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DOSSIER

Le Prix 2006 du meilleur jeune ?conomiste

Le jury, compos? de membres du Cercle des ?conomistes et de journalistes du ? Monde Economie ?, a r?compens? cette ann?e les travaux de Thierry Mayer, professeur ? l'universit? Paris-Sud, et ceux d'Etienne Wasmer, professeur ? l'universit? de Metz, titulaire d'une chaire en ?conomie du travail ? l'universit? du Qu?bec. Fabien Postel-Vinay, professeur ? l'universit? de Bristol (Royaume-Uni), H?l?ne Rey, professeur ? Princeton (Etats-Unis), et Emmanuel Saez, professeur ? l'universit? de Berkeley, en Californie, ont ?t? nomin?s Pages II et III

DANS CE NUM?RO

CONTROVERSES

Italie : Romano Prodi pourra-t-il appliquer son programme ?

Page IV

BOUSSOLE

Au Costa Rica, les producteurs de bananes r?vent

d'Europe

Page V

TRIBUNES

Les sept fantasmes des politiques de l'emploi

Responsabilit? sociale : l'entreprise ne doit pas substituer

les ONG aux syndicats

Page VI

La fin du r?ve am?ricain ?

Ne laissez pas dispara?tre la classe moyenne ! Il est temps que le travail paie. Un salari? qui travaille quarante heures par semaine n'est plus assur? de recueillir les promesses ?l?mentaires du r?ve am?ricain ? : c'est ainsi que sur CNN, entre le show de Larry King et une publicit? pour un contrat d'assurancevie, les Am?ricains sont actuellement interpell?s sur le malaise que traverseraient le plus grand nombre d'entre eux. La campagne a ?t? lanc?e par United Food and Commercial Workers (UFCW), une association de pr?s d'un million et demi de salari?s issus du secteur des services comme de l'industrie.

Dans le flot d'informations et de publicit?s d?vers?es par les ondes, ce spot de quelques minutes n'aurait certainement pas retenu l'attention s'il ne faisait ?cho ? une interrogation qui gagne de plus en plus d'?conomistes et d'hommes politiques ? d?mocrates comme r?publicains. Car l'Am?rique qui, mois apr?s mois, ne cesse d'infliger au reste du

CHRONIQUE

LAURENCE CARAMEL

monde et ? l'Europe en particulier son insolente r?ussite, vit en plein paradoxe. Elle n'a jamais ?t? aussi riche, mais ses citoyens n'ont jamais ?t? aussi peu s?rs de leur avenir. Selon un r?cent sondage, cit? par le Financial Times, dans son ?dition du 3 mai, ils seraient une majorit? ? penser que l'avenir de leurs enfants sera moins bon que le leur.

L'une des raisons de ce malaise est connue : l'opulence des derni?res ann?es n'a profit? qu'? ceux qui disposaient d?j? des plus hauts revenus. Alors que, depuis 1998, la richesse globale du pays a augment? de pr?s de

30 %, le revenu m?dian a, lui, baiss? de pr?s de 4 % !

Mais ce n'est certainement pas la raison majeure, car les Am?ricains s'accommodent assez bien des in?galit?s d?s lors qu'ils peuvent encore croire que demain leur tour viendra et que l'ascension sociale, fondement premier de l'American dream, reste possible. Or, selon une r?cente ?tude du groupe de r?flexion Center for American Progress, ce r?ve a de moins en moins de chances de se r?aliser. Parmi les pays d?velopp?s, la mobilit? sociale serait aujourd'hui plus faible aux Etats-Unis qu'en France, en Allemagne, au Canada ou dans les pays scandinaves. Et seul le Royaume-Uni ferait moins bien que son cousin d'outre-Atlantique. La probabilit? de devenir riche quand on est issu d'une famille pauvre ne serait ainsi que de 1 %, selon Tom Herz, l'auteur de cettte ?tude. Des r?sultats qui pourraient donner ? r?fl?chir aux ? d?clinologues ? fran?ais. a

L

LL

Mercredi 10 mai 2006

EMPLOI PARIT?

PART DES FEMMES DANS L'ENCADREMENT

en pourcentage

PPR

47,4

DANONE 37,0

AUCHAN 36,0

RENAULT 21,0

SNCF

19,3

Source : Ernst & Young

Le ? plafond de verre ? p?nalise les salari?es dans plus d'un tiers

des firmes

Page VII

LA VIE AU TRAVAIL

Les conduites addictives, un sujet tabou

en entreprise

Page VIII

ANNONCES

Dirigeants a Finance, administration, juridique, RH a Banque, assurance

a Conseil, audit a Marketing, commercial, communication a Sant? a Industries et technologies a Carri?res internationales

a Multiposte a Collectivit?s territoriales

Pages IX ? XII

Consultez notre site : talents.fr

PARTIS POLITIQUES FRAN?AIS : OBJECTIF 2007

?TRE FEMME DANS LE MONDE AUJOURD'HUI

Et toute l'actualit? du mois

MAI 2006

EN VENTE CHEZ VOTRE MARCHAND DE JOURNAUX

II Economie

DOSSIER

0123

Mardi 9 mai 2006

Cinq th?mes de recherche

Le jury a r?compens? la cr?dibilit? scientifique et la visibilit? internationale des laur?ats

La s?lection des jeunes ?conomistes et le choix de ceux ou celles qui seront couronn? (e) s ou nomin? (e) s par le Cercle des Economistes et ? Le Monde Economie ? constitue toujours, depuis le lancement de cette r?compense, une phase d'un haut int?r?t. Qu'ils soient de purs produits de l'universit? ou des grandes ?coles, leurs travaux et leurs activit?s professionnelles r?v?lent ce que la recherche ?conomique et son enseignement sont devenus en France, au plus haut niveau. Les deux tendances qui s'affirment de plus en plus au fil des ann?es sont celles de la cr?dibilit? scientifique et de la visibilit? internationale.

La premi?re tendance, celle de la cr?dibilit? scientifique, repose sur le choix des th?mes choisis et de la m?thodologie adopt?e. Cette derni?re repose sur une alliance entre l'analyse ?conomique pure et la v?rification empirique. Cette alliance vise ? r?pondre ? des questions concr?tes et actuelles de politique ?conomique. Cet effort porte, chez les s?lectionn?s du Prix, sur des domaines qui font partie des pr?occupations quotidiennes : la r?forme du march? du travail, la g?ographie ?conomique et la strat?gie des firmes multinationales et l'?volution du march? des capitaux. Il s'agit de donner une r?ponse ? scientifique ?,

Une nette domination anglo-saxonne

NOMBRE DE TRAVAUX (ARTICLES, LIVRES, CHAPITRES, COMMUNICATIONS) EN SCIENCES ?CONOMIQUES PAR PAYS *

Royaume-Uni

20 824

Massachusetts (Etats-Unis)

12 983

Allemagne Californie (Etats-Unis)

11 793 11 164

Canada

9 764

Italie

7 368

District of Columbia (Etats-Unis) 7 368

New York (Etats-Unis)

7 288

France

7 059

Pays-Bas

6 141

Espagne

5 728

* Pays ou Etat dans lequel est situ? l'universit? ou le centre de recherche auquel est affili? l'auteur de la publication Source : base de donn?es RePec (Research Papers in Economics), traitement University of Connecticut, Dpt of Economics, avril 2006

objective, ? des questions ouvertes dont, parfois, les politiques ont tent? de s'emparer. L'effort des jeunes ?conomistes est donc courageux ; leur r?ponse risque de mettre en ?vidence les discours id?ologiques, de d?noncer, implicitement ou explicitement, l'existence de niches renti?res.

