner même indirectement ou intérieurement en y pensant très fort, ce n’est pas seulement dangereux pour l’accusateur ou encore nuisible à la paix du groupe, mais surtout ce n’est pas conforme au message d’amour du prochain, c’est faire preuve soi-même de mauvaise pensée ou de mauvais c?ur. La seule solution c’est le pardon vis-à-vis de ceux qui sont en définitive des victimes du diable et du démon.C’est dans cet esprit ??évangélique?? que se situe la pratique de délivrance des Assemblées de Dieu du Gabon. Il faut dire que l’histoire du Réveil des années 30 et des débordements qui lui ont été reprochés a fortement marqué sa mémoire. Une des caractéristiques de ce Réveil était que la manifestation de la puissance de l’Esprit se traduisait d’abord par la confession ??spontanée??, le plus souvent ??publique??, des péchés, ce que Vernaud, en bon pentec?tiste, désignait comme ??la violence de la conviction de péché???. Cette violence qui accompagnait celle de [160] l’imposition des mains par le pasteur agissant au ??nom du Sang de Jésus??, était celle de l’Esprit qui ??frappe?? l’individu, le ??saisit??et le??brise??, jusqu’à le jeter à terre dans l’agitation et les tremblements. Mais le jugement de Dieu s’est aussi rapidement exercé par la médiation des visions clairvoyantes et des prophéties dénonciatrices dont certains avaient la révélation au détriment des autres, leurs voisins, leurs parents. ??Faire l’esprit?? est devenu une occasion d’accusation de sorcellerie ou de provocations à l’aveu qui ont conduit de nombreux protestants de l’époque à se réfugier paradoxalement chez les catholiques pour se protéger contre ce qu’ils percevaient comme une manifestation du n’gwel (le monde de la sorcellerie pour les Fang)?.Dans la plupart des ?glises prophétiques de Libreville, comme le christianisme céleste, la dénonciation de ceux qui pactisent en secret avec le diable ne débouche pas sur une mise en accusation publique et directe des ??coupables??. Les visionnaires, révélateurs ou prophètes d’?glise exercent une pression indirecte, par le biais des dons de clairvoyance dont ils disposent, en vue de susciter la confession, publique ou privée, des ??sorciers?? présumés. Les coupables ont la garantie d’être traités comme des victimes ??possédés?? par les mauvais esprits et d’accéder à la ??délivrance?? de l’emprise des démons.Mais certaines ?glises du Congo-Brazzaville, comme l’?glise du christianisme prophétique, pratiquent, dans la continuité des traditions locales, la ??conjuration familiale?? et s’engage dans une véritable ??police des familles?? ou même un ??lavement des villages??. Le pasteur n’hésite pas à convoquer la famille sur laquelle pèse le mal dont souffre la victime. Même si tous ne sont pas des ??frères en Christ??, la famille a intérêt à se rendre à la cérémonie d’exorcisme ou de confession, soit pour ne pas encourager le soup?on des autres dans un univers social où tout le monde se conna?t, soit parce que c’est la seule voie de soulagement de celui qui souffre. Le mal est de toute fa?on quelque part dans les conflits et ressentiments accumulés dans le milieu intrafamilial (la mauvaise pensée et le mauvais c?ur). Pour éviter néanmoins de relancer le processus qui alimente le conflit, et surtout de provoquer des passages à l’acte qui sont réalité courante, la séance d’exorcisme ménage la conjuration du mal et la réconciliation familiale et se garde d’individualiser le problème en dépla?ant par exemple l’agressivité sur les fétiches que l’on br?le.Les ??réunions de délivrance?? pratiquées par les ?glises néo-pentec?tistes brésiliennes en Afrique sont au centre du culte et conformes aux descriptions courantes qui peuvent en être données au Brésil?. Par rapport [161] au contexte gabonais, il faut souligner la nouveauté de ces séances d’exorcisme qui se vivent en quelque sorte en double, à la fois en direct, au c?ur du culte et du cercle des ??frères??, et sur un mode médiatique et public par le biais de la radiodiffusion. Le rituel fait ici, comme au Brésil, de la nomination de l’autre sorcier, de la désignation du chef des diables, un enjeu capital de la délivrance. Le démon doit cracher son nom et dévoiler son identité. La médiation des esprits ancestraux, des ??maris mystiques?? ou des ??mamy wata?? prend dans ce contexte culturel le relais des esprits indiens ou des dieux africains du candomblé brésilien.Mais dans l’?glise, cette médiation symbolique donne libre cours à la désignation d’esprits plus directement familiaux: l’esprit de la mère jalouse qui veut dévorer son enfant; le père incesteux qui joue les ??maris invisibles?? avec sa fille; les parents qui sacrifient leur fils aux nganga ou au bwiti. Le pasteur, veillant toujours à la présentation nominale des sujets (je m’appelle Obiang du quartier Akebe), ces aveux, confessions ou témoignages (relayés par la radio), cherche délibérément à lutter contre les fétiches et l’esprit vampireux en provoquant à la transparence dans les affaires de famille, quitte à prendre le risque d’une ??satanisation?? de la famille ou de la rupture avec certains de ses membres.Mais dans la mise en scène de l’exorcisme, mélange de dramatisation et de parodie, le dédoublement de la personne possédée permet de ménager la cohabitation séparée de l’accusation de l’autre et de l’aveu du coupable. Dans ce double jeu, ni la responsabilité de l’accusation, ni la culpabilité de la confession ne sont vraiment assumées (??je?? parle par un autre). Personne dans ce dispositif n’est directement accusé (c’est mon double qui parle) et personne n’est vraiment coupable (il est victime des mauvais esprits). La délivrance relève donc plus d’une thé?tralisation de la possession diabolique que d’un ??tribunal de la conscience??, elle est un combat total où le pasteur s’engage fortement et physiquement, mais aussi le public tout entier invité à s’identifier à la victime et à chasser les démons dans un décha?nement collectif libérateur.Conclusion:le jugement de Dieu et les démons de l’inconversionL’imaginaire du diable offre sans nul doute un langage pour parler de l’homme et de la société, mais avant d’en faire l’incarnation fantasmatique du capital qui ??pompe?? les ressources du tiers monde ou l’agent caché de l’individualisme moderne, il importe de considérer avec attention les dispositifs cultuels où le diable est convoqué et la manière dont ceux-ci fabriquent des individus invités à rompre avec les esprits familiaux [162] ou les ??maris mystiques?? qui les hantent et à rejoindre la famille des ??frères et s?urs en Christ??. Au c?ur des débats anthropologiques suscités dans les années 70 par les ??confessions en diable?? ou ??en double?? du prophète Atcho, il y avait l’idée que le chemin qui mène à l’individualisation des sujets passe par la rupture avec le schème de la persécution et par l’épreuve de l’intériorisation de la culpabilité?. Or les pratiques de délivrance des ?glises néo-pentec?tistes prétendent accompagner un procès de conversion individuelle qui fait bel et bien l’économie de la culpabilité. La contrepartie, c’est la rupture avec les liens qui vous ??attachent?? à la famille, foyer de résistance des esprits sataniques, jusqu’au risque de la diabolisation de l’autre proche et de la ??satanisation?? de la famille.Face au dépérissement de l’?tat dans certains pays africains, à la banqueroute des institutions publiques en matière d’éducation, de santé ou de sécurité, on peut considérer que l’imaginaire de la guérison divine relève d’un ??dispositif politique?? alternatif ou que la délivrance est à lire en termes de ??performance politique???. S’il s’agit de comprendre par là que ces dispositifs narratifs ou cultuels opèrent un véritable travail symbolique sur les schèmes d’interprétation du malheur et de l’événement, sur la construction des figures de l’individualité dans ses rapports à la communauté, l’anthropologue ne peut qu’y retrouver ses préoccupations fondamentales. Mais cela n’exclut pas de s’interroger sur le projet communautaire d’une mouvance religieuse qui est incontestablement plus populaire et plus radical que le pentec?tisme historique mais qui est aussi plus exclusif, accentuant le fossé entre les convertis et ceux qui restent sous l’emprise des ??démons de l’inconversion??. La manière dont le pasteur Marquez a investi les médias montre que l’espace public n’est pas pour lui un lieu de débat et de confrontation entre des points de vue également respectables, mais un territoire à occuper et à coloniser?. Pour sauver le Gabon de ses maux, le gagner à Christ, on ne peut compter que sur le peuple de Dieu qui est, selon ses propos, ??le vrai Peuple de la Nation??.[163]La question du sida fournit malheureusement un analyseur décisif des rapports à l’autre et des attitudes des ??convertis?? et des ??éveillés?? en matière de transparence et de responsabilité collective. Le problème de la prévention du sida, longtemps ignoré ou refusé par la société gabonaise, commence seulement à susciter des mobilisations de la ??société civile??, fortement encouragées par une politique de l’OMS misant sur les actions de proximité prises en charge par les ONG et notamment les congrégations religieuses. Toutes les ?glises partagent les thèmes du jugement de Dieu, de la nécessité du retour à la loi de Dieu (la chasteté, l’abstinence, la fidélité dans le couple), du secours de la prière et de l’espérance de la guérison divine, mais les discours et les actes couvrent un large éventail. Les ?glises protestantes comme les Assemblées de Dieu sont fortement engagées dans des campagnes publiques et médiatiques d’information et de sensibilisation auprès de tous les Gabonais, particulièrement des femmes, des ministères de la prévention du sida se mettent en place, et même des enquêtes au sein des églises sont menées pour conna?tre et faire conna?tre le nombre de malades. L’idée centrale de ces campagnes est celle d’une responsabilité collective à assumer?; le jugement des hommes n’a pas à se substituer au jugement de Dieu, et en un mot la marginalisation des victimes seraient contraire au message biblique.La position du pasteur Marquez est celle qu’on pouvait attendre. Il est clair que le sida relève moins de Satan que de la malédiction de Dieu. La seule solution, outre naturellement le respect strict des lois divines, c’est donc la Gr?ce divine, que l’?glise Dieu est Amour est particulièrement apte à procurer puisqu’elle se prévaut de nombreux cas de guérison enregistrés et retransmis à la radio. Sans doute existe-t-il des malades du sida parmi les convertis compte tenu des errances de leur vie antérieure, mais il va de soi que la conversion (et surtout le mariage entre convertis) est le meilleur cordon sanitaire contre la pandémie. De là à penser que la puissance du sang de Jésus vous protège contre la pollution du sang des autres et que la force des purs leur permet d’ignorer, au moins au sein du cercle des élus, les protections humaines, il n’y a qu’un pas... Les risques de la contamination et les démons de l’inconversion (drogue, débauche sexuelle) se conjuguent parfaitement dans cet imaginaire du mal qui retourne les termes des politiques de santé publique en faisant de l’identité religieuse un enjeu sanitaire?.[164][165]Imaginaires politiques et pentec?tismes.Afrique / Amérique latine.PREMI?RE PARTIE?: AFRIQUE7“Pentecostals and Politicsin South Africa .Public Space and Invisible Forces”Allan ANDERSONRetour à la table des matièresFrom the arrival of the first Dutch settlers in South Africa in 1652, Protestant Christianity, with its almost entirely European membership, held a monopoly through the Dutch Reformed Church until the 19th Century. Today, some three-quarters of the Black population are members of “Protestant” Churches, but this figure includes a majority of African initiated/independent Churches (AICs) and Pentecostals.South African Pentecostalismand Political ParticipationSouth Africa was one of the first countries on the continent to receive Pentecostalism, in 1908. In less than a century, between 10-40% of the population became Pentecostals, depending how “Pentecostal” is defined. The 10% includes “Classical Pentecostals” of several denominations, the largest being the Assemblies of God (AOG), the Apostolic Faith Mission (AFM) and the Full Gospel Church of God (FGC). It also includes various new Pentecostals and “Charismatic”, Churches affiliated to associations like the International Fellowship of Christian Churches (IFCC) led by Ray McCauley and Mosa Sono, and many non-aligned Churches. These together would be accepted as “Pentecostal/Charismatic” by their fellow Pentecostals and Charismatics in the West, with whom they have great affinity. Most of these Churches have both Blacks and Whites as members. The other 30% of the population consists of the almost entirely Black “Zionist” and “Apostolic” Churches, [166] including the largest denomination in South Africa, the Zion Christian Church (ZCC), and other significant Churches like the St Engenas Zion Christian Church, the St John Apostolic Faith Mission, and the Nazareth Baptist Church (amaNazaretha)?. There are between 4?000 and 7?000 smaller Church organizations of a similar type, many being house churches which form socially meaningful groups in rural villages and, in particular, urban sprawls. Almost all of these Churches, like all Pentecostal Churches, emphasize the power of the Spirit in the Church, especially manifested through healing, prophecy, exorcism and speaking in tongues.These Churches arose during the religious and social ferment that followed the arrival of Zionist and Pentecostal missionaries from North America in 1904 and 1908 respectively, and the formation of the Union of South Africa in 1910. A number of African “Zionist” and “Apostolic” Churches began to appear from that time onwards, most in striking continuity with the fledgling Pentecostal movement. These are African forms of worldwide Pentecostalism with their genesis in the western Pentecostal movement? which have maintained both historical and theological affinities while developing in quite different and distinctive directions?. This analysis of Pentecostalism, in South Africa is a result of my own academic research over the past decade and involvement in the movement there for 25 years. The Pentecostal movement, including the many African Churches that have emanated from it, is not a North American imposition but one of the most significant African expressions of Christianity in South Africa today, where at least ten million people can be identified with a form of Pentecostalism.South Africa differs fundamentally from other African countries on several fronts. In the first place, it has by far the largest European settler community in Africa, about 17% of the population in 2000, with another 9% of the population of mixed race (the so-called “Coloreds”) and “Indians”, most either Afrikaans or English speaking. The remaining 74% [167] of the population are Africans from one of nine ethno-linguistic groups or immigrants from elsewhere in Africa. Secondly, South Africa is arguably the continent’s wealthiest nation, with vast natural resources and a developed industrial and mining infrastructure. The other side of this scenario is that although political power has been in the hands of the Black majority since the 1994 elections, the White minority wields economic power. Thus the gap between poor and rich is also a gap between Black and White, and this has repercussions for the Churches.The political responses of most White Pentecostals have been considerably influenced by the “Religious Right” in the United States, but for Black Pentecostals, this influence is minimal. Prominent North American “televangelists” Jimmy Swaggart, Pat Robertson and Kenneth Copeland visited the country in the 1980s and were among those who seemed to add their support to the beleaguered White government. The largest and wealthiest congregations in the nation are predominantly White, middle class, independent Charismatic Churches in the Gauteng heartland, the best known being the Rhema Bible Church in Randburg near Johannesburg and the Hatfield Christian Church in Pretoria. Both Churches are White-led and both proclaim a gospel of prosperity and health, especially Ray McCauley’s Rhema with origins in the Rhema “faith movement” of Kenneth Hagin in Tulsa, Oklahoma?. These Churches have assets worth millions, while for the vast majority of (Black) Pentecostals such wealth is an elusive dream. The White Pentecostals live in a totally different world from that of their Black counterparts, and this is not only true of newer “Charismatic” Churches but of “classical” Pentecostal denominations too. With few exceptions, Black and White Pentecostals failed to overtly confront the political structures that oppressed them, and sometimes they even supported them.The history of South African Pentecostalism is well known and will not detain us further, except to say that it was mainly Black, rather than White pioneers who were responsible for its rapid growth?. It expanded initially [168] among oppressed African people who were neglected, misunderstood, and deprived of anything but token leadership by their White Pentecostal “masters”, who had apparently ignored biblical concepts like the priesthood of believers and the equality of humankind. The major Pentecostal denominations were mostly created by White South Africans with a small number of foreign missionaries, but national African leadership was not given space to emerge, eventually resulting in secessions of independent Zionist and Apostolic Churches and increasing distance between Black and White Pentecostals in the same denomination. The secessions from the AFM marked the beginning of the independent African Pentecostal Churches, which mushroomed from some 30 Churches in 1913 to 3,000 by 1970, and to over 6,000 by 1990. The percentage of the African population comprising members of the AICs has dramatically increased from 21% in 1960 to 30% in 1980, and to 46% in 1991 - an extremely significant section of the South African population?.Pentecostals, like other Churches in South Africa at this time, yielded to the pressures of White society and developed racially segregated Churches?. The AFM is a striking example of the differences in the perspectives of White and Black members of the same Church. From the founding of the Church in 1908, power was vested in the all- White executive council. Gerrie Wessels, vice-president of the Church until 1969, became a National Party senator in 1955. Mrs. Fouche, wife of government minister and later State President Jim Fouche, was also a member of the Church. Only Whites could be legal members until 1991, when a new constitution allowed for two sections in the Church. For the first time in eighty years, although White Churches remained separate. Blacks were legal members of the AFM?. Political factors kept the two sections apart until the media-hyped unity celebration in 1996, when newly elected president Isak Burger embraced vice-president Frank Chikane and apologized for the sins of his people.[169]The AOG, organized in 1925 and for a long time not affiliated to the Assemblies of God in the USA, was initially a Black Church controlled by White missionaries. In 1938, when Nicholas Bhengu and his associates joined the movement, the stage was set for the future participation of Black leaders in the national executive of the AOG, a unique feature among Pentecostal Churches at the time. In 1950 Bhengu launched the “Back to God Crusade”, and the many autonomous congregations that sprung from this movement soon constituted the AOG majority. Unlike the other major Pentecostal Churches, the AOG was not divided into separate “mother” (White) and “daughter” (Black) Churches. The division of the organization was into different autonomous associations or “groups” as a result of the work of particularly gifted leaders and missionaries. These “groups”, however, were mostly divided on racial lines and reflected the divisions in South African society?.White-controlled Pentecostal denominations were at least sympathetic to the government that guaranteed their continued dominance and privilege. The oppression of the majority of South Africans in this political system went unnoticed and participation in politics (other than in the politics of the White government) was “sinful”. The swart gevaar (“Black danger”) was thought to be everywhere present. African nationalism and Black political aspirations were “Communist” inspired, evil invisible forces, and therefore part of the “Antichrist” system that would destroy “genuine” Christianity. The glaring structural sin of the apartheid system was unrecognized and those Christians who dared speak against it were at best “liberals”, but more often were declared to be dangerous, Communist- inspired proponents of “liberation theology”, another anti-Christian ideology that amounted to the seduction of “biblical” Christianity by evil forces.This was the prevalent view and most White Pentecostals preferred the status quo. Black Pentecostals were also affected by this attitude, although they developed their own strategies for survival as the oppressed in this abnormal and violent society. Yet AFM pioneer Elias Letwaba, like many Africans of his time, raised no objection to racist affronts and fostered the apolitical attitude that characterized some (but not all) Pentecostals under the apartheid system?.Nicholas Bhengu, a former African nationalist, pioneered the AOG’s transformation to an indigenous African Church. He did not often make socio-political pronouncements, but believed that Black people would be liberated from political and economic oppression through the gospel. [170] Bhengu, who did not challenge the status quo, was described by some African nationalists as a “sell-out” and received several death threats. Like so many other Pentecostal leaders, Bhengu believed that political activity was futile and forbade his members any political affiliation?.Similarly, influential Zulu AFM leader in the 1970s, Richard Ngidi, was known for his opposition to involvement in politics, which furthered the traditional apolitical feeling in the AFM. Ngidi would not allow any discussion of what he perceived to be political matters. This was probably due to the prevailing view in the AFM (and in fact in most Pentecostal circles) that involvement in politics was “sinful”?. Ngidi was therefore a product of his environment. Joseph Kobo, a convert of Bhengu, had to resign from his Church ministry in order to join the freedom struggle and perceived himself as having “backslidden” when he did so. Although he remained sympathetic to the liberation movement after his re-conversion, he had to cease his active involvement in order to become a Pentecostal minister again in 1983?. Secretary General of the ANC turned business magnate, Cyril Ramaphosa, who headed the ANC negotiation team in the period leading up to the 1994 elections, was formerly a Pentecostal. At University he was chairman of the local Student Christian Movement, but once again his political activities were seen as inconsistent with his Christian faith.Mobilizing the Invisible PowersThe creative combination of Pentecostalism with Christian fundamentalism and African religion is characteristic of most forms of Pentecostalism in Southern Africa. Inheriting a form of premillenialism from its North American roots, the worldview of this form of African Christianity was pessimistic and escapist, and this resonated well with the African experience of oppression, affliction and poverty - and, above all, a keen sense of powerlessness. The White regime was controlled by invisible powers beyond the strength of the Black majority to resist, and like Pentecostals in Latin America, they held back from politics because they were poor and outsiders to the political process?. Unlike Black [171] Christians in “mainstream” denominations, they were often excluded from the forum of the South African Council of Churches with the support of the worldwide ecumenical movement. As a result, their voice was seldom heard in international circles and the impression was thus created that they were supporters of the system.Despite tendencies towards escapism, the power of the Spirit enabled them to cope in a hostile environment and to assert their human dignity in an inhuman world. The Spirit gave them confidence and authority to work for God and bypassed the restrictive laws of the Whites, affirming their humanity against a system that denied it. The Spirit also enabled the poor and excluded, including Black women, to be leaders in the only community where the exercise of such leadership was possible.It may be idealistic to suggest that paramount in the minds of Black Pentecostals were issues of socio-economic or political liberation. This, as Jean Comaroff has pointed out, was usually implied rather than expressed?. Some African Pentecostals established cities of “Zion”, meccas for spiritual pilgrimage and centers of ritual power. There the leader of the Church becomes a liberating Moses figure who leads his (and rarely, her) people out of bondage into the promised land, the “new Jerusalem”, where freedom from sickness, evil spirits, sorcery, oppression and all kinds of affliction is achieved. There too, in effect, is created an alternative “government in exile” in microcosm. In theological terms, this is a “realized eschatology”, where the distinction between the “not yet” and the “already” is blurred, and where people are urged to take their eyes off “worldly” things like politics, poverty and social oppression.But this is not the whole story. As in Latin America, in South Africa most African members of all varieties of Pentecostalism are poor and until recently, marginalized. Without access to the corridors of political power, they retreated to an escapist spirituality where their symbolic protest of cultural resistance was all that was available. After the unbanning of political parties and the release of Nelson Mandela in 1990 however, Pentecostals began to discover their political clout and to realize their potential to change the public space with their massive vote. At the same time in neighboring Zambia, Pentecostal President Chiluba’s proclamation of Zambia as a “Christian nation” in 1991 heartened their resolve that by the power of the Spirit they could substantially mobilize the invisible forces of the Spirit to occupy and bring the kingdom of God to this public space?. The benefits began to outweigh the disadvantages [172] of such participation. Black Pentecostals, frustrated and angered by the non-involvement and complicity of their White counterparts, began to seek new ways of invading the public space.The paramount example of the tensions in the disparate elements of apartheid society is the Zion Christian Church. Since being registered with the South African government in 1943, the ZCC enjoyed the favor of the ruling regime. The apartheid government from 1948 adopted a policy of “non-interference” in the affairs of Black Churches, which in effect meant encouraging the development of Churches totally “independent” of what were sometimes seen as troublesome mission Churches. The development of these separate Churches was seen as in complete harmony with the apartheid ideology, which opposed any sort of social mixing, including integrated Churches. Matthew Schoffeleers suggests that African Churches in South Africa may have gone through “a process of progressive depoliticization”?. Most African Church leaders, including the ZCC bishop, generally took a “neutral” stance and forbade members active participation in structured political activities. But the realities were a little more complex.Research in the northern Pretoria satellite township of Soshanguve in 1991-95 demonstrated that although there was certainly evidence of depoliticization among Pentecostals, an even greater degree of political awareness was emerging among ordinary South Africans after decades of press censorship, propaganda, institutionalized violence and banned political organizations. A few African Pentecostals said that Christians should not take part in politics, but should rather pray for the political situation. It appeared that Black Pentecostals expressed their political convictions at that time more by their participation in trade unions and civic associations (alternative local authorities) than in structured political parties. In a survey in 1992, 45% of “classical” and “new” Pentecostals, and 43% of African Zionist and Apostolic Churches would have voted for the African National Congress (ANC), the ruling party since 1994. In total, over half of all Pentecostals were supporters of African nationalist organizations, especially the ANC. This percentage is likely to be much higher today after two democratic national elections, as the depoliticization of ordinary African people is less of a restricting factor?.The intense involvement of Pentecostals in their Church communities is potentially one of the most dynamic forces for the mobilization of the [173] political imagination. The approaches of the apartheid regime to the ZCC during the 1980s, culminating in the visit by South African President P.W. Botha to the Easter Festival in 1985, reinforced the popular perception that the ZCC was a supporter of the apartheid system. It is true that ZCC leaders generally took an apolitical stance and forbade their members participation in structured political activities. Yet the ZCC attempted to play a role in the changes that took place in the early 1990s. One ZCC member wrote?: “All the ZCC bishops through all the generations of the Church have consistently preached racial harmony and reconciliation”, and this has been emphasized prominently in the Church’s mass gatherings?.The visit of the nation’s three most significant political leaders to the ZCC’s Easter Festival in 1992 (Mandela, de Klerk and Buthelezi) at the invitation of Bishop Barnabas Lekganyane was surely a manifestation of the changing attitudes sweeping South Africa. This was a pragmatic effort on the part of the ZCC bishop to play a constructive role in the negotiations then being conducted, and thereby to help promote peace during a time of violent strife. Each politician was keen to seem supportive of this enormous African Church and to solicit the ZCC vote, and each was invited to address the assembled throng. None had ever spoken at such a large gathering of hundreds of thousands.Most significantly, Mandela received the greatest ovation and made reference in his speech to prominent ANC officials who were members of the ZCC. And yet, the afternoon’s pageant belonged to Bishop Barnabas Lekganyane, the real focal point of the proceedings, rather than any of the three political leaders present. The politicians were on his turf and had to take careful note of what he had to say. Lekganyane, who was playing a significant role in the negotiation politics at the time, was clearly the most influential personality on this occasion and the moment was supremely his. His followers hung on his every word as he admonished the political leaders for their “warmongering” and inflammatory speeches, saying that leaders had a responsibility to stop the carnage in South African townships. His members would support those leaders who stood for peace and reconciliation, he declared, for the ZCC was pre-eminently a Church of peace?. Mandela was patently the leader closest to this ideal, and subsequent events have placed most ZCC members squarely behind the ANC government.The historic Truth and Reconciliation Commission (TRC), held between 1996 and 1998, was chaired by Anglican Archbishop Desmond Tutu. This unique event was also a watershed for the Pentecostal and Zionist [174] Churches, especially as their significance in national life was recognized by an invitation to address the TRC in November 1997. The ZCC in the person of Bishop Barnabas Lekganyane attended, although as expected, Lekganyane did not address the Commission himself. Unlike other Church leaders, the bishop’s spokesman did not confess past failings, but expressed concern about the violence and crime in the nation and asked for the temporary return of the death penalty. Both the IFCC and the AFM made representations to the TRC on behalf of Pentecostal and Charismatic Churches. Ray McCauley, representing the IFCC, confessed the “shortcomings” of White Charismatics who “hid behind their so- called spirituality while closing their eyes to the dark events of the apartheid years”. The AFM was represented by both Isak Burger and Frank Chikane. After showing a video of the historic unity celebration earlier that year, they confessed that they “jointly accepted responsibility for the past” and had “helped maintain the system of apartheid and prolong the agony”?. The representations of the IFCC and the AFM indicate that a significant change of view had taken place, and that the apartheid government was now seen as part of the evil invisible forces that had been overcome by the good forces of reconciliation and truth.Public Space and Invisible ForcesThe scenario of a country where a political elite control the public space and where ordinary people do not have access to corridors of political power is probably still true of the new South Africa. However this is one of the world’s newest democracies, still recovering from the effects of centuries of unjust minority domination and oppression, it is still too early to say which way the Pentecostal influence will go. As a whole, the South African Pentecostal movement, in spite of its witness to spiritual freedom, acquiesced in the midst of the social evils in South Africa. The original integrated fellowship was short-lived, and Africans were denied basic human rights in the very Churches where they had found freedom in the Spirit. White Pentecostals either became active supporters of the regime or considered any involvement in political structures as “worldly” and therefore, sinful. Many African Pentecostals silently withdrew to the independent Church movements or to their newfound Pentecostal spirituality that remained otherworldly for the most part or used ritual as a form of [175] cultural resistance. There was a certain tension between this spirituality, based on democratic principles of human freedom and equality offering participation to all in the life of the community, and the view of politics as part of a “sinful” universe that could not be resisted.The acceptance of the status quo, of social segregation and political elitism is still a feature of South African Pentecostalism in the 21st century, with its roots in a marginalized and underprivileged society struggling to find dignity and identity. Pentecostalism was often felt to be politically immature and conservative, and therefore irrelevant. But more fundamental was the question of how the Pentecostals imagined the public space. For most of them, the public space was occupied by evil forces that needed to be overcome by weapons such as prayer, speaking in tongues and “spiritual warfare”.With the dawning of democracy in 1994, Pentecostals began a paradigm shift. Those conservative Whites who had seen the old order as a “good force” now saw the ANC government as an “evil” force, while for the majority, the good had overcome the evil and Christian principles had prevailed in the public space. It was now a short step to active participation by Pentecostals like Frank Chikane and Kenneth Meshoe in the public space itself. The public space was on the road to becoming a place where the good forces could dominate.Due to its ability to adapt to and fulfill African religious aspirations, to utilize popular cultural artifacts and its doctrine of the Spirit which encourages full participation in the life of the community for those of any social background, Pentecostalism has become the major force in South African Christianity. Through its often-egalitarian structures it has become a potent force in the establishment of democracy, even though the vast majority of its members remain marginalized and outside the public space. Nevertheless, Pentecostal Churches are rapidly gaining in strength and their influence on the public space far outweighs their numbers. In spite of a prevalent tendency towards political elitism, Pentecostals have found themselves being wooed by “secular” politicians and are themselves beginning to occupy significant positions among the political elite.The rapid increase in urbanization and the socio-political oppression of Black South Africans between I960 and 1990 may be one reason for the remarkable growth of Pentecostalism during this time. The insecurities inherent in rapid urbanization provide strong incentives for people separated from their roots to seek new, culturally and socially meaningful religious expressions, especially in a society where there was no access to the instruments of social and political power. The increasing disillusionment experienced by Black people in South Africa’s political matrix resulted in a rejection of European values and religious expressions such as those found in “mainline” Churches. [176]As Jean Comaroff has demonstrated, the Zionist Churches were “a more radical expression of cultural resistance” for those dispossessed by colonialism than that of the more orthodox Protestant Churches. She sees the symbols of Zionist ritual as an enduring form of resistance to White hegemony, “returning to the displaced a tangible identity and the power to impose coherence upon a disarticulated world”?. Comaroff’s study suggests that the forms of socio-political protest exhibited by this “cultural resistance” are implicit rather than explicit, but nevertheless all- pervasive. This is true of all kinds of African Pentecostalism which have not yet adjusted to the new political freedom, but this preoccupation with “cultural resistance” may be one of the reasons why the ZCC could not do much more than protest about violence to the TRC. The prolongation of this “cultural resistance” mindset, although not as escapist as the “evil forces” mindset of the White Pentecostals, may nevertheless be out of touch with the new political realities.Stereotypes, such as that of “apoliticism”, are difficult to maintain. A survey conducted in 1992-1993 during my research in Soshanguve indicated that although there might have been slightly more apoliticism among Pentecostals than among the general population, a significant number of Pentecostals interviewed were supporters of the ANC and other nationalist organizations. When members were asked if the Church or its members should involve themselves in political matters, there was no clearly discernible pattern linking one or other Church with a particular political stance. Many felt that the Church should be involved, as the salt of the earth and the light of the world. Others were just as adamant that the Church should keep out of politics - mostly because the Church leader had said so and not for any particular reason. Some were concerned by the seeming lack of political awareness in their Church and especially among their pastors. One member was disturbed by the fact that an event of such enormous import as the release of Nelson Mandela was not even mentioned in his Church at the time. He felt that the Church should keep abreast of what was happening in the public world, because the Church was not an island.Pentecostals expressed their political convictions quite freely during these interviews. One felt that Christians should involve themselves in political matters so that a just government could be established based on “the laws of God”. The Christians alone had the answers to bring peace and security to the land. Although he made this appeal to a “politics of the Spirit”, he said that the ANC was the best government to bring this about. If the ANC stuck to the principles of the Freedom Charter then the country would be in safe hands. Another said that the Church should be [177] involved in political matters following the pattern of Frank Chikane and Archbishop Desmond Tutu. If the Church did not get involved, people could easily be deceived. This was an oft-expressed view. Pentecostals felt that by allowing Christians to participate in political activity, the Church was thereby able to exert its influence on the world?. The good “invisible forces” were able to invade and eventually subjugate the evil ones.African Pentecostal Churches of all kinds are concerned with providing for holistic needs in many different ways, especially in helping their poor members and thereby assisting in the creation of a transnational middle class in more recent years. Therefore, some Churches form funeral societies, maintain bursary funds for the education of their children, and provide assistance for members in financial distress. Some Churches have “welfare committees” responsible for feeding and clothing the poor and destitute. The ZCC has a nation-wide “ZCC Burial Assurance Fund” and a “ZCC Literacy Campaign” with adult education centers scattered throughout the country. As Martin West pointed out concerning African Churches in Soweto, Pentecostal Churches “meet many of the needs of townspeople which were formerly met by kin groups on a smaller scale in rural areas”. West’s observation of ways in which the social needs of Church members are met in an urban setting is still appropriate. The Church as a “voluntary association” provides its members with a sense of family, friendship (support groups in times of insecurity), protection in the form of leadership (particularly charismatic leadership), social control (by emphasizing and enforcing certain norms of behavior), and in practical ways like employment, mutual aid in times of personal crisis, and leadership opportunities. The Churches thus provide for their members “new bases for social organization”?. The result of this on social life and the public space is much greater than the Church leaders have anticipated, and certainly goes far beyond their individual pronouncements and moral platitudes on these issues.In the Soshanguve survey, Pentecostals were asked what they thought was the most urgent national problem needing a solution. Their answers revealed an awareness of social issues at that time. People spoke about the violence in the country, the need for political leaders to talk to each other and negotiate for peace, the problems of education, the shortage of housing and the rampant unemployment. The issue of the prevalent violence was probably uppermost in people’s minds. Christians from all Churches said that there needed to be a real and lasting peace. Some felt that the Church had a responsibility to bring peace about. Most members [178] felt that the Church should not be involved in violence as a means of political protest, as there were certain boundaries that could not be crossed by Christians. People wanted to see the government provide more houses for the homeless and for those inadequately housed. The problem of unemployment also raised the issue of unequal opportunities between Blacks and Whites - Blacks should receive equal pay for equal work, said one respondent. One said that apartheid must be done away with “in practice and not just in theory”.On the question, “What sort of government would you like to see in the new South Africa??”, answers were varied. Most Pentecostals wanted a government that would serve the interests of the people first and foremost, where everyone would have the right to vote and would be free from oppression, and where people would be accorded equal value in the eyes of the authorities. Most members said that they would like all the different political parties to come together and be represented in a future government as clear support for the “government of national unity” created in 1994. Some did not want to see a situation arising where a new form of oppression would result, with one political group oppressing the others. The research showed that members of Pentecostal Churches were no less aware of or involved in political issues than members of other Churches were. It appears that in South Africa, members of African Pentecostal Churches have shared to some extent in the struggle for liberation?.The political repercussions of the rapidly changing South Africa in the 1990s were felt throughout Pentecostal Churches, manifesting in agitation for united structures and equality of leadership opportunities. This resulted in increasing pressure for change on White Pentecostal leaders and the gradual emergence of Black Pentecostals in Church leadership and in the political arena. One of the South African Pentecostalism’s best known figures, Frank Chikane, is an example of the few South African Pentecostals who struggled against apartheid and unjust structures both within and outside the Church. Chikane, former General Secretary of the South African Council of Churches and president of the AFM’s Composite Division, by 1999 was vice-president of a united AFM, and had been appointed by President Thabo Mbeki as Director General in the Office of the President. Chikane, son of an AFM pastor in Soweto, considers himself “Pentecostal” in every sense of the word. Between 1977 and 1982 he was detained without trial four times - on two occasions for over seven months, and once he was interrogated by a White deacon in his own Church. His continued involvement in the freedom struggle and his community projects brought confrontation with [179] the conservative AFM leadership, who in 1981 suspended him “from full-time service” for “one year” and did not reinstate him until 1990, after intense pressure. Ordained AFM ministers were supposed to reject participation in political activities. In 1993, when elected President of the new AFM Composite Division, he had come full circle from excommunication to the Church’s highest office bearer, albeit in the Black section of this Church?. Since 1995, Chikane has become a high profile diplomat in the ANC administration and one of the most influential people in the country’s political and ecclesiastical life. This has brought him increasing criticism from conservatives in the AFM, some even calling for his resignation at the 1999 annual Church conference. Perhaps Gerrie Wessels, National Party senator in the apartheid government and also AFM vice-president, was forgotten.There were other signs of Pentecostal resistance to apartheid. At least half of the signatories in The Evangelical Witness, drawn up by the Concerned Evangelicals in 1986 as a reaction to the political conservatism in Evangelicalism, were Pentecostals, an “important document in the struggle against apartheid”?. In 1988, a group of Pentecostals drew up a similar document called The Relevant Pentecostal Witness, which was more specifically a Pentecostal stance against apartheid and the theology justifying the status quo or acquiescing before it. Part of the driving force behind this movement was a reminder of the non-racial origins of the Pentecostal movement and a theology of the Spirit motivating a preference for the poor and oppressed. A significant number of Pentecostals were involved in the Rustenburg Declaration of 1990 calling for an end to apartheid and the creation of a democratic society?. There were other, less public protests. An independent Pentecostal college, Tshwane Christian College, gave shelter to students from White-dominated theological colleges who had been expelled for political reasons in 1989-90. One of the graduates from this college, Jan Mathibela, was chair of the Winterveld civic association and from 1994- 99, ANC mayor of Winterveld, one of the largest and poorest of the informal housing settlements in the country.There were other signs of Black Pentecostal participation in the public sphere. In the 1994 elections, a Pentecostal pastor, Kenneth Meshoe, leader of the newly-formed African Christian Democratic Party (ACDP), [180] was elected with one other representative to the national parliament. Representation of the ACDP in parliament after the 1999 elections increased to six, polling more votes (1.5% of the national vote) than several other opposition parties, including the left-wing PAC and AZAPO. Although Meshoe is seen in political circles as somewhat of a political novice and conservative moralist, the ACDP was taken seriously enough for President Mbeki to devote part of a major parliamentary speech to attacking it. It could be said that Pentecostals dominate the ACDP, but it remains to be seen whether this party will play a more significant role in future South African politics. Meshoe himself returns from his parliamentary office in Cape Town every weekend to pastor his Church in Vosloorus, a Black dormitory township in east Gauteng. The former President of the “Bantustan” Bophuthatswana, Lucas Mangope, is a member of the Assemblies of God, and leader of the smaller United Christian Democratic Party, which has three seats in parliament?. These two parties undoubtedly benefit from significant, albeit a minority of Pentecostal support, but they may be a further indication of the increasing participation of Pentecostals in public life, albeit on the more conservative side of the political spectrum.Many forms of African Pentecostalism have liberated Christianity from the foreignness of European cultural forms. A sympathetic approach to African life and culture, fears and uncertainties, and an engagement with the African world of invisible forces have been major attractions of these Churches to people oriented to a world of both evil and good spirits. This is accentuated in the South African Black townships today, where rapid urbanization and industrialization have thrown people into a strange, impersonal, and insecure world in which they are left groping for a sense of belonging. Pentecostal Churches, with their firm commitment to a cohesive community and their offer of full participation to all, provide substantially for this universal human need in a positive response to the problems of modernity. They give solutions to basic human problems, especially healing from sickness and deliverance from a seemingly malevolent and capricious invisible world. Above all, they offer a baptism of power that enables a person to overcome the threatening world of unpredictable ancestors, spiteful sorcerers and inherently dangerous witchcraft.The spirituality of Pentecostalism was in fact a new and holistic approach to Christianity that appealed to the African imagination more than older forms of Protestant Christianity had done. The bestowal of spiritual power was the means by which ordinary people could become [181] part of an egalitarian community where social distinctions on the basis of theological elitism became blurred, and where (in some cases) the social distinctions were further leveled by the use of universal uniforms worn by all the faithful.The Pentecostal experience of the power of the Spirit is a unifying factor in a still deeply divided society, the motivation for social and political engagement, and the catalyst for change in the emergence of a new order. It has become the means by which Pentecostals imagine the triumph of good over evil in all areas of public space. The question remains as to what extent the rather ambiguous Pentecostal vision of equality and freedom has been integrated with a concern to see these “good” forces invade and subjugate the evil ones of political elitism and greed?? The future will tell, for Pentecostals in South Africa will continue to be a force to be reckoned with. [182][183]Imaginaires politiques et pentec?tismes.Afrique / Amérique latine.Deuxième partieAM?RIQUE LATINERetour à la table des matières[184][185]Imaginaires politiques et pentec?tismes.Afrique / Amérique latine.DEUXI?ME PARTIE?: AM?RIQUE LATINE8“Pentecostal Churchesand their Relationship tothe Mexican State and Political Parties.”