I' POESIE GALLIGRAMMATIQUE ET POESIE CONCRETE | par …



POESIE CALLIGRAMMATIQUE ET POESIE CONCRETE

par Renée RIESE HUBERT

La poésie concrète, en puissance depuis Calligrammes, quelque peu négligée aujourd'hui, prend son essor dans les années 50 et atteint son apogée pendant la décennie suivante. Recueils, anthologies et catalogues témoignent de sa vigueur dans trois continents, surtout au Japon, au Brésil, aux Etats-Unis, en France et en Allemagne où plaquettes et manifestes pullulent. Comme d'autres manifestations d'avant-garde, la poésie concrète reconnaît peu de précurseurs. Elle a fourni quelques noms sans vraiment poser le problème des affinités. Apollinaire, Tzara et E. E. Cummings sont nommés à plusieurs reprises (1). Je me propose d'examiner quelques-uns de leurs textes afin de les confronter avec ceux de Gomringer, Döhl, Rühm, Pierrer Garnier et Jean-François Bory (2). Les poètes concrets, comme les peintres conceptuels, ont, semble-t-il, plus de goût pour les élucubrations théoriques que pour la création artistique au sens traditionnel. Apollinaire avait formulé des programmes et expliqué des idéologies, mais sans vraiment s'éloigner de la poésie : Les Peintres cubistes, par exemple, ne ressemble en rien à un traité philosophique. Contrairement à Apollinaire, la plupart des poètes concrets n'envisagent pas leurs efforts poétiques du point de vue du lecteur, leur recherche, le processus de leur création l'emportant sur tout le reste.

La spatialité permet certains rapprochements entre Apollinaire et les poètes concrets. La mise en question de la poésie linéaire basée sur la versification et le rôle capital accordé à la page - la feuille blanche - remontent évidemment à Mallarmé. Même s'il n'a pas formulé de théories explicites à ce propos, on peut dire qu'Apollinaire cherche l'aventure en proposant une poésie qui n'impose pas une lecture à sens unique. L'exploration exige des opérations et même des surprises visuelles, mais sans sacrifier les aspects signifiants et thématiques de la poésie (3). La fusion ou du moins la création de nouveaux liens entre le côté visuel et les éléments linguistiques caractérisent également la

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poésie concrète. Le lecteur prend conscience de la page, comme d'un espace analogue à celui du peintre. Les peintres de leur époque, cubistes, Mondrian, peintres abstraits ont permis à Apollinaire et aux poètes concrets de prendre conscience d'une façon aiguë des problèmes esthétiques liés à l'espace.

Le poème «Mutation» ne possède guère les caractéristiques visuelles de la poésie calligrammatique, mais, comme l'indique le titre, une technique s'y manifeste que les poètes concrets vont souvent pratiquer. Comme dans ce texte d'Apollinaire une lettre, un groupe de lettres, des mots, des paradigmes se font remplacer par des parties du discours ou des formes grammaticales équivalentes, grâce à ces substitutions le poème passe par des stades successifs, sa «figure» se métamorphose, et des rapports inattendus entre des lettres ou des mots se révèlent. «Mutation» se compose d'éléments variables et d'éléments fixes qui se répètent. Un modèle s'établit dès le début, se renforce progressivement, puis cesse de rester en vigueur. Les exclamations des vers pairs et des phrases à construction identique des vers impairs constituant le modèle, suggèrent la régularité, la monotonie, on oserait même dire la mécanique. D'une part, trois sons ou voyelles, trois cris ordinaires suggèrent pourtant la surprise. D'autre part, un article, un nom, un pronom relatif, un verbe à l'imparfait dénotant la durée, l'état, forment quatre subordonnées à la recherche de la même principale. Ces quatre subordonnées, par des remplacements successifs, constituent une série de mutations. Puis il se produit un changement brusque, car la phrase «les allumettes ne prenaient pas» est un signal négatif, à partir duquel les ruptures se multiplient : séparation de mots, brisure de rythme. Le lecteur passe alors d'observations et de descriptions à une prise de conscience : constatation que le monde extérieur et par suite le monde du poète qui réagit par rapport a ce monde extérieur, a changé. Aux mutations qui se produisent par la substitution des soldats aux femmes, c'est-à-dire une mutation extérieure, mutation vraiment militaire, correspondent des mutations intérieures, car chaque phrase évoque un changement, un passage. La plupart de ces vers se rapportant à l'action de la guerre présentent des communications télescopées, télégraphiées de situations produites par des batailles; la distinction entre participants et non-participants s'abolit. Par contre, le vers «les allumettes ne prenaient pas», seul vers négatif, qui déclenche le discontinu, introduit l'ambiguïté. Il se rapporte à la fois aux hostilités, à une inspiration, un feu poétique et une flamme amoureuse.

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Après la rupture des rythmes réguliers, l'attention se détourne de la guerre, des surprises constantes qu'elle provoque, vers l'Amour se référant au sentiment aussi bien qu'à la femme aimée. La structure régulière, impersonnelle du début se manifestant par rapport à un monde fait de mutation continuelle, cède la place à des aveux où l'accent pèse sur chaque mot dénotant la constance, la permanence. Aux articles indéfinis se substitue ce «mon amour» si définitif. Le poème se termine par les exclamations «Eh! Oh! Ha!» si souvent répétées. Mais dans cette dernière répétition on constate une ambiguïté - une mutation de sens - car elles suggèrent la joie d'un renouveau, ainsi que la présence continuelle de la guerre.