Il n'y a pas tr?s longtemps encore, l'habitude n'est pas tota-

lement effac?e, la structure classique des travaux universitaires reposait sur une premi?re partie o? l'on d?montrait que l'on connaissait toutes les th?ories existantes, et la seconde portait sur une question concr?te dont il importait avant tout de montrer que l'on avait lu toute l'information disponible. Mais le lien entre la th?orie et la pratique

?tait rarement op?r?. Les concepts n'?taient pas utilis?s pour d?crypter la r?alit?. Il s'agissait de deux mondes ? part qui ne se croisaient pas. La g?n?ration des jeunes ?conomistes que le Prix veut faire conna?tre fait justement le pont. L'analyse ?conomique permet d'?clairer la pratique et de fournir des r?ponses concr?tes qui ne sont pas fon-

d?es sur des actes de foi. Les Atlantique, dans les universi-

concepts retrouvent leur r?le t?s les plus prestigieuses.

indispensable pour interpr?ter L'universit? fran?aise doit

la r?alit? ?conomique. Car celle- s'enorgueillir d'accueillir chez

ci ne s'offre pas imm?diatement elle des ma?tres dont la r?puta-

comme le pensent les empiristes tion d?passe les fronti?res natio-

simplistes, il faut savoir la nales. L'?cart, pour ne pas dire

d?crypter pour aboutir ? des le retard, entre l'?tat de la recher-

conclusions qui sont parfois che en France et celui des autres

? contre-intuitives ?,

pays d?velopp?s est,

diff?rentes de ce que l'on pourrait penser

? L'analyse

gr?ce ? eux, amoindri dans le domaine de

spontan?ment. C'est pr?cis?ment ce que les jeunes ?conomistes

?conomique permet

l'?conomie. Ils d?montrent que l'?cart peut ?tre combl?, ce qui est

que nous avons identifi?s savent faire avec

d'?clairer

d?j? ?norme. L'objectif ? atteindre sera

talent et parfois, avec courage.

la pratique

obtenu quand non seulement le niveau sera

La seconde tendance est li?e ? la premi?re : la visibilit? des jeu-

et de fournir des r?ponses

reconnu comme ?tant identique, ce qui est d?j? un grand pro-

nes ?conomistes est fonction de leurs tra-

concr?tes

gr?s, mais lorsque les laur?ats du Prix du

vaux qui sont d?sormais connus ? l'ext?-

qui ne sont

Cercle des ?conomistes et du ? Monde Eco-

rieur. Ils sont publi?s pas fond?es nomie ? deviendront

dans des revues presti-

des mod?les d'exem-

gieuses, g?n?rale- sur des actes plarit?. Pour aller

ment anglo-saxonnes ? mais l'anglais est

de foi ?

dans cette voie, ce que les jeunes ?conomis-

devenu le vecteur

tes d?montrent aujour-

international ? dont les comi- d'hui, c'est qu'il ne faut pas se

t?s de lecture comptent les laisser enfermer dans un repli

meilleurs ?conomistes. En frileux sur l'Hexagone, mais au

outre, les jeunes ?conomistes contraire jouer ? fond la dynami-

n'enseignent pas qu'en France. que de la mondialisation. Une

Ils assurent des cours ? l'?tran- le?on ? retenir. a

ger, outre-Manche et outre-

Le Cercle des ?conomistes

Fabien Postel-Vinay, H?l?ne Rey, nomin?e

nomin?

Les Etats-Unis pour laboratoire

Les ambigu?t?s de la protection de l'emploi

LA PROTECTION

avons mis en ?vidence

de l'emploi ne suffirait

une corr?lation n?gati-

pas ? vaincre le ? senti-

ve tr?s forte entre protec-

ment d'ins?curit? ?

tion de l'emploi et senti-

?prouv? par les sala-

ment de s?curit? ?,

ri?s au travail, r?le que

explique le chercheur.

jouerait davantage, en

En clair, si on peut

revanche, l'assurance-

penser qu'un salari?

ch?mage. C'est ? cette

en contrat ? dur?e

conclusion qu'est par-

FABIEN

d?termin?e (CDD)

venu Fabien Postel- POSTEL-VINAY ?prouve un fort senti-

Vinay dans une ?tude

ment d'ins?curit? de

men?e avec Anne Saint-Martin, l'emploi, il en va de m?me ? m?me

publi?e dans la revue de l'Insee, si c'est dans une moindre mesure ?

Economie et statistique (n? 372, pour un salari? en contrat ? dur?e

2004). Si de nombreux travaux ind?termin?e (CDI). Bien que l'in-

ont, jusqu'? pr?sent, tent? de mesu- terpr?tation, en termes de cause ?

rer les liens entre protection de effet ? soit d?licate, ?crit-il dans son

l'emploi ? proc?dures de licencie- ?tude, ce r?sultat sugg?re que la pro-

ment, indemnit?s etc. ?, g?n?rosi- tection de l'emploi n'est peut-?tre pas

t? de l'assurance-ch?mage, d'un la meilleure r?ponse au probl?me ?

c?t?, et performances du march? r?el ou suppos? ? du sentiment crois-

du travail (taux de ch?mage, flux sant d'ins?curit? dans l'emploi ?.

d'embauches, etc.) de l'autre, plus Seconde conclusion : ? Nous avons

rarement a ?t? ?tudi? le ressenti mis en lumi?re, indique le cher-

des travailleurs, ce qui conf?re aux cheur, que la g?n?rosit? de l'assuran-

travaux de Fabien Postel-Vinay ce-ch?mage est, elle, corr?l?e positive-

une part d'originalit?.

ment avec un sentiment de s?curit?

