C’est quoi la science? - UMoncton

[Pages:5]C'est quoi la science?

St?phan Reebs D?partement de biologie Universit? de Moncton, Canada ? 2017

Pratiquement toutes les d?finitions de la science font appel ? la notion de raison. La science est une activit? qui met l'emphase sur l'utilisation de la raison. Mais la science n'est pas la seule activit? humaine ? utiliser la raison : la philosophie et la math?matique en font tout autant. Voici donc des d?finitions (tr?s br?ves et rudimentaires) de ces trois activit?s humaines qui nous permettent de les distinguer :

La science est l'utilisation de la raison ... ... pour expliquer des faits concrets observ?s dans le monde r?el.

La philosophie est l'utilisation de la raison ... ... pour jouer avec des id?es et obtenir de nouvelles id?es qui d?coulent logiquement des premi?res.

La math?matique est l'utilisation de la raison ... ... pour jouer avec les nombres et construire des mod?les bas?s sur les nombres.

Les philosophes et les math?maticiens peuvent passer toute leur vie assis dans une chaise, puisqu'ils ou elles travaillent avec des notions abstraites. Une id?e est immat?rielle, elle vit dans notre t?te. Un nombre aussi est essentiellement immat?riel (mais il peut bien s?r ?tre utilis? pour repr?senter des quantit?s mat?rielles).

Les scientifiques, eux, se doivent de travailler avec des faits concrets, avec des observations de choses mat?rielles. Les scientifiques doivent v?rifier si leurs id?es rationnelles concordent avec la r?alit? concr?te. (Il faut bien admettre qu'une ou un prof d'universit? qui fait de la recherche scientifique peut aussi passer toute sa vie dans une chaise, en envoyant ses ?tudiants gradu?s ou ses techniciens obtenir les faits concrets, mais il n'en demeure pas moins que les faits concrets sont essentiels ? sa d?marche scientifique).

De par les d?finitions ci-dessus, la math?matique est une activit? distincte de la science. Cependant la math?matique fournit un outil de premier plan pour les scientifiques. De plus, les scientifiques utilisent de la math?matique de haut niveau. C'est une des raisons pour lesquelles, dans pratiquement toutes les universit?s, les D?partements de math?matiques se retrouvent dans les Facult?s des sciences.

Il faut bien r?aliser que la science n'est pas un bagage de connaissances. La science est plut?t une m?thode, une fa?on d'obtenir des connaissances valides sur le monde r?el.

Cette m?thode consiste ? observer des faits, ou ? provoquer des faits dans des exp?riences, ou ? d?duire des faits ? partir d'autres faits observables, et ? fournir une explication rationnelle, logique, pour ces faits observ?s ou d?duits. De plus, pour v?rifier la validit? de cette explication, il est bon de faire des pr?dictions ? partir de notre explication rationnelle et de voir si ces pr?dictions se r?alisent dans des exp?riences ou dans des observations suppl?mentaires. Il faut que nos explications rationnelles soient validables, v?rifiables dans le monde r?el.

SCIENCES PURES vs SCIENCES APPLIQU?ES

Les sciences ? pures ? ( = sciences ? fondamentales ?) mettent l'emphase sur l'obtention de connaissances seulement par curiosit?, pas n?cessairement dans le but d'utiliser ces connaissances. Il est possible que ces connaissances nouvellement d?couvertes par curiosit? m?nent ?ventuellement ? des applications pratiques, mais cela n'?tait pas la raison qui a motiv? l'?tude originale.

Les ? sciences appliqu?es ? mettent l'emphase sur l'obtention de connaissances dans le but pr?cis d'utiliser ces connaissances, dans le but de d?velopper de nouvelles techniques ou outils ou machines utiles, dans le but d'am?liorer nos conditions de vie.

L'ing?nierie, l'informatique, la pharmacologie, et la m?decine moderne sont des exemples de sciences appliqu?es.

En biologie, chimie, biochimie, astronomie et physique, on peut avoir des ?tudes qui rel?vent plut?t de la science pure tout aussi bien que des ?tudes de nature plut?t appliqu?e.