?Carlos Garma NavarroRetour à la table des matièresAs in other countries of Latin America?, Pentecostalism is the most important religious minority in Mexico. Its growth in members and individual churches is recognized in the official government figures of the National Register of Religious Associations? according to which Pentecostals outnumber all other religious minorities such as denominational Protestants, Jehovah’s Witnesses, Spiritualists and Mormons. It is important to keep in mind that both Pentecostals and Denominational Protestants such as Baptists and Methodists will refer to themselves as “Evangélicos” or evangelicals. Even though the denominational Protestant Churches do not take part in the reception of the gifts of the Holy Spirit, such as speaking in tongues and faith healing, that characterize Pentecostalism?, Pentecostals and denominational Protestants realize unity and cooperation is useful when dealing with external institutions. The term “evangélico” emphasizes unity rather than difference and is most often used when, in the presence of an outsider or a Catholic, a believer is asked to identify his or her religion. “Soy evangélico” (“I am an Evangelical”), will be the most common answer.According to the 1990 national census figures, 89% of the Mexican population still consider themselves to be Catholic. In the Mexican census, [186] denominational Protestants and Pentecostals are counted together as Evangelical Protestants. Their national average is only 5% of the total population?. However there are important regional variations. In the southern state of Chiapas, 34% of the population stated that they were not Catholics. The southern states of Tabasco, Veracruz, Quintana Roo, and Campeche all had over 25% of their population identifying themselves as non-Catholic. Important numbers of non Catholic religious minorities can also be found in border cities such as Tijuana and Ciudad Juarez, and in Chaleo, near Mexico City?. States of western and central Mexico however, such as Aguascalientes, Guanajuato, and Michoacan have less than 1% of their population declaring to be non-Catholic. The highest average for Protestants is in the state of Chiapas where they were 16% of the population in 1990.Pentecostalism has been associated with lower classes since its origins?, which lie in afro-american religious culture in the United States. William Seymour founded the first Pentecostal church, the Azusa Street Mission, in Los Angeles in 1907. Seymour, a black pastor, preached that the gifts of the Holy Spirit could be given to all believers regardless of race, gender or class. Mexican migrants were among his first converts. Pentecostalism was brought to Mexico by migrants who returned to the border cities?. Women missionaries were very important at this stage. Romana Valenzuela was healed and converted by William Seymour at the Azusa Mission?. She returned to Mexico to found the first Pentecostal church in the country, by converting an entire Methodist congregation at her home town of Villa Aldama, Chihuahua. This church was the origin of the largest Mexican Pentecostal religious association, la Iglesia Apostolica de la Fe en Cristo Jesus. Mexican Pentecostals consider that their beginning lies with the manifestation of the Holy Spirit to Mexicans and, as will be shown, are very nationalistic?.[187]State and Religious MinoritiesIn this paper I will discuss the Pentecostal Churches’ relationship with external institutions in order to posit a means to understanding how these religious associations have related to the Mexican world and wider society. Considering how hard it is to define what precisely “Society” is, I will rather analyze how Pentecostal congregations relate to the lay institutions that shape the “social context” in which Pentecostal groups dwell. I have also decided to employ the concept of “context” as used by Turner? although Bourdieu’s? “stage” or “field” could equally be employed.It is important to emphasize that religious associations interact with these external institutions. This relation is not univocal, in so far as there is a constant exchange between the diverse collective subjects or actors involved?. This can happen even when these interactions are concealed or denied. For example, a religious group may survive after repudiating state domination or contact with other Churches. Yet opposition by itself cannot be but a form of social behavior inspiring specific responses from other involved parties. Both acknowledgement and denial entail certain responses. For the members of some groups this point is seldom clear. One individual actor may feel that he or she does not have any relationship to a specific institution. Therefore a born again Pentecostal may feel they are no longer connected to the Catholic religion just renounced. Some Evangelical faithful flaunt their total separation from the daily activities of worldly politics. Still, at the level of collective institutions there are multiple interactions that evolve in a variety ways. Sometimes relationships only become apparent on specific moments such as during legal conflicts involving a disciple or, worst still, a clergyman. Social scientists must understand that collective institutions regularly interact between themselves?.In Mexico, the two institutions having most influence over Pentecostal congregations are other religious associations such as the Catholic Church and the Mexican state with its manifold political groups. The relationship between Churches and religious associations is self-evident. They co-exist and compete among themselves in order to gain converts and social recognition. In other words, they share the same social field. [188] Yet the importance of the State as a representative of society itself, and not just of the political associations alone, deserves a special explanation. Mexican religious groups must deal directly with the State in order to be able to accede to other social spheres?. As we will see later, political parties are still likened to the Federal Government by most Church believers. They are part, so to speak, of the world of Caesar, to paraphrase Jesus’ well-known words. Other institutions, such as schools or health care units, can also influence religious associations.Nevertheless, in Mexico, unlike other countries such as the United States, every Church must deal first with the State. The Religious Associations and Public Cult Act regulates interaction with the educational world. Similarly, in Mexico, non-Catholic churches, with few exceptions, do not run their own hospitals or health services. Most believers mainly call upon State health care institutions as private medical services are expensive. Furthermore, although the aforementioned law also regulates the mass media, it can be in fact considered independent from State control. Understanding the religious groups’ relationship to politics and government is thereby fundamental to further evaluating their connection with non-religious institutions.It is useful to compare the legal situation concerning religious minorities in other countries in order to understand the Mexican context. Undoubtedly, the concept of secularity, evolved since the French Revolution, has been quite influential among legislators and Mexican society as a whole. As a model for State-Church relations, secularity - meaning disconnection of religion and government politics - clearly establishes an insurmountable boundary between both institutions. When a certain Church incorporates a great majority of believers within a country or nation, State-enforced secularity also demands the monopolistic religious institution’s complete subordination to the State. This can be a violent process. Such a historical situation has occurred in both Mediterranean and Latin American Catholic countries?.The religious situation in Poland and Ireland also involves a powerful Church in conflict with the State. Nowadays the general tendency has been towards secularization alongside Church-State separation. This process is far from one-sided. As Martin? points out, certain legal bases give preference to a majority national Church in Ireland and Greece. Furthermore, after being an anti-religious State, the current Russian government has evolved into a situation where the majority Church, the [189] Russian Orthodox Church, has earned special treatment ahead of other “Western” religions. The latter are subject to strict limitations.In the United States there is another model of Church-State relations. In a nation established by migrants, who were also religious refugees from England, the US Constitution proclaims absolute freedom of religion?. The ongoing situation is hence that of a deregulated religious market. The State does not show any preference towards any religion, neither does it deem it necessary to subordinate religious institutions to the State, inasmuch as none of them is predominant. There is no national Church, merely several religious congregations existing within a religious pluralism. This situation has permitted an incredible development of religious diversity in this country, as Burkholder? remarks, in the United States “the law knows no heresy”. Whenever religious diversity has been restricted, it has been through court action taken when a congregation or its leadership behaved against the common welfare. Many lawsuits have embroiled religious minorities, particularly long repressed ethnic groups. Richardson?, has referred to the case of the Native American Church and its problems dealing with sacred peyote eating.Church Minorities and the State in MexicoMexican law has defended secularization in Church-State relations since the nineteenth century reformation movement (1855-1867). Endeavors toward giving the majority Church a prominent place have mostly failed (at least until now). Current law recognizes all Churches as well as every religious association equally. As in the United States, neither courts nor judges can set limitations on religious associations. It is only the Interior Ministry, which determines how the law separating Church and State should be interpreted and enforced, that can do this. For religious minorities, relationships are a lot more vertical and subject to the simple fact that the Roman Catholic Church has considerable influence since it is the main religious institution. This strengthens the latter’s position whenever it has to negotiate with the Federal Government, even though religious legislation upholds pluralism. [190]As far as the State and political life is concerned, Protestant and Pentecostal congregations share many common values and bearings?. Differences between churches may be superficial or inessential. Various differences in specific political orientation can be explained as part of a distinct process that occurs when certain factors and alliances are perceived as being likely to affect a congregation, its faithful or its leaders.There are important reasons why various evangelical associations have opted for highlighting the elements uniting them instead of expecting a lot from politicians perceived as the “government”. Protestant and Pentecostal Churches together form a minority in comparison with the powerful Catholic Church. Therefore to effectively negotiate with the State it is important that the Evangelical churches present a common front. Whenever minority religious groups have tried to negotiate individually with the State, they have been in a very weak position and the negotiation process has generally turned out unfavorably or divided the group. This has been the case for the Jehovah’s Witnesses, and recently, the Light of the World congregation. Clearly, Evangelical Churches must form their own support by uniting and expressing themselves publicly as organizations (representing the largest possible number of religious congregations) sharing a common ground. However, due to differences among Churches and the tendency of some Churches to keep their own leadership structures, finding common ground is not easy. A factor favorable to collective unions is that Churches have instilled similar values and orientations towards politics and the State in their own congregations. These are made known to the government and society on certain occasions.Being minority religious institutions, Evangelical Churches frequently find their relationship to the State and the political world is overshadowed by the Catholic Church’s influence. Since the Catholic Church is the predominant religion, the State tends to privilege its relationship with it. Good or bad relations between both inevitably concern Protestant groups, which deplore these asymmetrical relations, yet have to necessarily accustom themselves to this unequal situation. Whenever the State has decided to support minority religions, it has done so in order to weaken the Catholic Church and build up alternative sources of social legitimacy?. Whenever minority churches have negotiated with the State or political parties, they had to seek support in sectors either not linked to the [191] Catholic Church or having an inimical relationship to it. These sectors may well regard an alliance - temporary as it may be - with other minority religions useful. Let us now turn to some pertinent historical examples of this complex relationship between Churches and State.Protestant congregations were officially established in Mexico during the second half of the nineteenth century under the liberal regime?. Their various representatives concur in deeming useful the Protestant groups’ presence in weakening the power of the Catholic Church and its clergy, who were mostly opposed to the liberal project. Several liberal ideologues, among them Benito Juarez, stated this emphatically. Under Porfirio Díaz’s dictatorship moreover, the Catholic Church was able to regain its authority through certain arrangements between its leaders and the State’s. Among that regime’s critics - who felt the spirit of liberalism was being betrayed, - were Protestant leaders, several of whom supported revolutionary groups after Diaz’s fall in 1911. Anti-Catholic elements, severely restricting the Catholic Church’s rights, were set forth in the 1917 Constitution?. Protestant churches and their members soon discovered that anti-Catholic laws actually protected them inasmuch as they destroyed the Catholic priesthood’s privileges. During the first post revolutionary governments, certain Protestant intellectuals and acquired important government posts and university seats?. Clearly, anti-religious legislation could have been enforced against Protestants as well, but this would have benefited the Catholic hierarchy. For this reason, many Mexican governments tolerated Protestants. Evangelical leaders thought the official party regime - the present day Institutional Revolutionary Party or PRI - upheld freedom of religion as it dealt equally with every creed, that is, as non-existent legal entities?.This situation changed drastically in 1992 with the enactment of constitutional amendments and the new Religious Associations and Public Cult Act that allows the legal existence of all Churches. Its impact on Pentecostal and Protestant congregations was quite profound. They came together in collective associations, such as CONEMEX (Evangelical Confraternity of Mexico) and CONFRATERNICE (Confraternity of Evangelical Christian Churches of the Mexican Republic). Creating a single Pentecostal or Protestant denominations’ union was never an issue, yet uniting them somehow was essential. They thus gained a voice in the [192] press, both in several news conferences and in meetings with the media, as can be seen in the late 1991 and early 1992 issues of Proceso magazine. Many news reports were published in newspapers such as La Jornada, Excelsior, and El Universal. During this period moreover, evangelical associations met with President Carlos Salinas and with members of his party, the PRI, as well as with those of the leftist opposition, Democratic Revolution Party (or PRD). It should be noted lobbyists did not always represent the same interests?; some of them agreed to meet the President and PRI senators, but were frankly opposed to talking to the PRD legislators and vice versa. Still the mobilization and negotiation were rather successful in achieving legal equality for all Churches involved.Evangelical collective organizations did not accept Jehovah’s Witnesses or Mormons as members because their doctrines are not considered to be part of a Protestant “Christian” tradition?. It is very clear that evangelicals do not want to be confused with these two particular religious associations. The Jehovah’s Witnesses do not participate in worldly politics. The new law of Religious Associations actually includes sanctions against religions that offend national symbols. As a result many children who belong to the Jevohah’s Witnesses were expelled from Mexican public schools because they would not salute the flag during civic ceremonies?. Mormons did not suffer the same fate because they uphold Mexican nationalism. It is interesting to note that the largest Mormon college in Mexico is named after Benito Juarez.Pentecostal church leaders decided not to seek the aid of the growing Catholic Charismatic Movement despite the fact that they share many of the beliefs regarding the reception of the gifts of the Holy Spirit, such as faith healing and the speaking in tongues. When I asked a pastor from the Assemblies of God why Pentecostals and Catholic Charismatics did not build a ecumenical movement together, he answered?: “The Catholic Charismatics are not truly converted by the Holy Spirit. If they were, they would give up their idolatry and stop worshiping the Virgin of Guadalupe”. The most important gathering site for Catholic Charismatics in central Mexico is named Monte Maria (the mountain of Mary). For all Catholics in Mexico devotion to the Virgin of Guadalupe is still an important aspect of their national religious identity?. Due to these [193] marked symbolic differences, the chasm between Catholic and “Evangelico” in Mexico recurs. Pentecostals never doubted that their natural allies in the political arena were the other Protestant Churches?.Yet once recognition was achieved, evangelical collective organizations could not maintain their strong public presence as a pressure group, as the Catholic Church did. Having secured their short-term goals, these organizations lost their former strength. They still exist yet lack their erstwhile political clout. During meetings in 1997 and 1998 I was able to observe that press conferences called by Evangelical organizations were sparsely attended. For researchers like La Jornada columnist Bernardo Barranco, this may have been due to President Ernesto Zedillo’s reluctance to meet with Evangelical representatives. Even on his presidential election campaign, he strenuously resisted meeting with them, arguing he had a very busy agenda. During the first half of his 6-year term he met with them just once (mid-1996), whereas Salinas did so several times. However presidential explanations are somewhat unconvincing for social anthropologists wary of using the acts of a so-called “great man” as a means of sociological explanation. The Protestants’ travails in acting as a strong unified pressure group may be the outcome of their own understanding of politics and of the workings of the politicians. These conceptions are clearly not invariable or beyond question?; yet they may be utterly inadequate in those circumstances where the very existence or imminent future of religious associations is put into question. When this situation arises, the urge to partake in political mobilization diminishes.How Pentecostals Understand PoliticsProtestant and Pentecostal attitudes towards what they regard as “politics” can be framed in two different manners. In the first, “politics” is coupled to earthly life, worldly things, “the here and now”. Little or nothing has to do with what is holy or divine, with the concerns of the spirit or the soul. Contact with politics sullies and sickens eventually leading to evildoings [194] and ruin. The politicians’ career is linked to corruption, the cult of money and power, not to God. “You can’t serve two masters” they say, with a conviction born of a fervent belief that politics only leads to the search for positions of influence and control. Thus think converts who have left political militancy in order to devote themselves to a new, religious calling. From this perspective it is impossible to imagine that politics can be reformed or redeemed as a way of life. The only way out for those sinners mixed up in politics is to give up worldly pleasures and temptations. Political activities involve moral license, acceptance of bribes, going to drunken parties and orgies. Those involved often argue that this is the way of politics in Mexico. Some believers think (rather naively) that in every Protestant country political life is quite the opposite. On certain occasions, when I mentioned that in the United States corruption is a fact of life - just more sophisticated - the reaction was a skeptical “but here it’s worst, isn’t it??”A rather common opinion was that whereas Evangelical Churches and its faithful separate religious and political affairs, the Catholic Church and its hierarchy do otherwise?; “It is the priests who are involved in politics”. The Catholic Church’s goal, they explained, is to recover earthly power in order to achieve world domination, which is part of a historical project that covets material not spiritual things. This viewpoint is intimately connected to an anti-Catholic ideology quite widespread among believers, leaders and common folk, second, and third generation converts, men and women alike. However religious minority members maintain a position resembling that published in many newspaper and magazines, such as La Jornada and Proceso. The Catholic Church’s direct intervention in politics is denounced and more stringent regulation against this is demanded. During the 1997 Federal District elections, Catholic priests intervened at a local level to sway the voting.Repudiating political life does not necessarily mean a rejection of political institutions?. A believer may distrust politicians, yet this does not mean they should refrain from voting or forget their obligations as a citizen. An outright snub of political institutions is seen as adopting the Jehovah’s Witnesses’ position that forbids honoring the Mexican flag, complying with the military service and voting in political elections?. Many Protestants and Pentecostals have always stated that they reject this attitude as they admire the official ideology of nationalist “Juarismo” and its symbols, such as the cult of former President Benito Juarez, the Benemérito de las Américas, and of the nineteenth-century liberal “reformation”?. [195]However, they point out he was not like present-day politicians. He was obviously a decent and moral man. At least Pentecostals and Protestants like to think thus. Consequently, they celebrate official holidays such as Juarez’s birthday on March 21 throughout the country, including in the Alameda Central, a popular Mexico City public park. In recalling the “juarista” spirit, the ideal of a complete separation between Church and State is upheld. In reference to this, I constantly heard the biblical phrase, attributed to Jesus Christ, “Give Caesar his due and God his”. Therefore, the Divine Savior and the Benemerito de las Americas may go hand in hand and be in complete agreement. Woe to the fool however that believes a religious person can, without suffering any consequences, leave God’s path and follow the footprints left by mighty Caesar in order to attract His followers into ruling the earthly world !There is a further position endorsing just that. A devout Protestant may devote himself to politics and remain a moral and pious person. The problem with the country is that politics has been left to the corrupt and immoral. Government institutions have thus been necessarily deformed. To substantiate this claim, certain aspects from the life of famous Protestants are recalled. Did just rulers not shelter Martin Luther in order to protect him from the Catholic Church’s wrath?? And did Luther not agree to legitimize his protectors afterwards?? (This anecdote is known only to Pentecostal pastors and some preachers and deacons. It is more widely known among denominational Protestants). It is also important to emphasize the belief that a good believer must preach with his own example, since a religious man must be like a light shining through darkness, as is stated in a well known biblical metaphor.The good example of an evangelical politician might reform an ailing social institution. This stance may be combined rather well with a nationalist posture. Not only are there examples of Benito Juarez and the reformation heroes, but there are also those of other distinguished Protestants who participated in post revolutionary public and political life, such as Moisés and Aar?n Sáenz, Andrés Osuna and Alfonso Herrera?. This position encourages active political participation, although it can not be said for certain that it is a paramount sentiment among the Pentecostal and Protestant faithful. Talking to leaders I nonetheless discovered that it is widespread among many sectors while giving rise to dissent in others.Practicing a political activity can be justified under very specific circumstances, for example when the congregation is in danger. In such situations it may be claimed that there is no other option and political passivity would be disastrous?. For both Protestants and Pentecostals this [196] situation might be related to intolerance and persecution. One well known case is that of the massive expulsion of San Juan Chamula’s Evangelical congregation by local PRI political bosses. The refugees were politically organized, and their leader, a former Adventist pastor and later Pentecostal leader, Domingo López ?ngel, had even been a PRD congressman (his party later fired him). The displaced Protestants maimed and even killed their attackers, arguing that Mexican justice (particularly in the state of Chiapas) is ineffective. I have not heard any Pentecostal or Protestant believer condemning these violent reactions. It is always argued that they were defending themselves against attackers indifference to human life. A fairly famous Pentecostal leader - with close ties to Chiapas’ temples - publicly stated that Evangelicals have never hurt anyone and that only traditionalists kill themselves. According to him, the proof is that God protects Evangelical believers as His chosen people and makes His enemies kill themselves. Those driven out were deemed victims of intolerance reacting as best they could. Even those who distrust the Mexican Left did not condemn the refugees as militants of a leftist party, though they felt that the party was guilty of manipulating and using them. (Many of the outcasts are still PRD supporters.) I am actually stressing the conflict’s ethical dilemma, yet I would recommend that a regional specialist study this problem?.Several passages from the Bible are used both by defenders of political passivity and by those supporting a more active approach. Regarding the latter, it is useful to recall Paul’s Epistle to the Romans (13?: 1-14) where he vindicated deference to the authorities as a divine command. After all, he was a Roman citizen and even though this was not enough to save him from martyrdom, it gave him a better standing in life in comparison to other apostles and evangelists, and was certainly advantageous at times. On the other hand, those opposed to political activism quote Old Testament prophets opposed to the unjust political order that oppressed the Hebrew people during years of foreign imperial domination. These passages may also be the same as those that Liberation Theologians refer to, a fact that worries Evangelical authors and leaders who are suspect of any alliance with the dominant religious institution. In any case, the same literary source can clearly be used for very different purposes. [197]ConclusionWhat can we gather from all this?? Pentecostals in general are indeed interested in politics and elections alike, though they are much more concerned by their religion and creed’s valuation of “this world” activities - as witnessed in their mistrust of government participation. Yet Pentecostal faithful (and Protestants) are influenced by their social context. Thus, in studies of Guadalajara, both Fortuny? and Cazares? emphasize the partiality the official political party, the PRI, grants to certain non-Catholic churches, such as the Light of the World and the Apostolic Church of Faith. In Jalisco State, the leftists parties’ showing and approval rating is slight. In the Federal District empathy for the Left can be seen among Protestant and Pentecostal communities as well as the population at large. It is necessary to remember that support is for a particular leftist politician, Cuauhtémoc Cardenas, and not his party?. In every recent election where Cardenas has been a candidate - 1988, 1994 and 1997 - he received Pentecostal and Protestant support?.The political tilt towards the Left is further strengthened by the absence of a conservative party not linked to the Catholic Church. Many Evangelicals share a concern with a strict and unbending political morality. It is well known that Rightist political parties have received widespread Protestant and Pentecostal support in Chile, El Salvador and Guatemala?. Why does this not occur in Mexico?? The answer may be that anti-Catholic ideology is stronger among Mexican Protestants and Pentecostals than their endorsement of a moralizing project. The idea of an alliance between politicians and priests frightens Evangelicals, a fact that can sway a political outcome. Leftist parties and candidates could benefit provided that the Evangelical electorate perceives them as “lay” institutions without a distinct religious project. This is the image Cardenas continues to portray and, which the PRI does not. Therefore, Evangelical votes are indeed influenced more by religious beliefs than by the several options offered to them in the national, regional, and even [198] local arena. It should also be remembered that rather than acting as a political bloc, their actions and preferences have been determined by socioeconomic features - social class and education.If I should ask Pentecostal faithful whether they have a specific political culture, I am certain that many would reply that whatever that is, they do not want anything to do with such an “extravagance”. Therefore, I should cite this term very cautiously, because I would not want to impose any concept onto reality. Nevertheless, in many Latin American communities there is a close relationship uniting political situations, institutions and processes with those of a clearly religious order?. In spite of the secularization of politics in a constitutional republic such as Mexico, behavior, feelings, ideas and values regarding the practice of power may be related more or less directly to religious institutions and doctrines. This statement holds true for the relationship between churches, the State and the political parties in Mexico.Orientations and behavior towards politics are not uniform. There is no unified political culture among Mexican Protestants and Pentecostals. Stances vary according to the believer’s congregation, personal history and economic situation. It is in this context that the problem of waiting for the success of any akin Evangelical party or group can be understood. In spite of this, there are common representations affecting the believers’ political orientation. One is the notion of an earth-bound, worldly, negative, politics?; the other is the exaltation of “juaristic” nationalism coupled with the trappings of an anti-Catholic ideology widespread among the Mexican Evangelical community. There are various ways of combining both depictions. There are also believers who prefer one to the other. If we accept Varela’s 1996 definition of “political culture” as the group of symbols and signs affecting the power structure of any level of social integration - local, provincial, statewide, national, or international, we may then emphasize that Evangelicals indeed have symbolic elements for what they call politics and government. However, I do not know whether they would consider that there are enough points of unity between the Churches’ diverse faithful to justify talking of a distinct Evangelical political culture in Mexico. Rather there is a diversity of representations and orientations determined by the religious situation. It should be noted that this diversity is present not only among Protestants and Pentecostal religious associations as a whole, but also, as Scott (1991), has amply demonstrated, within their Churches and congregations.[199]Imaginaires politiques et pentec?tismes.Afrique / Amérique latine.DEUXI?ME PARTIE?: AM?RIQUE LATINE9“Les pentec?tismes au Guatemala?:éloignement du mondeet salut national.”Sylvie Pedron-Colombani,Retour à la table des matièresEn Amérique latine, le Guatemala est, avec le Brésil et le Chili, l’un des pays les plus concernés par l’ampleur du mouvement de conversion de ses populations au protestantisme. Malgré le manque de données quantitatives réellement fiables, on estime que le pourcentage de protestants par rapport à la population totale y atteint entre 25 et 30% et que le rythme d’accroissement est le plus rapide de l’ensemble du sous-continent?. La présence protestante dans ce pays est également devenue plus manifeste au cours des vingt-cinq dernières années gr?ce à son implantation dans divers secteurs d’activité tels que l’éducation, la communication de masse ou la promotion d’activités de développement économique et social - essentiellement depuis la fin des années 70.Le pentec?tisme est le principal moteur de cette percée protestante au Guatemala, comme dans l’ensemble du sous-continent latino-américain, où l’on estime que les trois quarts des convertis sont aujourd’hui des pentec?tistes?. Quantitativement supérieur, il constitue un véritable ??phénomène de réveil?? dont l’influence se fait sentir jusque dans les autres ?glises protestantes, lesquelles s’efforcent souvent de donner un style pentec?tiste à leurs célébrations et parfois même à leurs structures. [200]L’introduction massive de tels groupes dans l’espace religieux guatémaltèque a créé une situation de tension avec l’?glise catholique jusqu’alors peu concurrencée sur le marché des biens de salut. Les termes de ??confrontation religieuse??, d’??affrontement religieux??, ont été utilisés à maintes reprises dans la presse guatémaltèque pour qualifier le climat qui règne au sein du pays depuis quelques temps?.Bref rappel historique?Venues pour la première fois officiellement sur le territoire guatémaltèque avec l’arrivée des missionnaires nord-américains au cours de la période d’accès des libéraux au pouvoir - c’est Justo Rufino Barrios qui fit venir le premier d’entre eux en 1882 -, les sociétés protestantes ont connu une progression relativement lente et peu significative jusqu’aux années 50. En réalité, les premières décennies de l’histoire protestante au Guatemala sont essentiellement marquées par l’arrivée de cinq dénominations pionnières?: l’?glise presbytérienne (1887), la Mission Centraméricaine (1899), la Mission Amigos (1902), l’?glise de Nazareth (1904), et la Mission méthodiste primitive (1921). La présence pentec?tiste débute quant à elle dans les années 30 - pendant le gouvernement de Jorge Ubico (1931-1944) - avec l’établissement de deux missions nord-américaines?: l’?glise de Dieu de l’?vangile complet (1934) et les Assemblées de Dieu (1937). Si avec elles commence une présence continue, ce n’est pourtant que l’arrivée de dizaines de sociétés pentec?tistes à partir des années 60 qui donnera un aspect plus effervescent à la diffusion protestante et lui assurera un ancrage populaire.Cette période co?ncide avec une évolution importante de l’?glise catholique qui, après avoir adopté une attitude résolument hostile face aux gouvernements révolutionnaires progressistes de Juan José Arevalo [201] (1945-1951) et Jacobo Arbenz (1951-1954), voit un secteur important en son sein se dresser contre la hiérarchie conservatrice, entrer en conflit avec les intérêts de la bourgeoisie terrienne et concevoir des formes de lutte. Devant cet état de fait, l’?tat guatémaltèque affronte l’?glise catholique et s’efforce de diminuer son champ d’action; les ?tats-Unis la per?oivent comme une ennemie et non plus comme une alliée.Dans ce contexte, les groupes évangéliques, qui se veulent apolitiques, trouvent un terrain favorable. Le protestantisme fondamentaliste, financé en grande partie par les multinationales religieuses nord-américaines, développe alors une véritable stratégie de conquête. Il met en place de grandes campagnes d’évangélisation faisant intervenir de nouvelles techniques psycho-religieuses et des méthodes de marketing. Des ??croisades?? s’organisent au Nicaragua (1959-1960), au Costa Rica (1960-1961), au Guatemala (1961-1962), mobilisant d’importants moyens financiers et humains. Cette expansion s’inscrit alors dans un cadre bien particulier: l’idéologie de la guerre froide et la politique ??anticommuniste?? des ?tats-Unis. ? partir de ce moment, le protestantisme issu des mouvements libéraux - le protestantisme dit historique - se voit marginalisé par rapport aux sociétés pentec?tistes qui investissent massivement le territoire guatémaltèque?.Les années d’expansion du pentec?tisme au Guatemala sont alors marquées par un événement particulier: le tremblement de terre du 4 février 1976. Autour de cette catastrophe naturelle, qui touche très durement les secteurs populaires du pays, s’organise l’arrivée de nombreuses institutions et missions nord-américaines venues pour ??prêter main forte??. La plupart d’entre elles continuent leur action une fois passée l’urgence de la situation et s’installent de manière permanente.En 1976, notamment, s’installe au Guatemala l’?glise du Verbe - filiale de la Gospel Outreach, organisation californienne -, fer de lance du mouvement dit néo-pentec?tiste, qui permet au mouvement évangélique de commencer à prendre racine, non plus seulement au sein des populations marginalisées, dans les quartiers périphériques de la capitale ou parmi une population indienne rurale en rupture de tradition et en quête de voies d’accès à la modernité comme ce fut le cas à l’origine, mais également au sein des élites urbaines, traditionnellement catholiques. Ces ?glises - plus ouvertes aux inquiétudes politiques des fidèles - vont concentrer leur travail d’évangélisation dans la capitale et les grandes villes de province.[202]L’entrée en scène de nouveaux acteurs politiquesDans une situation de répression envers les secteurs de l’?glise catholique guatémaltèque soup?onnés de sympathie envers la théologie de la libération, certains membres de l’armée et des classes moyennes se convertissent à ce type de groupe. C’est ainsi que l’on assiste, en 1979, à la conversion à cette fameuse ?glise du Verbe du général Efraín Ríos Montt, par qui se fera l’entrée officielle du protestantisme au Palais national, trois ans plus tard.Le 23 mars 1982, un coup d’?tat militaire installe en effet Rios Montt à la tête du gouvernement. L’?glise du Verbe prend dès lors une part active et directe à l’exercice du pouvoir, et le rattachement du général au credo pentec?tiste a une grande influence sur sa fa?on de concevoir la société et l’action gouvernementale. Se présentant comme ??l’envoyé de Dieu??, parvenu à la présidence de la République ??non pas avec les balles, ni avec des votes, mais par la main de Dieu???, il affirme agir en son nom et lui obéir en tous points. Il se sent investi d’une mission, celle de ??donner une nouvelle espérance au pays, de changer les mentalités??. Pour lui, en effet, tout changement de structure sociale est inutile sans l’existence préalable et nécessaire d’un changement radical dans la mentalité des individus, changement bien entendu entièrement fondé sur les normes du groupe religieux dont il se réclame. Attribuant la violence, la pauvreté et le retard économique non pas tant aux structures sociales ou à la dépendance vis-à-vis de pays étrangers qu’aux traditions catholiques, les considérant avant tout comme des problèmes moraux, il se lance dans une réforme morale de la vie nationale? et annonce que le Guatemala sera libéré, non pas par une révolution marxiste, mais par une ??révolution dans le c?ur des hommes??. Il prêche alors lui-même tous les dimanches à la télévision. La nouvelle devise des fonctionnaires à cette époque est?: ??Je ne vole pas, je ne mens pas, je n’abuse pas. J’ai promis de changer??. On y retrouve le discours très moral et le désir de changer de vie correspondant à l’éthique des ?glises pentec?tistes. La Bible, que le général a toujours sur lui et cite régulièrement, est l’instrument privilégié de sa ??croisade contre la perversion des valeurs et la corruption??.Le 8 ao?t 1983, l’armée guatémaltèque met fin à la phase de gouvernement de Ríos Montt en nommant à sa place le général Carlos Humberto Mejia Victores. L’?glise catholique se déclare fort satisfaite du départ de celui qu’elle appelle le ??fou de Dieu??. Cependant, tout au long de ces [203] seize mois, les protestants ont gagné en visibilité au sein du pays. Quant à leur influence sur le pouvoir, elle ne cesse pas avec le renversement du général Ríos Montt. Au contraire, depuis, les sociétés protestantes - notamment néo-pentec?tistes - entretiennent un lien privilégié avec l’exercice du pouvoir. Et l’élection de Jorge Serrano Elias à la présidence de la République en décembre 1990 en est la parfaite illustration.Entre 1991 et 1993, le pays est en effet de nouveau dirigé par un converti?. Il s’agit cette fois du premier président pentec?tiste élu au suffrage universel en Amérique latine?: Jorge Serrano Elias, membre de l’?glise néo-pentec?tiste El Shadda?. Au cours de la campagne électorale, l’appui des secteurs évangéliques de la société a joué un r?le considérable tant sur le plan financier qu’en ce qui concerne la mobilisation des votes. Et, une fois élu, le président, qui affirme devoir sa victoire ??à la main de Dieu?? et vouloir gouverner en fonction de ce que Dieu dictera à sa conscience, s’entoure d’un certain nombre de membres d’?glises évangéliques.Depuis, la vie publique du pays révèle sans cesse une présence pentec?tiste certaine, comme ce fut le cas en 1996 avec la création du parti Acci?n Reconciliadora Democrática (ARDE) dirigé par Francisco Bianchi - ancien vice-président de l’Alliance évangélique - ou au cours des élections présidentielles de 1999 qui ont vu la victoire d’Alfonso Portillo, proche d’Efraín Ríos Montt.Une nouvelle histoire pour le convertiDu point de vue du converti, la conversion au pentec?tisme est une rupture, un engagement total qui implique une transformation des relations qu’il entretient avec la société dans laquelle il évolue. Cette transformation se traduit par une modification de son comportement, une redéfinition du réseau de relations sociales dans lequel il s’insère ainsi qu’une révision des termes dans lesquels il appréhende tant le monde qui l’entoure que le [204] propre cours de son existence. C’est sur ce dernier point que nous aimerions nous pencher. Et pour ce faire, l’analyse des récits de conversion est d’une aide précieuse. En effet, en analysant des récits recueillis auprès de fidèles appartenant à plusieurs communautés de la capitale guatémaltèque, nous nous sommes aper?ue que ceux-ci étaient amenés, à partir de leur conversion, à effectuer un travail de réécriture de leur histoire personnelle?. Dorénavant, leur vie leur appara?t scindée en plusieurs étapes, que nous pourrions résumer ainsi?: l’avant-conversion, l’appel divin et le repentir, la conversion, et enfin l’après-conversion.Avant la conversionL’analyse des récits révèle que tous les convertis, sans aucune exception, reconnaissent que leur vie était pleine d’échecs avant leur rencontre avec le pentec?tisme. De nombreux témoignages font état d’une vie ??de pécheur?? - signe de l’emprise du diable - qui semblait ne devoir les mener nulle part, si ce n’est vers l’enfer. Les pasteurs n’échappent pas à la règle, et leurs histoires de vie avant leur conversion sont parfois des plus chaotiques. D’ailleurs, les multiples publications de récits de vie proposées dans les librairies protestantes font tout état d’une période antérieure à la conversion pleine de maux imputables au péché qui régit la vie des non-évangéliques, proposant ainsi un schéma d’interprétation. Les histoires d’alcooliques devenus sobres, de prostituées revenues dans le droit chemin, de drogués enfin sauvés de leur enfer, de misérables pécheurs assaillis par quantité de problèmes devenus d’heureux convertis sont des lectures proposées par dizaines. Ces transformations sont présentées comme autant de victoires du bien sur le mal. Tout se passe comme si le ??vice?? sous ses diverses formes était la condition d’accès à la sainteté, contraste d’ailleurs à la base de la plupart des systèmes charismatiques fondés sur la guérison des corps et de l’esprit. Reconsidérant sa trajectoire au travers du prisme religieux, le converti interprète donc tous les événements de sa vie antérieure comme autant d’éléments qui le mènent vers la conversion. Et que ce soit en privé comme en public, il n’hésite pas à évoquer les détails les plus sinistres de sa vie passée, mettant l’accent sur la misère du commun des mortels. Porter sur le devant de la scène ses difficultés et ses problèmes sans concession ni honte, c’est donner à penser qu’ils y ont naturellement leur place. Pour lui, il est évident [205] qu’une telle situation de déséquilibre était simplement le fruit de la volonté de Dieu qui, l’ayant élu, voulait le mener progressivement vers le salut éternel. Il a donc tout mis en ?uvre pour que son message lui parvienne?.Deux spécificités du discours pentec?tiste apparaissent dans cette partie des récits de conversion?: l’existence d’un ??plan de Dieu?? qui dépasse l’homme et l’emprise du diable sur les non-convertis, qui les incite au péché. Notons que, parmi ces péchés, la pratique, soit du catholicisme populaire (culte des saints ou de la vierge) qualifié d’idol?trie, soit des cultes hérités de la tradition maya qualifiés de sorcellerie, sont amplement dénoncés. Tenant les hommes éloignés de la vérité biblique, ils ne font que renforcer le pouvoir du malin et par conséquent les difficultés quotidiennes du peuple guatémaltèque. Les convertis insistent sur la nécessité d’abandonner ces pratiques pour trouver le salut?.L’appel divin et le repentirAu cours de cette étape, nous ne pouvons que mettre en relief le r?le joué par une tierce personne. Dans quasiment tous les récits, un converti - que ce soit un ami, un parent, un voisin ou un collègue - intervient pour guider le sujet vers la conversion. Celle-ci débute lorsque l’individu ainsi préparé se sent ??touché?? par une force divine. ? ce moment précis, il est amené à reconsidérer sa vie, à la comparer à la pureté qui est attribuée à [206] la divinité dans ce type de groupe religieux. Il imagine alors ce que pourrait devenir sa vie s’il acceptait l’appel de Dieu et se rapprochait ainsi de lui. La précarité de sa condition lui appara?t, et surgit dès lors le repentir. Cette étape appara?t primordiale aux yeux des convertis.L’acceptation de l’appel divinUne fois sa situation interprétée d’un point de vue religieux, il reste au converti à saisir l’offre de salut qui lui est adressée. Il ??accepte alors le Seigneur??, selon la formule consacrée dans les différents groupes. Cette acceptation, qui a lieu au cours d’un office religieux, prend la forme d’un exorcisme puisque les forces sataniques qui opéraient jusqu’à présent dans la vie du converti sont ainsi vaincues. Le moment rituel est fortement chargé émotionnellement et donne fréquemment lieu à des effusions de larmes. Il sera suivi par deux autres pas rituels marquant, chacun à leur manière, l’appartenance à la communauté des ??