Le jeu des mutations sur le plan du son, de la lettre, de la syntaxe sert à mettre en vedette une dialectique entre le monde extérieur et la vie intérieure; elle relève donc d'une méthode de connaissance. Même si le poète a recours à une technique qui deviendra habituelle chez les poètes concrets, certains des éléments sur lesquels il s'appuie, son et syntaxe surtout, ne jouent souvent qu'un rôle secondaire et parfois nul dans la poésie concrète.

Comme «La Petite auto», comme «Fumées», «2e canonnier conducteur» se compose de vers et de parties calligrammatiques. Dans la partie versifiée le poète raconte des événements se rapportant à la guerre et qui se jouent autour de lui. Quand la journée débute, il se sent libre et dispos, sa fonction de canonnier conducteur le met de bonne humeur. La camaraderie règne, les différences entre officiers et soldats, blessés et non-blessés, fantassins et artilleurs comptent à peine, tout le monde qui s'ébranle à des rythmes différents marche pourtant vers la victoire, qui, personnifiée, accompagne les soldats. Le poète abolit non seulement les distinctions entre les non-participants et les participants à la guerre par cette quête doublement victorieuse où le présent rejoint déjà l'avenir, mais aussi la différence entre les éléments guerriers et naturels. Les fantassins mouillés dans la pluie, deviennent des mottes de terre, l'officier «une étoile», «un guide», «un signe favorable». Ces transformations suscitent la présence de lièvres, du ruisseau et finalement de l'oiseau, avatar de la victoire. La déclaration de liberté du début se transforme en cris de joie universelle, le domaine personnel en domaine poétique, en chant d'oiseau, en merveilles.

Alors que la partie du poème en vers suit son cours, la partie calligrammatique, du moins à deux reprises, crée des ruptures. Le récit s'interrompant, la méthode de lecture change de fond en comble, le ton passe

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à la désinvolture, au défi. Le premier «dessin» représente un clairon. Le vers précédent soulève pour le lecteur la question : qui est na Nancéenne? Mais les mots se rapportent à la vie érotique des artilleurs (dont le canon a tiré un coup de trop). La disposition calligrammatique impose aux lecteurs des moments d'hésitation et d'arrêt à cause de tous ces mots, séparés en syllabes et en sons, avant qu'il ne puisse déchiffrer le secret contenu dans «la Vxxxxx» et «au———». Ayant révélé l'activité plus ou moins secrète de l'artillerie, le poète reprend son récit, ayant expliqué implicitement pourquoi les servants s'endorment alors que le narrateur reste éveillé.

La deuxième partie calligrammatique se compose de trois images : d'abord une botte qui marque certainement la continuité, comme le clairon qui précède, ensuite les images de Notre-Dame et de la Tour Eiffel. Aux ruptures préalables qu'on pourrait qualifier de loisirs s'ajoutent d'autres congés, d'autres excursions dans le temps et dans l'espace. Le poète évoque des souvenirs parisiens et entre en communications avec les absents. Il souligne certains termes : «0 Paris» indiquant la nostalgie mais sans l'exprimer à titre personnel. Mais ce passé sert en même temps de promesse et de prophétie pour l'avenir, tout en affirmant que la parole poétique peut avantageusement remplacer le canon. On peut se demander si Apollinaire fait allusion à la voix codée de l'émetteur installé dans la Tour Eiffel. Le dessin des monuments parisiens les rend présents. Dans la deuxième partie calligrammatique où l'alignement et la descente déterminent le sens de la lecture, les ruptures de mots, de syllabes ne semblent pas se soumettre en premier lieu aux données linguistiques, mais aux données spatiales. L'élargissement de la Tour Eiffel vers la partie inférieure se crée non seulement par une augmentation du nombre des lettres, mais par leur grosseur, ce qui suggère la plus grande proximité de la partie inférieure. Dans l'ensemble, la deuxième partie calligrammatique s'inscrit en lettres plus petites que les autres, reléguant les souvenirs dans un espace plus lointain. Au dénouement, comme nous l'avons dit, le triomphe de la liberté se transforme en chant d'oiseau dans le ciel. Le poète n'abandonne pas pour autant la guerre, même s'il a métamorphosé les officiers en étoile et en ange. Il ne vit pas exclusivement dans le rêve ou dans la fantaisie.

La forme du calligramme final, rectangle précédé d'une ligne, peut suggérer un oiseau qui vole, mais

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aussi, par rapport à la première forme calligrammatique, une simplification du clairon, et même, vu de côté, une bouteille de vin pour fêter la victoire ou oublier la guerre. L'oiseau rapace qui chante se rapproche des sons du clairon et, bien sûr, de la victoire forcément ailée. Cette dernière partie calligrammatique, comme les autres, évoque une activité typique de l'arrière; elle semble une fois de plus détourner notre attention de l'action militaire. Cette dernière comprend aussi une ambiguïté : à celles de la putain et du clairon, de l'absence et de la présence de Paris, de l'action de tirer la langue et de tirer un coup de canon s'ajoute l'oiseau, clairon - victoire - vin. L'unité du poème se maintient malgré toute cette diversité, car ces ambiguïtés et les images poétiques de la partie versifiée, par exemple dans l'image du fantassin transformé en motte de terre, se conjuguent et se complètent.