Plusieurs soci?t?s ou gouvernements veulent mettre l'emphase (soutenir financi?rement) les sciences appliqu?es ou les projets de nature appliqu?e plut?t que de nature fondamentale. Les amants de la science pure r?pliquent habituellement qu'il faut aussi soutenir la science pure parce qu'on ne sait jamais ? quelle application une d?couverte par curiosit? pourrait mener. C'est un argument valide mais qui a des limites. Je peux penser ? beaucoup de recherches scientifiques qui, honn?tement, n'ont aucun potentiel de mener ? des applications vraiment utiles. Personnellement, je trouve que de telles recherches valent quand m?me la peine d'?tre faites tant et aussi longtemps qu'elles sont int?ressantes (qu'elles satisfassent la curiosit?) pour une bonne partie de la population, et tant et aussi longtemps que la soci?t? est assez riche pour se le permettre.

Je trouve aussi que si l'int?r?t est notre principale justification pour faire une ?tude scientifique, alors on a une certaine obligation de faire de la vulgarisation

scientifique, c'est-?-dire de communiquer nos r?sultats int?ressants au grand public (qui a soutenu notre recherche en payant des taxes que le gouvernement a ensuite utilis? pour subventionner notre recherche). Un article de vulgarisation scientifique (comme on en voit dans les magazines) n'est pas la m?me chose qu'un article scientifique (publi? dans un p?riodique scientifique), et il a ses propres r?gles de r?daction, que je passe sous silence pour l'instant.

MATH?MATIQUES PURES VS MATH?MATIQUES APPLIQU?ES

Les consid?rations ci-haut s'appliquent aussi aux math?matiques. Des ?tudes peuvent ?tre faites dans le but de d?couvrir de nouvelles relations entre les nombres ou de nouveaux mod?les, seulement par curiosit? (math?matiques pures), et des ?tudes peuvent aussi ?tre faites dans le but sp?cifique de d?velopper des outils ou techniques math?matiques ou statistiques qui sont utiles (math?matiques appliqu?es).

SCIENCES EXP?RIMENTALES vs SCIENCES SOCIALES / HUMAINES / POLIITIQUES / etc.

Ici ? l'Universit? de Moncton, tout comme dans bien d'autres universit?s, nous avons une Facult? des sciences, et une Facult? des sciences sociales. Quelle est la diff?rence?

Les scientifiques ? purs et durs ? des Facult?s des sciences sont parfois snobs et disent que les sciences sociales ou les sciences humaines ne sont pas de ? vraies ? sciences, ou qu'elles sont des sciences ? molles ?. Personnellement je ne suis pas pr?t ? dire cela. Tant et aussi longtemps que les sociologues, psychologues, historiens, ?conomistes, ou ethnologues (tous des repr?sentants des sciences sociales) utilisent la raison pour expliquer des faits observ?s dans la soci?t?, je suis pr?t ? dire qu'ils font de la science.

Mais le probl?me avec les sciences sociales, c'est que souvent les faits qu'elles ?tudient n'ont pas ?t? observ?s dans des situations contr?l?es. Cela rend difficile leur interpr?tation par la raison.

1) Souvent, le param?tre qui nous int?resse et qu'on mesure dans la population humaine est corr?l? avec d'autres variables. Donc c'est difficile d'attribuer un effet ou une explication ? une seule variable. Tu ne sais pas laquelle des nombreuses variables corr?l?es ensemble est responsable de l'effet observ?. Les autres variables corr?l?es sont appel?es des variables confondantes parce qu'elles vont confondre ton interpr?tation des r?sultats. La meilleure fa?on d'?liminer les variables confondantes sont de faire des exp?riences dans lesquelles on manipule la constitution de nos groupes exp?rimentaux, mais en sciences sociales nos groupes exp?rimentaux seraient constitu?s d'humains, et

ce ne sont pas toutes les manipulations qui sont acceptables d'?tre faites avec des ?tres humains.

2) Souvent, la variable est mesur?e dans une situation qui fait en sorte qu'il peut y avoir plus qu'une explication pour l'effet observ?. Tu ne sais pas laquelle de ces nombreuses explications est la bonne. Les autres explications possibles portent le nom d'hypoth?ses alternatives. Ici encore il faudrait faire des exp?riences pour ?liminer le plus d'hypoth?ses alternatives possibles jusqu'? n'en conserver qu'une seule qui explique tous les r?sultats, mais ici aussi il est tr?s difficile de faire cela avec des ?tres humains, pour des raisons d'?thique.