On pourrait s'interroger sur la de l'emploi. ?

pertinence d'une ?tude qui vise ? ? Ces deux corr?lations, constate

mesurer un ? sentiment ? dont le le chercheur, sont encore plus ?viden-

ressenti est li?, par d?finition, aux tes dans le cas de personnes qui occu-

caract?ristiques des personnes, pent un emploi temporaire. ? Pour

aux situations qu'elles vivent sur le lui, une politique de l'emploi plus

moment, etc. ? Les r?ponses des per- efficace devrait notamment asso-

sonnes interrog?es sont-elles li?es ? cier ? une assurance-ch?mage plus

une situation objective ? La qualit? g?n?reuse et une protection de l'em-

de leur emploi par exemple ? Ou ? ploi moindre pour tous ?. a

leur situation personnelle ? Leur

Francine Aizicovici

caract?re ? Rien ne permet vraiment

de le conclure ?, admet M. PostelVinay. Ce biais peut ?tre ?vit?, ajou- CV

te-t-il, gr?ce ? des ? techniques sta- 2005 Dipl?m? de l'Ecole poly-

tistiques sophistiqu?es qui ?liminent technique et docteur en ?conomie,

une grande part de l'h?t?rog?n?it? Fabien Postel-Vinay, 34 ans,

des individus, en observant, ? divers est professeur d'?conomie

moments sur une longue p?riode, si ? l'universit? de Bristol

leurs r?ponses se modifient. ? C'est (Royaume-Uni). Il a re?u,

cette approche qui a ?t? privil?- en 2006, la m?daille Frisch

gi?e, sur la base de deux ?chan- de la Soci?t? d'?conom?trie.

tillons de salari?s du secteur priv?. 2004-2006 Charg? de recher-

Premi?re conclusion : ? En che au Centre national de la

moyenne et en donn?es brutes, nous recherche scientifique (CNRS).

? SI l'on pouvait

me coll?gue ne se

transposer ? Paris

refuse pas.

quelque chose qui

Vivre aux Etats-

ressemble ? Prince-

Unis peut aussi sem-

ton, je rentrerais cer-

bler relever du bon

tainement en Fran-

sens lorsque son prin-

ce ?, reconna?t H?l?-

cipal sujet de recher-

ne Rey, qui depuis

che porte sur le d?ficit

douze ans a fait le

courant am?ricain.

choix de vivre entre

H?L?NE REY

Mieux vaut ?tre aux

le Royaume-Uni et

premi?res loges pour

les Etats-Unis pour b?n?ficier comprendre la formation de ce

? d'une qualit? de recherche in?- pr?cipice, pr?s de 7 % du produit

gal?e ?.

int?rieur brut (PIB) en 2005, qui

L'universit? de Princeton, o? nourrit l'inqui?tude croissante

elle s'est install?e en 2000, a un des financiers de la plan?te.

autre atout ? ses yeux : c'est l? H?l?ne Rey ne partage cepen-

qu'y enseigne Paul Krugman, dant pas les analyses alarmistes

l'?conomiste am?ricain qui l'a le de nombre de ses coll?gues sur le

plus influenc?e dans sa d?cision caract?re insoutenable de cette

de consacrer sa carri?re ? la situation. La principale originali-

macro-?conomie et ? la finance t? de ses travaux consiste ? ?clai-

internationale. ? J'ai toujours ?t? rer les raisons de la r?sistance

impressionn?e par ses articles hors norme de l'?conomie am?ri-

lumineux ?, dit-elle. L'avoir com- caine qui, ? si elle avait ?t? une ?co-

nomie ?mergente, aurait ?t? sanctionn?e depuis longtemps par les march?s financiers ?. Outre leur statut de premi?re puissance et ? ce titre ?picentre du syst?me financier international ? ce qui conf?re un avantage certain ?, les Etats-Unis disposent, selon elle, d'un pare-chocs qui jusqu'? pr?sent n'a pas fait d?faut : ? Lorsque le dollar se d?pr?cie, mena?ant ? terme de faire fuir les investisseurs ?trangers, les actifs que d?tiennent les Etats-Unis en devises ?trang?res ? et sur lesquels ils re?oivent une rentabilit? sup?rieure ? celle qu'ils doivent verser sur leur propre dette ? se rench?rissent. Ce processus de vases communicants a, jusqu'? pr?sent, permis d'assurer sans mal les besoins de financement de l'?conomie am?ricaine. ? Nul ne peut jurer qu'une crise ne surviendra pas et, pas plus que n'importe quel ?conomiste, H?l?ne Rey

n'aurait la pr?tention d'affirmer que l'?conomie est une science exacte. En revanche, ? si aujourd'hui tout le monde s'accorde sur une incontournable d?valuation du dollar, rien ne certifie que celle-ci sera brutale, ni qu'elle entra?nera un d?crochage de l'?conomie r?elle ?, soutient-elle. A Princeton, on reste zen. a

Laurence Caramel

CV

2OOO H?l?ne Rey, 36 ans, enseigne l'?conomie internationale ? l'universit? de Princeton. 1998 Elle obtient un PhD ? la London School of Economics (LSE) et ? l'Ecole des hautes ?tudes en sciences sociales (EHESS). 1997 Elle est professeur ? la LSE.

Emmanuel Saez, nomin? La (non)redistibution des revenus, un sujet central

VOIL? encore un

th?se ici, je ne pensais

des meilleurs ?cono-

pas m'installer, mais

mistes fran?ais de sa

? chaque ?tape de ma

g?n?ration qui, apr?s

carri?re, je me suis

avoir travers? l'Atlanti-

aper?u qu'on m'of-

que, n'a pas l'inten-

frait

beaucoup

tion d'acheter un tic-

mieux. ?, expli-

ket retour. Emmanuel

que-t-il.

Saez, qui enseigne ?

Pourtant avant de

l'universit? de Berke- EMMANUEL SAEZ s'int?resser aux in?-

ley (Californie) depuis

galit?s aux Etats-

2002, a beau avoir partag? avec Unis, c'est en observant la sc?ne

Thomas Piketty un important tra- hexagonale qu'Emmanuel Saez a

vail sur les in?galit?s de revenus d?cid? de travailler sur la fiscalit?.

aux Etats-Unis entre 1913 et ? Le capitalisme g?n?re de la crois-

1998, le futur directeur de l'Ecole sance mais il cr?e aussi beaucoup

d'?conomie de Paris n'aurait d'in?galit?s. Dans nos pays, les gou-

aucune chance de le convaincre vernements ont cependant les

de revenir. ? Ce qu'il va faire est moyens, gr?ce ? l'imp?t, de corriger

bien et certainement mieux que ce les exc?s de ce syst?me et d'assurer

qui existe si l'on met de c?t? l'?cole une certaine redistribution. Il m'in-

de Toulouse. Mais on restera enco- t?resse de comprendre ? quelle

re tellement loin de la situation condition cette redistribution peut

am?ricaine. En venant faire ma ?tre optimale. Cette question est au

centre des choix de politique ?conomique ?, raconte-t-il.

Faute d'avoir appliqu? sa recherche au cas fran?ais, ses travaux sur les Etats-Unis conduisent ? conclure que les h?tes successifs de la Maison Blanche n'ont pas atteint cet optimum, voire qu'ils n'ont cess? de s'en ?carter : ? Depuis la fin des ann?es 1970, la concentration des revenus n'a cess? de cro?tre. Et de fa?on particuli?rement marqu?e depuis dix ans, les plus hauts revenus capturant la plus grosse partie des fruits de la croissance. En r?duisant les imp?ts des plus riches, George W. Bush a exacerb? les in?galit?s. ?