élus de Dieu??, le baptême par immersion et le baptême par l’Esprit saint, encore appelé baptême par le feu?.L’après-conversionLa transformation consécutive à cette acceptation va s’exprimer invariablement par un changement visible d’attitudes. Toutes les anciennes habitudes désormais qualifiées de ??vices?? sont abandonnées?: alcool, cigarettes, danse, écoute de certains styles musicaux (comme le rock ou la salsa), participations aux fêtes liées soit à la tradition indienne soit au catholicisme, etc. Chez certains, le simple fait de regarder la télévision est remis en cause car, exception faite des émissions évangéliques, la plupart des programmes télévisés sont susceptibles d’éloigner les convertis de leur chemin vers Dieu. Ce changement ou cette resocialisation de l’individu est d’ailleurs parfois l’objet de railleries voire d’insultes de la part de l’entourage non converti. Mais le nouveau pentec?tiste, s?r de détenir la Vérité, considère ceux qui lui reprochent son changement d’attitude comme de pauvres pécheurs. Il s’efforce alors le plus souvent de les [207] ramener dans le droit ??chemin??, de leur faire entendre raison. Se sentant investi d’une mission, il se met en devoir de convertir son entourage?.Les récits de conversion se terminent invariablement par la mise en évidence des avantages per?us par le converti. Car la conversion assure non seulement la certitude d’un salut dans l’au-delà mais également une forme de salut ??déjà-là?? se traduisant, selon lui, par une amélioration sensible de ses conditions d’existence. C’est ainsi qu’il opère constamment une lecture des événements quotidiens en terme d’intervention de la providence. S’il trouve un emploi, il interprète immédiatement l’événement comme le fruit de l’action divine. Que ce soit dans le domaine économique, social, familial ou bien sentimental, c’est désormais Dieu qui gère entièrement son existence individuelle. Et de fait, compte tenu des normes de conduite imposées par la communauté, la vie du converti peut conna?tre une amélioration. C’est ainsi qu’en rejetant la consommation d’alcool, de cigarettes ou la participation à certaines fêtes rituelles, l’argent peut devenir un peu plus abondant. De même, comme les pentec?tistes enseignent la fidélité - l’adultère étant considéré comme un péché grave -, la vie familiale peut effectivement se trouver modifiée. En outre, nous avons déjà eu l’occasion de montrer que la communauté pentec?tiste offrait à ses membres une communauté soudée, solidaire, capable d’intervenir face à des situations difficiles et/ou inattendues?. En somme, si la promesse du bonheur céleste n’est pas encore réalisée, le sujet peut ainsi expérimenter dans sa vie quotidienne un certain nombre de satisfactions spirituelles et matérielles concrètes, sans cesse mises en avant dans son discours.L’ensemble des récits de conversion que nous avons pu recueillir présentent cette structure similaire, d’ailleurs calquée sur le modèle des témoignages sans cesse proposés par les groupes pentec?tistes lors des [208] cultes, des sorties prosélytes sur les places publiques, ou par l’intermédiaire de la radio et de la télévision. Occupant une place prépondérante dans le discours d’évangélisation des différentes communautés, ces témoignages revêtent généralement une forme stéréotypée?: présentation, confession des négligences passées et des ??vices?? qui habitaient l’inconverti, évocation des souffrances qu’il a d? endurer, puis récit des circonstances de sa rencontre avec le Seigneur, de la transformation personnelle consécutive à sa conversion, des miracles divers dont il a été témoin dans son existence de converti et enfin action de gr?ce. Ces témoignages doivent convaincre les membres potentiels et renforcer la foi des anciens. En même temps, ils offrent à ceux qui seraient en quête d’un sens à conférer à une existence qui leur échappe un modèle d’interprétation de leurs expériences dans les termes de l’idéologie pentec?tiste.Ainsi réécrite, l’histoire de ces individus prend un sens nouveau: leurs souffrances apparaissent à la fois nécessaires et voulues par Dieu pour les amener au repentir, à la conversion et donc au salut. De même, le changement radical de comportement, le respect d’interdits stricts, l’abandon d’habitudes et parfois le rejet de coutumes liées à une appartenance ethnique, à un passé, trouvent une justification dans le contexte d’une lutte perpétuelle contre Satan. En effet, la lecture de la réalité quotidienne passe à présent par une grille de réinterprétation en termes de bien et de mal et transpose tout événement dans une logique d’affrontement entre Dieu et le diable. Le pentec?tisme amène donc le converti à accepter sa situation, même difficile, en lui conférant un sens nouveau et en traduisant ses expériences dans le cadre d’un discours méta-historique où tout ce qui advient devient le fruit des tentatives du diable pour déstabiliser l’homme ou/et de l’action de Dieu pour le sauver.Une lecture pentec?tiste de la réalité nationale?voquant les difficultés de leur pays, les fidèles ne tiennent pas un langage très différent. On pourrait même aller jusqu’à affirmer que le discours tenu à propos de la conversion individuelle est reporté sur le Guatemala. Celui-ci semble en effet avoir lui aussi un passé plein de péchés, essentiellement d? à l’éloignement de ses habitants de Dieu. La sorcellerie (héritage du passé maya préhispanique) et l’idol?trie catholique (héritage de la colonisation espagnole) ont une grande part de responsabilité dans cet éloignement. Aussi, les souffrances actuelles du pays sont la conséquence de tous ces péchés et le signe de la place du diable sur cette terre. En même temps, les problèmes de la nation sont le fruit de [209] la volonté divine dans le cadre d’un ??plan?? qui échappe très largement aux fidèles. Ceux-ci sont amenés à effectuer une lecture millénariste d’événements aussi divers que l’ouragan Mitch, les tremblements de terre, la crise économique, la pauvreté, l’exclusion ou bien encore la violence qui secoue le pays. Ces maux sont autant de signes annonciateurs de la fin de l’humanité puis de la venue du Christ sur terre prévue par les ?critures?.Or comme le souligne Manuela Canton Delgado, les pentec?tistes - au Guatemala comme ailleurs - ne sont pas idéologiquement homogènes. Et c’est semble-t-il sur la question du salut de la nation que s’opère un véritable divorce entre les ?glises pentec?tistes et les ?glises néo-pentec?tistes, entre les ?glises tournées vers les masses défavorisées de la société guatémaltèque et celles fréquentées par les élites urbaines du pays?. Pour les secteurs défavorisés, qui ont souvent perdu toute confiance dans le système dominant pour résoudre leurs problèmes, le salut ne peut être con?u que dans un au-delà de paix, de justice et d’amour promis par Dieu. Et le moment venu, seuls ceux qui auront su percevoir l’appel de Dieu, se repentir de leurs péchés, abandonner leurs ??vices?? et vivre dans la foi seront sauvés. Les autres seront condamnés. Ce type de discours s’accompagne d’une négation du monde terrestre associé au mal, au péché et à l’impur. La seule option valable consiste à se préparer pour l’??événement?? par le biais de la conversion personnelle, de l’évangélisation des autres et d’un effort constant de sainteté. Toutes les activités susceptibles d’éloigner les fidèles de leur but spirituel sont alors condamnées. C’est ainsi que les fidèles ne sont pas amenés à formuler de projet social visant à transformer la société dans laquelle ils évoluent. Pour eux, la réalité est chaotique et les hommes sont incapables de résoudre les problèmes qui se posent à eux. La situation économique, sociale et politique du Guatemala - dont ils sont les victimes et sur laquelle ils n’ont pas de prise de toute manière - donne un poids particulier à de tels me le souligne Jaime Valverde dont le terrain d’investigation se situe dans un autre pays d’Amérique centrale (le Costa Rica) -, un tel discours présente une grande cohérence pour les secteurs de la population les plus défavorisés. Ce serait l’une des raisons pour lesquelles le pentec?tisme est particulièrement bien implanté dans les zones urbaines défavorisées, [210] et s’est développé si rapidement à partir des années 70 - années de crise économique en Amérique centrale au cours desquelles les conditions de vie se sont considérablement détériorées. Face à un système dont ils n’obtiennent aucun bénéfice, et dans lequel ils sont marginalisés, ce type de discours constituerait pour ces populations une ??protestation symbolique???.Les ?glises néo-pentec?tistes sont plut?t tournées, nous l’avons vu, vers des fidèles issus des classes supérieures et de certaines fractions aisées de la classe moyenne ayant un pouvoir d’intervention sur le plan économique et/ou politique. Pour eux, si le salut est toujours envisagé dans la perspective d’un au-delà promis par Dieu, il semble se doubler d’une perspective de salut ??déjà-là?? - pour reprendre l’expression déjà employée pour désigner les améliorations expérimentées par le converti dans son existence quotidienne - appliqué à la nation guatémaltèque. Le Guatemala est alors présenté comme occupant une place privilégiée dans les plans de Dieu. C’est ainsi que Ríos Montt, persuadé que l’Amérique latine était perdue dans l’obscurité de l’idol?trie catholique et de la théologie de la libération, annon?ait au début des années 80 que le Guatemala avait été choisi pour servir de modèle aux autres pays menacés par les mêmes forces sataniques. La Fraternité des hommes de commerce de l’?vangile complet affirmait également en 1990 par le biais de sa revue que Dieu avait prédit: ??Si mon peuple me cherche, prie et cesse sa mauvaise conduite, je l’écouterai depuis le ciel, lui pardonnerai ses péchés et rendrai la prospérité à son pays???. Le Guatemala est ainsi promis à un avenir prospère et les convertis se sentent alors investis d’une mission spéciale: aider Dieu à accomplir ses promesses de prospérité pour la nation.Cette prospérité est liée, comme pour l’individu, à la conversion, au maintien d’une moralité stricte et au repentir. Le maintien d’une moralité inspirée des ?critures s’est notamment concrétisé dans le programme politique des convertis néo-pentec?tistes appelés à occuper des responsabilités à la tête de l’?tat. Ce fut le cas pour Serrano Elias entre 1991 et 1993, lorsqu’il interdit les machines à sous et réglementa la distribution de boissons alcoolisées. Ce fut le cas entre 1982 et 1983 lorsque Rios Montt déclarait se lancer dans une ??lutte contre la corruption et la perversion des valeurs??. Quant au repentir des péchés, il est essentiellement lié au rejet du catholicisme et des traditions cultuelles mayas. Il devient alors nécessaire de mener un combat sur les deux fronts: contre l’?glise catholique en s’effor?ant de diminuer son influence tant sur la vie quotidienne [211] des Guatémaltèques que sur les affaires publiques; et contre la tradition maya qui permet à un certain nombre de démons de proliférer sur les terres guatémaltèques. Ce qui amène Manuela Canton Delgado à affirmer que la perspective néo-pentec?tiste du salut de la nation guatémaltèque exclut les Indiens non convertis désignés comme étant responsables d’une partie de la malédiction qui pèse sur le pays et comporte un projet qu’elle qualifie d’??ethnocide???.Au lieu de s’éloigner du monde terrestre, considéré comme le siège du mal, comme le font la plupart des pentec?tistes traditionnels, les néo-pentec?tistes sont donc amenés à concevoir un projet de réforme inspiré de leurs croyances et à promouvoir la participation sociale et politique des ??croyants??. La bataille qu’ils se proposent de mener est une bataille spirituelle contre le diable sous toutes ses formes et leur arme principale est la prière?. D’ailleurs, la thématique du diable et de son emprise sur le pays est très présente dans le discours tant des fidèles que des pasteurs. Affronter les problèmes du Guatemala, c’est affronter Satan et les multiples attaques qu’il mène contre la nation, et se ranger du c?té de Dieu. Car si seule la recherche humble de Dieu a permis à chacun d’entre eux de devenir un homme nouveau, seule la recherche humble de Dieu permettra de faire du Guatemala un pays rénové. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’il serait absurde de confier la direction des affaires économiques et politiques à des non-convertis?.L’éloignement du monde proclamé par les fidèles est ainsi inversement proportionnel au degré de participation au pouvoir économique et/ou politique de la part des convertis, ainsi qu’à la capacité de proposition et d’action dans le contexte de ce pouvoir?. Si les masses marginalisées, appauvries ou déracinées sont amenées à concevoir, à partir de leur lecture pentec?tiste de la réalité quotidienne, un projet d’éloignement des affaires de ce monde et à vivre dans l’expectative, les élites converties proches des cercles de pouvoir et donc ayant une réelle capacité d’action trouvent légitime d’intervenir pour accomplir le ??plan de Dieu??, dans [212] lequel le Guatemala, la ??nouvelle Jérusalem?? de Rios Montt?, a une place de choix. Ce type de discours légitime leur position. C’est pour cette raison qu’un certain nombre d’analystes tels Marta Casaus? ou Heinrich Schafer? lient le succès des groupes néo-pentec?tistes au Guatemala à la crise de légitimité des classes dominantes et au recyclage des élites.[213]Imaginaires politiques et pentec?tismes.Afrique / Amérique latine.DEUXI?ME PARTIE?: AM?RIQUE LATINE10“Imaginaire pentec?tisteet confessionnalisation de la politiqueau Costa Rica.”Jean-Pierre BastianRetour à la table des matièresAu Costa Rica comme dans le reste de l’Amérique latine, les pentec?tismes dominent la scène religieuse non catholique et croissent de manière exponentielle. Leur imaginaire mobilise les masses et commence à se traduire sur le plan politique par l’organisation de partis confessionnels. Afin de saisir les logiques du rapport entre diffusion d’un imaginaire religieux de type millénariste et irruption d’acteurs politiques confessionnels, nous aborderons successivement le passage des pentec?tismes du privé au public, le type d’imaginaire auquel il est fait recours afin d’assurer cette transition et les effets sociétaux qu’implique la politisation du message pentec?tiste dans un pays qui, par ses traditions démocratiques, a été souvent décrit comme ??la Suisse de l’Amérique centrale??. Pour ce faire, nous nous baserons, entre autres, sur les résultats d’entretiens en profondeur et d’une enquête, réalisés en 1997?.Les pentec?tismes costariciensde l’espace privé à l’espace publicAlors qu’en Amérique latine se propagea dès la deuxième moitié du XIXe siècle un protestantisme libéral, le Costa Rica et l’Amérique centrale [214] attirèrent tardivement (début XXe) un protestantisme fondamentaliste et piétiste. Cette tendance ne fit que s’accélérer à partir des années 50 avec la diffusion des pentec?tismes d’origine nord-américaine qui se répandirent dans la région depuis une greffe réussie au Salvador?. L’Iglesia Santidad Pentecostal fut la première société pentec?tiste à s’organiser, enregistrant trois temples dans les périphéries populaires de la capitale en 1949. D’autres l’accompagnèrent peu après, telles l’Iglesia de Dios Cleveland, l’Iglesia cuadrangular, l’Iglesia de Dios pentecostés et surtout les Asambleas de Dios (1951). Cette dernière organisation se développa de manière spectaculaire puisqu’elle passa de quelque 225 membres répartis en 3 communautés en 1951 à 78?777 membres fréquentant 630 communautés, en 1992?.Ce mouvement d’expansion se fit au travers de la propagation de modèles et de techniques nord-américaines de réveil religieux?. En effet, dès les années 50, le Costa Rica fut un laboratoire pour l’??evangelism in depth??, initiative de saturation missionnaire élaborée par les missiologues évangéliques spécialisés dans la ??croissance de l’?glise?? du Séminaire Fuller de théologie de Pasadena en Californie?. De grandes campagnes d’évangélisation furent systématiquement organisées avec la venue de prédicateurs nord-américains, rapidement suivis par des émules latino-américains. Ils développèrent un modèle agressif de propagation de leurs croyances, inspiré des campagnes de l’évangéliste Billy Graham dans l’Amérique de l’après-guerre, surgies de la tradition fondamentaliste du ??Réveil??. Caractéristiques de l’Amérique rurale de la ??Bible belt??, ces campagnes d’évangélisation faisaient appel à l’émotion, à des techniques de marketing et aux moyens modernes de communication. Les églises pentec?tistes naissantes eurent recours à ces relais afin d’assurer leur expansion.De cette manière, l’orateur pentec?tiste nord-américain T. L. Osborn réalisa une campagne ??de guérison divine?? à San José en mars 1952 dans la ??Plaza de toros?? avec l’appui des Asambleas de Dios?. De même les évangélistes Billy Graham, Luis Palau, Pablo Finkenbinder, Yiyé Avila, parmi d’autres, visitèrent le Costa Rica durant les années 60 et 70 insufflant, par leurs ??croisades??, une dynamique d’expansion. Ce fut précisément durant une des campagnes de Palau à San José, en 1972, [215] que se convertit Raul Vargas, fondateur et pasteur général de la plus grande communauté paroissiale pentec?tiste actuelle (5 000 membres), en périphérie de San José (Oasis de Esperanza).? cette première vague missionnaire d’origine nord-américaine, succéda une deuxième avec la formation de nouvelles églises pentec?tistes, fondées par des dirigeants religieux costariciens, qui virent le jour en terrain urbain. Ainsi la Misi?n cristiana mundial Rosa de Sar?n naquit en 1976 dans un quartier ouvrier de la capitale. Dans la province de Puntarenas, l’Iglesia Roca del Pedernal fut créée par le ??prophète?? Zacharias Pérez en 1978 à Barranca, tandis que dans la périphérie de la ville voisine d’Esparza surgit la même année, l’Iglesia Manantial de Vida d’un schisme au sein de l’?glise méthodiste locale. En province toujours, d’autres églises se fondèrent sous l’impulsion de dirigeants nationaux comme, par exemple, le Ministerio Casa del Banqueté à San Isidro del General (1979) et l’Iglesia Ríos de Agua Viva à Cartago (1977). ?galement, à partir du milieu des années 70 et au début des années 80 apparurent les prémisses des futures grandes communautés pentec?tistes dépassant aujourd’hui le millier de membres dans les périphéries de San José, de classe moyenne - Oasis de Esperanza (Moravia, 1975), Centro Evangelístico (Zapote, 1985), Iglesia Cristo Vi?a (La Uruca, 1989) - et prolétaires - Comunidad Cristiana Shalom (Hatillo, 1978), Casa del Banqueté (Pavas, 1986), Centro Cristiano (Tibas, 1983), Iglesia de la Luz del Mundo (Hatillo, 1975), Iglesia del Tabernáculo (San Sébastian).Les modèles nord-américains de propagande religieuse continuaient d’agir au travers de nouvelles campagnes d’une autre vague d’évangélistes vedettes (Nicky Cruz, Alberto Motesi, Jimmy Swaggart, Benny Hinn, Franklin Graham, Moris Cerullo) copiés et adaptés par les dirigeants pentec?tistes locaux les plus dynamiques, tels Raúl Vargas, Rony Cháves et Hugo Solis. Ces derniers engagèrent durant les années 80 et 90 un processus identique de communication médiatique au niveau national et même international par ??croisades?? et mouvements d’évangélisation systématique? parvenant à mobiliser, par l’hypermodernité médiatique qu’ils ma?trisèrent rapidement (Canal 23 de télévision), de nouvelles couches sociales moyennes dans les périphéries nanties de la capitale. Tout ceci suscita une dynamique de croissance exponentielle des organisations évangéliques dans un contexte de mutation économique et d’explosion démographique du pays.Les données statistiques relativement fiables sur l’évolution numérique des minorités évangéliques permettent de constater la remarquable croissance de l’ensemble des mouvements définis comme évangéliques au Costa Rica qui passèrent de 18?250 membres (1,3% de la population) [216] en 1960 à plus de 600?000 (soit 18% de la population) en 1997?. Aujourd’hui, l’annuaire des ?glises évangéliques du Costa Rica? dénombre 29 dénominations dans la seule zone métropolitaine et, au plan national, 104 associations diverses affiliées à l’Alliance évangélique.Il s’agit d’un univers très fragmenté, scissipare, dominé par les Asambleas de Dios et un pentec?tisme de croisade ayant recours aux moyens médiatiques les plus sophistiqués. Il est difficile d’obtenir des données fiables par organisation religieuse, mais, à titre d’exemple, alors que les Asambleas de Dios, principale organisation pentec?tiste du pays, pouvaient revendiquer plus de 78 000 membres en 1992 et la Iglesia de Cristo plus de 18 000, la plus ancienne (fondée en 1922) et importante ?glise protestante historique, la Iglesia Bíblica atteignait quelque 6?000 membres à la même date et la Convenci?n bautista, 2?600?. Mais il convient de tenir compte que cerner l’espace pentec?tiste est une t?che difficile, tant il déborde aujourd’hui les organisations religieuses qui se définissent comme telles. En effet, tout comme l’?glise catholique avec le ??Renouveau charismatique??, certains groupes religieux appartenant au protestantisme historique et relevant de tendances théologiques fondamentalistes se sont ??pentec?tisés?? au cours de ces dernières années devant la formidable expansion des pentec?tismes. Sur la base de données recueillies par PROLADES?, on peut estimer à grands traits que les églises pentec?tistes représentent plus des deux tiers des organisations protestantes du pays et numériquement 80% de la population évangélique.Accompagnant cette croissance exponentielle, le fait majeur de ces dix dernières années a été le passage de ces mouvements de l’espace privé à l’espace public. Non seulement les parcs publics et les stades servent aux cultes, mais la rue elle-même est devenue un lieu de manifestation de citoyenneté pour des secteurs sociaux qui sont considérés et se considèrent traités comme des citoyens de deuxième classe. Les ??marches pour Jésus??, démonstration de force mimant les pèlerinages catholiques, en sont la preuve la plus manifeste. Elles commencèrent précisément au début des années 80, au moment du décollage pentec?tiste. Une des toutes premières marches eut lieu en 1982, dans la ville d’Alajuela, et consista en ce que ??des centaines de chrétiens défilent dans la rue dans le cadre de la campagne nationale de guérison divine???. [217]Puis des marches importantes allant jusqu’à 200?000 participants, selon les organisateurs, se tinrent à San José en 1986, 1987, 1990, 1992 et 1994?. Mais il fallut attendre celle du 25 mai 1996, à San José, pour voir ??350?000 personnes dans la rue priant et chantant l’hymne national???.Visibilité sociale, respectabilité, demande de citoyenneté à part entière caractérisent un mouvement religieux et social qui jusque-là occupait les marges de la société. Le statut économique de classe moyenne atteint par certaines élites évangéliques aussi bien de la capitale que de grandes villes de province (Esparza, San Isidro), tout comme le caractère massif d’un mouvement religieux contribuant à forger la respectabilité économique et sociale du sujet? a poussé les acteurs évangéliques à passer des demandes religieuses aux demandes politiques.La création d’un premier parti politique évangélique en 1986 (Partido Alianza Nacional Cristiana-PANC) en fut le signe précurseur, bien que l’aura politique des pentec?tismes resta insignifiante jusqu’aux élections présidentielles et législatives du 1er février 1998, à l’occasion desquelles un deuxième parti évangélique se forma: le Partido Renovaci?n Costarricense (PRC). En ao?t 1997, les évangéliques tout comme le reste de la population se montraient prêts à voter pour l’un ou l’autre des deux principaux partis hégémoniques qui se partagent le pouvoir depuis 1948, sans qu’aucun ne paraisse emporter la préférence. De fait, le 1er février 1998, le candidat du Partido Unidad Social Cristiana (PUSC), Miguel Angel Rodriguez avec 46,96% des suffrages l’emporta sur José Miguel Corrales du Partido Liberaci?n Nacional (PLN) (44,56%). Mais un taux d’abstention (30,01%) sans précédent dans l’histoire politique récente du Costa Rica manifesta une certaine protestation politique? et l’usure du bipartisme?.Dans ce climat de réserve électorale, le fait que parmi les 13 candidats à la présidence de la République, deux aient été présentés par deux petits partis confessionnels évangéliques ne manque pas d’être significatif, même si leurs résultats furent insignifiants. En effet, Alejandro Madrigal Benavides (PANC) recueillit 0,07% des suffrages et Sherman Thomas Jackson (PRC), 1,9%. Mais la nouveauté surgit au niveau des élections législatives, car, pour la première fois dans l’histoire du pays, un député d’un parti confessionnel [218] évangélique en la personne de Justo Orozco Alvarez du PRC parvenait à se faire élire à San José avec quelque 12 800 voix. Comment expliquer à la fois l’existence de partis confessionnels évangéliques et l’expression confessionnelle d’un vote dans un pays de longue tradition démocratique?? La réponse est à explorer dans la mise en place d’un imaginaire de la??guerre spirituelle??, mobilisant les forces de l’invisible.Données comparées des quatre dernières élections présidentiellesAnnéeElecteursinscritsVotesémisAbstentions%VotesblancsVotesnuls19982 045 9801 431 91330,016 8973631819941 881 3481 525 97918,90521930 66319901 692 0501 384 32618,205 3932991919861 486 4741 216 30018,25 04926 029Source?: Tribunal suprême électoral. Informe del 16 de febrero de 1998. ??Escrutino de elecciones para présidente y vice-présidente de la Republica??.La mobilisation des forces de l’invisibleAu Costa Rica comme ailleurs, les pratiques et les discours pentec?tistes s’organisent autour de la triple référence à la glossolalie, la thaumaturgie et l’exorcisme dans ce que Corten? a appelé le discours de la louange. Le miracle, expression de la capacité à innover dans un contexte de désespérance sociale, est au c?ur de l’imaginaire pentec?tiste et possède une composante fondamentalement personnelle et existentielle. Mais il est significatif qu’au cours des années 90 et corrélativement avec la prise de possession de l’espace public, les références doctrinales liées à la pratique de l’exorcisme soient passées elles-aussi du privé au public.[219]L’exorcisme s’inscrit dans le registre des mentalités religieuses populaires. Il contribue à renforcer l’image d’intercesseur chez le dirigeant religieux, dépositaire d’une connaissance révélée, car c’est au travers de lui qu’agit l’onction qui sanctionne la libération des démons. C’est pourquoi ce qu’aime le plus le pasteur Alvarado (66 ans), de l’?glise Luz de un nuevo día du bidonville (precario) Los Diques, Cartago, c’est ??évangéliser, enseigner, prier pour les malades et affronter les démons??. Il se pose ainsi dans la continuité chamanique de celui qui a le pouvoir de reconna?tre les esprits, de leur parler et de les expulser?; il dispose de la capacité à communiquer avec le numineux et distribue force, libération et guérison individuelle. Le dispositif des esprits est certes disqualifié, mais il est nommé, reconnu, maintenu et même renforcé comme dispositif thérapeutique conduit par lui.Au cours des années 90, ces pratiques individuelles et limitées à l’enceinte des communautés pentec?tistes se sont enrichies de la notion de ??guerre spirituelle??, catégorie qui est devenue dominante dans le discours pentec?tiste costaricien? aussi bien que latino-américain au cours de ces dernières années. Cette notion provient en grande partie de la pratique de prédicateurs pentec?tistes latino-américains, en particulier de l’Argentin Carlos Annacondia, observée et systématisée par certains auteurs évangéliques nord-américains contemporains qui l’ont mise à l’ordre du jour à la fin des années 80 (Peter Wagner, Cindy Jacobs, Kenneth Copland). Elle a été à son tour récupérée, reformulée et mise en ?uvre dans un espace mental et physique costaricien.Le pasteur vedette pentec?tiste Rony Cháves? s’est fait le spécialiste national de cette théologie populaire de la ??guerre spirituelle?? reprise lors des ??conférences internationales de la parole de Dieu?? qu’il organise annuellement depuis 1990. Il s’agit, selon ses termes, d’un ??combat à mener contre Satan, les démons et les pratiques occultes?? qui leur sont liées en élaborant ??une stratégie de guerre visant à nettoyer les territoires occupés??.Cette dimension géopolitique de la mobilisation des forces de l’invisible caractérise un discours qui ne s’adresse plus seulement à l’individu, mais à l’?tat-nation qu’il faut donc libérer. C’est ainsi qu’en 1996, certains pasteurs costariciens ont cherché à ??prendre les portes des villes?? dans une démarche qui consista à ??visiter les lieux élevés de chaque localité et de prier pour les problèmes du pays???. Le 26 janvier 1996, [220] les dirigeants évangéliques les plus importants se concentrèrent dans le ??Templo bíblico?? du centre de San José et de là, partirent en avionnette ??bénir avec de l’huile la grande région métropolitaine??, action au caractère public, retransmise par la cha?ne évangélique de télévision, Canal 23. Puis, donnant à cette action une dimension politique, dans l’après-midi, six d’entre eux furent re?us par le président de la République, José María Figueres Olsen, afin de l’informer de l’action menée le matin même. Comme l’énon?ait l’un des pasteurs, ??nous avons ainsi touché deux points clés, d’abord les légions du mal du régime céleste et ensuite le chef de l’?tat pour lequel nous avons prié???.Pour sa part, Cháves lui-même avait anticipé ce mouvement en 1994 par une action tout aussi spectaculaire qui consista à survoler le pays ??de la frontière du Nicaragua à celle de Panama et de Puntarenas à Limon en répandant de l’huile tous les six kilomètres??, cherchant ainsi à ??libérer le territoire national afin de faciliter l’évangélisation??. Il se proposait ??d’affronter les forces des ténèbres??: d’une part, il prétendait ??briser les pactes établis avec le diable par les sorciers qui ont l’habitude de se réunir dans les montagnes importantes de Costa Rica en offrant des sacrifices à Satan??; d’autre part, il espérait combattre ??l’idol?trie catholique qui consiste à offrir des terrains, des voitures, des familles, des équipes de football et jusqu’à des objets personnels aux idoles de la religion officielle??.Dans une formule lapidaire qui résume bien la démarche fondamentaliste qui inspire de telles actions, il affirmait que ??si la prise de Jéricho a fonctionné par le passé, il n’y a aucune raison pour qu’elle n’ait lieu encore aujourd’hui???. C’est pourquoi, au début de l’année 1995, un groupe de 200 personnes se rendit à Cartago, centre du national-catholicisme et fit sept fois le tour de la basilique consacrée à la Vierge de los Angeles, patronne du pays, dans l’espoir de la voir s’effondrer ou dans le but symbolique de circonscrire le territoire de l’ennemi?.Ce type d’action spectaculaire se trouve directement lié à la mise en place d’un imaginaire, religieux et politique à la fois, cherchant à évincer le discours libéral rationnel. Dénoncer les ??puissances du mal??, c’est une autre manière de dire l’usure du politique face aux affaires récentes de corruption (Banco anglo-costarricense) qui ont sérieusement ébranlé le PLN. Recourir à ce type d’explication, c’est se tenir à distance aussi du discours du principal rival religieux, l’archevêque de San José, monseigneur Roman Arrieta, qui, le 2 ao?t 1997, au début de la campagne électorale, [221] mettait l’accent sur la détérioration morale des élites et dénon?ait durant les fêtes à la Vierge de los Angeles, à Cartago, ??un Costa Rica affligé, mangé par la corruption, la cruauté, le délit, la mafia de la drogue et soumis à l’oubli des commandements de la loi de Dieu???.Le discours de la ??guerre spirituelle?? sort délibérément de l’espace de la rationalité instrumentale. Comme l’écrit Murphy, un des auteurs les plus lus au Costa Rica, ??il nous faut nous enlever les lunettes de la cosmovision occidentale qui nous aveugle devant la réalité des esprits, et être prêts à nous incarner dans le monde même dans lequel entra notre Seigneur.... un monde de guerre spirituelle, de guerre à mort???.Le recours à ce type de langage libère le discours religieux du carcan rationnel et du piétisme traditionnel moralisant. Cela permet de dire, d’une manière plus abrupte que les dénonciations rationnelles du mal social, l’usure du politique à construire un imaginaire de la citoyenneté représentative?. Dans une culture politique qui freine l’accès à la représentation politique pour les masses puisque le politique reste le privilège des élites, les pentec?tismes sont une manière d’affirmer cette exclusion en sortant de l’imaginaire politique de la représentativité libérale pour opter délibérément pour celui des forces de l’me le souligne Corten pour les pentec?tismes brésiliens, il s’agit ??d’un énoncé non compatible avec le premier énoncé du système politique occidental?: le contrat???. Les pentec?tismes créent ainsi un territoire symbolique qui est un lieu de pouvoir leur appartenant alors que, dans le discours de la rationalité politique du contrat, ils sont marginalisés en particulier par le monopole moral de l’?glise catholique à dénoncer le mal.Ce faisant, les pasteurs construisent un discours infra-politique qui cherche moins à répondre à la question de la vérité qu’à celle du pouvoir. Ils se posent comme plus puissants que les forces du mal et ainsi comme des intercesseurs plus crédibles que les politiques rationnels qui eux, bien qu’ayant recours au système de la représentativité libérale, ne changent rien aux maux qui affectent les populations. Dans ce sens, les ??intercesseurs?? construisent à leur manière une représentation qu’ils captent par le pouvoir symbolique qu’on leur reconna?t et qui permet à certains d’entre eux de passer directement de la représentation religieuse à la représentation politique. Au travers de l’imaginaire des forces de l’invisible s’active [222] un principe de subjectivation à même de faire émerger un nouvel acteur social. Ce dernier refuse le discours de la rationalité instrumentale manipulé par les élites per?ues comme corrompues, mais pas nécessairement l’espace politique qui lui permet de mettre en ?uvre des stratégies d’intégration et de reconnaissance de ses besoins.Ainsi, pour les pentec?tismes, c’est par la médiation des ??intercesseurs?? capables de chasser les maux qui affectent la population que le pays changera et non par la médiation de la représentation politique dominante ou par le discours moralisateur de l’acteur catholique qui leur para?t appartenir au même univers. Il est sans doute significatif qu’une des premières actions, symbolique et politique, du premier député évangélique élu sur un vote confessionnel ait consisté en une ??limpia?? (purification) du Parlement. En mai 1998, il rassembla ??une centaine de pasteurs afin de chasser, siège par siège du parlement de la République, les esprits vénaux qui font que les intérêts partisans et particuliers prédominent sur ceux du pays??, action qu’il répéta d’ailleurs en ao?t de la même année?.Comment mesurer les effets sociétaux de ce nouveau type d’action religieuse et politique à la fois dans un pays connu pour sa culture politique démocratique??Les effets sociétaux de la mobilisation des forces de l’invisibleLe Costa Rica est sans doute le pays le plus moderne d’Amérique centrale. L’absence de latifundia et une agriculture caféière d’exportation a permis le développement d’une classe moyenne rurale. La richesse relative s’est accompagnée d’un fort développement de l’éducation qui en fait l’un des pays les plus alphabétisés de la région. Ceci s’est traduit par une vie politique inspirée par la démocratie formelle et représentative, en particulier après la révolution de 1948 qui a donné jour à un système politique bi-partisan d’alternance au pouvoir. Les élections ont été l’occasion de mettre régulièrement en place de nouveaux dirigeants, assurant ainsi une rotation des postes, même si une certaine ??patriarcratie?? s’est structurée autour des caudillos fondateurs du PLN et du PUSC?. [223]C’est pourquoi le discours pentec?tiste y reste un discours infra-politique, car ??la thématique des forces de l’invisible?? demeure étrangère aux discours politiques libéraux ou sociaux-chrétiens et pour l’instant n’altère pas le discours qui s’y tient. La mobilisation de l’imaginaire pentec?tiste à des fins politiques reste étrangère même à une bonne partie du ??peuple évangélique?? qui refuse tout discours théocratique.On peut remarquer qu’en ce qui concerne l’élection présidentielle de février 1998, les 19 103 voix recueillies par le PRC et les 3?557 voix du PANC sont loin de représenter une population évangélique qui correspond à un bassin électoral estimé à 200?000 voix. Il faut sans doute attribuer cet écart remarquable à la différence de comportement politique des évangéliques costariciens par rapport à celui qui a eu cours dans d’autres pays d’Amérique latine et, avant tout, à la culture démocratique du pays. Celle-ci se reflète en particulier dans des réponses contradictoires des pasteurs interviewés qui défendent la séparation de l’?glise et de l’?tat, mais qui sont prêts, pour certains, à soutenir un parti confessionnel.Alors comment rendre compte de cette attitude contradictoire?? Tout d’abord, il convient de noter l’extrême difficulté à créer des partis politiques confessionnels évangéliques de dimension significative. Le PANC, fondé en 1986, n’est parvenu à aucun résultat politique bien qu’il se soit lancé dans les compétitions électorales de 1986, 1990, 1994 et 1998 et qu’il ait détenu le monopole de la représentation politique confessionnelle évangélique jusqu’à la création du PRC, au printemps 1997. Le PRC pour sa part semblait en meilleure voie, non seulement par les résultats obtenus, mais surtout parce qu’il parvint à recueillir l’appui d’une personnalité comme le professeur Sherman Thomas, chimiste, ancien candidat au rectorat de l’Université du Costa Rica, président du parti, et de pasteurs-patrons régionaux, candidats députés.Ce fut le cas dans la province de Guanascate, où le pasteur Elias Espinoza, président de la Fraternidad de pastores de la province et dirigeant d’une église pentec?tiste indépendante à Santa Cruz, recueillit 3% des suffrages dans une région où le taux de la population évangélique est presque deux fois inférieur (9,7%) à la moyenne nationale (18%). Bien qu’il n’ait pas réussi à se faire élire, le type de leadership religieux et politique que ce candidat représentait est sans doute le mieux à même de satisfaire les mentalités clientélaires de certains secteurs évangéliques.La plupart des pasteurs évangéliques non pentec?tistes sont certes réticents à s’engager dans un parti confessionnel parce qu’ils refusent la collusion entre religion et politique. Ils rejettent tout discours théocratique qui frise l’intégrisme religieux dans le cas du PANC et manque de crédibilité.Cependant, pour comprendre l’irruption confessionnelle évangélique en politique, il convient de tenir compte non seulement de l’usure du politique déjà soulignée, mais aussi des limites du libéralisme politique d? au [224] fait que le Costa Rica est une société partiellement ou incomplètement sécularisée. Le pays n’a pas connu un processus de la?cisation semblable à d’autres comme par exemple le Mexique. En dépit des ??lois anticléricales?? de 1884 qui sécularisèrent en partie la société costaricienne, la séparation du religieux et du politique ne se trouve pas établie par la Constitution de 1949 qui maintient ??la religion catholique, apostolique et romaine (comme) celle de l’?tat??.Les années 40 avaient permis même une sorte de régression. Avec l'élection du très catholique Rafael Calderón Guardia (1940-1944) à la présidence, après un demi-siècle de gouvernements libéraux, les lois anticléricales furent abolies le 30 juillet 1942?. La cérémonie de consécration du pays en 1953 au Sacré C?ur de Jésus, lors de laquelle le président Otilio Ulate lut à genoux la proclamation, fut le symbole de la nouvelle relation ?glise-?tat.L’?glise catholique redevenait une force majeure de la société de telle manière qu’aujourd’hui l’enseignement religieux catholique prévaut dans les écoles, les actes ecclésiastiques catholiques tiennent lieu de registre civil, la doctrine sociale de l’?glise imprègne la politique ??solidariste?? de l’?tat en matière sociale et informe en même temps l’action des syndicats, l’investiture présidentielle passe par la célébration d’un Te Deum dans la basilique de Nuestra Se?ora de Los Angeles à Cartago, centre religieux et symbolique du pays. Véritable religion civile, le catholicisme est inséparable de l’identité costaricienne? au point que les non-catholiques peuvent appara?tre comme des ??citoyens de deuxième classe??.Par ailleurs, même si la différenciation fonctionnelle des sphères s’y manifeste aussi, même si le religieux s’y montre relativement autonome tout comme l’économique et le politique qui se sont libérés des normes religieuses, trois corrélats du paradigme classique de la sécularisation? n’y ont pas cours. Tout d’abord, il n’y a pas d’individualisation du croire, mais une réactivation des acteurs collectifs par les nouvelles expressions religieuses. Ensuite, il n’y a pas de privatisation du croire. Les institutions religieuses, concrètement l’?glise catholique, continuent d’intervenir dans l’espace public en imposant des normes qui préviennent la mise en place de législations spécifiques concernant l’éthique familiale (divorce) et sexuelle (contraception, avortement), par exemple. Par ailleurs, l’?glise n’a jamais accepté d’être ??privatisée?? et renvoyée à ses sacristies. Elle [225] demeure une force politique aussi bien par les accords concordataires que par l’influence indirecte sur les partis politiques bien qu’elle ait renoncé à tout parti confessionnel depuis la tentative de l’Union Cat?lica en 1889?. Enfin, le déclin des pratiques religieuses qui caractérise l’Europe sécularisée ne se manifeste aucunement au Costa Rica.La faible sécularisation de la société costaricienne est confirmée par le fait que, selon l’enquête Bergstraesser Institut-Borge de 1997?, 81% des enquêtés considèrent favorablement l’affirmation selon laquelle ??la foi et les valeurs religieuses doivent déterminer tous les aspects de la société et de l’?tat??, aucune différence significative ne se manifestant à cet égard entre catholiques et évangéliques. Dans le même sens, 84% d’entre eux opinent également que ??la vie en communauté doit être régie par la foi et les valeurs religieuses??.C’est à cause de cette sécularisation inachevée et du type de négociation politique continue qu’elle implique par le haut entre les deux partis hégémoniques et l’?glise catholique que les pentec?tismes ne sont pas renvoyés à de simples options privées. En effet, l’imaginaire des forces de l’invisible crée de nouveaux acteurs collectifs pentec?tistes qui, ne dissociant pas le religieux et le politique, cherchent à engager des processus d’occupation de l’espace public, parallèles à ceux de l’?glise catholique. En dénon?ant par ??la guerre spirituelle?? la corruption ambiante, les pentec?tistes se positionnent comme acteurs collectifs mobilisables ou capables de mobiliser les masses. Le jeu politique s’en trouve transformé dans le sens où les partis hégémoniques sont contraints de tenir compte de l’apparition de ce nouveau sujet, même s’ils ne peuvent assimiler le discours des ??forces de l’invisible?? qui a contribué au processus de subjectivation du pentec?tisme en en faisant un acteur social doté de puissance.La puissance que le pentec?tisme confère laisse des marques sur l’espace politique non pas en affectant pour l’instant le discours politique légitime, mais dans le sens de la recherche toujours plus affirmée de cooptation des acteurs évangéliques par les partis hégémoniques. C’est pourquoi, les deux partis politiques dominants ont intégré des cadres provenant du secteur évangélique et s’identifiant explicitement à lui comme Carlos Arraya Guillen, 51 ans, membre de la Iglesia centroamericana, ancien député du PUSC (1986-1990) et cadre idéologique de ce parti, qui confirme lui même que le PUSC et le PLN ??depuis plusieurs campagnes s’approchent du peuple évangélique et le considèrent comme un groupe social dont il faut tenir compte??.Ainsi, en janvier 1998, à la veille de l’élection présidentielle, les deux candidats à la présidence se sont rendus à la journée intitulée ??9 heures [226] de prière?? qui rassemblait de 15?000 à 20?000 évangéliques dans le stade national où on pria pour eux. Selon Arraya, ??les candidats sont absolument attentifs à ce type de manifestations??; c’est pourquoi aussi durant la dernière campagne présidentielle, on demanda à ce cadre éminent du PUSC, ??de préparer une série de rencontres avec le secteur évangélique??.Une certaine compétition entre les deux partis hégémoniques s’est même engagée, durant les années 90, pour la cooptation du secteur évangélique numériquement important. C’est ainsi qu’en 1993 et 1994, lors de la campagne de José María Figueres Olsen (PLN), des discussions très régulières au travers de ??7 petits-déjeuners, deux déjeuners et un d?ner?? eurent lieu entre le candidat et futur président, ses conseillers du PLN et le bureau de l’Alliance évangélique, organisation fa?tière. Les discussions portèrent sur un projet de création ??d’un bureau des affaires religieuses du secteur non catholique?? et sur un projet de loi ??qui se réfère avec clarté à la population évangélique et à l’égalité constitutionnelle de traitement par rapport à d’autres cercles ecclésiastiques de pouvoir??.Les rapprochements et les négociations engagées par le PLN ou par le PUSC avec les représentations fa?tières évangéliques que sont l’Alliance évangélique costaricienne et la Fraternité des pasteurs se sont effectuées ??par intérêt électoral, parce que le secteur évangélique a cr? en nombre??. Mais ces rapprochements ont lieu parce qu’il est aussi nécessaire pour un secteur social émergent d’assurer les liens privilégiés avec les principaux acteurs politiques. Ainsi, lors des dernières élections, les dirigeants de la télévision évangélique Canal 23 ont organisé un déjeuner réservé à chacun des deux candidats des partis dominants afin de renforcer la confiance et de maintenir les privilèges acquis pour la concession dont ils bénéficient. De même, selon Arraya Guillén, ??il est très important pour les évangéliques de conna?tre la position du nouveau gouvernement sur des problèmes spécifiques??, en particulier celui du droit de registre civil assumé par les clercs catholiques qu’ils réclament pour eux aussi.?galement, au niveau local, dans le cadre de la campagne électorale, des rapports clientélaires se développent; il n’est pas rare qu’une communauté évangélique re?oive du ciment et des briques en échange d’un appui électoral précis. Pour les grandes communautés pentec?tistes, la cooptation peut être plus tangible encore, comme cela a été le cas pour la Catédral del Espíritu Santo, communauté pentec?tiste de plus de 2 (XX) membres, à la périphérie de la ville d’Esparza, Puntarenas, dont le pasteur général aurait re?u un don d’un million de colons (30 000 dollars environ) de la part du PLN pendant la récente campagne politique. Il existe donc des liens entre les évangéliques et les deux partis politiques dominants et des méthodes de cooptation mises en ?uvre à différents niveaux au travers de mécanismes clientélaires.Sans doute, les discussions autour d’un bureau des cultes non catholiques ont été le point le plus avancé d’une stratégie de l’?tat afin de [227] contr?ler ce secteur. Cette volonté de contr?le par l’?tat est directement liée à l’importance prise par de tels mouvements et se manifeste depuis le début des années 90, provoquant ??la préoccupation de l’Alliance évangélique face au projet de loi visant à créer un registre des organisations religieuses par le ministère de la Justice???.Il est intéressant de noter que, malgré la volonté politique du candidat Figueres Olsen et celle de certains dirigeants non pentec?tistes de l’Alliance évangélique habilement cooptés, les propositions faites dans ce sens furent catégoriquement rejetées lorsqu’elles furent soumises à l’Assemblée générale de cette organisation fa?tière, à majorité pentec?tiste, en juillet 1994. C’est le refus d’un contr?le direct de la part de l’?tat qui a suscité le rejet, par les bases ecclésiastiques, des projets pourtant négociés par le bureau. La résistance aux tentatives de contr?le de ce secteur religieux par l’?tat correspond à l’acceptation de plus en plus généralisée du discours sur les ??forces de l’invisible?? par les associations évangéliques. Un tel discours fixe en effet un univers de référence symbolique autonome face aux idéologies politiques partisanes. Y recourir permet aux acteurs pentec?tistes de se positionner comme acteurs religieux et politiques indépendants face aux intérêts de l’?tat et des dirigeants évangéliques issus des églises non pentec?tistes qui ont servi jusqu’ici de relais. C’est cette revendication d’autonomie que les partis politiques confessionnels tentent de capter et de mettre en ?uvre dans une logique de négociation corporatiste.En effet, l’apparition en février 1998 d’un député élu sur la base d’un parti confessionnel reflète à la fois une certaine réalité numérique et le désir de la part de fractions évangéliques d’agir comme acteur corporatiste afin de défendre leurs intérêts religieux. Il convient de rappeler que les styles d’autorité, dans les communautés pentec?tistes surtout, sont de type caudilliste. Le pasteur est un véritable patron détenteur d’une autorité charismatique qui en fait un symbole de la communauté et lui permet d’exercer un pouvoir moral sur les membres.Mais ce pouvoir peut aller au-delà des simples questions religieuses et toucher le domaine politique. Dans certains pays comme le Brésil, des organisations pentec?tistes ont lancé le slogan ??un hermano vota por un hermano??? (un frère vote pour un frère). L’autorité caudilliste que détiennent les pasteurs et le contr?le corporatiste qu’ils sont susceptibles d’exercer expliquent pourquoi ils sont courtisés par les principaux partis ou que le soient tout au moins les organisations fa?tières évangéliques. [228]Lors des élections présidentielles précédentes au Costa Rica, les candidats se sont fréquemment montrés au c?té d’évangélistes internationaux afin de s’attirer les sympathies des dirigeants et de la population évangélique. Ainsi, en 1986, l’évangéliste Jimmy Swaggart rencontra le président Oscar Arias; en février 1994, José Maria Figueres se fit présent ??lors de la grande concentration du peuple évangélique dans le parc de la Paix mettant fin au Congrès Costa Rica 2000?? et ??des personnalités politiques et des représentants du gouvernement?? apparurent lors de la campagne de l’évangéliste Alberto Motesi dans la ville de Turrialba, en 1996?.Conscients de leur pouvoir de convocation, certains pasteurs tentent de le mettre en ?uvre afin de négocier des demandes précises. Comme l’exprimait l’organisation évangélique Presbitero nacional de Comunidades en pacto à la veille des récentes élections, ??les fils de Dieu, nous pouvons facilement contr?ler le vote déterminant au Costa Rica. Nous devons user de ce pouvoir afin d’autoriser les politiciens qui annoncent clairement leur appui à la loi biblique dans des domaines comme l’avortement, l’inflation, les imp?ts, la famille, la pauvreté. L’exercice du suffrage est une fonction sacerdotale du croyant dans la sphère civile???.Ces demandes religieuses latentes sont de plusieurs types. On y trouve pêle-mêle la question déjà évoquée du registre civil réservé au clergé catholique. S’y ajoutent des demandes plus précises et récurrentes depuis une vingtaine d’années comme celle des modalités d’ouverture des lieux de culte, celle d’un enseignement religieux protestant dans les écoles semblable au catholique, celle d’un statut similaire du culte qui ne réduise plus les communautés protestantes au statut juridique d’association de droit privé, mais les élève au même statut de culte reconnu que l’?glise catholique?.Ces demandes ont fait l’objet de discussions et de promesses de la part des partis hégémoniques lors des élections précédentes, sans parvenir à être prises aux sérieux une fois le processus électoral passé. Mais les forces pentec?tistes croissent rapidement. Si elles parviennent à s’organiser autour de telles demandes, elles peuvent chercher à s’exprimer politiquement par le biais d’un pouvoir de négociation gagné sur la base d’un parti politique confessionnel à même de bénéficier d’un vote corporatiste et non au travers du processus de contr?le et de cooptation proposé par l’?tat au moyen d’un bureau des cultes non catholiques.? cet égard, on ne peut oublier le pouvoir politique de l’?glise catholique qui confessionnalise l’?tat lui-même. Ainsi, le ministère de l’?ducation [229] se trouve sous la tutelle de l’?glise qui peut freiner la nomination d’un ministre pour raison d’identité catholique douteuse comme ce fut le cas durant le gouvernement d’Oscar Arias (1982-1986). Le lien entre l’?glise et le ministère de l’?ducation est tel que l’actuel ministre, Arnoldo Mora, a été l’??instigateur de l’idée que pour les 45 ans du décès du deuxième archevêque du Costa Rica, Mgr Victor Manuel Sanabria, ce dernier soit béatifié???.Le poids de l’?glise intervient même pour définir la légitimité des candidats des partis hégémoniques. C’est ainsi que la candidature de José Maria Figueres Olsen aux élections présidentielles de 1994 fut conditionnelle à une sorte de laissez-passer religieux. En effet, l’identité catholique du candidat était floue. Ses liens avec l’univers évangélique étaient même trop tangibles. Ils étaient dus d’abord, selon le pasteur Marcos Ruiz, ??