«Eventail des saveurs» est le poème calligrammatique par excellence; il se compose, sur le plan spatial, d'une sorte de constellation ou plutôt d'une série d'îlots de formes éparpillées sur la page. «Atolls», le premier mot du poème, correspond intimement à cette configuration. La plupart des îlots de mots se composent d'arcs, de lignes courbes ou circulaires; ils sont donc liés au terme principal du titre «éventail». Un îlot au centre vide figure la lagune de l'atoll, d'autres, qui se resserrent vers le bas, rappellent le centre du rayonnement de l'éventail. Des formes paraissent; des poissons, un pistolet, des parties d'un visage cubiste, oeil, nez et bouche, toutes ces formes se rapportent à des mots du poème. Les configurations spatiales conviennent à des termes nommés, mais le texte ne répète pas ces formes spatiales en les décrivant et ainsi on ne peut guère les considérer comme une illustration du texte, qui à bien des égards n'a pas d'équivalent visuel. «Eventail des saveurs», comme l'indique le titre, propose le passage de la vi-sion au goût, d'une image concrète à un autre «sens» submergé, déjà. D'une part le côté intangible, éphémère, s'affirme, d'autre part le titre inclut la notion de prolongement : éventail - toute la gamme des saveurs. La configuration des formes à la fois analogues et différentes, isolées, mais groupées, marque aussi la structure verbale. «Eventail des saveurs» fait allusion à une synesthésie; d'autres y font écho, le «tapis de la saveur», la «bouche au souffle azur». Les couleurs se reflètent, se miroitent, s'éclipsent par la transformation d'une impression en une autre; la bouche, loin de consolider les impressions gustatives, suggère l'élargissement par les termes «souffle»,

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«ouïs», «mousson» et «azur». Elle devient donc un éventail parmi d'autres, un «prolongement» qui englobe l'espace et la synesthésie. Et le petit oiseau (décrit par des mots, comme les poissons par des lignes) augmente le mouvement, l'élan, le déploiement. De la joie de vivre le poète passe à la joie poétique. Les réverbérations, qui vont du visuel au tactile et au gustatif, n'excluent nullement l'auditif : les cris, les exclamations, et surtout les éclats, les sons de la flûte et du phonographe. Ce calligramme s'adresse aussi à l'oreille; des sons se propagent, «ouïs», «ouïs» dénotent des bruits qui fuient, qui bougent ainsi que, par analogie sonore, les ouies de l'alose. L'absence d'article devant «ouïs» et la répétition de ce terme permet la simultanéité du nom et du cri ainsi que l'évocation d'un mouvement rapide. L'écriture calligraphique permet d'établir une série d'analogies entre le monde des objets, les paysages, les personnes et leurs qualités intangibles qui, si différentes soient-elles, font partie d'un même éventail qui se déploie. «Eventail des saveurs» présente plusieurs caractéristiques de la poésie concrète par ces procédés, de libération du langage qui rejettent la phrase comme principe d'unité.

«Coeur couronne et miroir», les trois mots du titre évoquent trois objets qui correspondent aux trois figures sur la page. Les trois figures sont séparées, chacune renfermées sur elles-mêmes. Le coeur, la couronne et le miroir exigent différentes voies de lecture : circulaire pour le coeur et pour le miroir, verticale et horizontale pour la couronne; on procède tantôt par syllabe, tantôt par lettre. Le regard du lecteur recrée les objets. Au premier coup d'oeil seul le nom de Guillaume Apollinaire au centre du miroir paraît lisible. L'image du poète, son nom poétique, constitue ainsi le foyer du poème. Comment rattacher le coeur et la couronne à cet autoportrait? C'est que l'amour et la gloire sont indispensables au poète qui ' aspire à se voir en tant que créateur; le coeur analogue à une flamme suggère à la fois l'amour, si central dans la poésie d^Apollinaire, et l'inspiration. Comme il incombe au poète de remplacer par ses vers les rois morts, la couronne symbolise gloire et immortalité (4). La couronne et le coeur ont des affinités avec le miroir, car ils composent eux aussi la personnalité poétique d'Apollinaire. Tout un réseau d'analogies lie les trois figures; par exemple, la flamme est pareille à un coeur, le coeur sert de miroir, un objet renvoie l'image renversée d'un autre. Outre l'analogie entre la gloire politique et la gloire

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royale, la couronne exprime la réversibilité entre la mort et la renaissance opérée par le travail poétique. Finalement, le miroir à son tour prend les caractéristiques du coeur; le poète y est enclos «vivant» comme il voudrait sans doute y enfermer la femme aimée. Mais «l'image», le reflet subit un renversement-supplémentaire; l'écriture ne se présente point à l'envers. Le miroir contient le poète vivant et non pas le reflet. Ainsi la clôture, l'encerclement finit par être équivalent à la libération, à l'union. Si le poète avait simplement écrit ses commentaires d'une façon linéaire, la nature du texte aurait changé de fond en comble. Les commentaires assez personnels du poète, qui ne fait nullement violence à la syntaxe, prendraient l'allure de proverbes, de trouvailles d'expressions, mais leurs rapports seraient amoindris; ils ne ressortent que grâce à l'entrelacement des jeux de formes et des jeux verbaux.