Les ?tudes fiscales sont tr?s pris?es aux Etats-Unis. Elles alimentent l'?ternel d?bat entre les d?mocrates adeptes d'un syst?me plus redistributif et les conservateurs toujours ? la recherche d'une cou-

pe fiscale pour lib?rer la cr?ation de richesse. La n?cessit? de r?sorber les d?ficits publics a ?galement accru leur int?r?t. Mais ? la meilleure recherche vient des chercheurs eux-m?mes ?, estime le Fran?ais de Berkeley, et s'il existe beaucoup de sollicitations et de commandes, il pr?f?re le moins possible y r?pondre. a

L. C.

CV

2002 Emmanuel Saez est professeur d'?conomie ? l'universit? de Berkeley. 1999 Professeur associ? ? Harvard. 1999 PhD au Massachusetts Institute of Technology (MIT). Il consacre sa th?se ? l'?conomie de la taxation des revenus.

0123

Mercredi 10 mai 2006

DOSSIER

III Economie

au coeur de l'actualit?

Thierry Mayer, laur?at ex aequo du Prix 2006 du meilleur jeune ?conomiste : ? Les sciences ?conomiques ne peuvent gommer la g?ographie ?

Vous vous ?tes attach?, dans une recherche men?e depuis 2004, ? ?clairer les liens entre commerce international et conflits arm?s. Pourquoi ?

J'ai toujours travaill? sur les ?changes internationaux. Mes travaux ont d'abord port? sur la localisation ? l'?tranger des activit?s de production. J'ai alors constat? que le discours des ?conomistes sur ce ph?nom?ne, dont ils ont d?montr? le faible impact sur l'activit? et l'emploi, n'a ?t? entendu ni par les m?dias ni par les politiques. J'en ai conclu que l'opinion sur la globalisation se forgeait ? partir de peurs plus fondamentales, concernant la paix, l'identit? culturelle ou la protection sociale.

Avec Philippe Martin et Mathias Thoenig, nous avons crois? les m?thodes quantitatives de l'?conomie et un mod?le th?orique des ?changes commerciaux entre nations, avec un mod?le th?orique des conflits emprunt? ? la th?orie des jeux. Nous avons appliqu? cette d?marche aux conflits de niveau 3 ? 5 ? sur une ?chelle de cinq d?finie par la science politique (3 ?tant la ? d?monstration de force arm?e ?, 4 ? l'utilisation de la force arm?e ?, 5 ? le conflit faisant plus de mille morts ?) ? intervenus entre 1948 et 2001. Nous avons pu ?tablir une corr?lation qui indique que, toutes choses ?gales par ailleurs, la probabilit? de conflits entre deux pays est d'autant plus forte que la structure respective de leurs ?changes commerciaux est diversifi?e g?ographiquement.

THIERRY MAYER

Autrement dit, plus un pays a des partenaires commerciaux lointains, plus il a de chances d'entrer en conflit avec un pays proche. Inversement, plus les liens commerciaux avec un partenaire proche sont importants, et moins la probabilit? de conflits est forte.

Comment l'expliquez-vous ? Les politologues montrent que

les conflits les plus fr?quents sont ceux qui opposent des communaut?s voisines. Notre mod?lisation montre que lorsqu'il y a ? dispute ? entre deux Etats, ceux-ci entrent dans une phase de n?gociation qui consiste ? peser les co?ts d'un conflit avec le partenaire. Un ?quilibre entre les calculs des deux parties permet en principe d'arriver ? un accord. Mais le conflit peut survenir lorsqu'il existe une asym?trie d'information, qui fait que chacun a tendance ? bluffer pour tenter de convaincre l'autre qu'il perdra plus ? la guerre que lui. Dans ces conditions, un Etat peut consid?rer que la rupture des

?changes avec un pays avec lequel il commerce peu, gr?ce au fait que ses ?changes sont diversifi?s, lui co?tera peu. Ce n'est pas forc?ment le commerce qui explique le conflit, mais il est, selon sa structure, un facteur d'escalade ou de d?sescalade.

Pouvez-vous donner des exemples ?

L'exemple le plus connu d'effet pacificateur d'un syst?me d'?changes local dynamique est bien s?r l'Union europ?enne. A cet ?gard, l'entr?e de la Turquie ferait certainement baisser la conflictualit?, qui conna?t quasiment une manifestation par an, entre la Gr?ce et ce pays. Inversement, le ? syst?me g?n?ralis? de pr?f?rences ?, qui a permis aux pays africains d'exporter quasiment sans droits de douanes vers les pays riches ? partir des ann?es 1970, a diminu? la part des ?changes avec les pays voisins, avec lesquels il est devenu d?sormais moins co?teux d'entrer en guerre ! En quarante ans, le commerce entre pays distants de moins de 1 000 km a augment? de 190 %, et la probabilit? de conflits entre eux a diminu? de 22 %. Le commerce ? globalis? ? (hors ?changes entre voisins), lui, a augment? de 180 %, ce qui, selon nos estimations, a augment? la probabilit? de conflits entre pays voisins de 66 %.

Quelles le?ons tirer de ces r?sultats ?

Que la lib?ralisation des ?changes internationaux ne doit pas d?stabiliser les ?changes

locaux, qui doivent ?tre d?velopp?s et densifi?s par des accords d'?changes r?gionaux ou bilat?raux, afin d'augmenter l'interd?pendance entre pays voisins. La chose devient m?me urgente entre la Chine, le Japon et les Etats d'Asie du Sud-Est.

L'autre le?on est qu'on ne peut, en sciences ?conomiques, gommer la g?ographie. On constate, m?me apr?s des d?cennies d'abolition des barri?res, la persistance d'un fort effet-fronti?re sur le commerce international, qui s'explique par les diff?rences culturelles, dont j'essaie depuis peu de mesurer l'impact exact. De m?me, l'abaissement du co?t fixe du transport a masqu? la persistance du prix de la distance. La fragmentation g?ographique du processus productif a paradoxalement plus augment? le volume des ?changes locaux que celui des ?changes ? longue distance ! a

Propos recueillis par

Antoine Reverchon

CV

2002 Thierry Mayer devient professeur d'?conomie ? l'universit? Paris-Sud. Re?u premier ? l'agr?gation de sciences ?conomiques. 2001 Conseiller scientifique au Centre d'?tudes prospectives et d'informations internationales. 2000 Chercheur associ? au P?le sciences ?conomiques Paris-Jourdan. 1999 Th?se de doctorat ? Paris-I-Panth?on-Sorbonne.

Etienne Wasmer, laur?at ex aequo du Prix 2006 du meilleur jeune ?conomiste : ? L'exp?rimentation, surtout concernant le ch?mage, permet de sortir des sentiers id?ologiques ?

Beaucoup de vos recherches vous ont conduit ? analyser le fonctionnement des march?s du travail europ?ens. Quel regard portezvous sur la situation fran?aise ?