à une très ancienne racine protestante nominale du c?té de sa mère d’origine danoise?? et à sa participation sporadique à une communauté évangélique dans sa jeunesse. Afin d’éradiquer tout doute sur son identité religieuse, Figueres Olsen dut se faire baptiser catholique publiquement dans la cathédrale métropolitaine ??avant d’être confirmé candidat du PLN??, l’?glise sanctionnant son éligibilité. Dans le même esprit, c’est tout naturellement qu’un des premiers gestes politiques des candidats élus à la présidence consiste à se rendre à un Te Deum en leur honneur à la basilique Nuestra Se?ora de los Angeles de Cartago, comme ce fut le cas pour Miguel Angel Rodriguez (PUSC), dès le lendemain de son triomphe électoral, le 2 février 1998?.Dans un tel contexte de collusion entre l’?glise catholique et l’?tat, un parti confessionnel évangélique sert de point d’ancrage au rejet de cette alliance dans la mesure où le paysage religieux se pluralise rapidement et que certains acteurs religieux cherchent à s’exprimer au plan politique de manière indépendante. A cet égard il est intéressant de constater l’évolution favorable de l’opinion publique à l’égard des pentec?tistes puisque 65,2% des Costariciens seraient prêts à voter pour un candidat à la présidence qui soit ??évangélique??, alors que seulement 33,5% le seraient pour un ??juif?? et 11% pour un ??athée???.Mais au-delà de ces demandes, un parti confessionnel permet aussi à ces acteurs de second plan d’accéder à la représentativité politique en mobilisant la représentativité des ??intercesseurs?? et ainsi à la citoyenneté. Ce n’est pas un hasard si, pour ces dernières élections présidentielles, parmi les 13 candidats, le seul qui soit d’origine afro-caribéenne [230] (Sherman Thomas) l’ait été sous les couleurs du PRC, alors que tous les autres étaient blancs dans un pays qui est en grande partie métis. Il est aussi intéressant de constater que le secrétaire général du PRC, lui-même métis, était un ancien militant du PUSC qui n’avait jamais pu passer les barrières internes du parti afin de se présenter aux élections comme député. Le PRC lui a donné la possibilité de briguer et d’obtenir un siège convoité. Le propre des partis confessionnels protestants ailleurs en Amérique latine a été, entre autres, de permettre à des acteurs politiques refoulés par les partis traditionnels aux mains des ??patriarcratie?? d’avoir accès à des mécanismes indépendants de représentation. Il semble qu’au Costa Rica, il en aille potentiellement de même. En articulant la défense d’intérêts religieux spécifiques à un certain désenchantement face au jeu politique traditionnel et en facilitant l’accès aux structures du pouvoir à des acteurs sociaux subalternes, l’action d’un parti confessionnel évangélique peut aller en se développant.Il est vrai, comme l’affirme le pasteur Marcos Ruiz, que ??l’?tat costaricien s’est montré capable d’incorporer les secteurs les plus conflictuels et les a intégrés à un modèle social qui permet une convivialité de concertation??. Pour l’instant, la capacité que manifestent les partis politiques hégémoniques à mobiliser des acteurs politiques qui se définissent comme évangéliques leur permet de coopter les instances dirigeantes et de marginaliser les partis confessionnels évangéliques. Mais ceci n’empêche pas que la pluralisation religieuse en cours ne puisse favoriser pour des minorités religieuses actives le passage à une stratégie politique corporatiste plus affirmée et surtout plus indépendante dans les années à venir. L’accord signé entre le PRC et le PUSC à la fin avril 1998 va dans ce me en a fait état l’influent quotidien La Naci?n?, l’appui du seul député évangélique de l’Assemblée a été décisif pour l’élection d’un directoire législatif aux mains du PUSC, le 1er mai 1998?. En échange de ce vote le PUSC se serait engagé à ??permettre l’éducation biblique des enfants évangéliques dans les écoles, à reconna?tre aux pasteurs une autorité légale afin d’inscrire les mariages au registre civil et leur accès aux h?pitaux et aux prisons, à destiner un terrain aux églises évangéliques dans les nouvelles zones d’urbanisation??. En outre le PUSC se serait montré disposé à ouvrir un bureau des affaires religieuses ??tenu par des membres du PRC??.[231]La réaction de la plus haute autorité catholique en la personne de l’archevêque Mgr Roman Arrieta fut immédiate et porta sur le caractère problématique et conflictuel de toute réforme légale en matière religieuse. Un tel commentaire a contraint le président de l’Assemblée législative, le député social-chrétien Luis Fishman, juif de confession, à faire marche arrière en jugeant ??irréaliste?? l’éducation religieuse particulière pour les enfants évangéliques dans les écoles publiques tout comme l’insertion d’un terrain réservé au culte protestant dans les nouveaux plans d’urbanisation. Mais ce fait politique apparemment mineur est sans aucun doute nouveau au Costa Rica. Il est un révélateur et un analyseur privilégié à la fois du rapport de forces que tentent d’engager certains secteurs évangéliques, avant tout pentec?tistes, et de l’utilisation pragmatique par les partis hégémoniques de ce vote clientélaire dans un contexte d’affaiblissement relatif de leur hégémonie.ConclusionAu sein des sociétés pentec?tistes du Costa Rica s’affirme avec force le dépassement de la division entre sphère publique et sphère privée, entre domaine de la politique et domaine des valeurs religieuses. Ce travail d’articulation s’élabore au travers de l’imaginaire de la ??guerre spirituelle?? qui met en ?uvre une remise en question religieuse de la mauvaise gestion politique de la crise économique et sociale que traverse le pays.Ce discours sur les forces de l’invisible est à la base d’un processus de subjectivation qui transforme les pentec?tismes en acteur social et politique. A partir d’une extériorité discursive infra-politique, celle de la louange, étrangère à l’univers du discours politique rationnel du contrat s’exerce une pression délégitimante du pouvoir politique. Cette délégitimation correspond à la conviction diffuse dans la société (mais croissante par l’abstentionnisme marqué lors des élections de 1998) que l’action politique n’est rien d’autre qu’une lutte et un conflit entre groupes économiques et politiques qui se partagent le pouvoir.Mais alors que l’on aurait pu supposer que l’affirmation forte de besoins religieux enthousiastes éloigne les populations pentec?tistes du politique en le réduisant à un champ sans importance, le contraire se produit. En refusant de se privatiser et en créant des relais politiques confessionnels, le pentec?tisme atteste une capacité de mobilisation collective et force le politique à évaluer le secteur évangélique en termes d’acteur.Sur le plan religieux, les acteurs pentec?tistes tentent de combattre le monopole et les privilèges de l’?glise catholique dans un ?tat qui reste [232] confessionnel, même s’il est constitutionnellement pluraliste. Ils revendiquent un statut juridique identique à celui de l’?glise catholique et les prérogatives qui en découlent. Sur le plan sociopolitique, les organisations confessionnelles évangéliques sont un instrument de négociation corporative pour des secteurs sociaux subalternes habitués à subir les pressions d’un pouvoir qui les considère comme ??des citoyens de deuxième catégorie??. Elles leur facilitent l’accès direct au jeu politique, c’est-à-dire à la citoyenneté?, ce qui tout compte fait contribue à renforcer la démocratisation.Sources hémérographiquesALC, Agenda Latino-Americana y Caribe?a de Communicati?n, San José-Lima, 1998.Al Día, San José, Costa Rica, 1998.Eco Cat?lico, San José, Costa Rica, 1997-1998.La Nation, San José, Costa Rica, 1997-1998.Maranata, San José, Costa Rica, 1982-1998.Entretiens approfondisAlvarado Miguel, pasteur pentec?tiste, Cartago.Arraya Guillen Carlos, cadre politique du PUSC, San José Ruiz Marcos, pasteur luthérien et ancien cadre des jeunesses du PLN, San José.[233]Imaginaires politiques et pentec?tismes.Afrique / Amérique latine.DEUXI?ME PARTIE?: AM?RIQUE LATINE11“Ha?ti : le pentec?tismeface à la déshumanisation.”André CORTEN?Retour à la table des matièresDepuis des siècles, mais plus particulièrement depuis quarante ans?, une partie de la population ha?tienne est réduite à la misère absolue?. Depuis cette époque, une langue politique de la déshumanisation émerge faisant de cette misère une réalité banale?. La misère absolue est banale pour l’homme politique qui s’en sert dans ses stratégies de manipulation, elle est devenue acceptable? pour l’homme de la rue qui, dans une promiscuité dégradante, a perdu tout contact avec lui-même?. La langue politique [234] de la déshumanisation pénètre la société à travers un discours de diabolisation qui, en surnaturalisant la nature du mal (politique)?, le masque. Différents courants religieux alimentent cette diabolisation, allant du vodou au protestantisme. Dans cette mise en acceptabilité de la déshumanisation, le religieux et le politique sont profondément imbriqués. C’est dans ce contexte que le pentec?tisme et, plus généralement, la pentec?tisation de la société constituent une clef non négligeable d’interprétation de l’évolution de la société ha?tienne.Le vodou est l’imaginaire de base de la société ha?tienne. Rares sont les Ha?tiens qui n’accordent aucun crédit à ce monde surnaturel qui structure le champ religieux et jusqu’à un certain point le champ politique. Pendant longtemps, les présidents ha?tiens ??jouaient des deux mains???, taxant le vodou de barbare tout en faisant venir ses prêtres au palais. Les catholiques, après avoir combattu son ??monde de superstitions??, le traitent aujourd’hui comme une culture populaire qu’il vaut mieux contr?ler que rejeter.Les protestants continuent à le prendre très au sérieux. Si la proportion de protestants est tellement élevée en Ha?ti? - peut-être 30%? - c’est parce qu’on croit aux forces du mal et que le protestantisme est supposé offrir un refuge contre celles-ci. Le pentec?tisme se greffe sur ce rapport très fort aux puissances occultes et l’altère. De refuge, il se transforme en source de renforcement positif, d’??empowerment??. Le pentec?tisme réactive le rapport aux forces du mal en le modifiant et renouvelle par là l’imaginaire politique. ? travers sa narration de la conversion, il fournit un rempart, mais non une alternative, à l’émergence de la langue politique de déshumanisation en traduisant dans un imaginaire de forces invisibles l’imaginaire de la transparence. [235]Vodou et conception persécutive du malMétraux? avait déjà montré comment coexistent dans le Ha?tien contemporain plusieurs types religieux?: vodou, catholicisme, protestantisme. Dans une thèse récente, Lamartine Petit-Monsieur a repris ce thème?. Les vodouisants sont en général catholiques et, malgré et peut-être à cause des campagnes anti-superstition (1898, 1941), la plupart des catholiques continuent à croire à des puissances surnaturelles appartenant au monde du vodou. En cas de maladie, peu de catholiques rejettent complètement le recours aux doktè-fey (médecine par les plantes) ou au bokò (prêtre vodou)?. Par ailleurs, même si la condamnation de l’idol?trie et de la vénération des saints - les Iwa (prononcer loas), les génies du vodou, sont souvent présentés sous l’image de saints - coupe plus radicalement le protestantisme du vodou, il arrive que le protestant soit un ancien houngan (autre nom pour prêtre vodou) converti qui continue à être consulté pour les ??dons de guérison?? qu’il manifeste?. La glossolalie des pentec?tistes évoque la transe du vodou. Quant à l’Armée céleste (ce mouvement pentec?tiste rebelle dont on parlera plus loin), elle emprunte certains éléments du rituel vodou. Le vodou est un langage commun à tous les Ha?tiens.Certes, le vodou a perdu de sa légitimité avec la manipulation qu’en a faite le dictateur Fran?ois Duvalier (1957-1971). Le vodou a été dévoyé et son monde surnaturel a été tourné contre le peuple?. Ce ??dévoiement?? entre en fait dans un processus général observé dans de nombreux pays: avec la crise des systèmes sociaux, les religions d’origine africaine ont tendance à se dégrader en une conception persécutive du mal. Le moindre succès obtenu dans la lutte pour sortir de la misère est, selon cette conception, hypothéqué par la persécution dont on est l’objet de la part d’envieux. Celui qui prospère est lui-même accusé de sorcellerie. La figure du sorcier émerge comme celui qui réussit parce qu’il utilise des forces du mal. En Ha?ti, comme dans beaucoup de pays africains, la figure du sorcier devient aussi la figure politique par excellence. La conception persécutive du mal est la toile de fond à partir de laquelle on apprécie non [236] seulement les rapports entre les personnes mais aussi la manière dont on se représente les acteurs politiques.Au départ, le vodou n’est pourtant pas le monde de la sorcellerie. Comme l’explique Hurbon, il est un langage rendant compte tout autant du bénéfique que du maléfique. Les Iwa - les génies du vodou - ont toujours une double face?; ils protègent, mais ils peuvent aussi se venger quand on les a négligés. Se répartissant en trois grands rites - le rite Rada, le rite Kongo et le rite Petro -, certains Iwa apparaissent doux, d’autres amers, voire mauvais. Le rite Rada honore des esprits d’origine dahoméenne?; c’est le rite principal, les esprits y sont doux. Le rite Kongo correspond aux Iwa d’origine bantoue?; les esprits y sont exubérants et exigeants. Enfin, il y a le rite Petro qui provient de la colonie de Saint-Domingue elle-même. Les esprits ??créoles sont revanchards, amers et violents???.Le vodou est un langage qui relie les esprits, les éléments de la nature (notamment les arbres reposoirs?), les vivants et les morts?. C’est un langage qui est à la fois un imaginaire et une communauté réelle. Chaque élément prend sa signification à partir de la cosmovision générale. Il y a du mal mais il a un sens. Un déséquilibre potentiel est néanmoins inscrit dans l’imaginaire vodou à travers l’image des sorciers, des sociétés secrètes, des ??envois morts???, etc. Ce déséquilibre dénature le vodou lorsque les puissances du mal ne sont plus utilisées pour protéger la communauté mais sont au contraire tournées contre elle. Le mal n’est plus ce qui soude la communauté. Se développe alors une conception obsessionnelle de la persécution. Le protestantisme historique et ensuite le pentec?tisme tiennent beaucoup de leur expansion de cette obsession.Les protestants historiquesContrairement aux autres pays latins, le protestantisme historique a une longue histoire en Ha?ti. Encore aujourd’hui, il est très important. Il regroupe plus de la moitié d’une communauté protestante en pleine expansion et [237] qui prétend - non sans exagération - rassembler 40% de la population?. Ailleurs en Amérique latine, les protestants historiques ne représentent plus que le tiers ou même le quart d’une communauté protestante devenue principalement pentec?tiste mais ne dépassant que rarement 15% de la population.Le protestantisme se développe en Ha?ti au lendemain de la déclaration d’indépendance (1804). A ce moment, l’?glise catholique perd le monopole qu’elle exer?ait depuis le début de la colonie et qui lui avait permis de réprimer les convictions des huguenots, premiers habitants fran?ais d’Ha?ti. Au début, la pénétration du protestantisme procède d’un mouvement pour l’abolition de l’esclavage inauguré par les méthodistes wesleyens anglais (arrivés en Ha?ti en 1807 en provenance de Jama?que)? et les baptistes américains (1823)?. Ce sont les ?glises méthodiste et épiscopale qui, les premières, offrent une visibilité en Ha?ti. La stratégie d’implantation, qui touche plut?t des milieux favorisés, est l’éducation. Au cours du XIXe siècle, les protestants sont l’objet de persécutions à plusieurs reprises - notamment sous Soulouque? - et restent très minoritaires. A partir de 1880, les baptistes qui deviennent la principale dénomination protestante prennent vraiment pied en Ha?ti (ils avaient déjà fait des tentatives antérieures). En 1905, c’est au tour des adventistes? qui gardent aujourd’hui une bonne implantation?. Au tournant du siècle, méthodiste, baptiste et adventiste attirent plut?t des milieux favorisés et ont des difficultés à pénétrer les milieux populaires.La première grande expansion protestante a lieu dans les années 30. Certains l’attribuent à l’occupation américaine (1915-1934)?, d’autres sont plus réservés?. Au début, cependant, les pourcentages sont très [238] faibles. Selon Romain?, les protestants ne forment que 1,5% de la population en 1930, 3% en 1940, 7% en 1950, 10% en 1960 et 13% en 1967- 1968. Le recensement de la population de 1982 les évalue à 18,5%. L’enquête de Houtart et Rémy de 1996? donne le pourcentage de 39% pour Port-au-Prince (24,3% dans le recensement de 1982). Si ces résultats sont représentatifs? et si les proportions relatives de protestants à Port-au-Prince et en province n’ont pas varié depuis 1982, on devrait avoir pour la fin des années 90 une proportion globale de la population protestante ha?tienne de 30%. C’est effectivement à ce pourcentage qu’arrivent les deux auteurs suite à leurs enquêtes réalisées en 1997 dans les villes moyennes et en milieu rural. Dans les autres villes que Port-au-Prince, les protestants représentent, selon les mêmes enquêtes, 22,7% de la population et, en milieu rural, 25,7%. La moyenne globale proposée dans la publication finale est dès lors de 28,7%?.L’expansion du protestantisme en Ha?ti est en premier lieu une réaction face à l’omniprésence de la conception persécutive du mal qui se révèle même dans la campagne anti-superstition de l’?glise catholique? de 1941. Même si cette campagne est en partie dirigée contre les ??sectes??, elle profite paradoxalement aux protestants. L’expansion est en second lieu - peut-être à partir de 1986? - une réaction à la baisse d’influence de l’?glise catholique. Selon Houtart et Rémy?, les catholiques ne seraient plus que de 49,6% à Port-au-Prince en 1996-1997 et de 55,9% dans l’ensemble du pays?. Ceux-ci représentaient encore, dans le recensement de 1982, 72,9% de la population à Port-au-Prince et 80,3% dans l’ensemble du pays.Le protestantisme historique en Ha?ti sert de rempart face au ??barbare imaginaire??? qui sommeille dans les campagnes et dans les milieux pauvres. Le protestantisme se sert ainsi du discours européen qui a construit la figure du barbare, du cannibale, du zombi et du sorcier et qui a été repris à son compte par l’élite ha?tienne catholique?, laquelle le radicalise face à [239] la montée de la misère. Pour des couches moyennes et moyennes élevées, le protestantisme est un moyen de créer un cordon sanitaire face à cette misère et à la ??déchéance?? des milieux paupérisés. Dans une société à faible différenciation sociale?, il est une bouée pour ceux qui veulent se distinguer de la masse et offre même des perspectives de mobilité sociale?. Ces perspectives, en grande partie illusoires, sont suggérées par les contacts nombreux que les pasteurs entretiennent avec des églises américaines et les voyages qu’ils font fréquemment aux ?tats-Unis?.Le protestantisme offre un refuge contre l’obsession des forces du mal. La diabolisation est introduite à travers un préjugé social sur l’arriération. Le peuple a un commerce avec le diable?! Se distancier du monde du péché - ??du monde?? -, c’est se protéger de l’emprise des mauvais esprits auxquels le peuple croit et auxquels le protestant croit malgré tout aussi. La communauté des croyants qui devient ainsi une société parallèle n’ouvre pas pour autant un espace de visibilité. Entre croyants, elle fonctionne sous le mode de la fusion. Ensemble, on doit regarder vers le ??haut?? et éviter de s’impliquer dans les coutumes ha?tiennes. Les croyants sont sous l’?il de Dieu et sous ce regard toutes les superstitions se dissipent. On trouve là un élément de l’imaginaire de la transparence. Il s’agit toutefois d’une transparence tout à fait sélective. Dans cet imaginaire, la déshumanisation liée à la misère absolue est niée, comme le sont aussi les ??coutumes ha?tiennes??.Les pentec?tistesLe taux d’accroissement relatif du protestantisme conna?t un sommet dans les années 40. On observe durant la décennie 1930-1940 une augmentation de 200%?. Cette augmentation correspond à l’introduction du [240] pentec?tisme nord-américain en Ha?ti?: en 1929, l’?glise de Dieu en Christ (la plus importante ?glise noire américaine), en 1934, l’?glise de Dieu (fondée en 1907 à Cleveland, Tennessee, elle est la deuxième plus importante ?glise pentec?tiste américaine à rayonnement international après les Assemblées de Dieu), en 1938, l’?glise de Dieu de la prophétie (une scission de la précédente, également nord-américaine), en 1957, l’?glise pentec?tiste unie et, en 1958, les Assemblées de Dieu?. Selon Romain, ces cinq ?glises comptaient en 1982 une centaine de milliers de fidèles, les ?glises de la prophétie et de Dieu étant les plus attractives?. Le pentec?tisme est néanmoins encore très minoritaire par rapport aux baptistes qui comptent 491 329 fidèles selon le recensement de 1982. Très globalement, on peut estimer qu’aujourd’hui ces cinq ?glises pentec?tistes comptent un demi-million de fidèles, l’autre demi-million de pentec?tistes étant répartis dans une vingtaine de dénominations de moindre importance (le plus souvent d’origine américaine) ou dans de nombreuses petites ?glises indépendantes. On peut y inclure les ?glises mixtes (Nazaréen, Mission évangélique pour la foi, etc.). Quant au baptisme, il réunit près d’un million de fidèles, tandis que les autres dénominations du protestantisme historique et les adventistes comptent sans doute un quart de million d’adeptes.Il est symptomatique qu’en 1941, ??pour des motifs inconnus l’?glise de Dieu fut l’objet d’une ordonnance gouvernementale par laquelle elle se voyait interdire toutes manifestations publiques???. Cette interdiction est-elle en rapport avec la campagne anti-superstition?? Serait-elle due au fait que l’?glise de Dieu est vue comme partageant le même terrain que le vodou?? Romain n’affirme-t-il pas que ??le culte pentec?tiste... restitue l’atmosphère des cérémonies vodou?? et que le parler en langues se rapproche souvent de la possession??? ? partir de ce moment, ce genre de culte est une menace pour l’?glise catholique. L’atmosphère chaude et corporelle des cultes pentec?tistes contraste avec l’atmosphère froide et aseptisée des messes catholiques. Bon nombre de catholiques des milieux populaires sont attirés par ces nouveaux mouvements religieux?. Ces mouvements se caractérisent, en effet, non seulement par un style de cultes totalement différent mais par le fait qu’ils s’implantent dans les milieux populaires.[241]Le protestantisme, qui servait à se différencier (face à la masse) dans une société ha?tienne caractérisée par sa faible différenciation, prend une fonction nouvelle à partir de cette époque. Dans une perspective de différenciation, on pouvait se préoccuper du salut dans une autre vie - c’était une manière de se distinguer des préoccupations de survie quotidienne. Dans sa nouvelle fonction, le pentec?tisme doit au contraire apporter des solutions dans la vie immédiate. C’est ainsi qu’il peut prétendre concurrencer le pragmatisme du vodou et s’adresser aux milieux populaires. Il correspond à l’émergence de nouveaux besoins religieux dont il est, dans son développement transnational, la cristallisation la plus accomplie?.Les ?glises pentec?tistes, à la différence des ?glises du protestantisme historique, sont fondées et dirigées, en particulier depuis 1963 (date à laquelle, sous le gouvernement de Kennedy, de nombreux ressortissants américains sont rappelés suite à la vive tension entre le régime de Fran?ois Duvalier et l’administration américaine)?, par des pasteurs ha?tiens. Ceux-ci connaissent bien ce que Romain appelle, dans son vocabulaire ethno-psychiatrique, la ??structure psycho-sociologique ha?tienne??. ? ce sujet, il faut parler, dit-il, de ??délire de persécution qui prévaut dans une certaine mentalité, engendrant une psychose de peur et augmentant... le sentiment d’insécurité. (...) L’expédition d’?mes? contre une personne est chose courante...??. Et de conclure: ??Le protestantisme exploitera à fond cette psychose de la peur???.Le protestantisme exploite cette peur pour provoquer des adhésions. Il le fait de fa?on différente selon qu’il s’agit du protestantisme historique ou du pentec?tisme. Le premier fonctionne à partir d’un réflexe de refuge, le second à partir d’un réflexe de mobilisation. Ce dernier prend forme dans l’élaboration de contresignes face au vodou, réintégrant néanmoins certains de ses éléments?. Les prophéties, la transe de la glossolalie, l’exorcisme et les gestes de guérison empruntent au rituel vodou pour mieux le dénoncer. Le pentec?tisme réactive l’imaginaire des forces invisibles en opposant à la peur un sentiment de confiance en la force de l’Esprit saint qui habite le converti. Ce sentiment de confiance prend place dans l’impression de sécurité que donne au croyant le fait de retrouver son monde familier. Certes, le croyant vit sa conversion comme une [242] transformation radicale de son existence, mais celle-ci lui permet à travers les contresignes de sentir une proximité avec sa communauté culturelle. Même si tout cela est vécu sous le mode de l’émotion, la ??machine narrative??? du pentec?tisme permet une réappropriation d’éléments culturels importants et fournit au croyant une base d’appui pour le redéploiement de celle-ci. Cela va rendre compte de la force ??illocutoire??? de ses énoncés.La participation des protestants à la vie politiqueSi, pour beaucoup de protestants, la politique est assimilée au diable, le méthodisme, l’épiscopalisme et, dans une moindre mesure, le baptisme ont pris part à la vie politique à travers leurs représentants. Quoi qu’il en soit, la grande majorité des ???glises offrent le spectacle d’une éthique de soumission et ne semblent jamais s’interroger sur la légitimité du pouvoir??? - ??les autorités viennent de Dieu??. On compte néanmoins un certain nombre de personnalités protestantes ouvertement critiques vis-à-vis des régimes dictatoriaux.Par exemple Rosny Desroches?, un méthodiste qui dirige le Nouveau Collège Bird - ce collège qui accueille même à un certain moment Jean-Claude Duvalier comme élève - est connu comme un opposant au régime. En tant que personnalité indépendante, il fera partie en 1986 du premier CNG (Conseil national de gouvernement) comme ministre de l’?ducation. Un autre opposant protestant est Sylvio Claude. Il est le premier, à peu près en même temps que Grégoire Eugène?, à fonder un parti d’opposition - PDCH en 1978? - suite à la promesse (non tenue) de Jean-Claude Duvalier (président de 1971 à 1986) d’organiser des élections [243] libres. Il essaie de donner une place au protestantisme dans les dernières années du ??jean-claudisme??. Arrêté une dizaine de fois de 1978 à 1986, Sylvio Claude est la personnalité politique protestante la plus en vue mais en marge de la hiérarchie protestante qui est plut?t liée au pouvoir. En effet, ce n’est que dans les dernières semaines avant le départ de Jean-Claude que Radio Lumière - proche de la Fédération des ?glises protestantes? et sans doute financée par une aide américaine - s’engage dans le mouvement d’opposition. C’est à la dernière minute qu’une proclamation est signée par des dirigeants protestants. Celle-ci condamne l’??injustice et l’oppression?? et plaide pour une solution rapide à la crise qui devrait permettre aux Ha?tiens de vivre ??une vie de dignité???.Sylvio Claude émane plut?t de la classe moyenne inférieure. Il est petit-fils et fils de pasteur pentec?tiste et se présente lui-même comme pasteur?. Il ne cible pas pour autant un milieu confessionnel déterminé. Avec le renversement de Jean-Claude Duvalier, ce sont des notables protestants qui occupent une place dans les nouvelles institutions et Sylvio Claude continue à développer son parti à la base?. Il est candidat lors des élections annulées de 1987 et arrive en cinquième position aux élections présidentielles de décembre 1990 (avec 3% des suffrages). Il est ensuite assassiné dans des conditions atroces et suspectes le 28 septembre 1991?.Avec neuf députés au Parlement, le PDCH continue à fonctionner durant le régime de facto (1991-1994) et participe à plusieurs gouvernements. Quant au baptiste Charles-Poisset Romain, auteur du Protestantisme dans la société ha?tienne, il est ministre de l’?ducation nationale dans le dernier gouvernement de facto Jonassaint (mai-octobre 1984) comme personnalité indépendante. La hiérarchie protestante était en général réservée par rapport au retour d’Aristide, mais une partie de celle-ci reste pourtant anti-putschiste?.[244]Un an après le retour d’Aristide, les protestants reprennent l’initiative. Avec un style plut?t pentec?tisant, de vastes rassemblements sont organisés. Des croisades sont lancées. En octobre 1996 puis en ao?t 1997, de grandes thé?tralisations sont organisées pour ??consacrer le drapeau ha?tien au Seigneur??. Des cérémonies de ??déchoukage? des esprits des ancêtres?? sont tenues sous l’égide d’?glises pentec?tistes indépendantes. Des pasteurs sont arrêtés: occasion pour donner au mouvement un caractère plus politique. Différentes organisations se forment regroupant des protestants de toutes dénominations. Certaines ont des objectifs électoraux, comme le Mochrenha?, d’autres se présentent comme des mouvements de moralisation de la vie publique. C’est notamment le cas du Mocha? et des Forces morales?.Le PDCH (animé notamment par les filles de Sylvio Claude) compte tirer parti de cette effervescence pour se redonner une base plus large tandis que des personnalités connues, tel Chavannes Jeune de la MBSH (Mission baptiste du sud d’Ha?ti à partir de laquelle est émise Radio Lumière), se réservent un r?le de rassembleurs. Dans cette mouvance, on trouve un mélange d’imaginaire (importé) d’espace public et de transparence - circulent des formules comme ??moralité, popularité et capacité?? - et d’imaginaire de forces persécutives. Dès 1791, va-t-on répétant, Satan a été intronisé comme ??l’auteur spirituel de lutte pour l’Indépendance?? et, ??depuis lors, le contrat est signé avec des esprits dénommés “dieux tutélaires de la nation”???. La diabolisation des adversaires politiques reste pourtant contenue. Pour des raisons électoralistes, la main est tendue aux vodouisants. Par ailleurs, à travers le discours de Renaissance nationale, on maintient le peuple dans un état d’objet passif. Il s’agit de ??remettre le pays à Jésus-Christ???.Le discours politique évangélique a recours aux deux imaginaires sans parvenir à les articuler. Il correspond au malaise d’une élite de classe moyenne qui prend de l’importance avec l’accroissement quantitatif du camp protestant et avec l’affaiblissement de l’?glise catholique. Se présentant comme ??sauveur?? au nom du Christ, cette élite fait preuve dans [245] son discours d’un complexe d’autodépréciation qui exprime un double ressentiment. Bien qu’en relations constantes avec les pasteurs de missions américaines qu’ils tentent d’imiter, les dirigeants des ?glises évangéliques ha?tiennes souffrent d’être toujours dans une position subordonnée vis-à-vis de ceux-ci. Ils sont aussi dans une position d’éternels seconds par rapport aux notables de l’?glise catholique que le Concordat (1860) a systématiquement favorisés. Leur ressentiment se nourrit d’une complaisance pour l’humiliation. ??Le Pacte pour la refondation et la renaissance nationale?? de l’organisation Forces morales est émaillé de phrases comme la suivante?: ??Confessons que collectivement nous avons mal géré le pays, détruit le riche patrimoine légué aux prix de grands sacrifices par les ancêtres et nous en avons fait une poubelle et une terre de calamité???.L’apparition sur la scène politique de mouvements protestants à prétention électoraliste indique l’émergence d’une nouvelle élite de classe moyenne. Nous l’avons vu, jusqu’en 1995, les protestants avaient eu deux formes de participation à la politique?: d’une part, à travers certains notables protestants traditionnellement reconnus comme faisant partie des milieux aisés (et ceci notamment à travers la filière suisse?) et, d’autre part, à travers un populisme social-chrétien?. Tablant sur la désillusion d’une partie des milieux populaires face au charisme prophétique déchu d’Aristide?, une élite provenant de nouvelles couches moyennes exprime ses prétentions de trouver dans la dégradation économique et politique un moyen de s’affirmer à travers un discours surnaturalisé de salut public. Ainsi, le pasteur Luc Mésadieu (Mochrenha) aurait été appelé par Dieu pour mener le peuple à une ??nouvelle Ha?ti??. Cette élite acquiert une certaine consistance dans la mesure où elle prend part à la fascination de plusieurs élites naissantes ou renaissantes face à la misère absolue. Cette fascination commune fonctionne de pair avec la diabolisation de l’adversaire. Tout en utilisant une rhétorique différente, cette nouvelle élite protestante contribue à Y acceptation d’une politique du pire. Elle renforce par là, la base sociale de la langue politique en émergence?. [246]Le pentec?tisme?:un rempart face à la déshumanisation??La pentec?tisation de la société ha?tienne (se manifestant dans la propagation des rituels pentec?tistes dans toutes les formes de culte) ??raconte?? la confiance des croyants dans des dons surnaturels distribués sans intermédiaire par l’Esprit saint. Elle est une narration paradoxale de confiance en soi - d’??empowerment?? - des simples croyants face, d’une part, au discours social de la diabolisation et, d’autre part, à la langue politique de la déshumanisation (produite par l’acceptation d’une politique du pire entretenant la misère absolue). Cependant, si le pentec?tisme donne aux croyants la conviction qu’ils sont investis d’une puissance, celle-ci ne donne pas directement forme à un cadre d’intégration dans la société. Le pentec?tisme ha?tien ne fonctionne pas comme l’éthique protestante classique, il est incapable de fournir un cadre d’aspirations et de mobilités sociales. Le croyant reste dans son milieu de misère car la stagnation est la tendance séculaire de la société ha?tienne. Dans l’activisme des pasteurs et des auxiliaires, il y a bien l’espoir d’entrer dans un réseau qui pourrait conduire jusqu’à l’émigration aux ?tats-Unis mais cela reste en grande partie de l’ordre du fantasme?. Il y a dans le pentec?tisme une narration qui est plus forte que ce fantasme. Cette narration trace dans l’esprit du converti comme dans celui de ses voisins une frontière entre son univers de puissance, où il se donne l’impression d’avoir un certain contr?le sur sa vie (contr?le surtout symbolique), et l’univers des forces maléfiques qui se confond avec le climat de terreur?.En établissant cette frontière, le pentec?tisme fournit un rempart contre la langue politique de la déshumanisation. Face à la diabolisation de l’adversaire, amenant chacun à admettre l’emploi de n’importe quel moyen pour se protéger des forces persécutives du mal, et face à la politique du pire et sa complaisance pour la déshumanisation, le pentec?tisme oppose des inhibitions normatives inspirées par l’expérience d’une ??nouvelle vie?? racontée par son récit de conversion. Il offre surtout un imaginaire de transparence faisant reculer les forces invisibles du mal hors de l’horizon mental des croyants. Ce recul qui est continuellement à renouveler est obtenu, à leurs yeux, gr?ce au pouvoir supérieur de l’Esprit saint. L’imaginaire de la transparence est associé à l’univers du bien - la réalité de la déshumanisation lui échappe. Même si la menace plane toujours, la contradiction est extérieure à l’espace de transparence. [247]Les croyants transforment l’image du monde dans lequel ils vivent par le magnétisme (par la force ??illocutoire??) de leur discours. Ce magnétisme ne résulte pas de qualités personnelles mais d’une ??machine narrative?? à succès. La conversion intervient comme la manifestation de l’entrée (quasi forcée) des individus dans cette machine. En fait, le converti, bien avant sa conversion, s’était laissé engager plus ou moins inconsciemment dans un ??contrat de parole???. Il écoutait, parfois de mauvais gré, ses familiers, ses voisins ou encore la radio évangélique parler de vie nouvelle et de miracle. De même que le ??miracle?? auquel elle est associée, la conversion est une sorte de coup d’?tat discursif qui fait aussi le succès de la machine narrative évangélique. Sous l’effet de ce coup discursif, le converti se raconte les choses autrement. Il se plaignait de tout ce qu’il devait endurer, maintenant il parle de dignité. La promiscuité - le fait de tomber les uns sur les autres, comme disait Arendt? - était le contraire de la transparence, maintenant elle est posée comme visibilité?, voire comme champ d’exemplarité.La ??machine discursive?? met en d’autres formes la vie quotidienne. Elle met également en d’autres formes la vie politique. Le pentec?tisme introduit dans l’imaginaire des éléments de transparence spirituelle ou morale. On était conscient des turpitudes, des chantages, des calculs et des compromis douteux des politiciens du niveau local au niveau national et international, mais on acceptait la ruse si on pouvait en tirer intérêt. La ??machine narrative?? du pentec?tisme va faire qu’on adhère à des personnalités politiques en fonction de leur honnêteté, de leur bonté, de leur compassion, en bref, de leurs qualités morales. Aristide fait merveille dans cet imaginaire. On pourrait même dire paradoxalement qu’Aristide (le prêtre catholique, proche de la théologie de la libération) est le produit de la transformation de l’imaginaire par le pentec?tisme. Longtemps, il est d’ailleurs soutenu par le pentec?tiste de la base. C’est ce même pentec?tiste qui, par rapport à l’ex-président prophète, exprime le plus sa désillusion comme déception morale. Toutefois, n’ayant pas d’instruments cognitifs pour analyser le changement, il retombe facilement dans la diabolisation.Au niveau argumentatif, le discours pentec?tiste n’est capable ni de démasquer le discours de la diabolisation, ni de contrer la langue politique de la déshumanisation. En effet, il fonctionne avec des procédés [248] cognitifs de raccourcissement des raisonnements? qui sont souvent analogues au manichéisme et aux dispositifs d’acceptabilité de la déshumanisation?. Par contre, il est capable par sa puissance de conviction, c’est- à-dire en fait la force d’??illocution??? de sa ??machine discursive??, de balayer l’obsession des forces invisibles du mal. Les relations entre personnes prétendent s’établir en toute clarté. Dans cet imaginaire, le mal n’est pas de l’ordre de la culpabilité, il est de l’ordre de forces extérieures. Une fois ces forces chassées, la clarté advient.La mise à l’écart de forces diaboliques de l’horizon de transparence est un effet du discours pentec?tiste dans son rapport à la misère. La misère ne se présente plus comme désolation et ceci gr?ce à la dignité recouvrée par le discours de conversion. Il y a un dispositif discursif qui produit un refus de toute complaisance pour la misère et tout apitoiement sur soi. La consolation qui y est donnée est une célébration effectuée dans la glossolalie?. La communauté de l’?glise n’est pas une foule, les individus réunis se trouvent renforcés à partir du ??contrat de parole?? auxquels ils participent. Les pentec?tistes résistent au comportement de foule qui est parfois, comme dans le lynchage des tortionnaires et des loups-garous, une manifestation de la déshumanisation. Ils sont capables de réagir individuellement au nom de forces surnaturelles.En bref, le discours pentec?tiste ne fonctionne certes pas à l’encha?nement argumentatif de séquences - l’espace de transparence qu’il ouvre ne repose pas, comme dans le modèle kantien, sur l’usage public de la raison? mais sur la mise en ?uvre par des actes de parole de la croyance dans des forces invisibles. En mettant en discours la puissance de celles- ci, le pentec?tisme donne un nouveau sens à l’espace public rendant les individus visibles les uns pour les autres malgré leur entassement physique. Avec ce travail de restructuration des forces invisibles, l’imaginaire de la transparence (en partie importé) se trouve profondément altéré. [249]Le mimétisme de l’??Armée céleste??En marge du pentec?tisme, et plus généralement du protestantisme, est apparu depuis les années 60 un mouvement religieux rebelle de type pentec?tiste?: l’??Armée céleste???. Ce mouvement est considéré comme satanique par les pasteurs des ?glises enregistrées. Il s’agit d’un mouvement dirigé par des pasteurs parfois autoproclamés, généralement peu instruits, mais charismatiques. En lutte contre la tiédeur des ?glises instituées, ce mouvement? se signale par l’exaltation entretenue dans les cultes, par les guérisons et par les prophéties.Il est symptomatique que cette ??armée?? se développe au moment où les forces paramilitaires duvaliéristes (constituées fin 1959)? prennent le contr?le de la société ha?tienne et de surcro?t dans une année (1963) de grande tension avec des groupes armés en provenance de l’extérieur (y compris avec la République dominicaine). La symbolique de l’armée est très présente dans le rituel en même temps que le caractère semi-clandestin du mouvement.Au moment où les volontaires de la sécurité nationale (confondus souvent avec les tontons macoutes?) recrutent dans le lumpen par dizaines de milliers, l’Armée céleste recrute dans ce même milieu déshumanisé par la misère absolue. Elle attire des croyants de toutes les ?glises et met en scène la puissance céleste dans un rituel dont plusieurs traits sont proches du vodou tout en étant des contresignes de celui-ci. Explicitement, elle rejette avec violence le vodou, mais les adeptes de l’Armée céleste trouvent dans celle-ci un univers familier. Il y a aussi une sorte de parodie de l’armée (pas martiaux, simulation d’armes automatiques, pseudo-galons sur les tuniques, etc.). Atmosphère de parodie qui fait penser au carnaval?. [250]Bien qu’on exulte, on ne sait jamais s’il faut prendre au sérieux les forces de malédictions que les ??capitaines?? envoient contre des ennemis virtuels.Sur le registre des sociétés secrètes, l’Armée céleste se trouve dans une situation de mimétisme face aux groupes paramilitaires. Ces groupes sont présents dans le duvaliérisme et durant le régime militaire (1991-1994), avec les ??attachés?? du FRAPH (??Front pour l’avancement et le progrès en Ha?ti??). Dans la période présente, les ??organisations populaires??? commencent à y ressembler. Le mimétisme est une manière de parodier ces groupes qui sèment la terreur - ils offrent de ce point de vue un rempart. En occupant une place symétriquement opposée et en se posant comme mue par l’Esprit saint contre les forces du mal, la parodie ne sort néanmoins pas du cadre des ??sociétés secrètes??. Elle brouille les frontières avec la désolation et la déshumanisation. Par rapport à un pentec?tisme plus classique, l’Armée céleste met en ?uvre un discours dont l’effet de conviction est performatif. Par là, elle ouvre un espace de transparence dans un monde de désolation. L’Armée céleste par son style de parodie rend par contre les délimitations de cet espace moins visibles.ConclusionDurant une dizaine d’années (1981-1994), un imaginaire de l’espace public s’est développé en Ha?ti, dans la ligne d’un mouvement démocratique en continuité avec l’éthique des communautés ecclésiales de base (active durant le mouvement de renversement de Jean-Claude Duvalier) et à travers des élections sous contr?le de la ??communauté internationale???. Ce contexte peut faire croire que l’imaginaire de transparence, porté par la pentec?tisation grandissante de la société et émergeant dans des discours évangéliques à teneur politique, prend place dans une logique de modernisation.Ce texte a essayé d’aborder la société ha?tienne en dehors de cette lecture modernisante. Il a tenté de situer le r?le des mouvements religieux dans Vacceptabilité de la déshumanisation par la société ha?tienne. Cette acceptabilité manifeste, en effet, la langue politique qui s’installe de plus en plus en Ha?ti derrière les parures de l’instauration de la démocratie. Cette acceptabilité opère sous le couvert de la surnaturalisation du mal [251] qui au bout du compte rend possible sa banalisation. Cette sumaturalisation emprunte le langage du vodou dans la conception des forces persécutives du mal, mais elle est tout autant entretenue par le protestantisme.Avec le pentec?tisme, il y a néanmoins rupture de continuité dans le jeu des imaginaires. On a vu que le pentec?tisme, sans sortir de l’imaginaire des forces invisibles, l’inverse et se libère en partie de la diabolisation par la puissance (la force illocutoire) de son discours sur une force supérieure. En partie, car le travail est continuellement à recommencer dans des opérations de chasse aux démons. Le pentec?tisme ha?tien introduit une revendication de transparence qui a pour effet de réagir face à la promiscuité et à la désolation. Il est finalement de ce point de vue un rempart contre les comportements déshumanisés et, par son discours, il délégitime les postulats de la politique du pire. Il ne forme pas pour autant une contre-langue politique. Simplement, il porte un imaginaire de transparence novateur qui ne s’identifie nullement au modèle importé (et chargé de ressentiments) de ses porte-parole politiques. Par ailleurs, par son mimétisme des groupes paramilitaires, le mouvement pentec?tiste clandestin, l’Armée céleste, ramène les croyants dans l’imaginaire traditionnel des forces invisibles. L’Armée céleste est l’exemple de ce travail continuellement à refaire dans la lutte contre les forces démoniaques. [252][253]Imaginaires politiques et pentec?tismes.Afrique / Amérique latine.DEUXI?ME PARTIE?: AM?RIQUE LATINE12“Politics and Pentecostal Imageryin Venezuela.”Angelina POLLAK-ELTZRetour à la table des matièresThe rapid expansion of Pentecostalism in Venezuela has caught the attention of scholars in recent years. Despite the fact that the first Churches were founded more than half a century ago, the movement only began to grow with great vigor during the eighties. Venezuela is a Catholic country, in spite of that a considerable number of Venezuelans are not even baptized. Their religious roots are found in folk-Catholicism, transmitted from generation to generation. While many people attend spiritist sessions and search for advice in esoteric circles, they attend mass at least at Christmas and during Holy week and celebrate wakes for the deceased. Nevertheless, they consider themselves to be Catholic. In recent years, the economic crisis has caused an increasing number of people to attend Evangelical churches and Afro-American temples. The number of Catholic seminarists has also increased. Venezuelans are pragmatic in their religious attitudes, as we shall see later.HistoryPentecostal missionaries arrived relatively late in Venezuela and at first people had little interest in the new faith. The first Pentecostal chapel was opened in Barquisimeto around 1920 by a North American missionary, Frederick Bender. Other Evangelical congregations, such as Presbyterian and Baptist, were founded earlier but their progress was also very slow. The first missionaries were foreigners, mostly North Americans, who [254] worked among the poor and ignorant. In 1940 the Pentecostal Church in Barquisimeto was taken over by the North American Pastor Irvin Olson of the Assemblies of God. He later moved to the capital and in 1942 founded the first Pentecostal congregation in Caracas, where he trained a number of young believers as religious leaders.These first indigenous missionaries soon founded their own congregations in the interior of Venezuela. Other independant self-trained pastors, under the influence of religious currents that came from the USA, such as the “Jesus only” or the Foursquare Gospel movements, gathered disciples and built chapels in different parts of the country. An indigenous charismatic movement incorporating some Pentecostal elements, the Iglesia Nativa de Apure, developed in the southern lowlands. Many chapels were opened in rural areas under almost illiterate but charismatic leaders.In the 50s and 60s a number of independant Churches were the result of schisms. Federations of Pentecostal congregations were founded and dissolved. Although the Assemblies of God was the largest federation, loosely associated with its North American headquarters, it had to compete with these independant movements. In the 60s most of the churches were already under the leadership of indigenous pastors. An important congregation, Iglesia de la Cruz in Maracaibo, developed over the decades under the leadership of a Venezuelan family.Pastor Puerta, a former pilot and charismatic preacher, traveled around the country with a group of young enthusiasts and had soon opened a few hundred Pentecostal cell groups in rural areas under the name of Luz del Mundo. Not all of them survived as Puerta later moved his headquarters to Jerusalem. Today