En ne considérant que quelques textes calligrammatiques d'Apollinaire, nous avons constaté, en plus de l'exploitation spatiale de la page, la présence de certaines techniques ultérieurement employées par les poètes concrets, notamment la mutation, la fragmentation des mots et la réduction de la syntaxe. Ces mêmes techniques jouent souvent un rôle important dans la poésie de Tzara. Dans «Pastilles d'acier II» (5), par l'alternance de lettres et de chiffres, le poète met en vedette les ruptures syntactiques. Le poème procède par lignes sans ponctuation et sans ordre syntaxique. La continuité verbale est interrompue par des chiffres espacés d'une façon irrégulière. Malgré ces interruptions les chiffres ne dérèglent guère en profondeur le mouvement, la suite des mots. Deux séries autonomes de signes paraissent sur la même page sans arriver à une jointure. Le rythme des chiffres reste mystérieux et l'ordre mécanique auquel on aurait pu songer est déjoué par l'inversion du 6 et du 7. Y a-t-il là hasard ou raisons profondes?

Du texte surgissent plusieurs allusions à un dialogue, un «moi» qui parle, un «il» qui répond bien plus tard, excuses, explications, tantôt en style direct, tantôt en style indirect. De la voix on passe à l'activité de parler, comme si le jeu se voyait et de face et de biais. Le dialogue, tantôt caché, tantôt manifeste, ressort parmi d'autres jeux linguistiques et numériques. On devine, on apprend que les interlocuteurs s'engagent dans un échange non seulement verbal, mais mercantile, échange ambigu ou à double face, vente régulière ou transaction

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quelque peu illicite, suscitant des valeurs authentiques ou louches. Les chiffres vont forcément se rapporter à l'argent, aux objets. D'une part, on compte, d'autre part, les paroles ou les mots se suivent dans une confrontation déroutante. Les pastilles d'acier ou les pilules de bijoux, les compresses servent à soigner de fausses maladies, à feindre des valeurs. Et ces substitutions se reflètent au niveau de la langue. L'enchaînement des mots se fait en apparence selon certaines règles, par exemple l'allitération quelque peu boiteuse : «comment», «compresse», «princesse»; le poète allège ou appesantit les mots. Des rapports et même des tensions s'établissent grâce aux chiffres, grâce aux jeux de suppression et de substitutions. Le langage ne correspond pas toujours à l'événement, à la situation des objets; Tzara en diminue la couche sémantique.

Le poème consacré à la sauterelle est une des réussites les plus marquées de Cummings dans le domaine de l'expérimentation spatiale et linguistique (6). Le poète introduit la sauterelle par le mouvement caractéristique et essentiel de cet insecte. Il n'emploie pas des méthodes descriptives directes telles que des lignes ascendantes ou descendantes, des vecteurs, ou un vocabulaire se référant au mouvement. Grâce au travail poétique le terme «grasshopper» devient le poème. Il paraît quatre fois; lors des trois premières, l'ordre des lettres est inverti et remanié; d'autres complexités s'ajoutent, majuscules alternant avec minuscules, lettres séparées, mises entre parenthèses. Comme les lettres changent de position, la proximité ou distance relative de la sauterelle par rapport au spectateur ou au champ du visible semble varier ainsi que l'étendue relative des pattes ou leur recourbement. Les sonorités saillantes de S et de P maintiennent le contact pour le lecteur malgré le déplacement des lettres. La rapidité des sauts, les déplacements transforment l'être même de la sauterelle et notre perception de l'insecte. Le regard ne retranche point la partie arrière du devant, mais découpe le déplacement lui-même. Le saut est suivi d'un arrêt, puis d'un nouvel élan, la fluctuation se poursuit, les hauts et les bas se multiplient. Quand finalement Cummings aboutit au terme «grasshopper», il a défini la sauterelle, l'animal correspond au terme qui le dénote, le mot se colle à un être vivant (7). Bien des poèmes de Cummings abondent en espaces vides, en fragments et aussi en mots mis entre parenthèses. Souvent l'invasion du silence rend visible

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et explicite le langage. Ce que le poème présente est le résidu d'un langage plus complet, une série de signes que le lecteur doit amplifier. Il ne voit que la discontinuité, les ruptures qu'il s'efforce de regrouper, de tasser et d'élaborer. Le poète suggère que les lettres figurent dans un espace double, plans ou dimensions qui se rencontrent sans jamais se superposer.

Alors qu'Apollinaire dans ses Calligrammes aurait pu présenter le terme «leap» (saut) en arrangeant les lettres en forme de courbe, Cummings, par la séparation des lettres, l'introduction d'une majuscule et d'un point d'exclamation au milieu, suscite l'imprévu, la surprise, l'irrégularité. Son langage, par la dispersion et la reconstitution, évoque la nature même de l'objet. Du point de vue de la poésie concrète, Cummings accorde une autonomie plus grande à la lettre, un détachement plus marqué à la syntaxe, une attitude plus conceptuelle au langage et surtout une transformation dans la relation entre l'objet et le langage, l'objet n'étant plus statique et saisissable.