Le march? du travail fran?ais est tr?s in?galitaire. D'un c?t?, vous avez les salari?s les mieux prot?g?s ? fonctionnaires, contrats ? dur?e ind?termin?e (CDI) ? et, de l'autre, l'ensemble des personnes embauch?es sous un contrat pr?caire. Pour les premiers, le risque de se retrouver au ch?mage est tr?s faible alors que les seconds sont beaucoup plus expos?s. En moyenne ? et ces chiffres concernent les 25-54 ans ?, lorsque des pr?caires parviennent ? encha?ner deux contrats ? dur?e d?termin?e (CDD), ils restent trois ans et deux mois en emploi, puis se retrouvent au ch?mage. C'est une dur?e tr?s courte. Cette r?partition entre ? insiders ? et ? outsiders ? g?n?re des effets pervers : difficult?s d'acc?s ? un logement, ? un cr?dit ; cr?ation d'une famille repouss?e ? plus tard, etc. Il est d'autant plus difficile de sortir de ce cercle vicieux que la formation professionnelle s'adresse en priorit? aux salari?s install?s, c'est-?-dire aux plus qualifi?s en CDI, ce qui leur permet d'am?liorer leurs comp?tences contrairement aux pr?caires qui b?n?ficient rarement de stages qui pourraient les tirer vers le haut.

Comment y rem?dier ? Deux positions extr?mes se sont

affront?es jusqu'? maintenant. La premi?re, en proposant la

ETIENNE WASMER

suppression des protections attach?es au CDI, aurait pour cons?quence de faire converger l'ensemble des salari?s vers le bas. La seconde, au contraire, propose la disparition des CDD pour un alignement vers le haut, ce qui serait ?galement une erreur ?conomique car les entreprises dont l'activit? vit ? un rythme saisonnier ont besoin de contrats flexibles. Il existe une troisi?me voie ? explorer qui vise ? faire converger les statuts car les in?galit?s du march? du travail ne peuvent perdurer.

Quelle m?thode employer pour y parvenir ?

J'en vois trois possibles. Une grande n?gociation entre organisations syndicales et patronales ce qui permettrait de privil?gier le dialogue social, mais je crains que nous en ayons pour quinze ans ! Autre id?e : une ordonnance gouvernementale, mais dix minutes apr?s l'annonce, les dates des manifestations auront ?t? fix?es par l'ensemble des

m?contents. Il existe une autre issue, hors des sentiers id?ologiques : l'exp?rimentation. Cr?ons des dispositifs et testons-les sur un bassin d'emploi ou une r?gion en observant des r?gles pr?cises. Pour ?viter les ? manipulations ? de tel ou tel ?lu local d?sireux de valoriser son fief, le territoire choisi serait sous contr?le national. Une fois le dispositif lanc?, celui-ci serait ?valu? puis g?n?ralis? si les r?sultats sont concluants. Si tel n'est pas le cas, la r?gion-test serait ? d?dommag?e ? des effets n?gatifs subis, s'il y en avait.

Cette id?e suscite d?j? des r?sistances de la part de juristes qui soulignent que la R?publique est une et indivisible et que de telles exp?rimentations pourraient remettre en cause ce principe. Cet obstacle est loin d'?tre insurmontable. L'Alsace ou la Moselle b?n?ficient de dispositions sp?cifiques. Et le souci de l'int?r?t g?n?ral, ? savoir la poursuite de la baisse du ch?mage, doit pr?valoir.

CV

2006 Etienne Wasmer, 36 ans, professeur ? l'universit? de Metz, est titulaire de la chaire de recherche du Canada en ?conomie du travail ? l'universit? du Qu?bec ? Montr?al. 2000 Dipl?m? de Polytechnique, il est re?u ? l'agr?gation en sciences ?conomiques. 1997 Il soutient sa th?se consacr?e ? l'offre de travail et les in?galit?s de salaire ? la London School of Economics (LSE).

Mais le ch?mage baisse... Le taux de ch?mage baisse,

mais je ne suis pas s?r qu'il faille en conclure que le ch?mage chute v?ritablement car les radiations ont progress?. Le taux de ch?mage est un indicateur dont la mesure est d?licate et qui est donc ? manier avec prudence. Je m'int?resse plut?t au taux d'emploi, et comme ce dernier ne progresse pas, cela signifie que la situation reste bloqu?e.

Parmi les exp?rimentations possibles, que pensez-vous d'un contrat unique ?

Cette id?e va dans le sens de l'harmonisation des statuts, m?me s'il est clair que certains secteurs d'activit? ? et c'est d?j? le cas ? auront besoin de disposer de d?rogations. Ce pourrait ?tre un CDI ? am?nag? ?, afin de lever les r?ticences des employeurs d?courag?s par les proc?dures de licenciement et la jurisprudence prud'homale d'embaucher en CDI. On pourrait imaginer que les droits du salari? en contrat unique varient graduellement selon son anciennet? dans le poste. De m?me, le cadre l?gal du licenciement pourrait ?tre simplifi? ? plusieurs ?tudes montrent qu'il ne s?curise pas vraiment le salari?, y compris celui en CDI ? avec des contre-parties (hausse des indemnit?s par exemple...). Ces pistes, encore une fois, devraient ?videmment ?tre pass?es au filtre de l'exp?rimentation. a

Propos recueillis par

Marie-B?atrice Baudet

QUESTIONS-R?PONSES

S?lection

1 Comment est attribu? le Prix du meilleur jeune ?conomiste ? Le Prix du meilleur jeune ?conomiste, cr?? conjointement en 2000 par ? Le Monde Economie ? et le Cercle des ?conomistes, en partenariat avec le S?nat, est destin? ? valoriser les travaux ? th?se ou article publi? ? d'un chercheur ou d'une chercheuse ?g?(e) de moins de 40 ans. Tous les ?conomistes repr?sentant le monde universitaire fran?ais et les grandes ?coles peuvent concourir ? ce prix destin? ? couronner des travaux portant sur l'?conomie appliqu?e, en prise avec le r?el, et participant aux d?bats ?conomiques du moment.

La proc?dure de s?lection des laur?ats et nomin?s, d?finie en commun par ? Le Monde Economie ? et le Cercle des ?conomistes, comporte plusieurs ?tapes. Chaque membre du Cercle s?lectionne cinq candidats ? partir des dossiers d?pos?s, comprenant obligatoirement une liste de travaux et deux textes repr?sentatifs. Le Cercle a retenu, cette ann?e, dix noms dans ce premier choix, puis a r?alis? une s?lection pr?finale de cinq noms, avec des rapporteurs choisis parmi les membres du Cercle. Les cinq dossiers ont ?t? alors transmis au ? Monde Economie ?. L'ultime ?tape a consist? ? d?signer les laur?ats ainsi que les nomin?s ? partir d'un jury compos? de membres du Cercle des ?conomistes et de journalistes du ? Monde Economie ?.