he is back in Venezuela but not more than 20 or 30 of these congregations are still functioning. The Israeli flag decorates the altars in these churches and every year Puerta organizes a pilgrimage to Jerusalem. Some Venezuelan pastors are associated with North American denominations and obtain help from abroad. A few received training in the USA.Pastor Olson returned to the US but came back to Caracas in 1954 to found an independant church, the Iglesia Evangelica Pentecostal Las Acacias, the first congregation to attract a significant number of members from the well-educated urban middle class. His son, who was born in Venezuela but studied in the USA, is now head of this church that has a membership of several thousand believers. His religious style served as an example for the so-called reformed Pentecostalism that was soon imitated by other urban Churches.During the 70s when the economy was booming, Pentecostalism spread rapidly in both rural and urban areas. The few foreign pastors had died or moved back to their own countries, while a new generation of indigenous pastors was trained in local seminaries in Caracas and Barquisimeto. As far as Venezuela is concerned, it is incorrect to say that [255] Pentecostalism was an instrument of Yankee imperialism. On the contrary, ever since Pentecostalism was “creolized” it became popular, not only among the marginalized classes but also among educated urban dwellers. Some previously existing Evangelical congregations turned into Pentecostal communities, accepting the baptism of the Holy Spirit proved by glossolalia. During the 80s, large new congregations were founded in the cities of Caracas, Maracaibo and Valencia. Their members belonged to the new professional middle class.Since 1990 the Brazilian Neo-Pentecostal Churches have opened a large number of temples, mostly in cities, catering to people in search of solutions to their personal problems of health and prosperity. Today, about 5% of the Venezuelan adult population belong to Pentecostal congregations, while others remain “Catholic”, despite using the services of Neo-Pentecostal pastors or frequenting Evangelical Churches from time to time.Different Currents in Venezuelan PentecostalismIn order to get the full picture of Pentecostalism in Venezuela it is necessary to distinguish between different religious currents and styles.1- The traditional conservative groups are usually small and consist of lower-class urban or rural dwellers guided by uneducated but charismatic leaders, who have the same social background. The members of these congregations help each other spiritually and economically to cope with problems and adapt to the modem world. They adher to strict moral codes of behavior. The majority of these believers are not interested in politics but in their salvation. The Pentecostal imagery pervades their life and mind for the purpose of their own spiritual benefit. They are often fundamentalist and believe that the world will come to an end one day soon. They cooperate among each other as true brothers and sisters. They have a reputation all over the country as being frugal, sincere and honest and thus may be hired in preference to others. As they neither drink nor smoke, they spend their money on improving the family’s economic condition. Their lifestyle contrasts with the common machismo stereotype. An upward mobile trend is observed as an importance is placed on education.2- The new larger communities under the leadership of well educated pastors provide spiritual guidance to the upwardly mobile urban middle classes. Their members adher to less rigid moral rules in tune with modem life. Services are accompanied by pop music and dance. These congregations are frequently involved in social work, offering psychological guidance and health services to their members. Some [256] finance private schools. In recent years it has become common to visit prisons assisting inmates in solving some of their serious problems and helping with reintegration into society. Drug addicts are another target of Pentecostal missionaries.These new churches are rapidly growing. They make extensive use of the media. A number of Evangelical radio stations are on the air day and night and modern-style Pentecostal chants in the rhythms of pop music or salsa are becoming national hits. Videos, records and books are sold in Evangelical bookstores and after religious services. Rallies are sponsored in stadiums or public squares. In these Churches, politics has gradually become to play an increasing role. Financial aspects have gained importance due to the fact that the new prosperous Churches obtain large funds through collections.The large urban congregations are often divided into prayer groups of ten to twenty faithful, who come together once or twice a week in private homes to read the Bible and provide mutual spiritual and material aid to each other. The prosperous Churches organize benefit concerts, dinner parties or other events to raise money in the fashion of North American suburban congregations. The moral codes may be less strict but they still guide the life of the faithful. Many educated people who have lost the faith of their childhood and have faced hardship, have now found peace and happiness in Pentecostalism. Young people enjoy the beat music and chanting.Ecumenism is not common, on the contrary, some churches are in great competition among each other. Cooperation between Catholic priests and Pentecostal pastors is still the exception, although ecumenical marriages are celebrated occasionally. The Catholic Church no longer condemns ‘sects’ and is trying to find a way to cooperate or at least coexist with Pentecostal denominations in a positive way.3. - The Neo-Pentecostal churches Oracion fuerte al Espiritu Santo (Igreja Universal do Reino de Deus) and Dios es Amor arrived in Venezuela from Brazil during the 90s. Their pastors are strictly controlled from the headquarters in Sao Paulo, Brazil. These Churches apparently offer a solution to all human problems and incorporate many folk-religious elements. They emphasize the theology of prosperity and that of demonology, attracting mostly clients who previously consulted spiritists or belonged to Afro-American religious groups, such as the Cuban Santeria or Maria Lionza. Money plays an important role. The majority of those who attend these services remain nominally Catholic but are hoping to solve their problems in a new way. The Churches make use of the media, mainly radio and television. Exorcisms and testimonies are often transmitted live to impress or attract future clients.4. - The Catholic Charismatic renewal came to Venezuela around 1970 and after a period of stagnation has recently been revived. Famous preachers, [257] such as Ruben Darío Hoyos, facilitate meetings in theaters or arenas. The same modern religious songs are known by both Charismatics and Pentecostals. Besides these rallies, charismatic masses and private prayer groups have regular schedules in parishes. Charismatic healing has atracted many believers. The movement appeals to the young middle class as well as elderly housewives in search of solutions to their health and personal problems.Latin American Pentecostal Imagery and its Roots in Folk-CatholicismDue to the fact that Pentecostalism only developed in Venezuela during the last three decades, the majority of believers were born Catholic, although often lack formal religious education. In Venezuela, folk-Catholicism has absorbed many native Indian and/or African traits and the belief in witches, sorcery and - recently - in spiritism is widespread, not only among the uneducated but also among members of the upper social classes. Latin-American Pentecostalism has heavily drawn from this undercurrent, while North American Pentecostalism has its firm roots in pietism and the teachings of Wesley. In both regions however, there is a strong belief in the dichotomy good/evil or God/Devil.The Holy Spirit is invoked to fight evil spirits, who may be identified with Afro-American divinities, native spirits of nature and roaming souls. The forces of evil are responsible for many problems in the world. Fundamentalist and apocalyptic imagery play a part in Pentecostal discourse. One must change one’s life before the world comes to an end. In the Pentecostal churches, saints are replaced by the Holy Spirit as guide and helper. As mentioned earlier, the personal experience of sanctification i.e. baptism of the Holy Spirit, changes the lifestyle and ideology of believers. Pentecostal imagery makes them feel “born again”. The mobilization of the Pentecostal imagery of “invisible forces” for personal benefit - in a positive or negative way - can be compared to similar phenomena in Afro-American cults. This helps explain why cultists may often turn to Pentecostalism when they become dissatisfied with their divinities and why their deities are considered to be evil by the Pentecostals. It is true however that Latin- American Catholics also have strong beliefs in positive and negative “invisible forces” (saints and evil spirits). The belief in miracles is widespread in Latin America and is rooted in folk-Catholicism. Spontaneous testimonies of the faithful are also important in religious services.The baptism of the Holy Spirit, a personal experience of the power or invisible forces of the universe, enables believers to use the divine [258] charismas for the benefit of themselves and the community. Emotionally laden prayer or healing sessions are common. Glossolalic utterances are interpreted according to the needs of the faithful. Believers participate in the service with their mind, voice and body, often achieving a healthy catharsis. Importance is placed on public and private Bible readings. Many Pentecostals studied reading and writing in order to learn more of the Word of God. The feeling of comunitas is expressed by kissing and touching each others hands and shoulders. Pentecostal rituals are in tune with Latin American religiosity. The pastors are often excellent preachers and, in contrast to many Catholic priests, are familiar with the needs of their flock. With words, gestures and accompaning music an experienced pastor succeeds in altering the mood of the audience. The services offer genuine entertainment and relaxation while at the same time satisfy the religious needs of the believers. The beliefs in witchcraft and magic are common in the upper and lower classes of Venezuela and are accepted by Pentecostals. Pastors may occasionally exorcize evil forces in public ceremonies.The Neo-Pentecostal churches which arrived from Brazil in the course of the last decade are considered by my colleagues as “religious supermarkets”? or “markets of symbolic merchandise”?. Dramatization of faith combines reality with imagery. Believers participate in a magico-religious pageantry that incorporates symbols and other elements derived from folk-religious practices, such as popular Catholicism or spiritism. Holy water and oil, blessed images and talismans are widely used and may serve as protection against invisible evil forces, replacing medals of saints.These Churches stress the Theology of Prosperity that originated in the USA and is based on the neoliberal concepts of capitalism of our postmodern times. The traditional Pentecostal churches adher to the “protestant ethic” of Max Weber and state that one has to suffer in this life in order to reap benefits after death. The traditional credo does not foster personal initiative. In contrast, the Neo-Pentecostals state that God gives us the right to benefit from worldly goods and stay healthy, as long as we generously offer money to the church. This theology emphasizes “positive thinking” and a creative mentality, it fosters individualism?: one has to have faith in oneself and each one struggles on his own. Misery is the result of a lack of faith and ignorance. The basic aspirations of mankind, such as good health, prosperity and happiness can be obtained by paying tithes and having faith.The Theology of Demonology is the second ideological principle of these churches, based on the dichotomy God/Satan, good/evil. We are not responsible for our bad deeds, as the Devil works through our bodies. [259] Therefore the Pentecostal dogma of sanctification in its traditional form is no longer accepted by these Churches. The baptism of the Holy Spirit only offers charismatic gifts to the pastors, not to their clients, who only come to the temple when they are in need of assistance. The ordinary believer is baptized with water to be protected against evil forces. Verses of the Bible are cited occasionally but out of context and the holy book, placed on the head of a believer, is used to chase evil spirits away. I never observed glossolalic utterances by the clients, only manifestations of “diabolic possession”.The media are extensively used in the marketing of these churches. Exorcisms are transmitted live on radio and satisfied clients give testimony of miracles. Services take place several times a day, and the rituals of “miraculous curing” on Tuesdays and of “liberation from evil spirits” on Fridays in the Igreja Universal are well attended. In the temples of Dios es Amor itinerant Brazilian preachers direct curing and liberation rituals several times a week, attended by people in need of spiritual help. In this church the baptism of the Holy Spirit and prayer sessions are preserved, the faithful adher to strict moral rules.The religious merchandise in Neo-Pentecostal Churches has its price, although the pastors pretend that they work only for the benefit of the needy. Clients come to the services when they need assistance and still consider themselves to be Catholics. Only a few become diacons or “obreros” (helpers). Visitors to these temples may have consulted santeros or mediums of the Cult of Maria Lionza until they find a solution.Neo-Pentecostal Churches compete in the religious market with Afro- American, spiritistic and esoteric movements that proliferate in Venezuela due to the poor economic situation and a globalization of such rituals. The pastors adapt elements of these trends and also of folk-Catholicism, with which the clients are familiar. Let me cite a few examples?: many Catholics pretend to communicate with the dead or with saints through visions and dreams. In the Neo-Pentecostal Churches visions relate to the Holy Spirit. Catholics use medals and images of saints for protection. The Neo-Pentecostals offer different objects for the same purpose. Holy water and oil are common in folk-religious practices. Neo-Pentecostals wash their hands and faces in consacrated water. Flowers and ribbons may cleanse the people and their homes from all evil. All religious objects are blessed by pastors. Some clients bring photos of their sick relatives to the temple, so that, after the blessing of the images, they may recuperate. Others drink water from a cup placed on the radio during transmissions and imbuded with special powers by the prayers of the pastors. Exorcism, trance and spirit possession are elements well known to clients, who had gone to Afro-American or spiritistic sessions before. New rites are invented, derived from the folk-religious background in most Latin-American [260] countries. A new syncretism replaces the old syncretism of Catholic and Afro-American or Amerindian elements.Neo-Pentecostals, esoteric and spiritistic groups and Afro-American religions are competing for the same clients. The attitudes of people are pragmatic?: if the saints do not help, one has to make an offering to the African Orishas, when they do not listen to the prayers, an exorcism by a Pentecostal pastor may help. The religious discourse of traditional Catholics, Marialionzistas, spiritists and some Pentecostals is similar.Afro-American cults present in Venezuela are the Cuban Santeria, that arrived after the Cuban revolution and the indigenous Cult of Marfa Lionza. Santeros worship African Orishas (divinities), the rituals are costly and complicated. Babalaos, manipulating oracles, are consulted for advice. In the Cult of Maria Lionza, many different kinds of spirits are invoked to take possession of mediums in trance in order to solve the problems of the faithful. These religions are the deadly enemies of Neo- Pentecostal Churches, while traditional Pentecostals are not too concerned with these spirits. In the Igreja Universal in Venezuela, the Brazilian pastors often confound the “evil spirits” of Brazilian Umbanda and Candomble with the spiritual entities invoked by the Venezuelan spiritists. For them all these spirits are occult forces and apparently it makes no difference by which names they are called.Pentecostalism and PoliticsEarlier researchers in the field of Latin American Pentecostalism stressed the fact that the believers had no interest in politics and hoped to be recompensated for their sufferings on earth in a happier life after death. This was not necessarily the case in Venezuela, where educated members of the Presbyterian Church, established during the second half of the 19th century, fought against dictatorships and for democracy, while the foreign Pentecostal missionaries tried to keep out of national politics.From 1915 to 1958 democracy was unknown in Venezuela. Evangelicals fought against underdevelopment and for a peaceful political transformation. After 1958, national politics suddenly became important to the common people. The two major parties COPEI (Christian democratic) and AD (Democratic Action, somewhat more to the left) used to obtained the majority of votes from all strata of the society. COPEI was the party of the Catholic Church, while Pentecostals favoured candidates of AD. The two parties had similar programs and the party machinery benefited their leaders and followers. Some honest Pentecostal pastors became candidates [261] of these traditional popularistic parties and members of the parliament, such as Pastor Castillo, who is also a well-known sociologist. He was a deputy of a left-wing party but is no longer active.Most of the rank and file Pentecostals vote not as members of their denomination, but as independant citizens, according to their own preference, although sporadically a pastor expresses predilection for a candidate in his preachings and suggests voting for him. Venezuelans were never political radicals, although they were often disappointed by unfulfilled promises.In the 70s, ORA (Organization Renovadora Autentica) was founded by former members of an Evangelical student organization as the party of Evangelicals and Pentecostals. It was hoped that all believers would vote for their candidates for parliament. The political program was based on Pentecostal ideals?: hard work, no corruption, sincerity. The leaders were honest men, but for lack of money it was impossible to reach a wider audience. It never played a role in the political arena.It must be said that in the course of the past 40 years, only AD and COPEI were mass parties and ORA was barely known outside of a limited number of Evangelical churches The party was reorganized in 1998 under a new leadership and rallied in favor of Chavez but has practically disappeared.In 1998 the economic and social situation in Venezuela grew worse and the people were ready for a change at all cost. The practical disappearance of the powerful traditional parties shortly before the presidential elections of 1998 was due to the phenomenal rise of a military man, Hugo Chavez. Chavez had staged a revolution in 1992 and when he failed had spent two years in prison, where, in the fashion of Hitler’s Mein Kampf developed a plan to change the world. He was always backed by a group of young idealistic officers of the so-called Movimiento Bolivariano. His program against corruption and in favor of the common people appealed to many lower class Pentecostals. He was elected by a large majority, although it must be said that almost 50% of the population did not vote at all. His new charismatic style and promises caught the attention of the masses. In July 1999 he staged an election for 130 members for an assembly that was supposed to write a new constitution, which would not only give him the opportunity to rule for 12 years but also give considerable power to the military authorities. In terms of the ideology of Chavez, influenced by Fidel Castro, the population of Venezuela is now divided irito “the corrupted” (i.e. the economically better-off sections of the society) and “e/ pueblo”. The discourse has become popularist and demagogic, a fact that was virtually unknown in the country until now. Chavez promises to destroy the corrupted political system and a sudden improvement in the life of the people. He does not say how he will accomplish this promise. Pentecostals, who mainly come from the lower and lower-middle classes suddenly began [262] to take a keen interest in politics when the charismatic leader appeared on the political stage. So far, the leaders of the traditional Pentecostal congregations do not mention politics in their sermons nor interfer in local strifes.During the elections of 1998 a considerable number of educated pastors were already backing Hugo Chavez. They sincerely hoped for a radical moral change in national politics in tune with their own dogma and more official recognition of their faith. Chavez promised a clean-up in politics, the fight against corruption and a “new deal” with non-Catholic religious movements. Pentecostals, mostly members of the poor classes, had faith in his promises. In 1999 many openly voted in favor of the new constitution that will give great power to the president. It must be said however, that many people did not really know what a constitution was and even fewer had read the new Magna Charta, when they said “yes” on December 15th 1999. Pentecostals were told that they would obtain more rights through the new laws concerning religious freedom as until now only the Catholic Church obtained financial assistance for its institutions (schools, orphanages, hospitals, etc.). So far Chavez has not kept these promises.Today, the large Pentecostal congregations have considerable financial power that their leaders use for political purposes. They also dispose of votes that they “sell” to interested parties. All this is denied by pastors. In December 1998 the leader of the large Renacer Church in Caracas encouraged believers to vote for Chavez. When this pastor was accused of embezzlement two months later, he was released from prison immediately and apparently pardoned. This proves that corruption has not been eradicated and politics may play a more important part in religious affairs in the future.The imagery of spiritists, Pentecostals and folk-Catholicism has recently shaped political retoric in Venezuela. Many leaders of the spiritistic Cult of Maria Lionza consider Chavez to be the reincarnation of Simon Bolivar, who in turn was the reincarnation of the Indian chief Guaicaipuro who fought against the Spanish invadors. The cult of Bolivar is found in Venezuela at different levels of consciousness. The statue of Bolivar stands in the main square of even the smallest village. The life history of the Liberator has inspired popular imagination?. Chavez self-consciously called his political movement Bolivariano. He continuously cites the Liberator in his speeches. Chavez promotes the imagery of spiritists. When he speaks to the people on television a huge picture of Bolivar is projected on the wall behind him and sometimes an empty chair is placed next to the president, where apparently the spirit of the Liberator has its abode. He does not deny these [263] supernatural contacts and promotes the image by indirectly stating that he is advised from above. It is said that on his unofficial trips to Cuba he consults Santeros.Statues of Chavez are already found on altars of spiritists and followers of the president. For some Pentecostals and Catholics he is the messia, sent by God to deliver Venezuela, Latin America and eventually the whole world. Politics have long played a role in the Venezuelan Cult of Maria Lionza. Other personalities, such as the spirit of the dictator Gomez, are invoked when a national emergency arises. Pentecostal and spiritistic imagery are confused, at least in the minds of the people who visit Evangelical churches and esoteric sessions at the same time.North American anthropologist Michael Taussig? published the English version of a prayer, that circulated widely in the streets of Caracas, when Chavez was still in prison?: “Our Chavez who art in prison, hallowed be thy name, thy people come, thy will be done here as in your army. Give us today the lost confidence and never forgive the traitors, as we ourselves will never forgive them, who betrayed us. Save us from corruption and liberate us from the President. Amen." This proves that the sanctification of Chavez had already been prepared by his followers long before the elections of 1998.Chavez, who became familiar with Pentecostalism while in prison for two years, manipulates well the Pentecostal imagery and imitates evangelical pastors in his emotionally laden speeches. He calls his adherents “brothers and sisters” and attacks the Catholic Church, which dared to criticize his behavior. During the time of his imprisonment he became aware of the power of the Pentecostal imagery and faith and now plays a double game?: on the one hand trying to obtain favors from the Catholic Church and on the other hand cajouling Evangelists. In a recent speech, Chavez said that Catholic priests who do not agree with him, are “possessed by the devil and should be exorcised”. The Catholic Church was further accused by Chavez to be on the side of the rich - the corrupted, as the Episcopal Council dared to disagree with some conditions in the new constitution. During the presidential campaign in favor of the new constitution Pentecostals were never attacked as Chavez realized their potential power in his political game. The imagery of white and black, good and evil, the people and the corrupted, the poor and the rich are constantly used in the president’s speeches. The dichotomy?: God/Devil is present in his discourse, inspired by the Bible. Apocalyptic allusions are frequent. The political discourse of the president is directed to the collective unconsciousness by using a language based on images [264] that are emotionally charged. He continuously refers to mythological and mystical themes, such as the “condor and the serpant” and all sorts of demons. This language is accessible to the common people.This new political trend based in spiritistic and Biblical imagery is in full swing and is still too early to be studied. Politics will undoubtedly play an increasing role in the future development of Pentecostalism and Spiritism, at the same time as spiritistic and fundamentalist rhetoric are increasingly present in the ideology of Chavez, as long he is in power.The horrific disaster of December 15th and 16th on the central Venezuelan coast had serious repercussions in the religious and political sphere. The landslides had already started before the voting took place devastating the coastal regions, but the president was determined to push through the referendum in favor of the new Magna Charta at all costs, inspite of the serious warnings of responsible authorities, who predicted the danger of a natural disaster. No measures were taken to rescue people before the floods came down. The result was the death of at least 30?000 victims due to flooding and landslides.Many of these could have been avoided. The Catholic and Pentecostal Churches realized that the casualties were due to the lack of precautions and organized help. It is said that Chavez celebrated his victory with his followers in secret the night of the 15th of December as the mountain buried 30?000 or more coastal inhabitants. He only sobered up the next day, too late to make decisions and save the lives of victims. Catholic and Pentecostal fundamentalists declared that the disaster was the punishment of God for all evil and, all of a sudden, the people accused Chavez of mishandling the situation.Since the flooding, the unemployment rate has increased to 30% and the crime rate went up twofold. No economic measures have been taken, Chavez is only interested to win the “mega-elections” in May 2000. Many now realize that he is just another sinner. He is no longer considered by his followers to be a messia, the reincarnation of good spirits or the great leader of the people. It is interesting to observe the changing attitudes in the imagery and discourse of Pentecostals, Catholics and spiritists. It shows how different religious concepts are entwined in the minds of a large portion of the Venezuelan population. It is still too early to evaluate this new trend and its consequences in the political arena of the nation.[265]ConclusionThe success of Pentecostal Churches of the traditional, reformed and new types is due to the fact that their services correspond to the needs of the masses and the political and economic situation of Venezuela and other Latin American countries. To a certain extent, we can speak of a profanization of the sacred. Yet in Latin America, secularization has not turned people towards atheism, but has rather increased their interest in alternative religious options that may be better suited to meet their needs than the Catholic Church. For the needy it does not make a difference whether help is sought from a spiritual healer, pastor or santero. People hope to eliminate poverty and bad luck by fighting the demons. The magico-religious atmosphere corresponds to the mentality of most believers and this imagery shapes the political attitudes and beliefs of a large portion of the Venezuelan population.In Venezuela there are different types of Pentecostalism, each with its own rituals and set of beliefs catering to different groups in society. The imagery is mobilized in different ways and Pentecostals also participate in politics in different ways. While the traditionalists are conservative and have little interest in politics, the larger new churches play an ever increasing role in the political sphere, especially since Chavez became president. Although Pentecostals are rarely leftists, they agree with Chavez in his fight for human rights and against corruption. Adherents of the Neo- Pentecostal churches are mainly interested in solving their personal problems and tend to stay out of politics?; their pastors have commercial interests in the religious market. The mercantile laws of supply and demand are fundamental for these pseudo-religious movements that have remarkable success side by side with New Age and similar creeds.In Venezuela, Pentecostalism has changed the life and ideology of believers in a positive way. They have usually altered their personal attitudes towards family and their pattern of consumption and entertainment as well as finding new ways to cope with serious psychosocial and health problems. Up until now, Pentecostals have not taken an active part in the changes proposed by the new constitution and, in spite of access to the media, they have no significant impact on the socioeconomic development of the nation. The number of Pentecostals is too small to have substantially influenced the culture and society of the country, this may change with the new laws concerning religious freedom and closer cooperation with the “new deal”. Among the Pentecostals, adherents of Chavez may sooner or later become actively involved in Venezuelan politics, provided that the president maintains his popularity among the masses.[266]The discourse on corruption belongs to the transparency of the public arena but is reinterpreted in terms of a popularist rhetoric. It is likely that the discourse, in response to the natural disaster and its consequences, has changed and now refers to God’s punishment, causing a decrease in the popularity of the charismatic president. The question is?: Will Chavez regain his image of a “supernatural power” or is he going to be demasked as an opportunist?? [267]Imaginaires politiques et pentec?tismes.Afrique / Amérique latine.DEUXI?ME PARTIE?: AM?RIQUE LATINE13“Le mouvement évangéliqueau Nord du Brésil:terres de mission et front religieux.”Véronique BOYERRetour à la table des matièresLa bibliographie existant sur le Brésil ne permet pas toujours d’avoir la juste mesure du phénomène évangélique en Amazonie. Il y a plusieurs raisons à cela, à commencer par la faible contribution de la région Nord? aux effectifs de la population nationale (en 1991, la population de la région représentait moins de 7% des Brésiliens): la région appara?t souvent comme quantité négligeable au regard du poids démographique des autres régions (le Nordeste et le Sudeste brésiliens en particulier). Pour leur part, les évangéliques de la région ne représentent que 8,44% du total des évangéliques au Brésil (l’écrasante majorité étant concentrée dans les régions Sud et Sud-Est). Ce fait explique probablement pourquoi on a trop souvent l’impression que, dans la littérature consacrée à ce thème, ils sont implicitement considérés comme une ??variante secondaire?? des protestants et des pentec?tistes du Sud.Pourtant si la région Nord se caractérise par un peuplement restreint que reflètent une faible densité démographique? et un taux d’urbanisation inférieur à celui du Brésil, ce vaste espace régional occupe à lui seul 47,27% du territoire national. Région vierge à peupler et espace frontalier à protéger: c’est ainsi que les gouvernements militaires successivement au pouvoir entre 1964 et 1985 ont per?u cette immense région [268] administrative appelée depuis 1953 Amazonie légale?. En 1970, le Plan d’intégration nationale (PIN) définit la nouvelle politique publique selon deux axes: d’une part l’ouverture de voies de communication terrestre (la route entre Belém et Brasilia, celle entre Cuiab? et Santarém et la Transamazonienne) et, d’autre part, la mise en place d’un programme de colonisation publique. Par la suite, les préoccupations affichées changeront et les stratégies mises en ?uvre seront infléchies mais la volonté d’intégrer géopolitiquement la région au sud du pays restera l’objectif principal: création de p?les régionaux de développement, implantation de grands projets essentiellement tournés vers l’extraction des minerais, la production d’énergie ou l’exploitation du bois, puis plus récemment des projets tournés vers la délimitation de ??zones économico-écologiques??.On le sait, les résultats n’ont pas été à la hauteur des espoirs suscités. Les migrants à la recherche de meilleures conditions de vie sont venus en masse du Sud et du Nordeste du Brésil dans le sud du Para et dans le Rond?nia. ? la place de lots et d’infrastructures pour l’écoulement de la production, ils ont trouvé la violence des grands propriétaires terriens. Dé?us de ne pas trouver la terre promise, nombreux sont ceux qui ont repris leur errance, toujours un peu plus loin vers l’intérieur des terres, se reconvertissant parfois dans d’autres activités économiques comme l’orpaillage et s’opposant alors aux populations locales traditionnelles (Indiens, habitants des rives du fleuve...) dont la cohésion s’est un peu plus affaiblie à ce contact. Le flux des migrations a aujourd’hui bien ralenti (au point que Waniez et Brustlein affirment que l’Amazonie se tient à l’écart des grands courants de migration), mais il n’en reste pas moins que les déplacements internes sont monnaie courante. Il suffit pour s’en convaincre d’écouter les gens: même dans des zones réputées stables de l’Amazonie fluviale, la narration des histoires de vie est rythmée par les déplacements géographiques.Ces bouleversements sociaux et cette grande mobilité des populations vont ainsi de pair avec une diversité importante des contextes sociologiques et des activités économiques. En effet l’Acre des collecteurs de caoutchouc, peuplé pendant la seconde guerre mondiale, contraste singulièrement avec l’?tat voisin, le Rond?nia des éleveurs, des exploitants de bois et des agriculteurs familiaux qui a re?u le choc des vagues migratoires dans les années 70.[269]La diversité sociologique est un avantage quand il s’agit d’étudier l’implantation des ?glises et de s’interroger sur les effets de ces nouveaux discours religieux. Dans un même ?tat, comme le Para par exemple où les différences de peuplement sont flagrantes, la participation à une ?glise évangélique revêt-elle le même sens pour les migrants établis dans les années 70 sur les fronts pionniers que pour les habitants du fleuve, tenus pour être respectueux des systèmes écologiques et dont l’existence est moins ébranlée par les mouvements de population?? C’est en partant de cette diversité des situations locales que nous aimerions tenter de contribuer, dans ces quelques pages, au thème central de ce livre sur la participation des évangéliques à la vie politique et leurs influences sur les imaginaires politiques locaux.?vangéliques traditionnels,évangéliques pentec?tistesPour préciser le profil de la population évangélique dans les ?tats qui composent la région Nord, nous disposons de données chiffrées fournies par l’Institut brésilien de géographie et de statistique (IBGE) à la suite du dernier recensement de 1991. Cependant, ces données sont à prendre avec une extrême prudence, comme le soulignent très justement Philippe Waniez et Violette Brustlein?. Il est vrai que les conditions d’enquête dans des régions d’accès souvent difficile (la région Nord, avec un réseau routier quasiment absent, est l’une des premières concernées) incitent à une certaine méfiance quant à la fiabilité des données recueillies. L’analphabétisme est aussi un facteur de distorsion car l’enquêteur est parfois sollicité pour remplir le formulaire en lieu et place du recensé, contrairement aux directives données par l’IBGE. Toutefois, comme l’écrivent encore les auteurs cités, les données du recensement constituent ??une source d’information précieuse?? qu’il convient de ne pas écarter trop rapidement.En 1991, 1?118?861 habitants de la région Nord ont répondu ??évangélique?? à la question ??religion???, soit près de 12% de la population, un pourcentage plus élevé que la moyenne nationale?. La région Nord présente également un résultat légèrement supérieur aux autres régions en [270] ce qui concerne la proportion entre évangéliques traditionnels? et évangéliques pentec?tistes?, puisque 70% d’entre eux se déclarent pentec?tistes?.Le cas du Rond?nia est particulièrement remarquable car, avec un pourcentage de plus de 21%, il se trouve être l’?tat brésilien où le rapport entre évangéliques et population totale est le plus élevé. Quant à l’?tat du Para, c’est à la fois l’?tat le plus peuplé de la région Nord et celui où se concentre le plus grand nombre d’évangéliques en termes absolus?. Il compte également la plus forte proportion de pentec?tistes parmi les évangéliques (près de 78% des évangéliques y sont pentec?tistes). Les évangéliques traditionnels sont mieux représentés dans le gigantesque ?tat voisin, l’Amazonas, avec 41%. Les pentec?tistes sont ainsi mieux établis à l’embouchure de l’Amazone ou dans les régions de contact avec le reste du Brésil que dans l’intérieur des terres. Même dans une grande ville comme Manaus, la proportion d’évangéliques traditionnels est singulièrement forte (43%) alors qu’à Belém, capitale de l’?tat du Para, elle n’est plus que de 25%.Plusieurs éléments permettent d’expliquer une telle différence. Notons tout d’abord que la pénétration des nouveaux courants religieux s’est depuis toujours opérée de la fa?ade atlantique vers l’intérieur des terres en remontant le réseau fluvial. De plus, le mouvement pentec?tiste est d’implantation plus récente que les ?glises traditionnelles; il a donc atteint plus tardivement les zones éloignées de la mer. Mais surtout, les agents de l’évangélisation ne sont pas les mêmes?. Dans le cas des ?glises traditionnelles, la Parole a été introduite par des missionnaires ??professionnels??, la plupart du temps étrangers (américains ou anglo-saxons), venus en tant que tels et soutenus financièrement par leurs [271] ?glises d’origine, qui se fixaient au départ un objectif géographique (aller jusqu’à la source du fleuve Juru? dans l’Acre, par exemple) ou ethnique (évangéliser les Indiens à la frontière colombienne, par exemple). Ces missionnaires ont emprunté les voies traditionnelles de communication, c’est-à-dire le fleuve, pour atteindre le fieu convoité.En revanche, dans le cas des ?glises pentec?tistes, les évangélistes, migrants brésiliens parmi d’autres, improvisent bien souvent leur ??mission?? au gré des événements, le plus souvent à la défaveur d’autres alternatives d’ascension sociale et de réussite économique (l’impossibilité d’obtenir un lot de l’INCRA? par exemple). On les trouve donc extrêmement dynamiques depuis le Tocantins, voie de passage obligée pour les migrants venus des régions du Sud lors des projets de colonisation agraire de l’?tat brésilien dans les années 70, jusqu’au sud-est du Para. Ils ont suivi l’expansion du réseau routier et l’ouverture de la frontière ??agricole??? qui incarnait la promesse de jours meilleurs, et ceci pas uniquement pour les professionnels du religieux.Les débuts du mouvement pentec?tiste dans la région Nord:l’essor de l’Assemblée de Dieu.Les inspirateurs du mouvement pentec?tiste? en Amazonie brésilienne sont pourtant deux missionnaires étrangers. D’origine suédoise et de tradition familiale baptiste, Gunnar Vingren et Daniel Berg arrivent en 1910 à Belém, après un séjour de quelques années aux ?tats-Unis où ils sont entrés en contact avec les mouvements du ??réveil??. Venus de leur propre chef - ou plut?t certains d’obéir à une décision divine révélée en rêve - ils ne comptent sur le soutien d’aucune ??mission de foi??. Ils rejoignent un temps l’église baptiste locale mais les manifestations exubérantes de la foi pentec?tiste troublent le bon déroulement du culte, et le pasteur de l’église (tenté un moment par l’ardeur pentec?tiste, si l’on en croit la version officielle de l’Assemblée de Dieu?) ne tarde pas à s’interposer. Les deux missionnaires, aidés par un noyau de ??croyants??? brésiliens, fondent alors en 1911 la première congrégation de l’Assemblée de [272] Dieu?, cette ?glise pentec?tiste étant encore aujourd’hui la plus importante du pays?.? la différence des ?glises traditionnelles, peu d’étrangers sont venus renouveler la hiérarchie de l’?glise pentec?tiste naissante. Le mouvement ne reconnaissant pas la formation théologique comme un critère pertinent dans le choix d’un pasteur, les Brésiliens ont très vite pu accéder aux fonctions d’encadrement. Dès 1913 sont ainsi ordonnés les premiers pasteurs brésiliens. Le mouvement irradie d’abord autour de Belém, dans l’?le de Maraj? et vers l’est du Para, le long de la ligne de chemin de fer entre Belém et la petite ville de Bragan?a, et plus lentement vers l’ouest amazonien en direction de Manaus qui est atteinte en 1917. Il faudra cependant attendre la fin des années 70 pour que toutes les communes de la région Nord soient touchées par le phénomène pentec?tiste.Il s’agit parfois pour les ??pionniers??, comme sont appelés les propagandistes de la nouvelle foi, de constituer le pentec?tisme comme une option religieuse légitime dans un environnement à dominante essentiellement catholique. Dans ce contexte, l’hostilité à l’égard des convertis - qu’ils soient nouveaux venus dans la région ou qu’ils reviennent s’installer sur les lieux de leur enfance après quelques années en ville - est la règle. En effet, la possibilité de revendiquer une autre appartenance religieuse menace indirectement des hiérarchies sociales que modelait jusque-là le catholicisme et auxquelles il donne sens avec les festivités du saint patron et l’attribution de charges religieuses?. Dans des groupes sociaux relativement stables, organisés sur les terres d’un patron contr?lant les circuits de commercialisation ou même sur des terres à usage collectif, se définir comme ??croyant?? est suffisant pour introduire une rupture avec les catholiques?: affirmer une quelconque différence religieuse suppose nécessairement être ??autre?? également en ce qui concerne les aspirations individuelles et collectives, et, pourquoi pas, prétendre à l’application de règles de vie différentes?. Le souvenir des ??persécutions?? subies par les premiers croyants (ou l’animosité actuelle des catholiques à l’égard des évangéliques [273] comme dans certains hameaux autour de la ville de Bragan?a) reste encore aujourd’hui un thème récurrent dans les conversations.Dans d’autres régions, comme le moyen Solim?es dans l’?tat d’Amazonas, le prosélytisme des pentec?tistes s’exerce dans un climat moins conflictuel, essentiellement quand ont déjà été fondées des congrégations sous l’égide de missionnaires envoyés par des ?glises évangéliques classiques. Dans ce cas, le travail d’une certaine fa?on subversif de remise en cause des structures locales de pouvoir a déjà été mené, et l’action des pionniers s’inscrit dans une certaine continuité avec des processus déjà existants de multiplication des référents religieux. La constitution d’une congrégation se réclamant d’une autre ?glise appara?t ici davantage comme une diversification de l’offre religieuse locale que comme une contestation de l’ordre établi.D’un strict point de vue des conséquences sociologiques de l’expansion du nouveau mouvement religieux, il ne semble guère avoir d’avantage à distinguer, à l’intérieur de la nébuleuse évangélique, les ?glises pentec?tistes des autres, traditionnelles. En effet, les bouleversements entra?nés par l’implantation d’une ?glise pentec?tiste aux c?tés d’une ?glise traditionnelle sont moindres que lors d’une première percée évangélique, laquelle est per?ue comme l’ouverture d’une brèche dans le monopole catholique. La nouvelle foi, qu’elle se décline sur le mode pentec?tiste ou non, attire dans tous les cas de figure les individus dont la position dans le groupe local est la plus fragile: femmes, enfants, derniers arrivés recomposent sur la base religieuse de nouveaux réseaux de sociabilité. L’acte de fondation d’une congrégation et l’intronisation d’un ??dirigeant?? atteste publiquement de la cohésion du groupe et de sa détermination à se faire reconna?tre.Diversification de l’offre religieuseadans les zones de frontièresSelon les données de l’IBGE, dans la région Nord, l’Assemblée de Dieu rassemble presque 17% des évangéliques, fr?lant ainsi les 200 000 personnes. Il faut toutefois savoir qu’il ne s’agit pas là d’un bloc uniforme, ni d’une ?glise unique, et qu’il serait plus adéquat de parler des ??Assemblées de Dieu??. En effet, l’?glise originelle n’a pas échappé aux scissions successives au fur et à mesure de son expansion géographique vers les autres régions du pays.Or, c’est parfois sous le même nom que les ?glises qui en sont issues repartent du Sud du pays (où, pour la plupart, elles sont basées) vers le Nord, à la conquête des ?mes perdues, quitte à débaucher d’ailleurs celles qui avaient déjà été sauvées par la première Assemblée de Dieu. Ainsi, [274] sous la dénomination ??Assemblée de Dieu??, se trouvent des temples de différents ??ministères???. Outre l’Assemblée de Dieu dite de la ??Mission?? (celle dont le siège se trouve à Belém), sont aussi présentes l’Assemblée de Dieu ??Madureira??, l’Assemblée de Dieu ??da Seta?? et l’Assemblée de Dieu dite ??Belém?? (l’administration de ces trois ?glises se trouvant dans le sud du pays).Cette diversité des structures organisationnelles sous une même appellation rend extrêmement difficile le comptage des fidèles et le dessin d’un panorama religieux précis. De plus, elle s’accentue dans les régions de grandes migrations, ouvertes à toutes les influences, lieux de toutes les rencontres et de multiples entreprises religieuses.On peut cependant avancer que la multiplication des ?glises affaiblit la capacité de chacune d’entre elles à s’imposer comme un interlocuteur crédible auprès des autorités locales. Ainsi les 10% d’évangéliques se réclamant de la première Assemblée de Dieu dans l’?tat du Para constituent sans aucun doute une force politique plus importante que les 35% se réclamant apparemment de la même dénomination dans le Rond?nia, parce que ces derniers se répartissent en réalité dans une dizaine d’?glises, voire davantage, concurrentes entre elles et peu encline aux alliances?.Aucune ambigu?té n’est possible en revanche sur l’?glise dont il est question dans le cas de la Congrégation chrétienne du Brésil. Ce nom se réfère toujours à la même ?glise, fondée en 1910 dans l’intérieur de l’?tat de S?o Paulo et qui s’est essentiellement déployée le long des routes empruntées par les migrants venus du Sud du Brésil. Arrivant au second rang en termes de représentativité avec 6% des évangéliques, la Congrégation chrétienne réalise son meilleur score dans l’?tat du Rond?nia où elle réunit 16% des évangéliques.Cette dénomination est singulière tant par l’architecture de ses temples (un auvent sépare l’entrée des hommes de celle des femmes) que par son rite austère au rythme lent et grave d’instruments à bois et à vent, par l’obligation qui est faite aux femmes de se voiler pendant le culte et par sa hiérarchie bénévole. En outre, contrairement aux autres ?glises, la Congrégation chrétienne persiste dans un discours de repli à l’écart du monde, au point où les membres de la communauté qui entrent en politique se voient retirer leur ??liberté de parole et de mouvement dans l’?glise??, et qu’ils doivent rester en silence à leur place comme ceux qui se rendent coupables d’adultère. [275]Les liens des membres de la Congrégation chrétienne avec l’univers politique sont de ce fait moins directs que ceux des fidèles de l’Assemblée de Dieu. Ceci ne signifie évidemment pas que les membres de ce groupe sont tous des renon?ants, ni qu’un fidèle de l’?glise ne puisse trouver de base politique dans la congrégation. Mais il n’aura des alliés dans la personne des ??anciens?? (le titre le plus élevé auquel puisse prétendre un membre de la Congrégation chrétienne) que s’il a auparavant fait de ceux-ci ses dépendants.? la différence de l’Assemblée de Dieu (ou des autres ?glises maintenant un personnel salarié) où les pasteurs ont, pour la plupart, des moyens supérieurs à ceux de leurs ouailles, une certaine sécurité matérielle et jouissent d’une position d’autorité qui ne relève pas seulement du ??spirituel??, cette ?glise n’est pas b?tie en parallèle de l’ordre social. Il n’y a pas nécessairement dans la Congrégation chrétienne de co?ncidence entre la place occupée par un individu dans la hiérarchie religieuse et sa position dans la structure sociale: il n’est ainsi pas rare qu’un ancien soit employé par un simple membre de l’?glise plus fortuné (lequel peut avoir des ambitions politiques), dans une inversion des relations habituelles entre domaines religieux et professionnel.Nous terminerons ce tour d’horizon par les ?glises dites néo-pentec?tistes? qui, hors des grands centres urbains (en fait les capitales des ?tats), enregistrent dans le Nord des scores quasiment nuis. Ainsi l’?glise universelle Royaume de Dieu, dont le succès politique et le pouvoir médiatique? ont fait couler beaucoup d’encre - tant dans la grande presse que dans les revues spécialisées - recueille 0,11% des voix évangéliques contre près de 3% dans le Sud. Les faibles taux d’urbanisation et d’industrialisation du Nord expliquent en partie l’échec de telles ?glises, qui ne trouvent pas dans la région des noyaux de peuplement suffisamment importants pour s’implanter. Leurs structures institutionnelles extrêmement centralisées, leurs stratégies d’expansion copiées des entreprises modernes? et la sociabilité [276] qu’elles permettent (ou non) aux fidèles de développer sont en partie responsables de cet état de fait. Car si les chiffres ne reflètent pas forcément l’importance du public qui assiste aux cultes, ils font cependant état de la difficulté des présents à se considérer comme membres effectifs de l’?glise universelle, et d’associer publiquement leur destin au sien. L’?glise Dieu est Amour réalise un résultat légèrement supérieur (0,6%), peut-être en raison d’une planification moins rigoureuse, permettant que surgissent des ??vocations?? spontanées et intermittentes de la part de migrants devenant un temps pasteurs?.Les ??