Alors que les poèmes discutés jusqu'ici tendent à se rapporter à un objet, le texte de Gomringer tourne autour d'un seul mot (6). La poésie calligrammatique se caractérise déjà par une tendance très nette vers la concision et les réductions systématiques, mais ces caractéristiques deviennent extrêmes dans la poésie concrète. Gomringer ne vise pas à un alignement, à une coïncidence entre les formes physiques et l'expression verbale. Malgré les répétitions, malgré les directions différentes dans lesquelles les lettres se rangent, le lecteur n'est pas censé découvrir d'autres termes que le mot «wind»; ce terme lié à nul autre, se suffit à lui-même, il constitue le poème. Le texte se refuse à une lecture linéaire dont il subsiste toujours quelques éléments chez Apollinaire. Chez Gomringer la lecture horizontale n'est plus de mise. Il n'y subsiste que des lignes diagonales allant de haut en bas, de bas en haut, vers le nord, le sud, l'est et l'ouest. En éliminant la lecture linéaire, le poète nie la possibilité que le vent soit à sens unique; toutes les directions restent possibles et disponibles. Et il souligne aussi ce qui importe à propos du vent : qu'il est mouvement, déplacement, ligne de force (9). Le poète sépare le vent de tout univers concret, tangible. Il ne s'agit pas de situer, de mettre en fonction; il s'agit d'en arriver à une essence, à la nature fondamentale du terme, sans l'appui d'autres mots. L'ensemble du poème forme une constellation, rythmique, ondulante, suggérant des mouvements fluides et continus par l'emplacement des lettres. La configuration évite la symétrie, la stabilité, l'immobilisme. Toutes les lettres paraissent trois fois,

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sauf la lettre W qui surgit aux quatre coins. Par l'entrecoupement des lignes, chaque d, u et i peut faire double emploi, alors que le W est exclu de ce système. Les quatre W sont placés en position stratégique en haut et en bas, plus rapprochée à la partie supérieure, plus éloignés à la partie inférieure, ce qui suggère encore un genre de déplacement et de mobilité, le souffle - aussi suscité par la. prononciation allemande du W - grandit, occupe en plus en plus de terrain. La forme répète les directions indiquées des lettres, les quatre directions possibles du vent. Sur le plan spatial ainsi que sur le plan lingustique, micro et macrostructures sont liées intimement. Moins mimétique qu'un poème calligrammatique, «Wind» de Gomringer se rapporte encore à une réalité extérieure, mais à peine visuelle (10). La langue et les qualités de l'objet, mais moins de l'objet que les lettres le représentant, jouent un rôle primordial.

On pourrait se demander si Reinhard Döhl dans son poème intitulé «Apfel» ne s'est pas proposé un but analogue à celui de Gomringer et si la principale différence est dans la nature de l'objet choisi (11). La pomme suscite moins de réactions lyriques immédiates chez le lecteur. Elle est l'objet par excellence de la nature morte, où certes le vent ne pourrait pas figurer. Döhl reproduit les contours de l'objet, comme le fait Apollinaire. Mais à part ce facteur général il n'y a pas de commun dénominateur (12). La pomme devient en effet concrète, grâce au langage; elle est création sur le plan verbal. Elle se compose de la solidité ininterrompue des lettres, solidité qui abolit même le mot en le répétant indéfiniment et sans laisser de vide. La blancheur de la feuille s'oppose à la concrétisation des lettres, deux espaces, l'un vide, l'autre rempli, se confrontent. Mais tenons compte d'un détail. La surface opaque verbale de la pomme n'est ni parfaite, ni homogène. Il y a une imperfection; les lettres «Wurm» remplacent une seule fois «Apfel», bien cachées et bien visibles en même temps. Le ver s'est installé dans la pomme, la spatialisation du langage, ironiquement, tient compte du temporel.

Gehrhard Rühm consacre un poème à la fleur - terme aussi courant dans la poésie lyrique que le vent (13). L'élément saillant de ce texte est la répétition fidèle, même acharnée du nom «Blume» avec son article défini. La répétition ne mène à aucune nuance, à aucune particularisation. Nous avons à faire à un alignement de mots sans irrégularité, sans mobilité. Reprise mécanique des mêmes termes, absence

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de vibration ou de vitalité; ces caractéristiques sont rehaussées par la typographie, aux proportions bien étudiées, contrairement à la poésie calligrammatique qui rappelle souvent la calligraphie ou l'écriture. Du point de vue du signifié, le poème évoque l'évolution de la fleur, de la floraison au flétrissement, à l'absence d'activité, à la mort. Du point de vue du signifiant, c'est toujours le même terme, suivi d'un verbe. De la phrase complète mais réduite au minimum le poète passe au nom sans verbe, sortant ainsi de la structure temporelle. La réduction indique l'absence de stade, la fleur en soi, mais aussi sa relativité. D'autre part, l'ensemble des mots, simules, mécaniques, par leur groupement évoque les contours de la fleur, de sa tige, de ses pétales. Le poète en arrive à l'essence du point de vue spatial aussi bien que linguistique. La répétition qui bat la mesure, qui divise le temps, finit par se transformer en durée et en fin de compte permet au lecteur de concevoir la fleur hors du temps.