2 Quels ont ?t? les laur?ats et les nomin?s des prix des ann?es pr?c?dentes ? En 2000, ce prix est all? ex aequo ? Agn?s Benassy-Qu?r? et ? Bruno Amable. Les autres nomin?s ?taient Bernard Bensaid, Bruno Biais, Pierre Cahuc, Marc Flandreau, Pierre-Cyrille Hautcoeur, Thomas Piketty, Gilles Saint-Paul et Laurence Scialom.

b En 2001, il a ?t? attribu? ? Pierre Cahuc, laur?at. Les quatre nomin?s ?taient Bruno Biais, Marc Flandreau, Philippe Martin et Thomas Piketty.

b En 2002 ont ?t? prim?s ex aequo Philippe Martin et Thomas Piketty, les quatre nomin?s ?tant Philippe Askenazy, Emmanuelle Auriol, Olivier Jeanne et Bernard Salani?.

b Le laur?at 2003 ?tait Pierre-Cyrille Hautcoeur, les deux nomin?s ?tant Philippe Askenazy et Esther Duflo.

b Le prix 2004 a r?compens? David Martimort, les trois nomin?s ?tant Pierre-Yves Geoffard, Thierry Mayer et Etienne Wasmer.

b Le prix 2005 a ?t? d?cern? ? Esther Duflo et ? Ely?s Jouini. Les deux nomin?s ?taient Beno?t Coeur? et Beno?t Mojon.

3 Qui sont les membres du Cercle des ?conomistes ? Le Cercle des ?conomistes, cr?? en 1992, regroupe aujourd'hui trente ?conomistes : Michel Aglietta, Patrick Artus, Agn?s Benassy-Qu?r?, Jean-Paul Betb?ze, Jean-Pierre Boisivon, Christian de Boissieu, Anton Brender, Pierre Cahuc, Jean-Michel Charpin, Jean-Marie Chevalier, Elie Cohen, Michel Didier, Pierre Dock?s, Lionel Fontagn?, Marc Guillaume, Pierre Jacquet, Bertrand Jacquillat, Jean-Dominique Lafay, Jean-Herv? Lorenzi (pr?sident du Cercle), Catherine Lubochinsky, Charles-Albert Michalet, Jacques Mistral, Olivier Pastr?, Anne Perrot, Jean Pisani-Ferry, Jean-Paul Pollin, Dominique Roux, Christian Saint-Etienne, Christian Stoffa?s et Daniel Vitry.

Outre sa participation au Prix du meilleur jeune ?conomiste, Le Cercle publie Les Cahiers du Cercle des ?conomistes, anime avec Euronext un d?bat sur les questions financi?res mondiales ? l'occasion de l'?dition annuelle des Chroniques ?conomiques (?d. Descartes), et organise les ? Rencontres ?conomiques d'Aix-en-Provence ?. Ces Rencontres auront lieu cette ann?e les 7, 8 et 9 juillet, autour du th?me ? Un monde de ressources rares ?.

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? ? ?

IV Economie

CONTROVERSES

0123

Mercredi 10 mai 2006

Italie Romano Prodi pourra-t-il appliquer son programme ?

L'Unione, l'h?t?roclite coalition de centre-gauche vainqueur des ?lections l?gislatives italiennes, dispose d'une faible majorit? au S?nat et h?rite d'une ?conomie affaiblie

Vous soulignez que les finances publiques italiennes sont dans une situation catastrophique, que la consommation des m?nages a stagn?, que la croissance n'atteindra que 1,1 % en 2006, etc. Dans ce contexte difficile, Romano Prodi et sa coalition pourront-ils mettre en oeuvre les r?formes pr?vues dans le programme de l'Unione ?

Cela rel?ve quelque peu de la mission impossible. L'Unione n'a pas re?u de mandat suffisamment clair pour mettre en oeuvre ces r?formes. Ainsi, le patronat a soutenu Romano Prodi parce que, en tant qu'ancien pr?sident de la Commission europ?enne, il incarnait un espoir de r?formes structurelles et de lib?ralisation des march?s. Or, si l'on analyse les composantes de sa coalition, qui va jusqu'aux communistes de Rifondazione communista, parti qui avait caus? la chute du premier gouvernement Prodi en 1998, on comprend qu'il ne pourra pas r?pondre ? cet espoir, car il rencontrera des r?sistances ?normes au sein de la coalition. Le vote italien en faveur de l'Unione est surtout un non ? Berlusconi.

Trouvez-vous malgr? tout, dans son programme, des mesures qui, selon vous, iraient dans le bon sens et qu'il pourrait engager ?

Oui. Par exemple, le cr?dit d'imp?t aux entreprises pour favoriser les d?penses de recherche et d?veloppement (R & D), ou encore l'augmentation de la concurrence dans certains secteurs des services qui sont encore concentr?s tels que la grande distribution.

La baisse de cinq points des cotisations sociales r?pond, quant ? elle, au co?t trop ?lev? du travail, qui p?se sur la comp?titivit? des entreprises et sur la croissance, alors que la reprise est forte au niveau mondial depuis deux ans. Mais il n'est pas pr?cis? dans le programme si cette baisse s'applique aux cotisations sociales patronales ou salariales. En fait, beaucoup de mesures du programme restent floues, ainsi que leur financement, ce qui refl?te, en creux, la diversit? des partis de la coalition. On a pu le constater lors de l'?pisode sur les droits de succession, supprim?s par Silvio

Non

? S'il laisse s'accro?tre

le d?ficit, il sera mis sous

pression par les agences

de notation, qui menacent

de d?grader la note du

pays, ce qui augmentera

la charge de la dette ?

TANGUY SIMON,

?CONOMISTE ? LA SOCI?T? G?N?RALE

Berlusconi et que M. Prodi veut r?tablir. L'aile gauche de l'Unione avait avanc? un seuil de 500 000 euros ? partir duquel ces droits seraient appliqu?s. Ce qui a provoqu? des vagues dans le pays et M. Prodi a d? se r?soudre ? dire que seuls seraient impos?s les ? multimillionnaires ?. Cette confusion r?sulte sans doute d'un d?saccord au sein de l'Unione.

Romano Prodi entend aussi accro?tre l'imp?t sur les revenus financiers, qui passerait de 12,5 % ? 20 %, pour contribuer au financement des cinq points de baisse des cotisations sociales ? hauteur de 2 milliards d'euros. C'est une mesure ? contre-courant de celles qui sont prises en Europe, mais elle n'est pas forc?ment mauvaise. Sans doute la mettra-t-il en oeuvre car elle ne devrait pas provoquer de grands d?bats au sein de la coalition.

