PORTRAITS IMAGINAIRES - Western Illinois University



PORTRAITS IMAGINAIRES

Nous avons reçu l'intéressante note qui suit. Nous la publions d'autant plus volontiers que son auteur a souhaité se servir d'une signature très apollinarienne et qu'une heureuse coïncidence nous fait réimprimer un numéro de Tribord (dont le rédacteur en chef était Félix Labisse) dans lequel on pourra lire, outre un hommage à Apollinaire, d'autres textes de Labisse.

Visitant la grande exposition Félix Labisse qui se tient, cet été, au Casino d'Ostende, je suis tombée en arrêt devant une toile assez insolite. On y retrouve, certes, le regard du peintre : cette femme nue à tête de panthère, cette autre dont les yeux sont cerclés par une longue chevelure noire, cette blonde au visage hiératique, tandis qu'à l'arrière-plan une quatrième femme semble quitter le tableau par une porte ouverte, elles appartiennent bien toutes à l'univers obsessionnel du peintre. Mais elles sont des intruses dans un groupe disposé comme pour un portrait de famille, où l'on reconnaît sans peine Jean-Louis Barrault, Jarry, Desnos, Blake, Picasso (un Picasso qui a quelque chose de Maeterlinck, à qui Labisse se piquait de ressembler), Labisse lui-même enlaçant la femme brune, et cette tête au front ceint d'un ruban de cuir, oui, c'est Apollinaire, cheveux en brosse, forte moustache noire.

Le tableau s'appelle La Matinée poétique (suivez mon regard du côté de Réunion à la campagne ou du Rendez-vous des amis). Il a été peint en 1944 et fut exposé en juin de la même année au salon des Tuileries. Assez mal accueilli, d'ailleurs, si l'on en croit la bibliographie de Patrick Waloberg dans son livre sur Labisse (Bruxelles, André De Rache, 1970). Un hasard qui m'a permis de consulter une collection d'Aujourd'hui me conduit à constater que la mention qu'il donne d'une reproduction dans ce journal est erronée (1)

Ce portrait imaginaire d'Apollinaire, chargé à la fois de ressemblance et d'étrangeté, m'en a rappelé un autre, qui lui est presque contemporain : la caricature de Jean Effel qui date de la Libération où l'on voit Dieu le Père faisant l'appel des Forces Françaises de

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l'Au-delà : «Péguy ? - Présent ! - D'Aubigné ? - Présent ! - Apollinaire ? -Présent ! - Rimbaud ? - Présent !» (Et pourquoi Que vlo-ve ? ne nous en donnerait-il pas un fac-similé ?) Et, une idée en amenant une autre, j'ai pensé que s'ouvrait là un champ nouveau d'investigation. Que vlo-ve ? pourrait peut-être ouvrir une rubrique des portraits imaginaires d'Apollinaire. Outre que leur confrontation ne manquerait pas d'intérêt, ce serait là un premier jalon pour le catalogue, tellement attendu (par moi, mais je ne dois pas être la seule) des caricatures, photographies, portraits faits de son vivant.

Pierre du Colombier avait écrit en 1944 (toujours d'après Waldberg, source de ma science) : «Pour la peinture, un tableau comme La Matinée Poétique de Labisse est assez indifférent. Mais accompagné d'un commentaire de cinquante pages, il fera la joie des historiens et des anecdotiers dans cent ans.» Il n'y a que trente-cinq ans, et je n'ai pas cinquante pages...Mais ça commence...

Lou G.-G.

(1) Autre inexactitude de ce livre. On y signale qu'une caricature du tableau a paru dans Au Pilori, en Juin1944. Il s'agit en fait d'un dessin représentant un fragment (la femme à tête de panthère et Desnos) avec cette légende : «Ce je me sens chatte … (tableau de Labisse acquis par l'Etat)». Ce dessin illustre une chronique de Mosdyc. «Le Salon des Tuileries», qui se termine par une réflexion bien d'époque sur les «zazoutrageantes sophistications des Coutard, Labisse et autres innombrables Gischia...» (Au Pilori, 22 juin 1944).

ILLUSTRATION DES BULLETINS NUMEROTES

Carte postale originale de la baie de Beaulieu-sur-Mer, où l'on distingue clairement la Villa Baratier. Nous remercions notre ami Jean-Jacques Varagnat à la générosité de qui nous devons ces cartes.

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