La poésie concrète comprend des tendances fort différentes : un des théoriciens importants, Pierre Garnier, a résumé les directions des différents groupes, leurs ambitions, leur autonomie et leur solidarité (14). Il a collaboré avec son épouse allemande lise et le poète japonais Nikuni, collaboration qui témoigne de l'effort pour dénationaliser les langues et voir dans la poésie un effort de traduction au sens fort du terme, de donner une élasticité aux mots, aux lettres, aux contours (15). Dans un de ses poèmes les plus connus, Garnier répète le mot «cinéma» sans relâche et sans rupture (16). L'autonomie est abolie, le mot se subordonne à une continuité intransigeante. Le poème s'intitule «Texte pour une architecture» ; on peut parler de mur dans deux sens différents, d'abord le cadre ou bord constitue un mur au-delà duquel les lettres doivent dévier afin de continuer leur marche; ensuite le mur construit par un architecte. C'est le poème concret par excellence, car Garnier cherche à concrétiser, grâce au langage. Le procédé de ce poème peut paraître plus mécanique que dans les textes de Gomringer, de Rühm ou de Döhl. Un carré solide de lignes à peine espacées, rempli du même mot. Et pourtant, comme dans les poèmes sur la fleur et le vent, il s'établit un rapport entre le signifié et le signifiant : par le graphisme, par la réduction, la chose à laquelle le poème doit aboutir devient acte ou activité au lieu d'état. Cette activité est évoquée par un langage qui ne décrit pas, qui a l'air d'être mécanique. La langue parle, elle se parle, mais elle n'exprime pas; il n'y a pas de code qu'il faille déchiffrer.

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Le langage ne crée pas des images qui évoquent ou représentent; le langage devient l'image de l'objet, le phénomène. Le mouvement régulier de la bobine, la continuité de l'image qui se déplace appartiennent au domaine du cinéma. Garnier a dit de lui-même à propos de son poème qu'il est caractérisé par la vibration même de l'art cinématographique. Il a pour ainsi dire donné ou «ouvert» le mot au lecteur. Comme les trois dernières lettres s'inscrivent en caractères plus gros, des zones claires alternent avec des zones sombres - contraste qui correspond à l'opposition ombre-lumière dans le film. Le spectateur ou lecteur n'est pas censé découvrir des mots ou déchiffrer des lettres, mais affronter cette architecture. Ce mur possède des qualités provocatrices qui agissent sans intermédiaire. Pierre Garnier crée une unité, une fusion entre la poésie et certaines données de la technologie. La poésie s'est adaptée à la technologie, qu'Apollinaire avait déjà accueillie avec enthousiasme, qu'il a tranformée en images lyriques, prophétiques de l'avenir.

Malgré la .réduction du texte poétique à un seul mot, parfois même à une seule lettre, chaque poème se déploie selon ses propres lois. Ce qui importe le plus souvent au poète, c'est l'écriture ou plutôt l'acte d'écrire, geste, processus qui défie la répétition (je distingue entre la répétition du geste poétique et la répétition d'éléments verbaux, refrain ou mécanisation dont j'ai parlé auparavant.) Garnier interroge les lettres, il les laisse parler, il interroge les mots, tout en les libérant d'un fardeau littéraire qui risquerait de les écraser (17). Il a même remplacé dans certains de ses textes le français littéraire par le dialecte poitevin pour pousser plus loin son enquête. Garnier a consacré toute une série de textes au soleil en créant des constellations différentes auxquelles il donne d'ailleurs des titres ayant une allure descriptive : «soleil mystique», «blason de soleil», «la porte du soleil», «masque solaire». Le «soleil mystique» fournit grosso modo l'image d'un soleil fait de rayons et d'un autre d'autant moins circulaire qu'il semble se déplier, se déplacer (18). Le terme «soleil» se répète un grand nombre de fois; il fournit le germe et la racine des autres mots et lettres composant ce poème. Ils en sont tirés, ils s'en rapprochent et s'en éloignent de plusieurs manières. Comme dans d'autres poèmes que nous avons discutés, le langage coïncide avec l'image, mais sans la suggérer par une série de mots. Le mot n'est pas seulement pourvu de qualités

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spatiales provoquant des alternances entre la continuité et la discontinuité, le vide et le plein, la blancheur et l'obscurité; il est aussi composé de lettres, de sons, de syllabes. Soleil contient le mot latin «sol», ainsi que «sol» au sens musical et «sol» terre. Des remaniements et des mutations, lettres visibles et sons produisent «œil», «aile», «île», fragments du mot soleil, car la visibilité, la vitalité et la vibration sont des qualités essentielles du soleil. Certes, le soleil, grâce aux gammes lumineuses et sonores qu'il comporte, grâce à ces sons isolés et composés, grâce à toutes ces lettres qu'il renferme sur elles-mêmes, grâce à sa forme ouverte, présente un ensemble harmonieux libéré de toute symétrie. La réduction linguistique produit paradoxalement une extension, un gonflement. L'expression de Heissenbüttel convient à merveille à ce poème : «Wörter selber hatten plötzlich so etwas wie sinnliche Austrahlung bekommer.» (19) Le langage incapable de se débarrasser complètement de ses fonctions sémantiques ou d'abolir jusqu'au moindre soupçon du hasard reprend sa vitalité, son dynamisme. Alors qu'Apollinaire ne pouvait douter de la force poétique, Garnier ne reconnaît que l'action du Verbe. La concentration du poème sur le seul potentiel d'un mot lui donne une grande intensité. Le mot «soleil» n'est plus situé. Une idée de Lyotard convient tout à fait au poème de Garnier : «II y a du voir jusque dans le dire, la forme du discours n'appartient pas à la signification, elle produit le sens par démembrement.» (20) Remarquons que la typographie de ce poème provient d'une machine à écrire, peut-être celle du poète, alors que le poème-cinéma, qui se propose de rapporter des signes où le contact et l'intervention personnels sont encore moins visibles, se compose de lettres à formes nettement géométriques aussi éloignées que possible d'une écriture.