évangéliques pentec?tistes non déterminés??Les statistiques de l’IBGE font enfin ressortir un fait qui semble propre à la région Nord (ou au moins davantage prononcé), c’est-à-dire une proportion extrêmement élevée d’??évangéliques pentec?tistes non déterminés???, une sous-catégorie qui regroupe 42% des croyants. Ce pourcentage, très supérieur à la moyenne nationale (19%)?, agrège tous les pentec?tistes qui ne se reconnaissent dans aucune ?glise institutionnellement constituée.Peut-on interpréter cette oblitération de l’appartenance institutionnelle dans le sens des observations de Cecilia Mariz et de Maria das Dores Campos Machado? à propos du développement de deux tendances apparemment contradictoires dans le champ religieux brésilien: ??une tendance à un plus grand pluralisme religieux institutionnel versus une [277] désinstitutionalisation religieuse????? Car le phénomène de la multiplication des ?glises, qui témoigne d’une fragmentation accrue de la nébuleuse évangélique, est parallèle à celui d’une absence croissante de l’identification des ??croyants?? avec une ?glise particulière. Les évangéliques n’affirment-t-ils d’ailleurs pas à qui veut entendre que ??c’est Jésus qui sauve, pas l’?glise??? ou encore que ??Jésus n’est pas une religion??, comme si la participation à une dénomination n’avait finalement que peu de valeur au regard de leur attachement intime à la figure du Sauveur?Dans la suite de leur analyse, les auteurs cités observent que ??même s’il y avait antérieurement une variété interne de croyances parmi les différentes formes de ‘catholicisme’ et de ‘spiritisme’, l’individu ne se trouvait pas en présence d’une multitude d’institutions religieuses sollicitant son affiliation exclusive???. En d’autres termes, un modèle où les référents institutionnels se diluent devant l’importance accordée aux convictions personnelles de chacun viendrait se substituer à un autre, où différentes formes de ??croire?? se c?toyaient au sein d’une même institution religieuse. Cette individualisation de la religion exacerberait par contrecoup la concurrence entre les instances religieuses pour le contr?le des fidèles.De fa?on quelque peu paradoxale, la nébuleuse évangélique illustre le modèle décrit mais s’en écarte aussi légèrement sur ce dernier point. L’importance de la catégorie ??évangélique pentec?tiste non déterminé?? traduit effectivement les difficultés des dénominations à fidéliser une clientèle?: dans la région Nord, plus encore que dans le reste du pays, l’identification au courant religieux évangélique ne va pas de pair avec une appartenance institutionnelle claire. La différence entre pentec?tistes et traditionnels ne semble d’ailleurs pas toujours très importante et parfois des rapprochements se forment entre certains évangéliques traditionnels et d’autres pentec?tistes sur la base d’interprétations personnelles de l’engagement religieux et dans le contexte de projets sociopolitiques (par exemple, la participation aux conseils municipaux de l’éducation et de la santé). De plus, chaque évangélique est bien soumis à de multiples sollicitations de la part des courants religieux qui la composent et, à l’intérieur de chacun d’entre eux, des ?glises concurrentes.Cependant, la place centrale accordée au postulat que ??seul Jésus sauve?? interdit qu’une demande d’appartenance religieuse exclusive soit explicitement formulée par une ?glise. Cette exigence prend alors des [278] formes ??annexes?? à la croyance elle-même, comme par exemple celle du registre où sont inscrits les ??bons?? fidèles, ceux qui s’acquittent tous les mois de la d?me versée au pasteur?.On pourrait alors s’étonner que, pour justifier l’option en faveur d’une ?glise donnée, nul ne mentionne l’accomplissement d’une mission divine, ou l’adoption d’une manière de prier plus agréable à la divinité, ni même celle de croyances censées être plus ??justes?? que celles professées par les autres ?glises. En fait, dans le cas évangélique, on se trouve devant une reproduction à l’identique du système religieux dans différentes petites cellules institutionnelles? plut?t que face à des créations personnelles originales. Alors que les limites externes du mouvement évangéliques sont nettes (il est entendu qu’un ??croyant?? est censé limiter son activité cultuelle à la fréquentation des temples évangéliques), à l’intérieur de la nébuleuse tout est extrêmement confus. Les différences observées entre les ?glises, qui se rapportent davantage au rituel qu’à la doctrine, ne sont d’ailleurs jamais envisagées comme des divergences à partir desquelles l’opposition et la confrontation sont possibles. Ainsi elles ne sont pas utilisées comme des arguments qui viendraient soutenir des positions distinctes et tenter de convaincre d’éventuelles recrues. Les gens se réfèrent tout juste (et seulement quand on les interroge de fa?on insistante sur ce point) à des variations qu’ils considèrent comme des ??coutumes??, des habitudes mineures?: baptême par immersion ou aspersion, indications vestimentaires, type de musique...Des terres de mission au front religieux:le cas de l’AcreIl convient de replacer le modèle de l’implantation d’une congrégation dans le cadre des changements démographiques qu’a subis la région pour tenter de dégager des dynamiques de l’expansion évangélique, ce que nous ferons à partir de l’exemple de l’Acre. En effet, la diffusion du nouveau mouvement religieux accompagne les trajectoires de migrations, lesquelles sont déterminées par les besoins en main-d’?uvre des activités économiques de la région. Ainsi, les patrons de seringais? ont fait venir [279] des migrants nordestins qui transitèrent par Belém, point de passage obligé des itinéraires et berceau de l’Assemblée de Dieu.Les entretiens réalisés avec certains collecteurs de noix ou de caoutchouc dans l’Acre permettent de mieux comprendre les enjeux symboliques (entre autres, établir de nouveaux codes et se réclamer d’un groupe dont la définition semble échapper aux rapports de pouvoir locaux pour jouir d’une position indépendante, dans un premier temps, des hiérarchies traditionnelles) et les avantages matériels (cesser d’être dépendant d’un patron et établir des relations commerciales pour son compte personnel) de l’adhésion à la nouvelle croyance. Le changement d’appartenance religieuse s’est rarement effectué lors du passage dans la capitale paraense. Il se produit plut?t dans un second temps, au lieu d’arrivée des migrants, quand les frustrations l’emportent sur l’espoir d’améliorer leurs conditions d’existence.Ceux qui se présentent désormais comme évangélistes justifient leurs errances en affirmant leur désir de convertir et de sauver les ?mes. Ils sont d’autant mieux accueillis par les populations éparpillées sur un vaste territoire que leur intérêt pour les autres appara?t somme toute comme une ??manifestation de pur altruisme??. Cependant, autour du motif religieux des conversations s’établissent aussi d’autres échanges. Il est d’ailleurs probable qu’à l’instar des colporteurs, ces évangélistes, revenant à intervalles réguliers aux mêmes endroits, ont assumé un r?le important de messagers entre parents ou voisins et d’informateurs des événements locaux. Par contrecoup, ils se trouvaient bien placés pour user de ses réseaux de relations préférentielles et se lancer dans le petit commerce. Dans cette mesure, la nouvelle croyance, en tant que ??bien spirituel??, est aussi une marchandise à ??placer?? auprès du plus grand nombre, qui s’agrègent dès lors autour du missionnaire et attendent son retour comme les clients (freguêses) celui des petits commer?ants itinérants (regat?es).Ce schéma de simple alternative - croyant ou catholique - est bouleversé à la fin des années 60, au moment de la seconde chute des cours du caoutchouc et de la construction de la route reliant le sud de l’Acre à la région Centre-Sud du Brésil. Durant la décennie suivante, de nombreux migrants, attirés par la nouvelle de l’attribution de lots par l’INCRA (Institut national de colonisation et de réforme agraire), arrivent dans l’Acre dont l’accès est grandement facilité par la nouvelle voie terrestre de communication. Cette pression démographique a pour conséquence indirecte une diversification du paysage religieux.Si l’expansion évangélique est le plus souvent le fait d’agents externes aux groupes locaux qui fournissent les moyens de produire des ruptures en leur sein, il est une autre modalité de cet essor, quand une appartenance religieuse préalable aux migrations est la base des recompositions sociales dans un nouvel environnement. Pour prendre l’exemple des deux [280] plus importantes ?glises dans l’Acre, l’essor de l’Assemblée de Dieu entre nettement dans le cadre de la première forme alors que le développement de la Congrégation chrétienne illustre la seconde. Les stratégies adoptées par les différentes ?glises procèdent en grande partie des caractéristiques de l’institution religieuse en soi (salariat de son personnel entre autres). Cependant, il est clair que le contexte social et les déterminants géographiques de la région concernée peuvent amener certaines d’entre elles à embrasser tactiquement d’autres procédés. Ainsi, l’implantation de la Congrégation chrétienne dans l’ouest de l’Acre emprunte aux méthodes de l’Assemblée de Dieu. La Congrégation chrétienne qui s’enorgueillit de ne pas rémunérer sa hiérarchie ou donner d’aide financière à ses membres, a d? faire quelques concessions, en raison de l’impossibilité de se déplacer dans la région par voie terrestre: elle attribue donc à ceux qui prétendent assumer une fonction d’évangéliste un billet d’avion leur permettant d’atteindre des contrées sans cela inaccessibles. Mais ils doivent ensuite trouver eux-mêmes les moyens de leur subsistance.? y regarder de près, il s’agit en fait de la reproduction accélérée du modèle initial de différenciation: la prolifération des ?glises, qui signifie avant tout pour les usagers une multiplication des postes à pourvoir, contribue à forger de nouveaux groupes, de nouveaux réseaux de relations, de nouveaux lieux de rencontre. Elle entretient également l’illusion de la frontière comme lieu où tout est possible, y compris la réussite (c’est-à-dire l’acquisition d’un statut). La prolifération des ?glises est ainsi un phénomène notable dans des régions subissant une forte pression démographique, comme le Tocantins, le Rond?nia et le sud du Para. Il est également remarquable partout où le tissu urbain se renforce: dans les petites villes et les villages de l’intérieur de l’?tat de l’Amazonas ou même dans l’est de l’?tat de l’Acre où l’impact du flux de migrations venant du Sud se fait sentir.Les entreprises religieuses familialesCette entrée du front religieux sur les terres de mission décuple la force de la montée du mouvement évangélique. La région amazonienne fourmille ainsi ici et là dans les zones les plus peuplées de petites entreprises religieuses familiales. Il semble que c’est dans l’organisation de l’institution, dans le dispositif qu’elle permet de mettre en place et dans la fonction sociale de la congrégation que réside l’explication des incessantes scissions. Comme on l’a dit, l’impact premier de l’implantation d’une ?glise est la constitution à travers la participation religieuse de [281] nouveaux réseaux de sociabilité que ne contr?lent pas encore les dominants locaux. Mais quand l’existence du groupe religieux est reconnue et admise, quand la nouvelle hiérarchie est instituée et que toutes les fonctions rituelles sont pourvues, la congrégation ne remplit plus son r?le social d’intégration des individus aux marges.Parmi les nouveaux arrivants, ceux qui ont pu observer en un autre point de leur trajectoire de migration des temples évangéliques se réclament alors parfois d’?glises nommément désignées, qu’ils ont auparavant fréquentées ou occasionnellement visitées. Ils argumenteront des différences entre les pratiques rituelles, les ??coutumes?? et l’organisation des diverses ?glises évangéliques pour justifier leur prétention à représenter sur la scène locale des ministères encore absents. Il convient de noter que le lien entre migrations urbaines et adhésion au pentec?tisme n’est pas nécessairement immédiat et que l’appartenance religieuse n’est souvent ??activée?? que des années après le contact initial avec l’univers évangélique.Ces migrants, qui entrent dans la catégorie des ??évangéliques non déterminés?? de l’IBGE, sont également de potentiels ??fondateurs?? d’?glises. Cette décision survient d’ordinaire au terme d’un long processus, après d’infructueuses tentatives pour s’intégrer à la hiérarchie religieuse de diverses ?glises, quand la méconnaissance de leurs talents de leadership leur est trop insupportable. Il y a là des motifs suffisants à la dissidence. Certains deviendront alors leur propre ??ma?tre?? et occuperont la position convoitée d’où l’on décide de la valeur des autres. Ce passage est d’autant plus facile qu’aucune objection de forme ne peut être émise à l’égard d’un homme qui s’intitule pasteur, puisque la formation théologique n’est pas obligatoire. Cette caractéristique fait du pentec?tisme un mouvement religieux plus flexible que l’évangélisme traditionnel des baptistes par exemple et explique en partie que l’essor évangélique soit principalement le fait de la mouvance pentec?tiste. Toutefois, l’engouement initial (la mobilisation des proches) est difficile à maintenir et le rêve peut ne jamais se concrétiser, comme celui de ce vieil homme tentant de réaliser ce projet depuis une douzaine d’années?.[282]On peut faire l’hypothèse d’un rapport inversement proportionnel entre le nombre de missionnaires et le taux de migration. Quand les flux de populations sont importants, la formation de nouvelles congrégations est le fait d’individus migrants agissant d’eux-mêmes, et passant d’une activité à l’autre. En revanche, dans un contexte migratoire plus faible, la région re?oit des missionnaires au service d’une institution religieuse, dont la mission est exclusivement l’évangélisation des populations. La trajectoire religieuse de ces ??envoyés?? est relativement plus stable que celle de ceux qui embrassent la carrière au lieu d’arrivée, dans la mesure où les premiers travaillent pour le compte de l’?glise où ils se sont convertis et qu’ils re?oivent une aide matérielle de celle-ci.Cependant, qu’un missionnaire se réclame d’une organisation évangélique n’implique pas toujours que celle-ci appuie formellement son action. Cela signifie tout au plus que le missionnaire se revendique de cette mission pour utiliser les réseaux de connaissances tissés à travers celle-ci. Les missions servent en quelque sorte d’agences pour l’emploi; elles centralisent des informations, puis c’est au missionnaire de trouver ses propres moyens de subsistance.Alors que la concurrence entre les ?glises est très importante, la nébuleuse pentec?tiste (voire évangélique) n’est pas con?ue par les fidèles comme un espace fractionné en unités étanches. Prédomine plut?t l’idée d’une discontinuité de l’espace religieux où les gens peuvent se mouvoir dans le cadre de stratégies individuelles. De fa?on cohérente avec ce qui a été avancé précédemment sur les ??coutumes??, la fondation d’une nouvelle ?glise est rarement justifiée par des divergences théologiques ou par la dénonciation d’une dérive hérétique. Un nouveau chef religieux se contente d’évoquer, et encore en termes voilés, la moralité douteuse dont feraient preuve les autres pasteurs présents (adultère, utilisation de l’argent du culte à des fins personnelles, etc.).[283]La démarche consistant à partir des données de l’IBGE pour évoquer les modalités de l’avancée évangélique dans la région Nord s’est imposée dans un premier temps, d’une part, au vu de l’immensité de la zone géographique considérée et, d’autre part, en raison de la disparité des matériaux recueillis, eux-mêmes résultant des conditions de l’enquête sur le terrain. Il s’agit ainsi d’un biais (plus que d’un artifice) pour dessiner à grands traits la situation amazonienne, souligner la diversité des contextes socio-économiques et introduire quelques remarques sur des dynamiques sociales. Il était nécessaire de poser ce cadre général pour procéder ultérieurement à une analyse de type microsociologique, dans une perspective à proprement parler anthropologique, de l’essor évangélique dans la région.Imaginaires politiques mobilisés par le pentec?tismeAu regard de cet état des lieux concernant le mouvement évangélique en Amazonie brésilienne, que peut-on dire de la mobilisation des imaginaires politiques par le pentec?tisme? Quelles représentations de la place de l’homme en ce monde - ou du monde tout court - les différences sociologiques génèrent-elles? Les pratiques rituelles y fondent-elles un sentiment collectif analogue? Quel impact cette appartenance religieuse a-t-elle sur le rapport entretenu par les membres des ?glises avec l’univers politique??Avec l’adhésion au mouvement évangélique, une nouvelle vie s’ouvre au croyant, pas nécessairement estimée plus ??heureuse?? ou plus béate mais au moins plus sereine, dans la mesure où il se sent désormais épaulé par Dieu pour affronter et endurer infortunes et difficultés quotidiennes. Cette ??renaissance?? personnelle est aussi interprétée comme une garantie de droiture et d’honnêteté?: les croyants agissent sous le regard de Dieu, ils sont tenus de tout faire pour lui ??plaire?? (agradar) en se conformant aux commandements bibliques.On pourrait alors penser qu’au Brésil, et en particulier en Amazonie, les évangéliques constituent des groupes fermés sur un modèle proche du puritanisme américain et que, de ces bases établies, ils se lancent à l’assaut de la sphère politique. On observe effectivement que, dans les zones de frontières, la formation d’une congrégation et, de manière plus générale, l’implantation de diverses ?glises contribuent à créer de nouvelles solidarités entre des individus venus de divers horizons géographiques et donc à secréter un tissu social dense palliant le vide laissé par le désengagement de l’?tat dans la région. Dans le cas des populations [284] établies sur les bords du fleuve, la diversification du champ religieux remet indirectement en cause des hiérarchies sociopolitiques traditionnellement légitimées par le catholicisme: en brisant des dépendances pesantes, les convertis tentent d’accéder à de nouvelles ressources, dans le domaine de la santé? ou de l’éducation. L’adhésion au mouvement évangélique peut enfin, dans le cas de certains groupes indiens, conduire à l’élaboration d’une solution originale où la constitution d’une ?glise autochtone est con?ue comme intimement liée à l’action politique?.Cependant, la cohésion de ces groupes religieux ne repose pas sur l’affirmation d’une ??moralité collective??, comme si Dieu était le garant de l’intégrité de la communauté dans son ensemble. Le trouble quant à la probité de tous les évangéliques émane de l’intérieur même du groupe des croyants. En effet, si l’amour de Dieu pour les hommes est une certitude, que ceux-ci - y compris les fidèles des ?glises - acceptent cet amour et agissent en conséquence est moins s?r.Les évangéliques n’affirment pas que les croyants soient incorruptibles. Ils n’adoptent pas non plus un ton défensif en dénon?ant l’attitude diffamatoire à leur égard de ceux qui ne partagent pas leurs croyances. Ils tendent plut?t à souligner que les croyants sont les victimes privilégiées d’un diable rendu fou par leur détermination à obéir aux commandements bibliques. Les accusations lancées contre certains membres du groupe pour les disqualifier sont identiques à celles qui visent à discréditer tel ou tel individu non croyant.Les croyants soutiennent que la ??chair est faible?? et que le péché est dans la nature humaine; et ils savent que les membres des congrégations n’ont pas tous un comportement irréprochable du point de vue des commandements divins mais aussi de la loi des hommes. Ainsi, il leur faut compter avec les ??éloignés??, des convertis en proie au doute ou subjugués par les attraits du ??monde??, sans parler des croyants de capa (d’apparence), ??ceux qui vont à l’?glise sans que leur c?ur ait été véritablement changé??. Ils se doutent aussi qu’outre ceux qui fautent ??par faiblesse?? en silence, se glissent dans les assemblées de croyants pour s’y dissimuler des pécheurs autrement plus sérieux, tels des trafiquants de drogue ou des tueurs à gages. Dans le cas de cet usage des congrégations comme cachette, il est davantage fait référence au libre-arbitre et à la [285] volonté de chacun qu’aux puissances invisibles et au diable tentateur. Ou plut?t s’il en est fait mention, c’est que, comme on l’a dit, assassinats, corruption et passions charnelles sont le lot de tous les hommes: le mal et le péché n’épargnent aucune catégorie de la population, et le groupe des évangéliques est touché comme les autres.De toute évidence, la peur de représailles très humaines suffirait ici à dissuader le plus courageux d’entre les évangéliques de toute tentative d’exclusion. Mais cette acceptation de la déviance cachée est aussi justifiée par la croyance toujours réaffirmée en une possible ??transformation intérieure??, en une rédemption des ?mes les plus endurcies. Il y a toujours un exemple à citer sur ce thème, parfois même celui d’un pasteur. Ainsi, la femme d’un pasteur de l’?glise Dieu est Amour racontait qu’elle avait rencontré son mari alors qu’il était en prison dans la capitale d’un ?tat du Sud pour assassinat, juste après qu’il ait tué un gardien et se soit converti. Qu’un homme chargé d’un lourd passé criminel puisse devenir pasteur (même en liberté conditionnelle), voilà qui apparaissait à cette femme comme une preuve de la gr?ce divine.En fait, de tels exemples tendent à mettre en évidence l’un des paradoxes du discours évangélique: d’une part la formulation d’un idéal d’honnêteté et d’intégrité pour les croyants en tant que groupe, d’autre part la reconnaissance d’une réalité plus opaque où l’on ne peut répondre que de soi-même. L’adhésion au mouvement évangélique correspond à la mise en ?uvre d’un processus d’identification avec un idéal de transparence, lequel est bousculé quotidiennement par une lutte sans merci que chaque croyant mène individuellement contre les forces occultes.La droiture évangélique est donc moins un postulat de principe, applicable à tous les croyants, qu’une hypothèse à vérifier au cas par cas. Chacun ne peut être vraiment certain de la véracité d’une telle proposition que pour soi-même. Pour tous les autres, il ne s’agit que d’une supposition qui se révélera ou non être fondée au fil du temps, voire peut-être seulement à l’heure de la Parousie, quand ressusciteront les Justes d’entre les morts.? partir du moment où il s’affirme croyant, un individu est néanmoins censé adopter certains comportements tant dans la cellule familiale que dans le cercle de la congrégation. C’est en vertu de sa foi qu’un évangélique serait un père attentif et un mari fidèle et parce qu’il témoignerait dans son intimité de sa qualité d’homme de Dieu, qu’il pourrait devenir un bon pasteur. Ce raisonnement s’étend évidemment à la vie politique et, dans une transposition sommaire des r?les privés dans l’espace public, un évangélique est censé faire un meilleur administrateur de la collectivité (ou un meilleur représentant au niveau régional ou national) qu’un non- croyant. Car la crainte (temor) que lui inspire le Très Haut serait un garde-fou efficace pour lui éviter de sombrer dans la corruption ou [286] l’indifférence. En dépit de toutes les réserves énoncées, un vote de confiance est alors donné a priori et de préférence aux évangéliques, parce qu’un évangélique ??réussi?? serait l’incarnation d’un idéal de modestie, d’honnêteté et de dévouement, qualités qui amélioreraient sensiblement l’image habituellement associée aux hommes politiques par l’opinion publique.C’est pourquoi, lors des élections, plus d’un candidat réactive opportunément une appartenance évangélique antérieure pour conquérir les voix des croyants?, à l’instar des migrants qui s’improvisent missionnaires ou fondateurs d’?glises. De telles stratégies sont très efficaces car |a revendication d’une appartenance religieuse évangélique est en quelque sorte per?ue comme une assurance (relative) de la probité de la personne. En fait, du point de vue des évangéliques, si tous les croyants ne sont pas fiables, c’est quand même parmi eux qu’on aurait le plus de chances de trouver des Justes. Mais la question reste toujours posée: s’agit-il d’un ??vrai?? évangélique??[287]Imaginaires politiques et pentec?tismes.Afrique / Amérique latine.DEUXI?ME PARTIE?: AM?RIQUE LATINE14“The Political Evolution of BrazilianPentecostalism: 1986-2000.”Paul FRESTONRetour à la table des matièresBrazil has probably the world’s second largest community of practicing Protestants, reliably estimated at 15% of the population. Since this community is two-thirds Pentecostal, placing it at some 15 million people, it may be the largest Pentecostal community in the world. Since 1985, following a military regime, Brazil has redemocratized, and the fact that every tenth Brazilian is a Pentecostal plays a significant part in democratic politics. While by no means uniform, this involvement has been characterized by a corporatism in which leaders of large lower-class denominations achieve success in elections, either as candidates themselves or through proxies chosen as official church candidates. This practice began with elections to the Constituent Assembly in 1986 and reached new heights in the 1998 congressional elections.? However, Pentecostalism is institutionally divided and the major churches are by no means identical in their political activity. The period since 1986 has seen important changes in the way Pentecostalism relates to politics.In this article, we shall look at three contrasting cases. The first case is the Assemblies of God, Brazil’s largest Protestant denomination, which made the running in Protestant politics from 1986 to the early 1990s but has been unable to maintain that dominance. The second case is the Church of the Four-Square Gospel, of lesser numerical importance but [288] unique in its fusion of ecclesiastical and political elite. Finally, the Universal Church of the Kingdom of God, a young Brazilian Church which has achieved great visibility (especially through its media empire) and very high levels of electoral fidelity from its members, and which in 1998 elected a large and disciplined caucus of parliamentarians, establishing a political hegemony within the Protestant field and an unprecedented degree of Pentecostal influence in national politics.The focus here will thus be on the internal variety and evolution of lower- class Pentecostalism in its relationship to formal politics at the national level in legislative elections. I shall not look at other equally important but under- researched aspects of politics such as Pentecostal involvement in social movements. Nor shall I examine specific debates regarding Pentecostal politics, such as its effects on democracy, which I have discussed elsewhere?. The same goes for more middle-class charismatic evangelicals, whose political activities I have also treated on other occasions?.The Brazilian Pentecostal Field?:A Brief IntroductionPentecostalism arrived in Brazil in 1910 and began to grow rapidly from the late 1940s. This growth seems as vigorous as ever and in recent years has been accompanied by high visibility in politics and the media. Pentecostalism is an essentially national and popular (lower class) phenomenon. In Greater Rio de Janeiro, from 1990 to 1992, one new Protestant church was registered per day?; 91% of these were Pentecostal. The poorer the district, the higher the number of Protestant churches per capita. Of the 52 largest denominations in Rio, 37 are of Brazilian origin, while all the others have long been under Brazilian control.Although there are hundreds of denominations, the Pentecostal field is dominated by a few large groups. Of the six most important, three are of Brazilian origin?: Brazil for Christ (1955), God is Love (1962) and the Universal Church of the Kingdom of God (1977)?; one is of Swedish origin (Assemblies of God, 1911)?; one is of American origin (Four- Square, 1951)?; and the last (Christian Congregation, 1910) is Italian- Brazilian since the founder, an Italian who had emigrated to Chicago and [289] never actually resided in Brazil, was the only foreign contact, and the church was established initially among Italian immigrants in Brazil? .In social composition, Pentecostalism is considerably more lower- class than Historical Protestantism. A recent survey observes that the Assemblies of God and the UCKG “tend to recruit their members in the same social classes, but offer them different, and sometimes, divergent, ecclesial alternatives”?. As we shall see, they also offer divergent political alternatives.The Politics of the Assemblies of GodAlthough historical Protestants (Lutherans, Presbyterians, Methodists and Baptists) have been elected to congress since the 1930s?, their presence was always small (never more than about 12) and discreet. Some, though not all, had a basically Protestant electorate, but none of them had official endorsement from any denomination. They were dispersed among many different parties and had no strong ideological concentration, ranging from the non-Marxist Left to defense of the 1964-1985 military regime. Pentecostals were almost totally absent from Congress?. But the 1986 election of a Constituent Assembly following the military’s withdrawal from power changed the public face of Protestantism.Since 1986, there has been a marked increase in the number of Protestant congressmen (reaching 34 during the 1987-88 Constituent Assembly and currently numbering 54), and a change in their ecclesiastical and social composition and political style. Pentecostals now account for two-thirds of them. The great majority of these Pentecostals are official candidates of their denominations, above all, of the Assemblies of God, Four-Square and Universal Church of the Kingdom of God. (It should be noted that some large Pentecostal groups, such as [290] the Christian Congregation and God is Love, have remained aloof from electoral politics.) The Assemblies were initially the most important, and it is with them that we shall start.The Assemblies of God, founded by Swedish missionaries in 1911, represent perhaps a third of all Protestants, being nation-wide in geographical distribution. The origin of the missionaries, the beginnings in the north and the hand over to national control in 1930 when the church had scarcely penetrated the southeastern cities gave the AG a Swedish/North-Eastern ethos which reflected the cultural marginalization of early Swedish Pentecostalism and the patriarchal pre-industrial society of the Brazilian North-East of the 1930s to 1960s. Many leaders are still elderly North-Easterners of rural origin.The system of government is oligarchical, grouped in lineages around caudilho-type pastores-presidentes. The AG is a complex web of (geographically intertwined) networks of mother-churches and dependent churches. The pastor-presidente is effectively a bishop with great powers. The General Convention, comprised of some 50 state conventions and affiliated ministries, is a relatively weak center.The main route to the pastorate is a lengthy apprenticeship to one of the caudilhos. The generally slow ladder of promotion is a strong means of social control in the hands of the pastores-presidentes. The latter often rule for 20 or 30 years, creating a patriarchal style of administration. This model, in which no specialized education separates clergy and laity, is contested by some younger pastors who are products of an alternative route involving seminary education. The AG model is also going through other crises, in particular the schism between the Madureira Convention and the General Convention in 1989. Madureira is one of the oligarchical lineages, founded by an especially successful caudilho. Its rapid growth (perhaps a third of all AG members) came to threaten the survival of the others, leading to its exclusion from the General Convention. There have also been many small schisms of upwardly-mobile groups who wish to modify the behavioral taboos.In 1985, the General Convention decided to elect one member from each State to the Constituent Assembly, to be elected the following year. Eighteen State conventions chose official candidates (occasionally a Pentecostal from another denomination), 14 of whom were elected. For the first time in Brazilian history there was a large number of Pentecostals in Congress, with the AG as the dominant force.The social origin of Pentecostal congressmen was, on the whole, lower than that of their historical counterparts?; in physical type and style of discourse, they typified the clientele of their churches. However they were not average members?; rather, they exemplified the desired results of conversion, either in religious leadership or financial success. The [291] tendency of the pre-1986 period for Protestant congressmen to be, if anything, slightly to the left of the average was reversed. The new Pentecostal political class practised a party nomadism, many switching to smaller parties usually considered havens for time-servers and for those marginalized by the larger parties.Official AG candidates are usually one of the following?: prominent itinerant evangelists, singers or media presenters of evangelical programmes?; relatives (especially sons and sons-in-law) of head pastors?; and Pentecostal businessmen who make agreements with their ecclesiastical leadership.The basic causes of Pentecostal politicization in 1986 had to do with the religious field itself?. The main beneficiaries of AG (and Four- Square) corporate politics have been the church leaders themselves. Unlike the historical churches with their tradition, middle-class clientele and professional and bureaucratic standards, the Pentecostal field is comparatively young, fast-growing, popular and sociologically sectarian. In addition, Pentecostal pastors often suffer from a status contradiction?: they are leaders in the church but marginalized by society. Going into politics, or sending in a relative or protege, can reduce tensions and help professionalize the Pentecostal field. The public connection helps internal structuring, strengthening certain positions and organizations. Politics also helps access to the media (almost half of the Protestant congressmen since 1986 have had links with the media).In 1986, the Assemblies of God leaders explained their unprecedented political involvement by talk of a “threat to freedom of religion” and a “threat to the family”. “Religious freedom” should be understood, no longer as the battle for basic Protestant civil rights (as is still the case in a few Latin American countries), but as a code-word for something broader?: a statement of intent to join battle with Catholicism for space in civil religion. Having almost an equal number of practising members, Pentecostalism now demands equal status in public life. The “threat to the family” represented, as elsewhere, an act of cultural defense, a reaction to changes in the social milieu which threatened to undermine the group’s capacity to maintain its culture. In short, the dominant strain of Pentecostal politicization seeks to strengthen internal leaderships, protect the frontiers of sectarian reproduction, tap resources for religious expansion and dispute spaces in civil religion. It is also, of course, assisted by aspects of the political system (federalist structure, relatively open mass media, weak parties and a proportional electoral system) and the economic crisis (placing strain on traditional urban political clientelism). [292]The Protestant caucus in the Constituent Assembly became the object of great controversy when its majority faction was denounced by the national press in 1988 for vote-selling and corruption?. According to the Jornal do Brasil, “many evangelicos are making a profitable trade out of preparing the new constitution by negotiating their votes in exchange for advantages for their churches, and often for themselves. The list of rewards includes a television channel, at least half a dozen radio stations, important posts in government, benefits of many types and, above all, a lot of money”?. Denunciation became the equivalent of the (virtually simultaneous) televangelists’ scandal in the US. Symptomatically, the latter occurred in the private sphere?; in Brazil, with its weaker private sector, it followed the tradition of channeling public funds.The Assemblies of God (many of whose deputies had been the nucleus of the group implicated in the scandal) considered the Protestant caucus in the Constituent Assembly relatively successful. The name of God was mentioned in the Constitution, religious freedom was augmented and religious teaching maintained in the public schools. Homosexual “orientation” as a reason for non-discrimination was not included in the final document?; nor was the death penalty?. However, Pentecostals were defeated on abortion, censorship and divorce. Reactions in the Protestant community were sharply divided. The Assemblies of God leadership attributed all criticism to “false Protestants”, but in fact discontent was widespread. A leading (theologically conservative) Protestant journal described the caucus as a “vile treason of the people... The warped moral stature and the egoistic and conservative interest merit shame and our repulsion”?.However, the evidence of Pentecostal voting during the Constituent Assembly does not justify labeling them tout court as a “new Christian right”. The Trades Unions’ Parliamentary Advisory Department (DIAP) classified the members of the Constituent Assembly according to their voting behavior in “questions of interest to the workers”. The classification from zero to ten corresponds broadly to the right-left spectrum. The Constituent Assembly as a whole scored an average of 4.94, while the Pentecostals scored 5.06, i.e. slightly to the “left” of the average. Perhaps it would be fairer to call them not an ideological right but an opportunist center. [293]The Constituent Assembly of 1987-88, and the Congress of 1987-91 of which it formed part, represented the high-water mark of Assemblies of God politics. In the following congress, elected in 1990, their numbers fell from 13 to 9 (although four substitutes also took office at some time during the legislature). The total votes of those elected fell by 40%, reflecting a diminished willingness of AG members to vote for official church candidates.It is tempting to conclude that the scandals had disillusioned ordinary members. It may also be that the absence of the mystique of a Constituent Assembly and disillusionment with the concrete returns of the corporatist project (never sufficient to go around) weighed more than an ethical critique. In addition, in the oligopolistic AG the success of 1986 stimulated a wave of candidatures in 1990 which divided up the AG vote. The official AG journal complained of the many singers, evangelists and pastors standing for election, motivated by vanity and greed?. AG organization could not prevent rival candidates totally?; and the ordinary members were not sufficiently motivated by a continual sentiment of persecution or by a clear apprehension of the utility of politics for the church, much less by a universalistic political programme.If time-serving, vote-selling and, at times, straightforward corruption had characterized AG politics in its first legislature (1987-91), the second (1991-95) was no less affected. This was closely related to the model of official candidates. Corporate politics gives access to both concrete and symbolic resources which help to structure this vast popular religious field whose rapid expansion is always producing new leaders anxious to strengthen their positions.In 1992 President Fernando Collor, elected in 1989 by a narrow margin in which the Protestant vote had probably made the difference, was impeached by congress for corruption. During the period following the publication of the result of the congressional inquiry up till the actual vote, the Protestant caucus was always considerably more “undecided” in its position than congress as a whole. It was only when impeachment was virtually inevitable that many Protestant parliamentarians made up their minds to abandon the president. AG deputies were amongst them, and two of them were accused of bribery related to the impeachment process.In 1993, another congressional inquiry led to accusations of corruption against many members of congress itself. The case was accompanied by a widespread demand of the population for an ethical change in politics. In the case of Protestants, the denunciations affected not only politicians but also denominational leaders, Protestant social work institutions and organizations which claimed to be representative of the Protestant world in [294] general. The Protestant politicians involved were mainly deputies from the AG elected with the support of their church leaders. One of them had negotiated (for a price) his own transfer to two different parties within a week. In the best known case, Manoel Moreira, one of the “seven dwarfs” (former members of the congressional budget committee deeply implicated in irregular practices), had acquired a fortune of 8 million dollars.Since the moralization of public life had been one of the themes that Pentecostal leaders had used to justify their entry into politics, the scandals could be expected to affect the corporatist model. There were indeed questionings in the Assemblies of God. An article in the official journal lamented that “now what is sought is status, human glories. For the professionals of the pulpit, there are no ethics but only interests, ‘thrones’ to be preserved at any price.” The editorial of the same month expressed the hope that, in the 1994 elections, “church services do not become the occasion for political campaigns. [The pastor] may not commit the vote of his flock in exchange for personal or collective benefits”?. But the practice is often different. Manoel Moreira’s former father-in-law, head pastor of a hundred churches in the region of Campinas (in Sao Paulo state), ceded his pulpit to one of the candidates for state governor, the Protestant Francisco Rossi?; the pastor’s daughter (who had testified against her ex-husband in the parliamentary inquiry) was a candidate for federal deputy in Rossi’s party. Her actual vote turned out to be very small, but that does not mean the end of the corporatist model. She had to compete with the official candidate of the Sao Paulo Assemblies, Joel Freire (son of the national president of the Assemblies of God), who in 1990 had been elected state deputy in conjunction with? Manoel Moreira and had been mentioned in denunciations. In 1994, Freire obtained 42,000 votes for federal deputy, narrowly missing out on election. Another name mentioned in the inquiries, the former president of the Sao Paulo state legislature Carlos Apolinario, a member of the breakaway branch of the Assemblies of God known as Madureira, was elected to congress with 160,000 votes.The class composition of the Pentecostal churches and their sectarian nature (in the sociological sense of tight-knit communities resistant to competing sources of socialization) explain the limited effect of the scandals on corporate politics. The demand for political morality sprang largely from the middle class, due to a combination of economic crisis and the new fiscalizing capacity of the media?. The Pentecostals, mostly lower-class and members of sects, were little affected by the moralizing [295] phenomenon?; their leaders, initiators and beneficiaries (as individuals and/or as pastors) of corporate politics, had no interest in heightening such awareness.The sequel to the Manoel Moreira case was illustrative. His father-in- law, head pastor Marinezio of the Assemblies in Campinas, was born to a family of poor peasants in the poverty-stricken North-East. The stories he tells of the life of pastors and pastors’ widows show the professional precariousness of the Pentecostal field. The current public image in Brazil of the Pentecostal pastorate as financially lucrative is recent and only true for a minority. His case and that of his family (the daughter inherited from her separation from Moreira a two million dollar mansion) illustrate in an extreme way how the “escalator” of the pastorate, which one generation uses to rise socially and the next abandons in favor of more lucrative alternatives now within reach (Martin 1990?: 64), can be extended through politics.When Marinezio’s daughter announced her intention to be a candidate, a tug-of-war began between himself and the head pastor from Sao Paulo (father of Joel Freire), each one seeking to elect his son or daughter to congress. The showdown came after the election, when it was discovered that Marinezio had taken part in illicit deals to pay off his daughter’s campaign debt, costing the church some 2 million dollars. This gave the chance for Freire’s father to intervene and place one of his own sons as substitute pastor in Campinas. Despite his statement to the press that “politics and the church are like water and oil?: they never mix”, this clash of ecclesiastical caudilhos represents an outcome of the corporatist model, not its rejection.In the 1995-99 legislature, the AG elected 9 congressmen and 2 others acted as substitutes for part of the period. It was significant that, of the original 13 AG deputies elected in 1986, only one was able to get reelected in 1994 for a third term, although one other was the son of one of the veterans. (Yet another, Benedita da Silva, was now a senator?; but her trajectory, linked to the left-wing Workers Party, was totally unconnected to the AG hierarchy and relied on a broader electorate in which evangelicals were a minority and AG members fewer still.) Six of the original 12 deputies elected in 1986 as official AG candidates had by 1994 fallen foul of scandals. Out of the 12 states which had elected AG deputies in 1986, the corporate project had run into the sand in seven of them by 1994. Only in two states did it continue in the same hands?; but in one of those the deputy was only able to maintain himself after 1994 as a substitute, and after 1998 by doing a deal with the Universal Church of the Kingdom of God. In another state it had passed from father to son, and in two further states it had been maintained by a shift of allegiance on the part of the local AG hierarchy. On the other hand, official candidates had [296] successfully been introduced in three states where they had not achieved election in 1986, as well as in a fourth state where the initiative had passed from the AG General Convention to the AG Madureira, thus representing different ecclesiastical interests and relying on a different electorate.In 1998, the AG once again managed to elect 11 deputies, but by this time it had clearly lost the political leadership of the Protestant world to the Universal Church of the Kingdom of God which, despite its far smaller membership, had not only overtaken it in number of deputies but was making a very different and more effective use of its political clout.The Politics of the Church of the Four-Square GospelBefore looking at the Universal Church, we shall talk briefly of the third major Pentecostal denomination to have successfully employed the corporate model of official candidates in national elections?: the Church of the Four-Square Gospel. While the AG is strong all over the country, the Four-Square has regional concentrations. It has multifocal leadership and has recently enjoyed rapid growth. Gaining total independence from the Americans in the 1980s, it also freed itself from their apoliticism. Besides choosing official candidates in internal elections after the fashion of the AG, many leaders are themselves active politicians.There have only been three Four-Square congressmen, but all of them, together with some state deputies and city councilors, have a characteristic which sets them apart from the AG political trajectories. The church began as circus-tent evangelistic campaigns known as the “National Evangelistic Crusade”. The culture of the “crusade”, with its lionizing of the miracle-working pioneer preacher, is still important in the church, and the pioneer generation is now in full control, uniting bureaucratic power to charismatic legend. This is a mixture that the older and more staid AG cannot emulate, its leaders preferring to elect relatives or proteges instead of standing for election themselves. It is also different from the Universal Church’s recent practice of electing pastors and bishops, most of whom are entirely lacking in personal charisma.The typical Four-Square politician is a veteran preacher and miracle- worker from the pioneer years. As very young men, they healed the blind, raised the dead and sometimes ended up in jail. Now in their 50s or 60s, in command of large ecclesiastical institutions, they are converting their religious prestige into political capital. However, the Four-Square still lags behind the AG in political firepower, and pales in comparison to the Universal Church.