« La Strada » par Federico Fellini. - CRSD

[Pages:4]? La Strada ? par Federico Fellini.

Sortie en salles / 11 mars 1955.

Lion d'Argent / Mostra de Venise 1954.

Meilleur film en langue ?trang?re / Oscar 1957.

Disponible en D.V.D.

N? le 20 janvier 1920 ? Rimini, ? le magicien foudroy? ?, Federico Fellini, s'?teint ? Rome le 31 octobre 1993. Caricaturiste ? Rome, il est engag? en 1939 comme ? parolier ? pour une troupe de com?diens ambulants. En 1950, il cor?alise ? Feux du Music-Hall ?, amor?ant ainsi une carri?re de r?alisateur qui le classe parmi les grands ma?tres du n?o-r?alisme.

Fellini se r?v?le dans ses oeuvres, lesquelles sont tir?es de sa vie m?me, de ses exp?riences, de ses souvenirs. Plus instinctif que raisonnable, dou? d'une vive imagination, il a le go?t de l'aventure, du merveilleux, avec le d?sir profond d'entrer en communication avec les autres en tant que personnes. Il exprime, en des images parfois insolites, sa vision d'un monde o? l'homme erre ? la recherche d'un univers stable auquel il aspire confus?ment.

Apr?s ? Courrier du coeur ? (1951) et ? L'Amour ? la ville ? (1953), ? La Strada ? (1954) marque une rupture dans l'adh?sion de Fellini au n?o-r?alisme. Avec ses attractions, minables ou mirobolantes, ses interminables tourn?es, sa roulotte miniature, ses trois h?ros : l'hercule, l'acrobate et la clownesse, ? La Strada ? est un cirque intellectuel. ? Des distances astronomiques s?parent les hommes, d?clare Fellini. Ils vivent ? c?t? les uns des autres sans s'apercevoir de leur ?tat de solitude, sans que jamais s'?tablissent entre eux de vrais rapports. Mon film montre un monde sans amour, des gens qui exploitent les autres, mais aussi un monde o? il y a toujours un petit ?tre qui veut donner l'amour et vit pour l'amour. ?

Quel est le th?me profond du film ? La solitude des ?tres ? Leur incommunicabilit? ? La vocation n?cessaire de toute cr?ature ? La communion des saints ? ? La Strada ? est un film rempli de symboles. A commencer par le titre (La Route), qui fait penser ? ce lent cheminement dans la vie de deux ?tres, Gelsomina et Zampano. Elle, d?couvrant progressivement l'amour, le d?tachement et le sens de la vie. Lui, la brute insensible, dont le num?ro de cirque consiste ? briser les cha?nes qui enserrent sa poitrine, et qui est incapable de se lib?rer spirituellement, sauf ? la fin, quand, brusquement, il prend conscience de sa responsabilit? et semble envahi par le remords.

? La Strada ?, c'est aussi la rencontre. Celle de Gelsomina (Giuletta Masina) et de Zampano (Anthony Quinn), qui n'aura d'aboutissement heureux que plusieurs ann?es apr?s la mort de l'h?ro?ne. Rencontre sans r?ciprocit? imm?diate, comme l'aurait ?t? celle de Gelsomina et du ? Fou ? (s'il avait v?cu...), en qui elle trouvait un ?cho et qui a donn? un sens ? l'?nigme de sa vie. En effet, le noeud du film est dans la sc?ne du ? caillou ? entre Gelsomina et le ? Fou ?. ? Si ce petit caillou n'existait pas, chantonne le ? Fou ?, il manquerait ? la route. Toi aussi, avec ta t?te d'artichaut, si tu n'existais pas, tu me manquerais. ? Et le visage de Gelsomina, encore mouill? de larmes, devient alors lumineux comme un rond de soleil.

Gelsomina.

Qui est Gelsomina ? Une ? demeur?e ? ? Un ?tre simple en communion intense avec la nature ? Avec l'humanit? souffrante ? Une ?me sensible ? Pleine de tendresse et de po?sie ? Une mystique, toute donn?e ? sa ? mission ? : ? Si Gelsomina ne restait pas avec Zampano, qui resterait ? ?