Garnier cherche à étendre les gammes du langage, moins par rapport à la sémantique au sens restreint du terme, que par rapport au graphisme, au lettrisme. Il ouvre le champ de la page à des mots et à des lettres exigeant des relations nouvelles. Jean-François Bory agit plus directement par rapport aux valeurs culturelles : sa poésie multiplie les tensions et les heurts. Un des textes les plus importants de Bory prend la forme de la lettre S qui remplit presque toute la page et qui barrée devient le signe du dollar (21). Or, dans ce signe pullulent des termes commençant par S comme pour montrer à la fois la collusion et l'incompatibilité entre un système linguistique

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et des valeurs culturelles. Dans un autre texte, Bory emploie une technique pratiquée aussi par le poète américain Emmet Williams pour qui la page ne peut servir de cadre unificateur, car c'est le livre qui s'arroge cette fonction (22). La lecture devient surtout l'acte de tourner rapidement les pages, dont chacune complète mais éclipse la précédente, mettant en lumière les avances dynamiques de la lettre et les phrases successives du mot. Le poème de Bory, d'emblée complet, s'étend en se répétant pendant cinq pages au cours desquelles le texte, du seul fait que les lettres s'agrandissent comme sous une loupe, se rapproche du lecteur. Le texte, d'ailleurs calligrammatique, d'abord difficile à déchiffrer à l'oeil nu, se met une seule fois à la portée du lecteur, pour lui échapper en se rapprochant indéfiniment et finit par noircir comme pour triompher de la blancheur initiale. Ainsi le poème impose son optique à l'action de lire et pousse le lecteur jusque dans ses derniers retranchements où il se sent cerné. Le texte se compose d'ailleurs de cernes, de cercles, d'arcs concentriques, qui ne virent pas toujours de gauche à droite, mais qui subissent toutes sortes de renversements, y compris celui de la réflexion dans un miroir, présenté aussi chez d'autres poètes concrets, réflexion qui contribue à la concrétisation des mots et des lettres. La constellation de Bory comprend des lettres en caractères plus gras, d'autres en caractères plus fins, reflétant ainsi le processus de distanciation et de proximité qui se crée en tournant les pages. La concentricité des cercles s'effectue sur des plans différents, proposant sans cesse des empiétements et des intersections. Ce poème, plus que tout autre, défie l'arrangement des lettres en lignes droites; de quelque façon que le lecteur l'aborde, le texte marche, s'enrichit et se met en abîme. L'entrée dans le champ visuel du poème pousse le lecteur vers des labyrinthes et des impasses dont il cherchera constamment des issues. A l'ambiguïté de la poésie plus traditionnelle se substitue un tiraillement entre le dynamisme et la négation, le réveil et la nuit, l'unicité et la répétition.

La lettre «e» semble occuper le centre du poème, le point focal de cette machine verbale, à la fois humaine et inhumaine, qui attire le lecteur, l'incite à cherche un message, puis enraie ses efforts. Le «e» présente des décalages. C'est un centre légèrement déplacé, d'autre part c'est une lettre à la fois ronde et ouverte. Cette voyelle est l'initiale et le signe le plus visible du terme EUX, dénotant

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des personnes sans donner de précision et offrant deux directions vers le «V» de vers, soulignant une fois de plus la spatialisation des lettres et l'acte de lire, qui coïncident. Le poème traite d'une nouvelle sorte de communication tout en attaquant le statu quo. Langage parlé, langage écrit, signes d'écriture, signes tapés à la machine alternent. Des pronoms personnels défilent sans désigner quoi que ce soit, des lettres se désolidarisent pour se regrouper par la suite; des hiéroglyphes, configurations formées par des typographies et des calligraphies variées, germent partout sans s'interrompre, se gonflant aux dépens de la blancheur pour se déconstruire à la fin (23).

Par ses calligrammes consacrés au voyage, à la cravate, la montre, la petite auto, ressemblant parfois à des jeux d'enfants, Guillaume Apollinaire a donné un sens nouveau à la ligne poétique, lui qui s'adressait toujours et de tant de façons à une personne déterminée et cherchait à franchir les distances. La poésie concrète retranche le mystère humain pour affranchir le langage, pour faire ressortir son caractère redoutable.

NOTES

1. Cette liste pourrait facilement se prolonger : Jean Arp, Raoul Hausmann, Gertrude Stein, Pierre Albert-Birot, Kurt Schwitters, William Carlos Williams.

2. Poètes choisis pour donner une variété.

3. Alain-Marie Bassy rappelle que les poètes concrets, notamment Pierre Garnier, ont parlé de l'impasse apollinarienne qui consiste à «dessiner avec les mots». Selon eux, Apollinaire «n'utilise nullement la langue écrite comme matière à images; il utilise l'image comme matière à émotions poétiques». «Forme littéraire et forme graphique - Les schématogrammes d'Apollinaire», Scolies, vol. 3-4, 1973, p. 173.