[297]The Politics of the Universal Churchof the Kingdom of GodBetween the 1950s and 1986, there had always been Protestant congressmen, but never more than 13 elected at the same time (and a total of 17, including substitutes, during a legislature). This changed in 1986, with the entry of official candidates from Pentecostal denominations. The result was a change in the social and political profile of Protestant congressmen and an increase in numbers. Thus, 32 Protestants were elected in 1986, and a total of 36 (including substitutes) took part in the legislature. In 1990 only 23 were elected, but a total of 35 took part at some time in the legislature. In 1994, 33 were elected, and a total of 38 sat in congress.If 1986 had marked a quantitative jump and qualitative change under the leadership of the AG, 1998 was a similar watershed under the leadership of the Universal Church of the Kingdom of God (UCKG). Forty-nine Protestants were elected to congress, and at the time of writing (February 2000), 54 hold seats.Founded in 1977 in a poor suburb of Rio de Janeiro by Edir Macedo, a former state lottery employee, the UCKG has grown phenomenally in the big cities. In 1989, it purchased for 45 million dollars the fifth-largest television network in the country, TV Record. With the help of tax-free money injected by the church. Record is now the third-largest network. The UCKG also owns a cable channel, over 30 radio stations and a daily newspaper. It has expanded to over 50 countries?. Controversial initially for its aggressive money-raising tactics (which have made it very wealthy), the purchase of TV Record made it the target for sustained critical attention from media rivals. It clearly seeks hegemony over the whole Protestant field as a trampoline to greater influence in society?.Its political activity is connected with its media empire and the fact that ownership of television and radio stations in Brazil requires a combination of financial power and political support. The need for the latter to get the purchase of TV Record approved by the government was the main motive for the campaign in favor of Fernando Collor for president in 1989 and the construction of a solid parliamentary base in 1990.[298]In 1986, the UCKG had elected one deputy, the second-in-command in the church. He had subsequently left the church (or been obliged to leave by Edir Macedo, anxious about possible rivals). In 1990, it elected three congressmen, none of whom were religious leaders. Already, the UCKG showed impressive electoral discipline. The leadership used the public controversies to create the image of a persecuted movement which needed political representatives to protect its rights. The relationship with politics was frankly pragmatic?; their deputies openly alleged the need to defend the church’s interests (especially TV Record) as the reason for their presence in congress.From 1994, the church began investing heavily in social projects. That year, its members in congress increased to six and in state legislative assemblies to eight?; and for the first time it acquired a state secretariat and risked a candidature for the senate. It was already second only to the AG in number of deputies, and its solid caucus showed it would soon be the dominant Protestant political power. In 1998, even its own expectations were exceeded. The geographical spread of its churches was now broader, having penetrated smaller cities and even rural areas, in virtually all states. In addition, its media empire is practically national in extent.As a result, it elected 15 federal deputies and 26 state deputies, besides three federal deputies from other churches supported officially by the UCKG. These 18 federal parliamentarians are dispersed among parties of the center and right, although after the election the church concentrated about half of them in two small existing parties, which it now controls and which act as a bloc in congress.The UCKG is thus by far the strongest element in current Protestant politics. It is the denomination which most successfully mobilizes the corporate vote?; in 1998 its candidates for congress received a million and a quarter votes. The AG at its height probably never mobilized more than 40% of its potential voters. The corporate vote is never automatic, depending on a relationship which has to be constructed and maintained with difficulty. The leaders of some middle-range Pentecostal denominations, believing it to be automatic, have confidently tried for election and received no more than 10% of the votes they expected.Nevertheless, this has not affected their continued success in the religious sphere, showing the Pentecostal electorate is capable of separating religious from political injunctions. All this shows how surprising is the success achieved by the UCKG. Even it cannot manage anything like 100% of members’ votes?; there are a growing number of Universal members connected with left-wing parties who continue to vote for those parties. Besides, there is a constant stream of new attendees who have had little time to assimilate church norms. As an educated guess, we can estimate the UCKG corporate vote at 70% of its potential?; allowing [299] for some votes from non-members, and taking into account non-electors among the members, that would mean a total membership of just over two million, which seems plausible (anything higher is unlikely).In addition, since it is rigidly hierarchical under Bishop Macedo, its politicians, regardless of party, act as a solid caucus. Its political activity continues to revolve around protection of its media empire. In pursuit of this overriding aim, rigid discipline over its deputies has enabled it to avoid the individual scandals which have undermined the credibility of politicians from other Pentecostal denominations. Since it does not have regional oligarchs like the AG, it has no localized corporatist demands to process, and individual ambitions, while impossible to abolish, can be restrained by the certain loss of UCKG institutional benefits for wayward parliamentarians, including the inevitable failure to get re-elected. This was the fate of Bishop Roberto Augusto, the church’s first ever congressman, who did not even attempt re-election in 1990 after breaking with the UCKG. A similar fate has befallen a few rebellious city councilors.What is the social profile of the current crop of UCKG politicians?? Are they anonymous figures imposed on a passive electorate, as suggested by one of their own deputies (“our voters are faithful?; we could get a lamp-post elected”)??An analysis of the 15 congressmen who are members of the church nuances the picture, suggesting an evolution towards a situation in which charisma of office (as “our church’s candidate”) is complemented (not replaced), not usually by personal charisma but by personal qualifications and some degree of name recognition by ordinary members. The latter is achieved through pastoral work, social work and above all by presenting programmes in the church media. The most typical professional self-description of UCKG congressmen, especially the new ones, is “pastor and media presenter”. Since the UCKG is the church with the most identification between members and its denominational media?, this suggests members may not be always voting for “lamp-posts” but for someone they are familiar with and recognize as active in “God’s work”. In most cases this may happen not spontaneously but by conscious initiative of the church (e.g. by placing a prospective candidate for a couple of years on its media programmes or as state director of its social work)?; This itself is a recognition that the corporate vote is not automatic but needs to be maximized in various ways (uniting a sense of institutional defence against “persecution” with a perception that “so-and-so is a dedicated church leader who I know and will make a good parliamentarian”). Only a couple of the older congressmen seem less connected to religious work.[300]The initial post-1986 crop of Pentecostal politicians included an above-average proportion of people from lower social backgrounds, with lower educational levels and darker skin. Post-1998 UCKG politicians are not especially dark, but in other respects they are of exceptionally low social origin. Whereas 83% of congressmen in general have university degrees, this dips to 62% of non-UCKG Protestants and plummets to 38% of UCKG deputies.As with the official AG and Four-Square congressmen, all the UCKG ones are men, although four of their 26 state deputies are women. The 15 federal deputies have been members of the UCKG for an average of nearly 15 years, and very few of them had been in other Protestant churches beforehand. Sixty per cent are now pastors or bishops, a far higher proportion of clergy than amongst AG politicians, but lower than the Four-Square. With one exception, all were unaffiliated to any political party until just before their election, showing that parties are little more than (legally obligatory) electoral vehicles.The typical UCKG congressman is thus a white man in his 40s, without higher education?; a non-Protestant until converting to the Universal Church in the 1980s, he is now a pastor and presenter of church radio or television programmes, and possibly involved in church social programmes?; he is now in his first legislature, with no previous political experience or party involvement.In congress, his activity is tightly controlled by the caucus. In party terms, the 18 federal deputies elected by the church are distributed in a way which reflects the Church’s interests. As of mid-February 2000, eight are in the major parties allied with the Cardoso government?; two are in a party considered to be to the “right” of the government, and the other eight are in two small parties now dominated by the UCKG and forming an independent bloc. None are in the “left-wing” parties which oppose the Cardoso government. The UCKG caucus is thus divided between members of pro-government parties (usually without great influence in them) and an independent front?; a combination of autonomous (“Christian”) politics and a pro-government stance which seeks to satisfy corporate demands, with the more ideological opposition in the leftist parties being ignored. In terms of parliamentary commissions, UCKG deputies are concentrated, as expected, in the one dealing with regulation of the media, and also in that dealing with foreign relations (presumably due to the church’s increasingly large investment in international expansion).The UCKG’s relationship to the left may hold the key to future developments. Initially, in major elections (for president or governor), it was extremely anti-left, even more so than the AG and the Four-Square hierarchies, especially in the 1989 presidential election when the Workers [301] Party candidate Lula narrowly lost. The UCKG campaigned for winner Fernando Collor, probably with an agreement to secure government ratification of the Church’s purchase of TV Record which was then taking place. By the 1994 presidential elections, after the fall of international communism and President Collor’s impeachment for corruption, most of the Pentecostal leadership was happier to keep a lower profile, especially as the only candidate with a chance of defeating Lula was a self- proclaimed atheist sociologist, Fernando Henrique Cardoso. In addition, the recently-created Brazilian Evangelical Association, to which many Pentecostal denominations belonged, put out a carefully crafted “Ten Commandments of the Ethical Vote” which critiqued the manipulative and corporatist practices common since 1986.The evangelical left, largely in the historical churches but with increasing Pentecostal involvement, had also become more visible and articulate. The only repetition of the anti-Lula campaign of 1989 was in the Universal Church, which still referred openly to Lula as a “demon”. The motive for this was probably a question which could not be mentioned openly because of its particularistic nature?: the mass media. The current policy had allowed Macedo to establish a media empire?; the changes proposed by Lula (democratising the process of awarding stations and enforcement of laws against oligopolies) would make this expansion more difficult. In the end, Macedo gave lukewarm support for Cardoso, but it seemed unlikely that it would be reciprocated with any special relationship. That has indeed proved to be the case.However, as I speculated at the time?, it was not obvious that the UCKG’s virulent anti-leftism would last. Its prosperity gospel counsels members to become self-employed. Thus, in economic policy, it might be as well served by the left’s proposals for strengthening the domestic market and small-scale enterprise as by a recessive neo-liberalism which throws people onto the informal market but abandons them there. Thus, UCKG anti-leftism might change in the medium run.From late 1995, this in fact happened. The church began to court left- wing leaders such as Lula and Leonel Brizola, giving space to leftist parties in its media. No longer were they portrayed as “demons”. Although UCKG candidates are still in center and right parties, this is probably because the left demands greater party loyalty and would thus complicate the Church’s capacity to act as a bloc. Articles in the weekly Folha Universal and speeches by Bishop Rodrigues, the Church’s political coordinator, became increasingly critical of the Cardoso government’s lack of a social policy?; critical also of privatization of state companies, globalization and the International Monetary Fund. It [302] remained to be seen whether this apparent swing to the left was a strategy aimed at goading the Cardoso government into a closer relationship, especially with continuing problems with the inland revenue and the federal police over the purchase of TV Record and other media deals, or whether it stemmed (as Bishop Rodrigues himself claimed) from the new exposure to social reality triggered by the expansion of the church and its social work, leading to a realization that “in Brazil nothing works right, the country needs to change”?. In the end, the UCKG supported Cardoso’s re-election as president in 1998, but only after having given equal exposure in its media to the various candidates, including Lula. This support was explained by Rodrigues as due to an agreement with the president to veto clauses in an environmental law passed by congress which would levy fines on noisier Protestant churches. Whether this is a complete explanation for the UCKG’s support or not, it points once again to the strength of the corporatist dimension in its politics?; in the end, institutional interests speak louder than the more universalist concerns increasingly present in the Church’s discourse.Criticism of the government recommenced soon after the 1998 elections. Two incidents in February 2000 exemplify the current political stance of the UCKG. The first is a speech pronounced in the congress by the bishop and political coordinator, and now also federal deputy, Carlos Rodrigues. The occasion was the twentieth anniversary of the founding of the main left-wing party, the Workers Party (PT). The PT arose basically as a mix of unionism, Marxist tendencies and Catholic Base Communities. Although it has subsequently incorporated a growing number of Protestants, it has always had a tense relationship with Pentecostal hierarchies. Rodrigues stressed? that he spoke on behalf of his church “that used to fight ferociously against the PT” because “we didn’t understand politics... We thought everything red was communist, that they would close the churches... But when we got to know Lula [and others, including Protestant PT congressmen]... we saw our truths were lies, our fears were groundless”. Now, “we realize you fight for the same thing we fight for”, which is why “my Liberal Party has followed the PT in 90% of votes” in congress. “At many times, your struggle for a more just and fraternal society... is the same as our religious struggle. In the next elections, I believe the left and the PT will grow a lot, because it is necessary... Some nights I leave here frustrated because we, of the left, did not manage to defeat a proposal of the right”.This speech, unthinkable from the UCKG of five years earlier and unlikely in the mouth of a leader from any other Pentecostal denomination [303] even today, raises the question of whether the Universal Church, whose unique combination of grassroots base (a rapidly growing mass popular membership) plus institutional power (hierarchical organization, political representation, financial wealth and media empire) is the secret of its strength, allied to its growing social work which it says has made it aware of the need for social change, might not become a leading promoter of what some in Latin America are calling neo-populism.However, the second incident from February 2000 shows the ambiguity of UCKG politics and the pragmatic limits on its leftward turn. Corporate interests seemed once again to take precedence over all else. With municipal elections imminent, the UCKG agreed to change the political line of its media, and give its bloc in congress a more pro-government stance. In exchange, the government would show greater “political goodwill” in regularizing the church’s purchase of a cable TV network, and in the UCKG’s revenue affairs currently under investigation?.ConclusionWe have looked at three varieties of corporatist political practice amongst Brazilian lower-class Pentecostal churches. The differences can be illustrated by the careers of three congressmen.Salatiel Carvalho is in his fourth term as federal deputy for Pernambuco. He is a layman from the AG, an engineer, but his political career is entirely due to his family connections. He is the son of the AG head pastor in the state of Piaui and son-in-law of the head pastor in Pernambuco. His father-in-law guided him into a prominent position in the state electrical company following an accord with Marco Maciel, currently vice-president of Brazil. His father-in-law was also a leading proponent of the 1985 AG decision to present official candidates for congress. During the Constituent Assembly, Salatiel was vice-president of the controversial Evangelical Confederation, the target of many denunciations for dubious practices. He received a government concession for a radio station in exchange for approving an extra year in power for President Sarney. Virulently anti-Communist, Salatiel coordinated the Fernando Collor campaign amongst Protestants in 1989.Mario de Oliveira’s career actually pre-dates 1986. He founded the Four-Square Church in the state of Minas Gerais in the early 1970s and [304] directs it to this day as his personal fiefdom. His relation to the church is thus different from that of AG or UCKG politicians. He does not need to contest for the loyalty of oligarchs or bow to an all-powerful founder- bishop. He is the longest-lasting example in Brazil of the transformation of religious leadership into political capital. He started out in the Four- Square as a boy-preacher and wonder-worker. Within a decade of his arrival in Minas Gerais, he had established the church and achieved public media visibility. In 1982 he stood for congress. He did not have or need the blessing of the national Four-Square leadership, still with apolitical Americans?; his local control of the church was enough. Despite being a notorious absentee in congress, he has won five elections and, amongst other rewards, his church obtained a huge plot in central Belo Horizonte belonging to the Federal Railways in return for a symbolic rent.Carlos Rodrigues, like Mario de Oliveira, has no higher education. His great qualification is that, of the group which founded the UCKG in 1977, only he and Bishop Macedo are left. All the others fell foul of Macedo’s drive to absolute control. Rodrigues’ faithfulness was rewarded with the post of political coordinator, but not at first with the right to run for election. After the experience with Bishop Roberto Augusto in 1986, Macedo only felt strong enough to allow leading ecclesiastics to represent the church again in congress in 1998. Rodrigues had previously pioneered the UCKG in several states and abroad. In 1996, he set up a political office which used UCKG resources to further its political hegemony within the Protestant world, specializing as “untiring defender of evangelical rights” against threats such as the law against noisy churches and a law against proselytism on community radios. While not an ideologue, he is a good articulator, and is in a list of the hundred most influential parliamentarians - the only one in his first term. His control over the UCKG caucus is total, although he remains firmly under the leash of the now almost invisible Macedo. His power is totally institutional and would vanish if Macedo saw fit to replace him.The UCKG clearly aims at becoming a sort of rival to Catholicism at the institutional level, combining, in sociological terms, elements of the sect and the church. While there are signs of a possible evolution towards a more universalist and ideological politics, this is still subordinate to corporatist demands. The raison d’être of corporatism, as practised by the AG, the Four-Square and the UCKG, is to strengthen the churches as corporations, to equip them better for their activities, to reward some of their members individually (in terms of employment, financing or prestige) and strengthen their position vis-à-vis other faiths in “civil religion”. While disillusionment with the returns can set in, taking the steam out of corporate politics after a few elections in certain [305] denominations, this does not seem likely with a strong nationally- coordinated project such as that of the UCKG. With its myriad interests to protect, it is hard to imagine it suddenly withdrawing into apoliticism. However this ultimately depends on the vote of its members. In this sense, too much success could weaken self-identity as a “persecuted church”, and thus be self-defeating.While the electoral success of Brazilian Pentecostal corporatism could be a guide to what will happen if conditions are favorable in some Latin American and African countries, it seems so far unique. In this corporatism, the context of political mobilization is the denomination itself, and not an “evangelical” party (as in some Latin American countries), or a pan-evangelical “representative organ”, or a non-party agency which seeks to mobilize the religious vote in a particular ideological direction (such as the American religious right). This may be the first case in history in which Christian conversionist sects have achieved such a relationship with the state. [306][307]Imaginaires politiques et pentec?tismes.Afrique / Amérique latine.DEUXI?ME PARTIE?: AM?RIQUE LATINE15“Pentec?tisme et politiqueau sud du Brésil.”Ari PEDRO ORORetour à la table des matièresLe but de ce texte est d’analyser la participation du pentec?tisme à la vie politique du sud du Brésil. Plus particulièrement, après un bref historique de l’implantation de cette religion dans l’?tat le plus méridional du Brésil, le Rio Grande do Sul?, on verra quelles sont les principales ?glises qui y ont eu une importante participation politique, quelles sont les justifications et les significations données à cette participation et, quel est l’effet de la participation politique pentec?tiste sur les imaginaires politique et religieux de la région et du Brésil?.Le pentec?tisme au sud du BrésilLe Rio Grande do Sul est colonisé à partir du XVIIe siècle par les Portugais et reste une société agraire jusqu’au début du XIXe siècle. Il commence alors à recevoir une importante vague d’immigrants européens, surtout allemands et italiens?. S’ouvrent ainsi de nouvelles régions agricoles et récemment industrielles. [308]Du point de vue religieux institutionnel, cette région, comme du reste tout le Brésil, a été travaillée par l’action missionnaire catholique jusqu’à l’arrivée des immigrants allemands, en 1824, qui y ont implanté les premières communautés luthériennes du Brésil?. Jusqu’en 1845, la plupart des immigrants allemands sont venus de régions de l’Allemagne où prédominait le protestantisme. Néanmoins, dans les années suivantes les immigrants allemands catholiques ont prédominé, ce qui fait qu’en fin de compte, si l’on en croit les historiens, les immigrants allemands se répartirent en une moitié catholique et une autre évangélique?.Le luthéranisme fut donc la première ?glise évangélique implantée au Rio Grande do Sul et même au sud du Brésil. Il s’agit de la Igreja Evangélica de Confiss?o Luterana do Brasil (IECLB). En 1904 s’est installée, toujours dans cet ?tat et auprès de la population d’origine allemande, la Igreja Evangélica Luterana do Brasil (IELB), attachée au Synode de Missouri. Jusqu’à aujourd’hui, cette dernière est liée aux ?tats-Unis et la première à l’Allemagne. Au fil des années, d’autres dénominations évangéliques ??historiques?? se sont implantées au sud du Brésil. Tel est le cas du méthodisme, du presbytérianisme et des ?glises baptistes.Le pentec?tisme arrive à l’extrême sud du Brésil juste un siècle après l’entrée du luthéranisme dans la région et quatorze ans après son implantation sur le territoire brésilien. La première dénomination pentec?tiste arrivée au sud est l’Assemblée de Dieu. Comme à Belém, dans l’?tat du Para, où elle est fondée en 1911, elle est introduite au sud par des pasteurs suédois?. En effet, en avril 1924, le pasteur Gustaf Nordlund et son épouse fondent la première église pentec?tiste à Porto Alegre, capitale de l’?tat du Rio Grande do Sul. De nos jours, avec ses 300?000 membres, l’Assemblée de Dieu est la plus importante dénomination pentec?tiste du sud. Elle est aussi la première en importance pour l’ensemble du Brésil, comptant environ deux millions de fidèles. Dans le sud, les pasteurs suédois [309] sont restés à la tête de cette ?glise jusqu’en 1998, la présidence ayant alors été assumée par un pasteur brésilien?.Au fil des années d’autres dénominations pentec?tistes se sont implantées au sud du Brésil. C’est le cas de la Congrega??o Crist? do Brasil - la première église pentec?tiste fondée au Brésil, à S?o Paulo, en 1910 - installée au sud en 1936 par des fidèles venus de S?o Paulo. La Igreja do Evangelho Quadrangular, organisée au Brésil en 1951, arrive au sud à la fin des années 60. La Igreja Deus é Amor, fondée en S?o Paulo en 1962, s’établit au sud en 1964. La Igreja Universal do Reino de Deus, fondée à Rio de Janeiro en 1977, ouvre son premier temple dans la région méridionale en 1984.Outre les ?glises mentionnées, d’autres encore constituent le pentec?tisme dans le sud du Brésil. Telles sont les ?glises baptistes rénovées (Conven??o Batista Nacional e Conven??o Batista Independente) et une série d’?glises moins importantes, beaucoup d’entre elles fondées dans la région Sud?. Toutes ces ?glises forment évidemment un ensemble hétérogène et extrêmement varié.On s’aper?oit que de nos jours la plupart des ?glises pentec?tistes existant au Brésil se trouvent également dans le sud, et ceci dans toutes ses micro-régions de même que dans les villes de différentes tailles. Le pentec?tisme est surtout l’option des pauvres, bien que quelques ?glises, tels l’Universal et les baptistes, attirent aussi des individus des autres couches sociales. De même que dans l’ensemble du Brésil, dans le sud les évangéliques atteignent de nos jours environ 15% de la population. En outre, de même que dans le reste du Brésil, dans le sud environ 70% des évangéliques se considèrent membres d’une dénomination pentec?tiste. Il y a encore quelques années le protestantisme historique prévalait dans le sud, en raison de l’importante immigration allemande, mais aujourd’hui c’est le pentec?tisme qui rassemble le plus important nombre de membres et d’églises évangéliques?. [310]Présence du pentec?tisme dans la politiqueDans le sud du Brésil, comme ailleurs, le pentec?tisme n’a pas une position univoque par rapport à la sphère publique et plus particulièrement au champ politique. D’une fa?on générale, on peut dire que jusque dans les années 60, il s’est caractérisé par un éloignement de la société et de la politique. Par contre, à partir des années 80 - avec le retour à la démocratie en 1985 et l’installation de l’Assemblée constituante en 1986 -, on a pu observer un accommodement à la société capitaliste et un rapprochement par rapport à la politique. Ce processus s’intensifie encore lors des élections suivantes tant au niveau régional que national?.Dans son ensemble, au Brésil lors des dernières élections générales de 1998, les évangéliques ont fait la preuve de leur force politique puisqu’ils ont élu la plus importante ??bancada evangélica?? (groupe évangélique) de l’histoire du pays avec 42 députés fédéraux dont 27 pentec?tistes. La progression de l’?glise Universal fut décisive pour l’élargissement de cette ??bancada??. En effet, elle avait six députés en 1994 et elle en a 17 aujourd’hui.Dans le sud, plus particulièrement dans l’?tat du Rio Grande do Sul, les evangélicos sont aussi entrés dans la politique dans les années 80. L’Assemblée de Dieu a fait élire plusieurs de ses membres au conseil municipal, à l’Assemblée de l’?tat ainsi qu’à la Chambre fédérale. Dans l’Assemblée constituante de 1986 a été élu l’évangéliste Jo?o de Deus Antunes, qui s’est présenté dans le Partido Democrático Trabalhista (PDT), un parti de gauche. Jo?o de Deus a été réélu en 1990 mais pas en 1994. Son image publique fut fortement atteinte lorsqu’une commission parlementaire d’investigation l’a accusé de détournement de subventions sociales. Il a essuyé un nouvel échec lors des élections de 1998; il menait alors campagne dans le Partido Trabalhista Brasileiro (PTB), un parti de droite.Lors des élections de 1998, au Rio Grande do Sul, 26 evangélicos ont brigué une place à l’Assemblée législative ou au Congrès national, et on [311] a même spéculé sur une figure de ??dobradinha?? (de duo)? pour gouverner l’?tat. En fin de compte, selon Zero Hora, le plus important journal du Rio Grande do Sul, le potentiel électoral évangélique de l’?tat n’est pas du tout négligeable: 14% de l’électorat est évangélique?. C’est pourquoi les plus importants partis politiques se sont intéressés à cette importante tranche de l’électorat?. Dans cet ?tat comme dans l’ensemble du Brésil, l’importance politique des groupes religieux, notamment pentec?tistes, serait si grande que, selon Joanildo Burity, les partis et les candidats qui ne les prennent pas au sérieux s’exposent à des complications voire à des échecs dans les compétitions électorales?.Lors des dernières élections, la moitié des candidats évangéliques au Rio Grande do Sul appartenaient à l’Assemblée de Dieu. Officiellement néanmoins, cette ?glise n’a soutenu que trois candidats, deux briguaient un poste de député de l’?tat et le troisième un siège de député fédéral. Ce dernier n’a pas été élu?; en effet cinq autres personnes de l’Assemblée briguaient ce même siège. Finalement, aucune d’entre elles n’a été élue. Ensemble, les six candidats de l’Assemblée de Dieu ont eu 54?848 voix, c’est-à-dire seulement les voix nécessaires pour élire un député?. Du total de dix candidats évangéliques à la Chambre fédérale, un seul a été élu, un pasteur de l’?glise Universal. Il se présentait sous la bannière du PTB et a recueilli 70 983 voix, le score le plus élevé de son parti.Lors de ces mêmes élections, la moitié des treize candidats évangéliques à l’Assemblée de l’?tat appartenait aussi à l’Assemblée de Dieu. Parmi les six candidats qui se sont présentés pour cette dénomination deux ont été élus, à savoir le pasteur et avocat Edmar Vargas et l’évangéliste et médecin Eliseu Santos, tous les deux appuyés par le groupe dirigeant de l’?glise. Les deux autres élus appartenaient l’un à l’Universal (pasteur Paulo Moreira) et l’autre à l’?glise Quadrangular (pasteur et [312] avocat Manoel Maria). Il y a donc aujourd’hui quatre députés pentec?tistes à l’Assemblée de l’?tat du Rio Grande do Sul, tous appartenant au même parti de droite, le PTB. Ceux-ci, avec un autre député luthérien - de l’IELB - (Onix Lorenzoni, élu auprès d’un autre parti de droite, le Partido da Frente Liberal, PFL), composent l’ensemble des evangélicos à l’Assemblée de l’?tat?. Cela fait donc cinq députés evangélicos sur les 55 députés que compte l’Assemblée de l’?tat du Rio Grande do Sul.De même qu’au niveau national, au niveau de l’?tat le pasteur candidat de l’?glise Universal, a été, avec ses 60 474 voix, celui qui a obtenu le plus de votes parmi les evangélicos. Ce fait n’est pas isolé et il n’est pas d? au hasard. En effet, lors des élections de 1998, l’?glise Universal ??a appuyé vingt-huit candidats à un poste de député fédéral et trente-neuf r candidats à un siège de député d’?tat. De cet ensemble quarante-trois ont été élus: dix-sept fédéraux et vingt-six d’?tat répartis dans dix-sept ?tats ainsi que dans la capitale de la République???. Avec une telle représentativité politique, l’Universal s’affirme aujourd’hui en tant que force politique dans la société brésilienne avec le même poids que les partis moyens.Le succès électoral de l’Universal découle de la mise en ?uvre de certaines stratégies. L’?glise a choisi la ??candidature officielle??. Pour cela, en 1997 elle a procédé à un ??recensement?? des membres de l’?glise dans lequel figuraient des données électorales. De cette manière, les dirigeants ont pu avoir une idée exacte du potentiel électoral de l’?glise dans toutes les régions du pays?. En outre, dans la période antérieure à l’élection, l’?glise a profité des cultes ainsi que des grands rassemblements religieux et des médias (télévision, radio, journal, magazine) pour faire de la publicité pour ses candidats. Tout cela a contribué au maintien de la ??fidélité?? de vote, puisque 95% des membres de l’Universal ont voté pour les candidats de l’?glise, dans leur majorité des pasteurs et des évêques?.Aussi bien au niveau régional que national les candidats pentec?tistes ont brigué leur siège dans des partis de droite. Ceci ne veut pas dire pour autant que leur action politique soit toujours dictée par des tendances [313] conservatrices et d’appui aux gouvernements. Il faut bien dire par exemple que le député et évêque Rodrigues de l’Universal, actuel leader de la ??bancada evangélica?? à Brasilia, a déclaré au journal Folha Universal, en ao?t 1999?: ??La position de la bancada (évangélique) par rapport au Gouvernement sera beaucoup plus critique ce semestre. Nous n’hésiterons pas à voter contre le gouvernement??.En réalité, les choses ne se sont pas passées ainsi. Quoi qu’il en soit, comme le dit André Corten, ??les pentec?tistes ne se situent pas plus à droite que la moyenne de la population???. Il semble que l’affinité pentec?tiste pour la tendance politique conservatrice découle plus d’une situation historique particulière que d’une essence pétrifiée du message pentec?tiste?. En d’autres termes, la prédominance historique des options conservatrices est moins révélatrice d’une situation propre au pentec?tisme que du fait que les conservateurs trouvent plus rapidement que d’autres les clés de la subjectivité politique préconisée par le pentec?tisme?.Représentations symboliques et politiqueAujourd’hui, dans le Rio Grande do Sul comme dans l’ensemble du Brésil, l’Universal est le modèle pentec?tiste le plus avancé de participation à l’espace politique, suivie de l’Assemblée de Dieu et d’autres ?glises moins importantes. Dans une certaine mesure cette participation fut préparée par les ?uvres d’assistance sociale mises en pratique par ces ?glises, ce qui leur a permis, comme l’observe Corten, ??de se constituer une base électorale???. En même temps, ces mêmes ?glises, à des degrés variés, sont entrés dans la sphère médiatique, celles-ci contribuant aussi à la formation d’une base électorale.Toutes ces activités, en particulier celles de l’?glise Universal, impliquent un changement du modèle d’action traditionnelle des églises pentec?tistes. [314] Une nouvelle capacité créatrice de volonté politique est envisagée. Elle ne s’appuie pas sur une position structurelle ni ne suit explicitement des traditions politiques anciennes. L’Universal fait na?tre, à sa manière, un acteur politique religieux intervenant dans la société à partir de ressources matérielles mais aussi à partir d’une légitimité enracinée dans la religion et se dépla?ant vers la politique. Les divisions traditionnelles entre l’une et l’autre sphère s’en trouvent modifiées. Cette évolution diffère des propensions à participer à une politique corporatiste. Tandis que ces dernières tendent à favoriser les evangélicos?, l’Universal préfère parler à la société tout en lui proposant un projet où les valeurs religieuses et sociales sont actualisées et convergent vers son idéologie.Au niveau symbolique l’action pentec?tiste par rapport à la sphère publique - en particulier celle de l’Universal - se déroule sur trois plans.En premier lieu, les églises pentec?tistes mettent en ?uvre des idées millénaristes, notamment lorsqu’elles préconisent l’établissement futur d’un Brésil évangélique, c’est-à-dire une nouvelle société basée sur une nouvelle morale publique, ce qui suppose qu’il y ait une effective participation politique des ??gens de bien, craignant Dieu??? et que les Etats, et même la nation brésilienne, soient gouvernés par les evangélicos?. De ce point de vue, plus la presse nationale véhicule des nouvelles concernant la corruption et le détournement de fonds publics, plus ces églises n’affirment la nécessité d’être présentes dans le milieu politique pour le moraliser et pour contribuer à l’établissement d’un nouvel ordre social?. [315]En effet, la corruption n’est pas un sujet secondaire dans les engagements virtuels des évangéliques car à travers celle-ci ils suscitent dans la société l’attente de changements fondamentaux. Simplement, pour les évangélicos, les motivations concernant la nationalité, le développement ou la démocratie, ont été remplacées par des demandes de transparence qui font de la corruption l’ennemi principal du bien-être des citoyens. Sur cette base, les ?glises pentec?tistes réussissent à mobiliser, à l’intérieur et à l’extérieur d’elles-mêmes, la marque de prestige attribuée aux ??croyants?? (crentes): ??Ils ne volent pas; ce sont des gens honnêtes??. Cette marque remplit une double fonction: d’un c?té, elle représente une motivation pour la mobilisation politique évangélique-pentec?tiste; de l’autre, elle remplit la fonction électorale d’attirer des voix vers les evangélicos?.La lutte contre la corruption influence les possibilités de succès électoraux des pentec?tistes dans un second sens. La corruption, synonyme de désordre du tissu social en raison du non-accomplissement d’une obligation, cristallise l’antithèse des principes chrétiens de mise en valeur de la communauté, de bien commun, de fraternité et justifie la politisation des pentec?tistes beaucoup plus que n’importe quelle autre cause (de classe, nation, couleur, minorité). Cela étant dit, s’il y a au Brésil une culture biblique et si le catholicisme diffusé dans la société est majoritaire, comme le soutient Sanchis?, il est possible de comprendre que les pentec?tistes rentrent dans la sphère politique en mobilisant cette base culturelle.Dans ce contexte, on comprend la valeur d’un deuxième élément du symbolisme politique religieux des ?glises pentec?tistes. La bataille pour la moralisation est aussi une bataille spirituelle qui ouvre un espace pour un discours qui en appelle directement aux ??forces invisibles?? dans la [316] pratique politique. L’Universal, par exemple, outre les stratégies politiques mentionnées ci-dessus, diffuse dans le champ politique la même idéologie de la diabolisation qui constitue l’axe à partir duquel cette ?glise construit son univers symbolique. De fait, pour l’Universal ??Satan n’est pas seulement une antithèse (l’archi-ennemi) de Dieu. Il est l’incarnation du Mal, une présence constante (et mena?ante) dans la vie et le quotidien des gens???. Par conséquent, selon la vision de cette ?glise, les démons sont à l’origine de tous les maux et de tous les problèmes?.Selon les pasteurs, il y a le démon de la maladie, du ch?mage, de l’analphabétisme, de la pauvreté, de l’inflation, de la corruption, etc., ainsi que le démon de la mauvaise politique. C’est pourquoi, à la veille des élections d’octobre 1998, dans les temples de l’Universal, les pasteurs apprenaient à leurs fidèles à voter pour leurs candidats et non pour ??les candidats du démon??. En même temps ils répétaient des phrases comme celles-ci: ??Nous devons élire des gens de bien avec Dieu. Nous ne pouvons permettre que des ivrognes soient élus. C’est une chose du diable. Nous allons marcher sur la tête du démon??.Le recours aux forces invisibles n’a pas de rapport avec un épuisement de la rationalité politique. Elle découle plut?t d’une continuité et d’un dialogue que l’Universal et le pentec?tisme entament avec l’univers religieux dominant au sein des couches populaires brésiliennes (et latino- américaines), celles-ci étant, selon Luiz Fernando Duarte, porteuses d’une mentalité cosmique qui suppose ??un rapport étroit entre la Personne, la Nature et le Surnaturel??? et qui con?oit le sacré comme fondement du social?. C’est en raison de cette structure idéologique qu’on peut soutenir que l’acte de voter remplit sans aucun doute dans l’?glise Universal un sens quasi religieux dans la mesure où il devient une sorte d’exorcisme du démon de la politique visant à en faire un espace sacré occupé par des gens craignant Dieu. [317]En troisième lieu, l’?glise Universal occupe une place à laquelle les Brésiliens, élevés dans la culture chrétienne, sont très sensibles. L’idéal de moralité, de responsabilité sociale et de prospérité souvent affirmé dans cette ?glise ne relève pas d’une motivation politique conjoncturelle. Il s’agit plut?t d’une position prophétique au sens où cette ?glise assume la t?che de conduire un peuple vers un horizon (peu importe si cet horizon peut être discuté à partir d’une autre perspective politique). Et tout cela engage non pas une personne, ou un seul leader, mais une ?glise, qui devient aussi un instrument politique et qui se révèle active aussi bien sur ce plan que sur le plan spirituel. A ce sujet il est intéressant de voir les changements intervenus ces derniers temps dans le journal qui véhicule la parole officielle de l’Universal?. Les thèmes politiques y ont gagné non seulement du volume mais aussi de la centralité. Dans certaines éditions du journal les questions politiques, surtout les activités des députés évangéliques en général et de l’Universal en particulier, occupent le même espace que les sujets concernant les récits de miracles et de guérisons.Les trois aspects abordés ci-dessus révèlent que l’Universal, ainsi que d’autres ?glises pentec?tistes qui participent à la politique brésilienne, mobilisent des croyances et des cosmovisions qui font partie de l’univers symbolique des couches populaires de la société brésilienne. Elles parviennent à se connecter à ces croyances de telle manière que, selon Rubem César Fernandes, le pentec?tisme, quoique d’origine étrangère, peut de nos jours être considéré comme une religion brésilienne?. S’il en est ainsi, on peut plus facilement comprendre pourquoi le pentec?tisme est de nos jours aussi mêlé à la sphère politique au Brésil.Pour conclure ce point, il faut ajouter deux autres éléments. En premier lieu, en plus des raisons symboliques liées à l’entrée du pentec?tisme dans la politique brésilienne, on ne peut pas négliger les raisons pratiques. Il s’agit en effet d’une activité qui n’est pas sans intérêts et sans avantages institutionnels. Les organismes d’assistance sociale et les concessions d’émetteurs de radio et de télévision donnent l’occasion de brasser beaucoup d’argent?. En deuxième lieu, l’entrée des evangélicos, surtout pentec?tistes, [318] dans la politique a provoqué les réactions de certaines religions dans la mesure où elles aussi se sont intéressées à la politique tout en révélant le caractère compétitif et même conflictuel des relations qu’elles entretiennent entre elles.C’est le cas des religions afro-brésiliennes qui se sont mobilisées, bien que sans succès, pour élire leurs représentants dans les Chambres législatives. Dans l’histoire du Rio Grande do Sul, une seule fois, en 1960, un député provenant de ces religions a été élu?. Lors des élections générales de 1990, les fédérations des religions afro-brésiliennes de l’?tat ont lancé trois candidats au poste de député. Dans les dernières élections, un leader religieux, un pai-de-santo s’est présenté en tant que candidat au poste de député de l’?tat. Il n’a recueilli qu’un tiers des voix qu’il escomptait?. Son discours - de même que celui des autres candidats malheureux des élections précédentes ainsi que celui du candidat qui fait campagne pour le conseil municipal de Porto Alegre pour les élections d’octobre 2000 - tourne fondamentalement autour de deux idées: a) élire un représentant de ces religions pour les défendre au parlement, et b) montrer à la société qu’elles possèdent aussi une force politique semblable ou plus importante que celle des evangélicos. Néanmoins, contrairement à ces derniers, il s’agit d’une force politique fragmentée et dispersée, actuellement sans perspective de succès.Le catholicisme ne s’est pas non plus maintenu en position passive devant la montée évangélique en politique. Dans un contexte plus général, il y a deux ans le sénateur de la République, Pedro Simon, du Partido do Movimento Democrático Brasileiro (PMDB) du Rio Grande do Sul, a proposé la formation d’une ??bancada católica?? au Congrès national, proposition qui n’a pas eu de suite. Le Renouveau charismatique catholique s’est également mobilisé pour élire ses représentants au niveau régional et national?. Au Rio Grande do [319] Sul, lors des dernières élections générales (1998), l’architecte Percival Puggina a concouru pour un parti de droite, le Partido Progressista Brasileiro (PPB), un poste de député. Bien que soutenu par le Renouveau, il n’a pas réussi à être élu. Le prêtre catholique Roque Grazziotim, candidat du Partido dos Trabalhadores (PT), a par contre été élu député de l’?tat. Enfin notons qu’à la fin novembre 1999, l’évêque de Novo Hamburgo, (Rio Grande do Sul), Boa ventura Kloppenbourg, a proposé de former un parti politique catholique, ??un parti qui, selon lui, mettrait en pratique la doctrine sociale de l’?glise??. Il ressort de son discours que cette proposition, liée à la corruption existante dans le milieu politique brésilien, vise à faire face au succès croissant des evangélicos dans ce domaine?.Ce qui précède nous conduit à affirmer que si jusqu’à présent les évangéliques-pentec?tistes ont eu peu d’influence directe sur la vie politique brésilienne?, leur influence majeure consiste à encourager d’autres courants religieux à entrer à leur tour en politique, ces derniers étant motivés par des raisons de concurrence. Malgré tout, les evangélicos semblent occuper la place la plus importante dans cet espace où le champ religieux se mêle au politique. Les effets pourront être mieux discernés dans les prochaines années.ConclusionPlusieurs auteurs ont déjà souligné que les relations entre les evangélicos et la politique ne sont pas univoques et qu’elles sont aussi variées que les tendances dénominationnelles?. Quoi qu’il en soit, l’entrée dans la [320] politique brésilienne des pentec?tistes en particulier mais plus généralement d’autres groupes religieux a soulevé un important débat théorique qui conduit les analystes brésiliens à maintenir des positions antagoniques. D’un c?té il y a ceux qui soutiennent qu’au Brésil, comme dans le monde moderne occidental, la religion ne relève plus que de ??la seule sphère privée et de l’intimité??, c’est-à-dire de l’espace de la subjectivité, et n’intervient pas sur la scène politique, qui trouve sa légitimation en elle-même?. De l’autre c?té, il y a des auteurs qui soulignent la tension existant entre les imaginaires politiques et religieux. Ainsi, un des intervenants dans ce débat per?oit dans le Brésil contemporain ??une lutte en vue d’agrandir la dimension religieuse de l’espace public??, tandis qu’un autre soutient que l’entrée du pentec?tisme dans la politique produit ??une réduction de la distinction entre religion et politique???. Enfin, il y a des auteurs, dont je fais partie, comme on a pu le percevoir, qui soutiennent la thèse selon laquelle au Brésil les ??forces invisibles?? constituent un principe structurant de la société, touchant aussi la sphère politique. Dans cette perspective, un anthropologue a pu soutenir que ??le domaine du “surnaturel” devient fondamental pour comprendre le système de représentations de la société brésilienne ou du système culturel proprement dit???.On a vu que la situation et le développement actuel de l’?glise Universal semblent correspondre à cette dernière affirmation. En effet, cette ?glise cherche non seulement à défendre la présence des evangélicos dans le ??monde?? mais surtout à universaliser et faire circuler des appels politiques basés surtout sur des motifs religieux. Dans la mesure où ce mouvement a du succès, il devient un exemple concret de la reconstruction d’une frontière que les idéologies du XIXe siècle ont tenté d’instituer et que le XXe siècle a cru avoir irrémédiablement installée. [321]Imaginaires politiques et pentec?tismes.Afrique / Amérique latine.DEUXI?ME PARTIE?: AM?RIQUE LATINE16“Culture politique péroniste etpentec?tisme en Argentine.Spiritualisation de la politiqueou politisation de l’Esprit??”Pablo SEMAN & Daniel MIGUEZRetour à la table des matièresPendant ces 30 dernières années, le pentec?tisme a élargi sa présence et étendu sa visibilité dans la société argentine, ainsi que dans les autres pays latino-américains. Cependant, à la différence d’autres situations, l’élargissement des bases sociales du pentec?tisme en Argentine ne s’est pas traduit par l’ouverture d’une alternative politique représentant le mouvement sur la scène électorale.La forte identité péroniste des classes populaires, terrain social privilégié de l’expansion pentec?tiste, constitue le principal obstacle auquel se heurtent les efforts politico-électoraux des évangéliques et pentec?tistes. Toutefois, le lien des classes populaires avec le péronisme ne développe pas nécessairement une fonction exclusivement négative. Celui-ci permet également de révéler le particularisme des perceptions politiques des pentec?tistes ainsi que les emprunts faits au