Aime-t-elle Zampano ? N'y a-t-il pas chez elle une ?volution qui, par une s?rie de d?ceptions, la fait passer de l'amour de Zampano ? celui du ? Fou ? ? Pourquoi, alors, ne s'attache-t-elle pas ? celui-ci et rejoint-elle Zampano ? N'est-ce pas l? qu'il faut chercher, avec ? la parabole du petit caillou ?, toute l'explication de sa vie et de sa mort ?

Elle a une connaissance naturiste du monde. Elle veut vivre en ? com-union ? avec lui et tout, pour elle, est pr?texte ? joie et ? participer ? la Cr?ation. Elle veut un sens pour les choses, pour les hommes, pour sa destin?e et c'est le ? Fou ? qui semble le lui apporter.

Gelsomina est en quelque sorte le contraire de Zampano. C'est le coeur ? l'?coute des ?tres et du monde, la r?ceptivit? qui vibre ? l'unisson avec la cr?ation, la g?n?rosit? qui f?conde l'univers. Dispose-t-elle d'un moment de r?pit ? Elle copie de son corps la structure d'un arbre, cueille une fleur, bavarde avec un enfant dont le chien est enterr? dans un jardin voisin, ?coute le bourdonnement d'un poteau ?lectrique (? L'arbre qui chante ?), puis plante quelques graines de tomates dont elle ne verra jamais le fruit, car la route l'appelle.

Elle est l'attachement et le d?tachement. Celle qui donne, qui re?oit, qui ?change constamment. Gelsomina, c'est la musique, la po?sie, la joie, la confiance, la douleur, la fragilit? et la force. Le doute et la certitude. La foi, l'esp?rance, le myst?re, l'amour.

Gelsomina... D?s la premi?re image du film, elle prend notre coeur. Parce qu'elle n'est ? pas comme les autres ?, dit sa m?re. Un peu ? simple ? ? Oui, mais on a l'impression que cette simplicit? m?me la rend plus apte ? saisir l'essentiel. Oh ! elle ne sait pas tr?s bien exprimer ce qu'elle ressent. Mais ce qu'elle ressent est si juste, et elle le ressent si fort, que les ?tapes de sa connaissance nous ?blouissent comme des ?vidences. Des ?vidences que nous, les ? intelligents ?, nous n'avons peut-?tre pas su d?couvrir dans notre vie.

Zampano.

Pourquoi Zampano d?teste-t-il tant le ? Fou ? ? N'y a-t-il pas eu d?j?, avec la soeur de Gelsomina, un incident tragique auquel le ? Fou ? a ?t? m?l? ? Le th?me musical de ? La Strada ? et les r?flexions de Gelsomina ne le sugg?rent-ils pas ? Zampano n'est-il pas aussi jaloux du ? Fou ? ? De son esprit ? De son charme ? De son m?tier ?

Est-ce un ?go?ste ? Une brute ? Un primitif ? Un instinctif ? N'y a-t-il pas chez lui des ?clairs d'intelligence ? D'humour ? De sensibilit? ? De g?n?rosit? ? De tendresse m?me ?

Quels sont ses rapports avec Gelsomina ? De ma?tre ? esclave ? D'amant ? ma?tresse-servante ? De simples camarades de travail ?

Zampano, c'est l'homme ? aux poumons d'acier ?, le muscle animal, la cervelle ?troite qui redit inlassablement les m?mes mots, l'esprit born?, fier de son astuce du ? fusible ? us?e jusqu'? la corde, l'oreille sourde aux chants des grillons, le regard ?teint, insensible aux couleurs des feuilles...

Et cependant, c'est l'homme en qui la g?n?rosit?, l'amour veillent. C'est l'homme qui donne une pomme ? Gelsomina quand ils n'ont plus rien ? manger, se rappelle les tomates plant?es, couche dehors lorsque Gelsomina est malade et, avant de la quitter, apr?s l'avoir prot?g?e du froid, d?pose ? ses c?t?s la trompette.

? Il Matto ? (Richard Besehart).

Qui est ? Il Matto ? ? Un vrai fou ? Un ?tre, au contraire intelligent et subtile ? Un m?chant ? Un taquin ? Un gar?on na?f et rieur ? Un philosophe ? Fellini lui-m?me ?

Quels sont ses sentiments vis-?-vis de Zampano ? Pourquoi s'acharne-t-il sur lui ? Est-ce une vieille querelle ? Une rivalit? ? Ne se pla?t-il pas ? jouer avec le feu ?