Vous devinez donc que dans les sciences ? classiques ? (Facult? des sciences), l'emphase est mise sur l'exp?rimentation. Tu cr?es toi-m?me une situation, et tu standardises toi-m?me les variables pr?sentes dans la situation, de fa?on ? pouvoir assigner une seule explication ? tes r?sultats. C'est cette situation artificielle qu'on appelle une exp?rience.

Rappelez-vous qu'une exp?rience bien con?ue devrait permettre d'?liminer le plus d'hypoth?ses alternatives possible (en anglais, on d?crit cette fa?on de proc?der avec le terme ? strong inference ?) pour finalement n'en garder qu'une seule qu'on n'aura pas r?ussi ? ?liminer, malgr? nos meilleurs efforts. On dira que cette derni?re hypoth?se, qui demeure la seule ? expliquer nos r?sultats, a ?t? soutenue par notre exp?rience.

Malheureusement, beaucoup de scientifiques font l'erreur de ne pas consid?rer la possibilit? d'hypoth?ses alternatives raisonnables dans la conception de leurs exp?riences et dans l'interpr?tation de leurs r?sultats exp?rimentaux. Leurs exp?riences ne sont pas assez strictes. C'est, d'apr?s moi, l'erreur la plus courante en sciences. Voil? une raison pour les scientifiques exp?rimentaux de ne pas ?tre trop snobs vis-?-vis des sciences sociales.

RELIGION vs SCIENCE

Beaucoup d'encre a ?t? vers?e sur la dichotomie, voir m?me le conflit potentiel, entre science et religion. D'apr?s moi, il y a dichotomie mais il ne devrait pas y avoir de conflit entre les deux, puisqu'il n'y a pas de terrain commun entre les deux. La science touche les explications de faits r?els, mat?riels, naturels, tandis que la religion touche ? des concepts surnaturels, spirituels, moraux. Tant et aussi longtemps que la science s'en tient ? des explications logiques du monde naturel, et tant et aussi longtemps que la religion ?vite d'expliquer des faits naturels ? partir de notions du surnaturel (ce que malheureusement elle ne fait pas toujours), les deux peuvent co-exister.

Voici un tableau qui r?sume les principales diff?rences entre religion et science :

Religion Foi

Croire sans preuve solide.

Aborde (ou devrait se contenter d'aborder) le surnaturel, le spirituel, les croyances

Science

Pens?e critique et raison

Exiger des preuves, et interpr?ter la qualit? de ces preuves ? la lumi?re de la raison.

Aborde le naturel, les faits observables, ou les faits d?ductibles ? partir de faits observables

Dogme

Ouverture d'esprit

Respect inconditionnel d'un texte sacr? ou de l'opinion des autorit?s qui interpr?tent le texte sacr?.

Rien n'est sacr?. Rejeter un point de vue d?j? ?tabli est acceptable, en autant que les preuves qui appuient ce rejet soient bonnes.

R?v?lation divine

Dieu nous parle directement, ou a parl? ? un proph?te qui nous r?p?te ce que Dieu lui a dit.

R?v?lation personnelle (? insight ?)

Une id?e rationnelle nous vient en t?te comme r?ponse possible ? une question.

Irr?futable (? Unfalsifiable ?)

Dieu est consid?r? inscrutable ou omnipotent, donc il est impossible de m?me concevoir une preuve possible de la non-existence de Dieu.

Ne permet pas de pr?dictions

Potentiellement r?futable (? falsifiable ?)

Pour ?tre scientifique, une hypoth?se se doit de pouvoir ?tre test?e, elle se doit d'?tre v?rifiable. Et il doit ?tre possible que le test r?v?le l'hypoth?se comme ?tant fausse.

Exige des pr?dictions

Facile, tendance naturelle

Difficile, pas toujours ?vident

Morale

D?cide de ce qui est bien et de ce qui est mal, ce qui est p?ch?.

Amorale

La r?alit? est ce qu'elle est; la science ne porte pas de jugement sur son bien ou sur son mal.

................
................

In order to avoid copyright disputes, this page is only a partial summary.

Google Online Preview   Download