Mais comme cette recette, associ?e ? d'autres telles que la lutte contre la fraude fiscale, sera insuffisante pour financer la baisse des cotisations ? il faudrait 10 milliards, soit 0,7 point de produit int?rieur brut (PIB) ? peut-?tre devra-t-il la r?viser, alors qu'il s'agit d'une mesure phare, qui a concentr? l'attention de tous les analystes. Ou alors laissera-t-il filer le d?ficit public, arguant que

la situation du pays laiss?e par M. Berlusconi est encore plus mauvaise que pr?vu ? M. Prodi a d'ailleurs annonc? un audit des finances publiques. Mais s'il laisse s'accro?tre le d?ficit, il sera rapidement mis sous pression par les agences de notation, qui menacent de d?grader la note de l'Italie, ce qui aggravera la charge de la dette. On le voit, M. Prodi fait face ? un v?ritable casse-t?te.

Le futur pr?sident du Conseil italien a ?galement promis de r?duire la panoplie de contrats pr?caires, dont une bonne partie a ?t? instaur?e par la loi Biagi de 2003. Le patronat pourra-t-il l'accepter ?

Cette id?e est int?ressante, car les contrats atypiques n?s en 2003 ont contribu? ? la d?gradation de la confiance des m?nages et ? la stagnation de la consommation. Toutefois, les contrats pr?caires ont aussi permis d'accro?tre l'emploi (en ?quivalent temps plein), sauf au cours des deux ou trois derni?res ann?es. Cependant, cette mesure risque de d?plaire au patronat. Il faudrait plut?t une r?forme ?quilibr?e ? le patronat reconnaissant que la pr?carit? peut nuire ? l'?conomie, et les syndicats qu'elle peut cr?er de l'emploi ?, et non une caricature telle que l'accroissement du co?t du travail ? dur?e d?termin?e [ndlr : le programme pr?voit de mettre ? ?galit? le co?t des contrats pr?caires avec celui des contrats stables, les entreprises qui embauchent en contrat ? dur?e ind?termin?e b?n?ficiant par ailleurs d'un cr?dit d'imp?t]. Mais un tel consensus serait tr?s long ? obtenir. Au final, le gouvernement risque de ne pas pouvoir trancher entre ce que veulent, au sein de sa coalition, la gauche r?formiste et la gauche radicale.a

Propos recueillis par

Francine Aizicovici

CV 2001 Dipl?m? d'un DEA en ?conomie et finance internationales (Paris-Dauphine), Tanguy Simon entre au service des ?tudes ?conomiques de la direction des risques ? la Soci?t? g?n?rale. 2000 Centre de pr?vision de l'Expansion.

Romano Prodi pourra-t-il appliquer le programme de la coalition de centre-gauche ?

Je pense que Romano Prodi peut mener ? bien des parties importantes du programme telles que la lib?ralisation des services, qui demeurent sous-d?velopp?s et tr?s co?teux tant pour les consommateurs que pour les entreprises. Beaucoup de ces services sont en situation de quasimonopole. S'il les met en concurrence, l'Italie gagnera en comp?titivit?, ce qui est crucial pour notre pays qui n'est pas parvenu ? participer ? la croissance mondiale de ces derni?res ann?es. Les secteurs de l'?nergie, des transports, des t?l?communications, ou encore celui des professions lib?rales, sont concern?s. Ces derni?res sont encadr?es de mani?re tr?s restrictive. A Turin, par exemple, le numerus clausus limite le nombre de notaires ? 498, pas un de plus. Quant aux avocats, leurs tarifs, fix?s par l'ordre, sont proportionnels ? la dur?e de la proc?dure ! Dans les transports, notre syst?me d'autoroute est tr?s ancien, mais les tarifs de p?ages restent ?lev?s, ce qui profite directement aux g?rants de ces concessions. Dans le programme de Prodi figure la cr?ation d'une autorit? pour les transports, syst?me qui existe d?j? pour les t?l?coms et l'?nergie. M. Prodi a pr?vu de renforcer leur r?le.

Lib?raliser les services est certes un souhait du patronat, mais cela ne risque-t-il pas de d?plaire aux partis les plus ? gauche de la coalition et aux syndicats ?

Je ne dis pas qu'il n'y aura pas d'opposition ? ces projets. Mais tous les partis de cette coalition ont sign? le programme. Ce qui n'?tait pas le cas, dans le premier gouvernement Prodi, de Rifondazione comunista. De plus, il s'agit d'une r?forme ? co?t z?ro. La lib?ralisation peut provoquer des pertes d'emplois, mais d'autres seront cr??s ailleurs.

Certes, les effets de cette lib?ralisation ne seront pas imm?diats sur les entreprises. Mais la diminution des cotisations sociales de cinq points inscrite dans le programme va permettre de gagner du temps en redonnant d?j? un peu de comp?titivit? aux firmes.

Oui

? En agissant sur les recettes, le chef

du gouvernement est en position d'am?liorer les comptes

publics, et non de les aggraver ?

TITO BOERI

PROFESSEUR D'?CONOMIE ? L'UNIVERSIT? BOCCONI

DE MILAN

Comment M. Prodi pourra-t-il financer cette baisse des cotisations alors que les caisses sont vides ?

Ce n'est pas pr?cis? dans le programme de la coalition mais ce financement est r?alisable si cette op?ration s'applique uniquement sur les bas salaires, ce qui permettra aussi de faire ?merger l'?conomie informelle. Cette mesure co?terait alors entre 2 et 3 milliards d'euros.

Le futur chef du gouvernement aura-t-il la capacit? de redresser les comptes publics ?

En tout cas, il faut agir. La dette publique a recommenc? ? augmenter en 2005, pour atteindre 106 % du produit int?rieur brut (PIB) et les projections pour 2006 sont aussi ? la hausse, ce qui est effrayant. Quant au d?ficit, il d?passe les 3 % du pacte de stabilit? europ?en pour la troisi?me ann?e cons?cutive. M. Prodi a pris le risque de perdre les ?lections en n'excluant pas, durant sa campagne, d'augmenter les imp?ts, par exemple sur les successions ou les rentes financi?res. En agissant sur les recettes, il est donc en position d'am?liorer les comptes publics, et non de les aggraver.

Ces recettes seront-elles suffisantes pour sortir l'Italie du rouge ?

Non, mais il a pr?vu d'autres actions. La d?t?rioration majeure des comptes est due aux d?penses de sant? et ? celles des collectivit?s locales, dont le gouvernement Berlusconi avait perdu le contr?le. M. Prodi, lui, peut certainement en reprendre le contr?le et rendre leur gestion plus rigoureuse, car la majorit? de ces collectivit?s ? r?gions, provinces et communes ? est gouvern?e par la gauche.

Le programme promet ?galement de revoir la loi Biagi de 2003, qui avait introduit plusieurs types de contrats de travail flexibles, et d'accro?tre les co?ts des contrats pr?caires. Pensez-vous que ces projets sont r?alisables ?

Je ne pense pas que Romano Prodi r?ussira ? abroger cette loi, mais il va sans doute supprimer deux ou trois types de contrats, m?me si cela n'est pas pr?cis? dans son programme. Il s'agit de formules tr?s peu utilis?es, leur suppression ne va donc pas changer grand-chose. Quant ? l'augmentation du co?t des contrats pr?caires, qui vise ? dissuader les entrepreneurs d'y recourir, il peut aussi y parvenir.