Pourquoi s'int?resse-t-il ? Gelsomina ? Pour faire enrager Zampano ? Parce qu'il s'int?resse ? tout dans la vie ? Parce qu'il ?prouve pour elle une sympathie vraie ? Parce qu'il est touch? par sa droiture et sa candeur ? Parce qu'? son contact, inconsciemment, il est devenu meilleur ?

Pour ? Il Matto ?, tout a un sens. Il le per?oit plus qu'il ne le justifie. Quand il provoque Zampano, c'est d?j? pour l'arracher ? ses uniques soucis mat?riels, ? ses attaches ? la terre, et semer en lui l'inqui?tude salvatrice, r?demptrice.

Ce n'est pas par hasard que Fellini en fait un funambule et un musicien. Deux attitudes qui nous placent hors de nous-m?mes et nous permettent de nous voir, int?rieurement, profond?ment, comme si nous ?tions ext?rieurs ? nous-m?mes.

Il est l'?quilibriste, qui risque ? chaque num?ro de tomber dans le vide. La mort l'accompagne, le poursuit, mais il n'y prend garde qu'en ces moments graves. Il aime la joie et surtout la vie, ? tel point que si vous l'abattez, de m?me qu'un ch?ne aux assises solides et de belle stature, il

La musique.

La musique de ? La Strada ? ?quivaut ? un quatri?me personnage dans le film. Quatre th?mes principaux v?hiculent tour ? tour l'angoisse, la tristesse, le burlesque. - Le th?me ? path?tique ? d? ? un vibrato de violons, qui marque la solitude. - Le th?me ? musique de cirque ?, tr?s cuivr? et fantastique. - Le th?me des ? carabiniers ? alerte, repris au cours de la procession dans un mouvement plus ample et scand?. Et le th?me de ? Gelsomina ?, infiniment triste et nostalgique. Il ressemble un peu ? celui de ? Limelight ? (Charlie Chaplin).

Les bruits.

Les bruits sont s?lectionn?s selon leur facult? d'?voquer et de renforcer l'atmosph?re sonore du film.

- Un exemple frappant se trouve dans la premi?re partie du film. Ce bruit de v?hicules (jamais ? l'?cran), roulant ? grande vitesse, souligne le fait que Gelsomina et Zampano sont nomades et vivent en marge du monde.

- Tout de suite apr?s la mort du ? Fou ?, l'absence de dialogue et de musique met en valeur le bruit de la respiration de Zampano et les p?piements d'oiseaux, interrompus de temps en temps par les petits cris de Gelsomina.

- A la fin du film, le ressac, que l'on entend lorsque Zampano arrive sur la plage, diminue et finit par dispara?tre pour laisser place au th?me musical central de ? La Strada ?. Au moment o? Zampano commence ? sangloter...

La photographie.

La photographie, belle, met en valeur le choix des paysages, qui sont en correspondance avec le r?cit : - le terrain vague lors de la le?on de tambour ; - la rue d?serte au matin de la nuit de d?bauche de Zampano ; - la place expos?e au vent lorsque Gelsomina, apr?s avoir quitt? Zampano, est aux prises avec les ? vitelloni ? ; - l'oc?an houleux quand Zampano, ? la fin du film, est en pleine d?tresse.

? La Strada ? est un film qui a une ?me. La photographie n?glige le pittoresque pour valoriser le banal. Un film tr?s d?pouill?, celui o? Fellini n'a pas donn? libre cours ? ses fantasmes, mais a atteint la po?sie. D'un fait divers tr?s r?aliste, il a fait un drame puissant, magistralement interpr?t?.

La premi?re image de ? La Strada ? : ce rivage, ce paysage de dunes et de sable, nous le retrouvons de loin en loin, ponctuant le film. Gelsomina est n?e dans une petite maison blanche, au bord de la mer. Elle vient de la mer et y retourne d'instinct, quand la vie est trop dure. Abandonn?e dans la montagne par Zampano, c'est sur la plage qu'un p?cheur la retrouve et la recueille. Et c'est sur ce m?me sable que Zampano re?oit enfin, comme une r?v?lation, ? le don des larmes ?.

Entre ici et ailleurs, au fil des images et de la musique, nos coeurs prennent le temps d'?tre ?tonn?s. La trompette nous suit dans une rue napolitaine. Alors ? La Strada ? ? Un film qui nous sublime, sans jamais conclure. Comme l'amour.

Soeur H?l?ne Feisthammel

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