4. Notre interprétation diffère de celle d'Alain-Marie Bassy : «Or le poète, capable d'une double résurrection (ressusciter les rois, se ressusciter comme un roi nouveau), devient créateur et atteint la divinité». (Op. cit., p. 188.)

5. Cf. L'Antitête, Paris, 1933, p. 37. - Le texte XVI de «Dada manifeste sur l'amour faible et l'amour amer» a l'allure d'un poème concret : 25 lignes dont

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chacune répète le terme «hurle». L'alignement régulier quasi mécanique s'oppose à la violence du sens. Le contraste s'accroît par les deux dernières lignes où s'exprime la sympathie à laquelle s'ajoute la signature de Tzara. Les éléments du poème dada se détruisent les uns les autres, ce qui le distingue de la poésie concrète : cf. Tristan TZARA, Sept manifestes dada, Paris, 1963, P. 75.

6. Cf. Complete poems, New York, 1926, n° 276. Le commentaire de Barbara Smith interprète d'une façon intéressante le dénouement du poème : Nevertheless, the poem is not an entirely visual event. Indeed, as a Visual design, it is of only minimal interest and hardly self-sufficient. If, however, it is read as a verbal sequence (scrambled to be sure), the final line is ob-viously closural, for it not only correctly assembles the anagrams of «grasshopper», but it brings to syntactic completion a fragmented and disarranged, but otherwise conventional sentence. Cf. Poetic closure, Chicago, 1968, p. 257.

7. Cummings fait aussi des jeux de mots : grasshopper suggère (en plus de l'insecte) l'espoir et l'avenir.

8. Cf. Worte sind Schatten, Hamburg, 1969, p. 1939, ou Mary Ellen Solt, Concrete poetry, Bloomington, 1971 , p. 93. Cf. Le commentaire fort intéressant de Witold Wirpsza : «Das Wort kann nicht vollstândig isoliert werden und realisiert sich nur in seinen syntaktischen, semantischen, und typographischen Beziehungen. Wenn man jedoch einen konkreten Text auf die Moglichkeit seiner verschiedenartigen Interpretationen hin untersucht so muss vor allem das einzeine Wort... als ein multifonktionelles Element in Betracht gezogen werden.» «Konkrete Dichtung und Mehrwertlogik» Sprache im technischen Zeitalter, n° 45, 1973, p. 10.

9. Dans son article intitulé «Concrete poetry», R. P. Draper fait les commentaires suivants sur Gomringer : «This completes the poem as printed on the page, but there is no real reason why the process should not go on indefinitely. It is capable of expansion in ail directions; Gomringer has merely set the process going.» New literary history, Winter, 1971, p. 333.

10. Cf. les remarques de R. P. Draper : «... the possibility of explication serves to show that the spatial principle operates to produce meaning. The order manifested on the page is both visual and literary.» (Op. cit., p. 333.)

11. Cf. Sound texts. Concrete Poetry, Visual Texts,

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Amsterdam, Stedelijk museum, 1971, p. 40.

12. Bassy remarque que les objets schématisés d'Apollinaire ajoutent à leur réalité «immanente» une réalité «transcendante», une essence (op. cit., p. 198). C'est en partie par cette tritiscendance que les objets d'Apollinaire se distinguent d'un objet tel que la pomme de Döhl.

13. Cf. Mary Ellen SOLT, Concrete poetry, p. 132.

14. Spatialisme et poésie concrète, Paris, 1968.

15. Notons que Gomringer a fait paraître ses «constellations» en quatre langues différentes. - Mike Weaver insiste aussi sur l'absence de barrières entre les arts que suscite la poésie concrète : «Committed in its historical origins to an aesthetics favoring material construction rather than self-expression,[...] it provides a metric of use to all media. It uses a formative principle or structural method relevant to composer, dramatist, and film-maker, as well as poet, painter and architect.» «What is concrete poetry?» Lugano review, n° 5, 1968, p. 31.

16. Mary Ellen SOLT, Concrete poetry, p. 163. Garnier a lui-même fait un bref commentaire de ce poème.

17. Le poète Heissenbüttel dans son introduction à Worte sind Schatten répète une phrase de Franz Jung : «dass Literatur etwas sein solle, das nichts voraussetzte ausser dem Lesenkonnen.» (Hamburg, 1969, p. 10.)

18. Cf. Spatialisme et poésie concrète, pp. 169-89.

19. Worte sind Schatten, p. 12.

20. Cité dans Humidité, n° 18, octobre 1973.

21. Cf. Mary Ellen SOLT, Concrète poetry, p. 176.

22. Cf. Eugène yiLDMAHN, Anthology of concretism, Chicago, 1969, P. 130 et Emmet WILLIAMS, A Valentine for Noël, Barton, 1973.

23. Citons dans ce contexte la remarque perspicace de Ronald Sousa : «While the traditional poetic text represents an authority to be argued with by the reader in his attempt to interpret it, the concrete text quite often anproaches the status of raw material to be synthetized - often in a great number of ways.» «Concrete poetry : a contrastive approach», Kentucky romance quartely, no 2, 1976, p. 210.

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