pentec?tisme. Avec l’irruption du pentec?tisme, des études pionnières ont avancé l’hypothèse du remplacement d’une forme de conscience politique (le péronisme) par une conscience religieuse (le pentec?tisme).Partant d’une prémisse de non-extériorité entre le politique et le religieux ainsi que de certaines observations ethnographiques, nous verrons que les effets de l’implantation du pentec?tisme dérivent vers des échanges plus complexes: dans une dimension de singularité historique, consciences politique et religieuse se complètent, renfor?ant les éléments propres à la médiation politique instaurée par le populisme. Avant d’aborder ce point central de notre argumentation, nous résumerons les [322] antécédents relatifs à l’expansion pentec?tiste en Argentine ainsi que les relations entre politique et protestantisme.Histoire et présence du pentec?tismeen ArgentineLe protestantisme des ?glises luthérienne, anglicane, méthodiste et réformée, entre autres, commen?a à se développer en Argentine lors de la première moitié du XIXe siècle, au sein des diverses communautés d’immigrants qui l’importèrent. Au moment de la naissance du pentec?tisme à la fin du XIXe et au début du XXe siècle, les migrants et missionnaires des ?tats-Unis, du Canada et de divers pays européens établirent les premières dénominations pentec?tistes. Celles-ci portaient les marques ethniques de leur origine et se développèrent lentement mais s?rement jusque dans les années 40 et 50?. Par la suite, la croissance accélérée du pentec?tisme, lequel interagissait avec les dénominations historiques du protestantisme, engendra un espace religieux particulièrement ample et dense. Considérons plus en détail ce processus pour traiter ensuite des relations qui existaient alors entre le pentec?tisme et la culture politique locale.Les protestantismes argentins (1825-1990)Les premières ?glises protestantes qui arrivèrent en Argentine furent les ?glises anglicane, presbytérienne, luthérienne et les communautés de protestants gallois établis en Patagonie?. Ces ?glises, arrivées en, même temps que les immigrants européens, s’installèrent dans les colonies que ces derniers formèrent à différents endroits du pays, développant une forme de protestantisme appelé ethnique ou historique. D’une part, ces [323] groupes maintenaient la religion comme une réaffirmation de leur identité d’origine sur cette nouvelle terre. D’autre part, l’appellation de protestantisme historique se réfère à des doctrines directement liées aux postulats d’origine de la Réforme. Ces groupes conservèrent un élément doctrinal libéral, mettant en avant les valeurs de la raison et la liberté de conscience et d’expression?. Ces caractéristiques qui suscitèrent une certaine sympathie au sein des élites dominantes des premières décennies du XIXe siècle, sont également celles qui permirent une politisation progressiste et radicale au XXe siècle. C’est ainsi que les ?glises historiques, associées au sein de la Fédération argentine des ?glises évangéliques (FAIE), participèrent à une remise en cause croissante de l’ordre social dominant pour se rapprocher ensuite de la théologie de la libération et dynamiser les mouvements de défense des droits humains (ou ce qu’en France, on appelle les droits de l’Homme) opposés au régime militaire en place entre 1976 et 1983.Un deuxième groupe d’?glises de type évangélique établies en Argentine comprend, entre autres, les baptistes, les Hermanos Libres (Frères libres), les adventistes, l’Armée du Salut, les Disciples du Christ et les méthodistes. Cette forme de protestantisme, qui arriva en Argentine à partir de 1910, était alors influencée par la théologie du second renouveau spirituel (revival) des ?tats-Unis entre 1850 et 1870?. Le prosélytisme ardent, le salut comme fait individuel et la lecture fondamentaliste de la Bible (comme réaction aux théories scientifiques dominantes de l’époque) définissaient la doctrine religieuse de ces groupes. Ceux-ci assumaient les valeurs de charité et d’assistance sans aspirer, pour autant, à des changements structurels ou politiques. Cette différence sur le plan du compromis social entre ce deuxième groupe de type évangélique et les protestants historiques donna lieu, dans les années 70, à la formation d’une association indépendante - l’Alliance chrétienne des ?glises évangéliques de la République argentine (ACIERA) - qui soutint de fa?on constante des positions doctrinales de confrontation avec la FAIE?.Le troisième groupe d’?glises protestantes sont les pentec?tistes. Il existe une composante doctrinale et rituelle qui distingue et confronte pentec?tistes et évangéliques. De par leur participation au troisième mouvement de renouveau spirituel (revival) nord-américain, les pentec?tistes [324] ont incorporé à leur rituel religieux le baptême de l’Esprit saint, comprenant des états d’euphorie spirituelle rejetés par les protestants évangéliques circonspects. Cette caractéristique pentec?tiste, accueillie froidement par les autres protestants, se cristallisa en différences institutionnelles identitaires. ?tant donné l’importance qu’ils donnent au miracle et à l’extase, les pentec?tistes se sont regroupés autour de la Confraternité évangélique pentec?tiste (CEP), indépendante de l’ACIERA et FAIE, déjà mentionnées.Les ?glises pentec?tistes, comme l’observe Saracco, se sont rapidement ??nationalisées??, comparativement au reste des ?glises protestantes?. Des dénominations telles que les Assemblées chrétiennes, les Assemblées de Dieu et l’Union des Assemblées de Dieu se sont rapidement répandues au-delà du noyau des immigrés italiens qui se conformaient à la première dénomination ou encore au-delà du contr?le des missionnaires (Scandinaves, canadiens et américains) dans le cas des deux autres. De ces organisations, de leur fractionnement et de leurs ancrages locaux ont surgi des centaines de petites dénominations pentec?tistes organisées et animées par des leaders nationaux. Ceci constitue également une période de renforcement des relations entre les nouvelles dénominations nationales et l’ensemble des courants pentec?tistes et protestants continentaux et mondiaux.Finalement, il est important de noter l’existence d’un sous-groupe à l’intérieur du pentec?tisme. ? partir des années 70, le développement de toute une série de ministères pentec?tistes, qui ont eu une incidence décisive sur l’explosion pentec?tiste des années 80, accentue certains éléments de la doctrine traditionnelle du pentec?tisme. Ce style néopentec?tiste se diffuse alors dans tout le champ évangélique?. Les éléments doctrinaux les plus significatifs de ce groupe sont l’importance de la guérison (physique et spirituelle), la prospérité économique et la théologie de la guerre spirituelle. A ces caractéristiques doctrinales s’ajoutent une faiblesse relative de l’engagement envers l’église et une plus grande utilisation des moyens de communication de masse.Trois ministères représentent, avec des nuances, cette tendance: le ministère Ondas de Amor y Paz (Vagues d’amour et de paix) du pasteur Anibal Gimenez, le ministère Mensaje de Salvación (Message de Salut) de Carlos Anacondia et enfin Vision del Futuro (Vision du futur) du pasteur Omar Cabrera. Ces trois ministères ont impulsé, surtout pendant les années 80, un processus significatif d’expansion du pentec?tisme, développant des formes rituelles, doctrinales et organisationnelles qui se sont [325] étendues à l’ensemble des ?glises pentec?tistes argentines?.Ayant ainsi défini les formes distinctes du protestantisme et du pentec?tisme qui existent en Argentine, nous pouvons maintenant aborder l’évolution quantitative de ceux-ci. Le recensement national de 1895 montre que 0,7% de la population argentine était protestante; 79% de cette population protestante étaient d’origine étrangère, ce qui met en évidence le lien entre protestantisme et immigration. En 1947, le recensement indique que cette composition n’a pas varié de fa?on significative, les protestants représentant 2% de la population et la majorité appartenant encore aux ?glises issues de l’immigration.En 1960, 2,6% de la population se déclarait protestante. Bien que la majorité appartienne toujours aux communautés d’immigrés, on voit appara?tre un groupe significatif de protestants chez les aborigènes Tobas et Mapuches. Avec l’arrêt des flux migratoires européens entre 1947 et 1960, c’est l’augmentation des conversions des indigènes qui explique la croissance de cette période. Ces ??nouveaux protestants?? sont majoritairement pentec?tistes car ce sont ces derniers qui obtiennent le plus grand nombre de conversions auprès des groupes aborigènes.La croissance du protestantisme liée à l’expansion des ?glises pentec?tistes s’est accentuée pendant les décennies suivantes. Selon Lalive d’Epinay, les protestants se sont accrus à un taux annuel moyen de 4,06% entre 1947 à I960?. Si ce rythme s’était maintenu, les protestants auraient représenté environ 6% de la population argentine en 1990. Cependant, en l’absence d’un recensement, des enquêtes montrent que les protestants représentaient environ 10% de la population au début des années 90. Ces chiffres soulignent le rythme de croissance accéléré entre les années 60 et 90.Il existe des indices clairs indiquant que l’expansion protestante, dont les pentec?tistes sont en grande partie responsables, est devenue plus prononcée pendant les années 80?. En analysant l’évolution des entrées dans le Registre des cultes, nous pouvons observer qu’entre 1979 et 1991 [371] l’augmentation du nombre d’églises pentec?tistes a été de 190,1%, c’est-à-dire que le nombre de ces églises a presque triplé, alors que toutes les autres formes de protestantisme arrivent à peine à doubler leur nombre de lieux de culte.Tableau 1. ?volution du nombre de lieux de culte par profession,selon le Registre des cultesPentec?tistesAutresprotestantsAfro-BrésiliensSpiritualistesJuifs19795964871866419839336011529410019871359733103551031991172990378381104Source?: Registre du culteIl est possible de trouver d’autres indicateurs sur la progression du pentec?tisme. Une étude portant sur l’évolution du nombre d’églises dans la capitale fédérale montre qu’il n’y avait qu’une seule église pentec?tiste en 1920; six en 1950; seize en 1970; trente-six en 1980; et cent-vingt en 1992?. Ces chiffres révèlent une augmentation de 233% du nombre d’églises pentec?tistes entre 1980 et 1992. Dans le même laps de temps, le total des autres églises protestantes se chiffre à 100, avec une croissance qui n’atteint même pas les 50%. En conclusion, nous pouvons affirmer que, gr?ce aux processus initiés dans les années 70, le pentec?tisme domine franchement, du moins en termes quantitatifs, le champ protestant. Cette évolution du pentec?tisme a véritablement transformé les relations entre les différentes ?glises me nous l’avons affirmé au début, tant le protestantisme historique que le protestantisme évangélique ont fait preuve d’une certaine hostilité vis-à-vis de leurs frères pentec?tistes. La croissance de ces derniers dans les années 80 a modifié cette situation. Le succès des pentec?tistes dans les secteurs populaires argentins a conduit à une plus grande acceptation du spiritualisme effervescent des pentec?tistes par les autres groupes protestants. Ainsi, certains protestants évangéliques, surtout les baptistes, en vinrent à incorporer des éléments charismatiques dans leurs cultes. Même des secteurs du protestantisme historique commencèrent à valoriser la spiritualité [327] des pentec?tistes, incluant dans leurs célébrations certaines expériences tendant à provoquer une critique sociale sous des formes discursives et rituelles de tendance charismatique. Ce rapprochement a permis une plus grande disponibilité de certains secteurs du pentec?tisme - quoique minoritaires - vis-à-vis des éléments doctrinaux du protestantisme historique. Nous abordons dans la partie suivante les différentes formes de répercussion politique qu’a eu la croissance du pentec?tisme en Argentine.Protestantisme et politique en ArgentinePour penser la relation entre protestantisme et politique en Argentine, il appara?t important de ne pas oublier la perspective de l’objet d’investigation. ?tant donné le caractère minoritaire et généralement abstentionniste du protestantisme, ce dernier ne pourra jamais être considéré comme un acteur clé dans la vie politique argentine. Ceci n’empêche pas que l’on puisse identifier quelques liens plus ou moins significatifs entre le protestantisme et la vie politique dans ce pays. Le premier lien important entre protestantisme et politique en Argentine a déjà été mentionné. Depuis les années 70 et surtout pendant la dictature militaire de 1976-1983, des secteurs du protestantisme historique ont été fortement impliqués dans les mouvements de droits humains opposés au régime.Cette participation politique a pris deux formes: d’un c?té, certains leaders ecclésiastiques ont participé à des organismes formés par d’autres forces sociales (partis politiques, corporations, associations professionnelles, etc.); d’un autre c?té, certaines ?glises ont intégré, en tant qu’institutions, les organismes de défense des droits humains. Ce fut le cas du Mouvement ?cuménique pour les droits humains auquel se rallièrent des secteurs du catholicisme et du protestantisme progressiste. Les contacts établis par des secteurs du protestantisme progressiste pendant cette période ont permis à certains de leurs leaders de se rapprocher de la classe politique une fois la démocratie rétablie. Cette participation marquante du protestantisme progressiste en politique a pris deux formes: un appui aux thèmes liés aux droits humains - avec une tendance à les rattacher aux droits sociaux - ainsi qu’une participation active à ce qui a trait à la défense de la liberté religieuse.Les formes d’implication politique du protestantisme progressiste n’avaient pas, initialement, de plateforme commune avec le pentec?tisme. Jusqu’en 1990, le pentec?tisme n’avait participé à aucune activité politique explicite. Récemment, en 1991, des secteurs du protestantisme évangélique et du pentec?tisme ont tenté de former un parti politique. Le Mouvement chrétien indépendant (MCI) est né de l’initiative de leaders ecclésiastiques [328] de second ordre. Les motivations qui poussèrent à créer ce parti étaient diverses. Le MCI relevait d’une motivation évidente d’utiliser l’appareil d’?tat - au cas où il serait possible d’y occuper des postes -, afin de favoriser la situation de leurs ?glises. Cette motivation incluait le souci de freiner, depuis l’appareil d’?tat, les pressions catholiques visant à restreindre les libertés religieuses. Ces pressions ont suscité une réaction conjointe de tous les secteurs du protestantisme, associant le lobbying auprès de certains législateurs et les manifestations de rue. De plus, à l’adresse d’un public plus large, les leaders des partis affirmaient leur volonté d’introduire en politique une conduite éthique qui se distingue des pratiques imputées aux partis traditionnels. Finalement, les leaders qui promouvèrent l’initiative virent, dans la création du parti, la possibilité de rentabiliser politiquement la croissance du pentec?tisme et d’en obtenir indirectement les bénéfices, en agrandissant le champ d’action du mouvement.En 1993, le MCI en est arrivé à présenter ses candidats à des élections. Le résultat des élections a mis en évidence un rejet de la part de l’électorat protestant. Le parti évangélique n’a pas réussi à positionner un seul de ses candidats à des postes d’?tat?; ils ont même été loin d’obtenir le nombre minimum de votes nécessaires à cette fin. Ils n’obtinrent pas de meilleurs résultats lors de la seconde campagne électorale à laquelle ils participèrent. Ces échecs provoquèrent des tensions à l’intérieur du parti qui finit par se diviser pour des raisons idéologiques en 1995.Un des secteurs du parti, utilisant des contacts avec le protestantisme historique, tenta de se rallier aux secteurs progressistes de la politique argentine, en suivant de près les éléments péronistes de cette alliance. Un autre secteur réorienta ses efforts d’alliance vers les secteurs de la droite péroniste de la province de Buenos Aires. Dans les deux cas, la stratégie d’alliance ne donna aucun résultat significatif.D’autre part, les sondages électoraux et les suivis diachroniques des préférences politiques des différentes strates de la société argentine montrent que les pentec?tistes, surtout ceux des couches les plus modestes, sont majoritairement favorables au péronisme et n’acceptent pas d’orienter leur vote en faveur d’une dénomination?. La loyauté à une expression politique qui a été hégémonique pendant des décennies dans les secteurs populaires est ainsi plus importante chez les pentec?tistes que chez les autres électeurs populaires. Cette loyauté fait obstacle à l’émergence d’une alternative électorale pentec?tiste et, comme nous tenterons de le démontrer dans la troisième partie, elle ne semble pas étrangère au type d’alliances politiques vers lequel s’orientent les pentec?tistes. Les tentatives [329] infructueuses des pentec?tistes argentins de participer à une action politique directe ne doivent pas nous conduire à penser que l’étude des articulations entre pentec?tisme et politique est achevée. Dans l’espace que définit cette loyauté, il est possible de discerner ethnographiquement des articulations et des liens moins évidents - mais non pour autant moins significatifs - qui n’ont pas encore été explorés.Culture péroniste et pentec?tisme autonome à Buenos AiresLa superposition entre les espaces pentec?tistes et péronistes ne doit pas être considérée comme une simple limite au développement d’un hypothétique parti confessionnel. Au contraire, elle doit observer comme un facteur de constitution d’une forme spécifique de lieu politique. Les faits cités dans le dernier paragraphe peuvent ainsi être interprétés avec une plus grande validité. C’est seulement en concevant la relation entre culture religieuse et culture politique comme un jeu à somme nulle que l’on peut clore le sujet. La corrélation identité pentec?tiste-identité péroniste exprime un type de relations entre sensibilités différentes. L’exposé qui suit se propose de le mettre en relief. Nous l’aborderons en deux temps complémentaires. Le premier, s’inspirant des contributions les plus importantes de la littérature sur le sujet, donne une idée du degré et de la forme d’intégration du péronisme aux schémas de reconnaissance socio-politique des secteurs populaires. Le second, reposant sur des données ethnographiques, démontre que le développement du pentec?tisme, loin d’exclure l’héritage péroniste, l’intègre dans la production de son appartenance dénominationnelle et d’une forme spécifique de lien politique.Le péronisme dans la culture des secteurs populairesL’argument qui lie péronisme et religion se base sur le caractère prolongé de l’interpellation populiste?. Outre nos observations qui vont dans ce sens, une littérature récente expose les prémisses logiques et historiques de l’argument qui relie une certaine forme de religiosité à l’impact culturel du populisme. Nous soulignerons deux thèmes de cette tradition qui ont un rapport direct avec notre argument?: (1) le sens de la formation de l’identité des [330] groupes populaires comme ??peuple?? (et les niveaux où cette identification se manifeste)?; et (2) les rapports du péronisme avec les faits religieux.- Le sujet peuple. Ernesto Laclau montre que le produit historique des régimes populistes se reconna?t à la constitution d’un sujet historique différent de la classe sociale?: le peuple?. Examinons le sens de cette catégorie ??sujet peuple??. Outre un modèle de développement lié à la phase de ??substitution des importations?? et outre les mécanismes compensatoires de dysfonctionnements de l’accumulation capitaliste aux moyens des dépenses de l’?tat, le péronisme a articulé une dynamique politique particulière. Dans le contexte d’un lien organique existant entre syndicat et système politique ainsi que d’une consécration des droits du travail, l’identité populaire s’est inscrite dans une dichotomie: celle qui faisait du ??peuple?? le p?le d’un affrontement avec les élites?.La figure du peuple dans le discours péroniste était le fondement de la nationalité, du patriotisme et de la morale face aux ??non argentins?? de la société argentine - ??oligarques??, ??impérialistes??, ??communistes??, ??tra?tres??, etc. Ce peuple était également celui à qui on devait droits et reconnaissance et dans lequel on reconnaissait une source de souveraineté que le leader incarnait par la volonté du peuple et son pouvoir d’acclamation. Dans ce contexte, le radicalisme du péronisme sur le plan de la constitution des idées politiques demeure la particularité du populisme argentin?.Les effets de ce schéma affectent plusieurs niveaux de la société. L’un d’eux nous intéresse?: le péronisme a créé un langage politique ??capable de donner [331] une expression publique à l’expérience privée des secteurs populaires???. C’est à ce stade qu’il est intéressant de situer le fonctionnement du sujet peuple. Le péronisme n’a pas été seulement un régime politique qui a articulé des rapports sociaux au sens macro du terme?; il a également organisé une sorte de culture qui influen?ait le comportement quotidien dans lequel les individus se reconnaissaient. Une série d’études spécifie les niveaux où ce phénomène se produit et la force avec laquelle il se produit. James décrit à quel point s’était développée, dans le péronisme, une vision qui dépassait l’imbrication syndicats-?tat, pour rejoindre l’expérience individuelle, plus subtile. Les effets des interventions sociales et politiques du péronisme imprégnaient le quotidien, créant des identités sociales, des expectatives, des comportements et des ressources culturelles qui se cristallisent autour d’une notion de dignité personnelle?.Ce qui avait été observé dans une perspective socio-historique macro est désormais présenté en fonction d’une lecture ??culturelle de la quotidienneté???. Cette lecture crée et/ou transforme les notions relatives à l’??orgueil et au respect de soi??. Celles-ci ne sont pas issues d’une tradition communautaire ancestrale, ni même d’une idéologie démocratique fondée sur des valeurs libérales - sur les principes de la loi et du droit - mais plut?t d’un appel à des ??symboles de participation sociale dans une société plus égalitaire, spécialement d’un appel à l’expansion des droits du travail et à la consommation???.Ceci est pertinent parce que la durée constitue l’autre caractéristique des mécanismes symboliques du péronisme?. Comme l’affirme [332] T. Halperin Donghi, les mécanismes et les attentes d’intégration typiques de l’époque de l’apogée du populisme ont duré (et durent) plus que leur rationalité économique?. Appara?t fondamental le fait que les notions relatives à l’appartenance au peuple des travailleurs - lesquels doivent à cette appartenance droits et influence sur un ordre politique national dans lequel ils s’intègrent - exercent un poids sur les personnes qui ont vécu l’apogée du péronisme. Ce sont d’ailleurs ces mêmes personnes qui agissent aujourd’hui dans le champ religieux en dirigeant des églises pentec?tistes. De plus, l’expérience a été, pour ces personnes, non seulement un moment formateur d’une mentalité, mais aussi un cadre d’acquisition de pratiques qui, nous le verrons, sont transposables au champ religieux.- Péronisme et religion. Le péronisme faisait des aspects religieux une ligne spéciale d’interpellation de sa clientèle et ceci selon trois plans à la fois différents et complémentaires?. Premièrement, le péronisme a été présenté comme une émanation de la doctrine sociale de l’?glise catholique et de la pensée chrétienne. Deuxièmement, en déclarant et en attisant le conflit avec l’?glise catholique, le péronisme se présentait comme étant le véritable christianisme. Christianisme pratique et éloigné des formalismes et du spiritualisme stérile des ?glises, le christianisme de Perón, d’Evita et de son gouvernement s’est avéré être un christianisme de bonnes ?uvres pour ??ayudar a la gente?? [aider les gens]. En dernier lieu, le péronisme a développé autour de son gouvernement et de ses principales personnalités une forme de propagande qui, selon plusieurs auteurs, était parallèle à celle du christianisme. Ce travail n’a pas pour but d’exposer ces aspects per se. Nous ne pourrons cependant pas éviter de les considérer, dans les descriptions qui suivent, comme des antécédents influen?ant la logique par laquelle sont articulées l’expérience politique et l’expérience religieuse. L’ajout d’un dernier élément contextualisant est ici nécessaire. Ce n’est pas par hasard que le péronisme s’est présenté comme chrétien: outre sa légitimité de longue durée, le christianisme s’est avéré disposer d’une identité très travaillée dans la société argentine. [333]Plus particulièrement, à partir des années 20, le pouvoir et l’influence de l’?glise catholique ont pris de l’importance au sein des élites et des masses urbaines argentines. La projection du catholicisme au sommet de la société a influencé les orientations idéologiques de Péron?. La diffusion du catholiscisme à la base, quant à elle, permet de mieux comprendre la préexistence d’une sensibilité capable de syntoniser et recréer la proposition chrétienne du péronisme. Avant l’ascension de Péron et dans le contexte de l’?glise romanisée, des milliers de travailleurs avaient transformé leur catholicisme en une pratique institutionnalisée où la conscience catholique s’articulait en termes de projets sociaux présentant une troisième voie entre le capitalisme et le communisme.Péronisme et pentec?tisme autonomeà Buenos Aires et dans sa banlieueLe pentec?tisme autonome est constitué d’un ensemble de petites ?glises sans intégration organique avec les grandes dénominations nationales ou internationales. Celles-ci sont généralement situées dans des quartiers populaires et leurs communautés sont commandées par des individus sans formation théologique systématique et dont la nomination au pastorat ne provient d’aucune organisation religieuse formelle. En général, ces leaders se considèrent comme tels parce qu’ils croient avoir re?u l’??appel de Dieu??. Leurs disciples, eux, leur attribuent cette vocation spéciale, ce qui explique la raison de leur fidélité aux leaders.Pour démontrer le rapport entre pentec?tisme autonome et péronisme, nous nous baserons sur des données recueillies lors d’un travail ethnographique dans le quartier populaire Villa Independencia, situé dans la banlieue sud de Buenos Aires. Nous analyserons trois ?glises autonomes - Soy lo que Soy, Vina del Senor et Sermon del Monte - ainsi que les discours et pratiques d’un certain nombre de leurs pasteurs. Ainsi, nous tiendrons particulièrement compte du discours des pasteurs Margarita (qui a un fond clairement péroniste), Carlos Vildosa et Manzano. Nous ferons également occasionnellement référence à d’autres pasteurs d’?glises pentec?tistes autonomes afin d’établir quelques comparaisons significatives. Si les limites de cet article ne nous permettent pas une présentation ethnographique exhaustive, nous prétendons toutefois laisser entrevoir la forme selon laquelle ces acteurs vivent et expliquent le pentec?tisme.L’absence d’encadrement institutionnel de ces ?glises permet qu’entre leaders et fidèles se manifestent, de fa?on assez spontanée et sans entrave [334] doctrinale, les matrices culturelles dans lesquelles s’imbrique le pentec?tisme argentin. C’est en ce sens que l’on peut observer certaines formes de continuité entre les matrices culturelles consolidées à l’époque du péronisme et certaines formes de compréhension et d’action des doctrines religieuses dans le pentec?tisme autonome?. Selon nous, le pentec?tisme est devenu, ces dernières années, une enceinte où les conceptions traditionnelles sociales du péronisme sont récupérées et réappliquées.Il semble impossible de mentionner ici toutes les fa?ons par lesquelles se produit la récupération pentec?tiste du péronisme. Toutefois, nous sign7alerons tout au moins les intersections les plus intéressantes. De là, nous souhaitons démontrer comment le péronisme influence à la fois l’appropriation pentec?tiste des textes bibliques et la fa?on particulière de vivre la doctrine ecclésiale.Empreintes du péronisme dans la lecture de l’?vangileChez les pentec?tistes des quartiers populaires de Villa Independencia, nous constatons que les héros bibliques prennent un sens spécifique pour les sujets influencés par la tradition péroniste. C’est comme si les représentations des héros politiques du péronisme se transformaient en une grille de lecture de la Bible. ? l’image du Jésus que les spiritistes appréhendent dans une logique de réincarnation?, il existe des prophètes qui ressemblent à de véritables chefs politiques issus de la matrice péroniste.Ceci a été clairement constaté lors d’une fête dédiée à des enfants et qui s’est déroulée dans l’église du pasteur Carlos Vildosa. A cette occasion, un récit a été préparé pour une présentation d’un passage de la Bible. Les enfants représentaient le peuple élu et le pasteur racontait les épisodes de l’Ancien Testament dans lesquels était évoqué le personnage de Samson. Dans son récit, le pasteur tentait de faire comprendre à l’assemblée la raison pour laquelle Samson avait été re?u avec enthousiasme par le peuple élu. Pendant qu’à la chaire les enfants mettaient en scène une manifestation en portant des affiches qui saluaient le héros, le pasteur décrivait les attributs de celui-ci. Il est intéressant d’observer que, contrairement au regard classique, Samson ne s’est pas vu attribué de pouvoirs magiques, ni même une force physique capable de défier des 49161707761605a00a[335] armées. En revanche, Samson était identifié comme ??un homme fort capable de dominer les tempêtes, de guider son peuple en période de souffrance??.Au lieu d’une force physique exceptionnelle ou de pouvoirs magiques, on attribue à Samson une force morale propre au ??caudillo??; ainsi, il est défini ici en fonction d’un attribut qui présente le personnage biblique en termes de figure clé de l’imaginaire péroniste: le leader. En effet, les propos du pasteur mettent l’accent sur la capacité décisionnelle de Samson, capacité que les secteurs populaires d’Argentine valorisent et par laquelle ils établissent une continuité entre chefs péronistes dont les programmes gouvernementaux peuvent être aussi différents que ceux de Perón et de Menem?. Le caractère vraisemblablement osé de cette interprétation dispara?t lorsque l’on tient compte de la forme que prenait le récit du pasteur. En effet, la situation d’Isra?l paraissait, dans le récit, très proche de celle qui caractérisait l’Argentine à l’époque où la fête pour les enfants avait lieu. C’est ainsi qu’il fallait suivre celui qui avait vaincu l’inflation?:??C’était une époque très difficile. De chaos. Il y avait beaucoup d’instabilité. Il y avait de l’inflation et on avait besoin d’un homme fort, d’un chef??.Ceci n’est pas le seul cas où la culture politique construit l’interprétation et la narration du sacré. Cela appara?t encore plus clairement dans la fa?on dont les femmes pasteures fondent leur commandement religieux. Il s’agit d’ailleurs d’une thématique que nous avons étudiée de fa?on plus large et systématique. Dans une religion où la condition de la femme pasteure est discutée?, les femmes pasteures locales justifient leur exemple de transgression et la définition de nouveaux r?les, à travers les images qu’Eva Perón leur évoque. Ainsi, les trois femmes pasteures du quartier font allusion, à propos de leur histoire, à des variantes de l’argument que l’une d’elles (Isabel) exprimait émue?: [336]??Quand je pense au fait d’aller à la chaire et de faire face au peuple, j’ai en tête ce qu’a fait Evita. Elle a été quelque chose... d’incroyable?! Parce qu’elle a obtenu beaucoup de choses pour les femmes. Elle a été la première à jouer au football... Elle ne se laissait pas faire, et ?a, c’est ce que je fais aussi. Quand les pasteurs me disent que je suis une femme, que je ne devrais pas être pasteure, je leur dis que ?a, c’était avant, mais maintenant non. Je suis comme Evita??.Bien que cette nouvelle lecture de la Bible s’appuie sur Evita pour permettre aux femmes de faire ce qu’il ne leur était pas permis auparavant, elles ne manquent pas de reconna?tre d’autres qualités que le chrétien peut apprendre d’Evita. Ainsi, selon Margarita, Evita était une femme chrétienne comme il se doit:??[La femme chrétienne doit être] guerrière, capable de faire face à tout. Elle doit être aussi capable d’affronter l’homme. Je ne sais pas si vous savez qu’elle était capable de dire à Perón qu’il avait mal agi, de lui dire ce qu’il avait à faire??.Dans les cas présentés ci-dessus, le péronisme et les sens de la réalité que celui-ci octroie changent les significations traditionnelles du pentec?tisme (tout comme cela se produit dans les cultures indigènes avec la figure du guérisseur). Il y a plusieurs cas de ce genre où des préceptes populistes interviennent dans des questions d’ordre religieux. Un autre exemple de ceci est la position d’autonomie qu’adoptent certaines ?glises pentec?tistes par rapport à l’ordre ecclésial traditionnel. Ces propos de la pasteure Margarita, exprimés dans les termes d’une des ??vingt vérités péronistes??, souligne cette tendance:??Qui menait les gens, hein? C’était moi. Les personnes me suivaient, moi qui ne savais rien de l’?vangile parce que je venais juste d’entrer. Mais je travaille tout le temps pour l’église. J’amenais les gens sur le droit chemin??.La manière particulière avec laquelle l’autonomie de certaines ?glises pentec?tistes est affirmée appara?t encore plus clairement dans les propos du pasteur Carlos Vildosa. Celui-ci utilise, dans son interprétation de l’autonomie de son ?glise, deux dimensions propres au populisme qu’il transpose au plan théologique: la raison qui aide les classes sociales modestes et l’anti-intellectualisme. Ces deux dimensions sont réunies lorsque le pasteur Vildosa explique comment s’est produit son départ d’une plus grande congrégation pour fonder sa nouvelle ?glise. Nous pouvons voir ici l’incidence du péronisme sur la pensée du pasteur, [337] notamment dans la conception plébiscitaire que ce dernier a de la légitimité, dans sa perception de l’origine sociale des membres de la base de son ?glise ainsi que dans la non-valorisation de l'érudition:??Nous autres, nous n’avions rien à faire là. C’était l’église de gens bien nantis et nous, nous étions des chiens. Ce sont ces gens qui sont venus avec moi; tous des voisins d’ici. Ce sont eux qui m’ont reconnu comme pasteur. Et la vérité, c’est qu’on a besoin de rien de plus, ni de séminaire [théologique], de rien??.Nous avons exploré trois thématiques introductives qui montrent comment la matrice péroniste a une incidence sur l’appropriation populaire de la doctrine pentec?tiste. Ces positions nous permettent d’aborder le second thème, peut-être le plus substantiel, à savoir celui de l’autodéfinition des pentec?tistes d’?glises autonomes en tant que ??peuple de Dieu??. On peut observer ici une synthèse significative entre le concept de ??peuple de Dieu?? et la notion traditionnelle du peuple péroniste.Peuple péroniste et peuple de DieuLe fait que les pentec?tistes se reconnaissaient dans la formule ??peuple de Dieu?? ne nous semble pas avoir un sens évident ou générique. Les rapprochements entre certains éléments du pentec?tisme et du populisme évoqués par les fidèles de Villa Independencia laissent supposer que le ??peuple de Dieu?? - le sujet qui constitue les ?glises pentec?tistes - na?t de la rencontre de la matrice populiste et du discours pentec?tiste, plus générique. Les analyses suivantes montrent comment le ??peuple de Dieu?? se considère intuitivement comme un peuple glorifié gr?ce à une interpellation qui rappelle celle faite dans le populisme. Il se sent comme peuple sujet de l’histoire, dépositaire de sa vérité et à qui on assigne, gr?ce à une interpellation pentec?tiste, un destin selon lequel il sera finalement reconnu, élevé et immaculé. Ainsi, le populisme étant précisément le résultat de l’interpellation constitutive de la catégorie peuple, il est évident que les sujets qui formèrent et qui forment encore le peuple du populisme, se considèrent également comme faisant partie du ??peuple de Dieu?? dans le pentec?tisme.[338]Les descamisados de Dieu?En contraste avec l’idée de perfection et du caractère élu du croyant revendiqué par les pentec?tistes de classes moyennes, s’impose, auprès des classes populaires étudiées ici, un discours qui établit le pouvoir et la magnificence du Christ gr?ce à la reconnaissance des pauvres en général et des exclus en particulier. Un premier groupe de croyants peut donc être catégorisé comme étant, à l’instar des sans-chemises, des êtres socialement rachetés. Cette acception se retrouve dans l’énoncé d’un des fidèles de l’?glise Soy lo que Soy?:??Moi j’étais le pire, un homme qui n’avait pas de travail, pas fait d’études, moi qui passais mon temps à boire, j’ai été accepté dans la maison de Dieu et appelé à être un serviteur de son ?uvre??.La réinsertion de cette catégorie d’exclus à travers le discours n’est pas seulement produite par la rencontre du péronisme et du pentec?tisme. Nous pouvons seulement affirmer que cet élément est souligné et réinterprété par le pentec?tisme ainsi que par le christianisme en général (il existe d’autres formes d’imaginaire populaire, selon lesquelles les plus défavorisés deviennent forts dans et par les cieux). Dans quel sens, alors, cette idée se rattache-elle au péronisme?? Dans les ?glises que nous avons étudiées, le sens idéologiquement ??justicialiste??? de cette prétention du pentec?tisme à réinsérer et à élever était explicitement exposé par quelques membres de ces ?glises.Par exemple, la pasteure Margarita interprète le nom qu’elle a adopté pour son ?glise en fonction de sa propre expérience sociale et politique. Au cours d’un de ses sermons, où la théologie et l’homélie ne jouaient pourtant qu’un r?le mineur, la pasteure a clairement justifié le nom de son ?glise ??Sermon sur la Montagne????:??Ceci est le plus important de l’?vangile. C’est l’appel de Dieu aux plus affligés, à ceux qui perdent [...] Nous avons choisi celui-ci parce que Dieu nous a révélé le nom. Je me suis rendue compte par la suite que ce mot dit la même chose que ce qui est dit dans le péronisme. C’est une chose pour les plus démunis, pour nous?? [Margarita].[339]Carlos Vildosa explique aussi son appartenance à l’?vangile en évoquant une reconnaissance qui rend leur dignité aux démunis, aux pauvres et aux exclus. Selon lui, la ??démocratie?? de la reconnaissance de Dieu s’oppose de fa?on explicite au critère selon lequel le monde rejette ceux qui portent un fardeau. ??L’?vangile appartient à ceux dont tout le monde dit qu’ils sont les plus mauvais. Le Christ accomplit son ?uvre avec les plus humbles, ceux qui sont rejetés parce qu’ils sont pauvres, parce qu’ils sont ivres...??. Parlant du type de personnes qui composent son ?glise, Vildosa affirme?:??Le Seigneur m’a donné lors d’une révélation le nom de l’?glise et je me suis rendu compte que c’est ainsi que cela devait être. Que dans notre ?glise, il y avait de tout, comme dans la vigne du Seigneur. Il y avait là le pauvre, le travailleur et moi-même qui, en plus, était exclus. Nous étions tous ceux qui dans n’importe quelle ?glise auraient été considérés comme les pires, ceux dont personne ne veut. Ce sont eux que l’?vangile appelle??.De plus, les caractéristiques du peuple constitué par Dieu à travers son action rédemptrice et salvatrice, une action qui redonne une dignité - c’est un peuple ayant des possibilités, des droits, des prérogatives - sont des caractéristiques présentes dans la notion de ??peuple?? de l’imaginaire péroniste. L’influence du péronisme dans les fondements du pentec?tisme appara?t ici encore plus évidente. L’appropriation de la parole biblique par le peuple peut également refléter l’optique populiste. Ainsi, l’expression ??là où trois se trouvent réunis en mon nom, je serai avec eux?? - interprétée traditionnellement dans le sens où le Père écoutera toujours ses enfants, la prière est toujours une solution et l’?glise se trouve là où sont les croyants - se transforme ici en une lecture qui insiste sur l’autonomie face à toute contrainte de l’autorité du pasteur ou de l’évêque: ??Je ne manquerai pas de le faire. Même si le pasteur est contre. Dieu donne les dons à son peuple pour qu’il le proclame. Si je fais ce que dit le pasteur, ce n’est déjà plus la volonté de Dieu??.La même nuance appara?t dans une autre idée largement répandue dans la définition de l’identité pentec?tiste. On observe une nouvelle référence au populisme dans la manière dont le message pentec?tiste est réapproprié et curieusement marqué. Les pasteurs et fidèles du quartier étudié comprennent que la grande différence entre leur religion et le catholicisme se trouve dans le fait que: ??Nous, nous n’avons pas de Pape [...] nous n’avons besoin de dire à personne ce que nous faisons [...] Chaque église s’arrange avec Dieu??.Cette ??souveraineté du peuple?? est synthétisée dans l’interprétation de la Sainte Cène faite par le pasteur de l’?glise Soy lo que Soy. Selon cette interprétation, l’apogée du rituel pentec?tiste est la reconnaissance [340] du peuple. Cette interprétation s’oppose à un catholicisme où la dichotomie puissants/peuple représente, selon le pasteur, une gêne. ??Ici nous décidons ce que nous faisons. Ce n’est pas comme chez les catholiques. Là le curé boit le vin et le peuple regarde. Ici le peuple partage le vin car le peuple de Dieu le mérite??.En résumé, de ce que nous avons observé dans cette section, se dégage une double opération de synthèse du ??peuple de Dieu?? et du ??peuple péroniste?? réalisée par les secteurs populaires. Cette double opération implique, d’une part, une stratégie visant à donner une dignité au secteur social et, d’autre part, la construction de sa propre autonomie. La synthèse entre péronisme et pentec?tisme permet à ces secteurs de se concevoir comme étant capables de créer et de diriger leurs propres organisations et, de plus, de se sentir dignes en récupérant les conceptions égalitaristes traditionnelles du péronisme. Un autre point qui mérite d’être soulevé à propos de la synthèse pentec?tisme-péronisme est le type de dynamique participative que cette synthèse induit. Les pentec?tistes inscrits dans la matrice populiste ne se con?oivent pas comme politiquement passifs, bien au contraire.Une position post-missionnaire par rapport à la politiqueLes figures de l’imaginaire péroniste sont capables d’inclure certaines catégories du sacré et de fournir des clés de lecture des textes bibliques. Ces catégories, de par leur présence et leur naturel pour ceux qui y ont été habitués durant le péronisme, remettent en question le modèle de réprobation que les ?glises pentec?tistes traditionnelles et les missionnaires pionniers avaient développé face à la politique. Ce modèle co?ncide avec certaines idées sur la politique répandues dans les secteurs populaires de Buenos Aires et de sa banlieue, à savoir que les politiciens sont corrompus et que tous les partis politiques ont un caractère négatif. Cependant, ce modèle semble en réélaboration chez les pentec?tistes appartenant ou ayant appartenu activement au mouvement péroniste.Le complexe de minorité, le millénarisme et le poids des missionnaires, qui se limitent à sauver les ?mes dans les sociétés auxquelles ils sont étrangers, constituent, selon Padilla?, les raisons qui expliquent la distance et l’hostilité des pentec?tistes par rapport au politique. Loin d’être le résultat d’une conspiration, cette condition pourrait changer si le pentec?tisme [341] acquerrait un leadership autochtone. Des leaders post-missionnaires qui, en recodifant le modèle de rapport à la politique, créeraient une théologie post-dénominationnelle, partiellement marquée par un ton péroniste.ConclusionPlusieurs aspects se dégagent de notre exposé. D’un c?té, dans le cas argentin, la présence explicite du pentec?tisme dans la politique n’appara?t pas être significative. Ceci contraste, dans une certaine mesure, avec les processus qui ont lieu au Brésil ou au Chili. D’un autre c?té, si sur le plan de la participation active, la présence des pentec?tistes n’est pas significative, il existe néanmoins des connections plus subtiles entre pentec?tisme et politique. C’est en ce sens que nous avons tenté de démontrer que le pentec?tisme a permis de récupérer, réélaborer et de jouer un nouveau r?le dans certaines traditions politiques propres au péronisme. Ainsi, il est possible de dire que les ??forces spirituelles?? enracinées dans le pentec?tisme ont permis de récupérer et re-légitimer certaines pratiques politiques abandonnées et donc délégitimées par la conduite du péronisme par Menem. Ceci dit, l’influence du péronisme sur le pentec?tisme ne s’arrête pas là. En effet, on remarque que, dans le pentec?tisme autonome argentin, le leadership se con?oit en termes péronistes. Si les ??forces spirituelles?? du pentec?tisme ont servi à récupérer une partie de la tradition péroniste menacée de tomber en désuétude, les traditions péronistes pour leur part ont servi à concevoir certaines structures organisationnelles et certains aspects théologiques des communautés pentec?tistes.Sur la base de ce qui précède, on peut conclure qu’il existe une influence entre pentec?tisme et politique qui travaille dans les deux sens. D’un c?té, le contexte des forces spirituelles qu’établit le pentec?tisme permet de racheter et re-légitimer des pratiques servant les intérêts des secteurs populaires. D’un autre c?té, les bases culturelles et cognitives établies par le péronisme ont servi à articuler des formes de leadership et de pratiques qui ont permis de concevoir les organisations et communautés autonomes du pentec?tisme.[342] [343]Imaginaires politiques et pentec?tismes.Afrique / Amérique latine.BIBLIOGRAPHIES?LECTIONN?E?Retour à la table des matièresAlvarez Carmelo (éd.), Pentecostalismo y liberation: Una experiencia latinoamericana, San José (Costa Rica), Editorial DEI, 1992.Ambler Charles, ??‘What is the World Going to Come to??’ Prophecy and Colonialism in Central Kenya??, in Anderson David & Johnson Douglas H. 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[366][367]Imaginaires politiques et pentec?tismes.Afrique / Amérique latine.Table des matièresQuatrième de couvertureListe des auteurs [5]Avant-propos [9]Introduction, par André Corten et André Mary [11]Prologue?: Une ??grand-messe?? à Nairobi, Yvan Droz [35]PREMI?RE PARTIEAFRIQUE [39]1.Le choix du monde spirituel comme espace public: L’exemple du Bénin, Albert de Surgy [41]2.Diabolisation de l’autre et ruses de l’Esprit: les Assemblées de Dieu du Burkina-Faso, Pierre-Joseph Laurent [61]3.Les origines vernaculaires du Réveil pentec?tiste kenyan: Mobilité sociale et politique, Yvan Droz [81]4.Pentecostalism in Museveni’s Uganda, Paul Gifford [103]5.Les ?glises de guérison à Kinshasa: Leur domestication de la crise des institutions, René Devisch [119]6.La violence symbolique de la Pentec?te gabonaise, André Mary [143]7.Pentecostals and Politics in South Africa: Public Space and Invisibles Forces, Allan Anderson [165]DEUXI?ME PARTIEAM?RIQUE LATINE [183]8.Pentecostal Churches and their Relationship to the Mexican State and Political Parties, Carlos Garma Navarro [185]9.Les pentec?tismes au Guatemala?: éloignement du monde et salut national, Sylvie Pedron-Colombani [199]10.Imaginaire pentec?tiste et confessionnalisation de la politique au Costa Rica, Jean-Pierre Bastian [213]11.Ha?ti?: le pentec?tisme face à la déshumanisation, André Corten [233]12.Politics and Pentecostal Imagery in Venezuela, Angelina Pollak-Eltz [253]13.Le mouvement évangélique au Nord du Brésil: terres de mission et front religieux, Véronique Boyer [267]14.The Political Evolution of Brazilian Pentecostalism: 1986-2000, Paul Freston [287]15.Pentec?tisme et politique au sud du Brésil, Ari Pedro Oro [307]16.Culture politique péroniste et pentec?tisme en Argentine: Spiritualisation de la politique ou politisation de l’Esprit ? Pablo Semán et Daniel Míguez [321]Bibliographie sélectionnée [343][368]Achevé d'imprimer en mai 2001sur les presses de la Nouvelle Imprimerie Laballery - 58500 ClamecyDép?t légal: mai 2001 Numéro d’impression 105070Imaginaires politiques et pentec?tismes.Afrique / Amérique latine.Quatrième de couvertureRetour à la table des matièresEn Afrique et en Amérique latine, deux types d’imaginaires du politique sont en présence dans des rapports hétérogènes: d’une part le type de représentation des ??forces invisibles??, désignées péjorativement comme ??forces occultes??, plut?t associées au mal, d’autre part celui de la visibilité et de la transparence de l’espace public. La thèse de ce livre est que le discours pentec?tiste tire toute sa force de sa capacité à mobiliser ces deux imaginaires en les traduisant l'un dans l’autre et en inventant une nouvelle syntaxe.Mobiliser n’est pas créer, le pentec?tisme n’est pas par lui-même porteur d’un imaginaire politique, il récupère et amalgame les imaginaires disponibles et ses ??traductions?? relèvent plut?t de mésinterprétations constructives. Les dispositifs rituels qu’il met en scène (témoignages, exorcismes, miracles), en faisant notamment irruption dans l’espace public, constituent autant d’opérations discursives qui dérèglent la syntaxe du dicible, déplacent les limites du possible et du pensable.?tudié dans ce r?le de traduction d’un imaginaire dans l’autre, le pentec?tisme ne peut pas être délimité en fonction de critères théologiques. Dans ce livre, tout un ensemble de mouvements (??de type pentec?tiste??) ne sont pas exclus a priori, même s’ils sont combattus par des pentec?tismes plus ??orthodoxes??, comme des manifestations sataniques. On y parle donc de pentec?tismes au pluriel. Le pluriel vise aussi, bien entendu, les différences existant entre les continents et à l’intérieur des continents et même à l’intérieur des pays comme le Brésil. Il marque, enfin, les différences entre les vagues de pentec?tisme. Cet ouvrage fait voyager du Mexique à l’Argentine et du Burkina-Faso à l’Afrique du Sud. D’étranges ressemblances se dégagent. Elles permettent de mieux comprendre cet ??univers des sectes?? souvent travesti par le sensationnalisme.Les auteurs?: Allan Anderson, Jean-Pierre Bastian, Véronique Boyer, André Corten, Albert de Surgy, René Devisch, Yvan Droz, Paul Freston, Carlos Garma Navarro, Paul Gifford, Pierre-Joseph Laurent, André Mary, Daniel Miguez, Ari Pedro Oro, Sylvie Pedron-Colombani, Angelina Pollak-Eltz, Pablo Semán.Collection dirigée par Jean CopansFin du texte ................
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