Cela risque peut-?tre de provoquer des pertes d'emplois, mais il faut qu'il applique cette mesure tout en cr?ant des incitations pour les employeurs qui recrutent en contrats ? dur?e ind?termin?e, ce qu'il a ?galement pr?vu. a

Propos recueillis par F. A.

CV

2002 Docteur en ?conomie dipl?m? de la New York University, Tito Boeri cr?e le site d'information ?conomique internationale 1999 Il devient directeur de la Fondation Rodolfo De Benedetti (recherches sur le march? du travail et les politiques sociales), qu'il dirige toujours. 1997 Depuis cette date, il est professeur d'?conomie ? l'universit? Bocconi de Milan. 1986 Economiste ? l'Organisation de coop?ration et de d?veloppement ?conomiques (OCDE).

PENS?E ?CONOMIQUE

Albert Aftalion, th?oricien de l'investissement

TOUT ph?nom?ne ?conomique peut ?tre lu ? la lumi?re de la confrontation entre deux param?tres : il est ainsi offre et demande ; il correspond ? un prix et ? une quantit? ; ob?it ? un cycle et ?volue vers l'?quilibre ; fait varier des stocks et enregistre des flux. Selon que l'on privil?gie l'un ou l'autre ?l?ment de ces couples, on arrive ? des th?ories diff?rentes que l'histoire ?conomique permet de d?partager. Les ?conomistes classiques et n?oclassiques mettent en avant la primaut? d'une offre rentabilisant un stock de capital et la convergence vers un ?quilibre r?sultant de l'adaptation des prix. Les keyn?siens consid?rent que le soutien de la demande par l'investissement permet l'adaptation des quantit?s produites et ?chang?es au gr? des alternances cycliques entre ch?mage et inflation. Ce qui unit ces th?ories, c'est le r?le-cl? de l'investissement : il permet l'offre par l'accumulation de capital et est une composante de la demande. Cette

ambivalence a conduit certains ? en faire le facteur explicatif non seulement de la croissance mais aussi de ses perturbations. Le premier ?conomiste ? l'avoir formalis? est Albert Aftalion.

Il na?t le 21 octobre 1874 en Bulgarie. Sa famille fuit en France les guerres et l'antis?mitisme des Balkans d'alors. Apr?s des ?tudes de droit puis d'?conomie, il devient professeur, menant l'essentiel de sa carri?re ? la facult? de Lille. Admirateur de Sismondi, auquel il consacre la th?se qu'il soutient en 1899, il manifeste une attirance pour les ?conomistes en rupture. A ses d?buts, l'?cole dominante n?oclassique affirme que le march? conduit ? l'?quilibre. Or le v?cu ?conomique n'est que permanent d?s?quilibre. S'appuyant sur des analyses statistiques, l'?conomiste fran?ais du XIXe si?cle Cl?ment Juglar donne une coh?rence ? ce d?s?quilibre en en faisant un encha?nement de cycles n?s de la gestion mon?taire. Le n?oclassique britannique William

CHRONIQUE

JEAN-MARC DANIEL

Jevons, s'il admet l'existence des cycles, leur donne n?anmoins une cause extra?conomique : les cons?quences sur les r?coltes des ?volutions solaires. Aftalion, qui enseigne et s'int?resse ? la statistique,

? Dans une pi?ce o? il fait froid, on remplit le po?le de charbon.

Comme il s'enflamme lentement, on a tendance ? trop en mettre. Il finit par faire trop chaud, on ouvre la fen?tre et l'air ext?rieur ram?ne la pi?ce ? la temp?rature initiale ?

reprend la m?thode quantitative de Juglar. Il partage sa th?se d'un cycle inh?rent ? la dynamique ?conomique, c'est-?-dire, selon le qualificatif des ?conomistes, ? endog?ne ?, mais il en refuse l'interpr?tation mon?taire. En 1913, il publie Les Crises p?riodiques de surproduction, o? il explique les fluctuations ?conomiques par l'investissement. C'est la m?taphore du ? po?le d'Aftalion ?. Dans une pi?ce o? il fait froid, on remplit le po?le de charbon. Comme celuici s'enflamme lentement, on a tendance ? trop en mettre. Cons?quence, il finit par faire trop chaud, on ouvre la fen?tre et l'air ext?rieur ram?ne la pi?ce ? la temp?rature initiale. De m?me en ?conomie, les entreprises, constatant des r?serves de pouvoir d'achat, investissent. Ce faisant, elles augmentent non seulement les capacit?s de production, mais ?galement la demande, ce qui les trompe sur la r?alit? de leurs d?bouch?s et les incite ? encore plus investir. D'o?, au bout d'un moment, une sura-

bondance de machines. L'inertie des entreprises et leur aveuglement provoquent la crise. La baisse des d?penses d'investissement permet de la juguler en ramenant le capital ? un volume conforme au besoin, mais elle accro?t son ampleur en r?duisant les d?bouch?s. John Maurice Clark, l'?conomiste am?ricain qui diffuse les id?es d'Aftalion dans le monde anglo-saxon, nomme l'effet amplificateur de l'investissement sur la croissance ? l'effet d'acc?l?ration ?. Les ?conomistes am?ricains Alvin Hansen et Paul Samuelson ont tir? de l'acc?l?rateur un mod?le math?matique du cycle appel? ? l'oscillateur ?.

En 1950, Aftalion cr?e l'Association fran?aise de science ?conomique et la Revue ?conomique. Car, actif jusqu'? son dernier jour, qui survient le 6 d?cembre 1956, il est convaincu de la n?cessit? de sans cesse nourrir et renouveler le d?bat. a

Jean-Marc Daniel est professeur ? ESCP-EAP.

0123

Mercredi 10 mai 2006

BOUSSOLE

V Economie

Les Etats-Unis restent la premi?re terre d'accueil pour les immigr?s

XX,X Nombre d'immigr?s, en millions, en 2005

TH?ORIE DU D?VELOPPEMENT

La d?mocratie

18,9

12,9

Canada

6,1

XX,X En % de la population du pays

Japon 1,6 2,0

contribue-t-elle ? la croissance ?

38,4 Etats-Unis

8,4

12,1 Russie

42,6

Hongkong

16,9

3,0

9,1 Royaume-Uni 5,4

10,7 France

12,3

Kazakhstan

Allemagne 14,7 2,5

10,1

Ukraine 6,8

0,5

Inde 5,7

6,5

11,1 Espagne 4,8

Italie 2,5 Isra?l

39,0

Pakistan 2,1

Jordanie

3,3

2,2

Emirats arabes unis

4,3 2,7

3,2

71,4

13,2

C?te-d'Ivoire 2,4

39,6 Arabie saoudite 25,9 6,4

Australie 4,1

20,3

Source : ONU, d?partement des affaires ?conomiques et sociales, division population, f?vrier 2006

Alors que la communaut? hispanique des Etats-Unis manifestait le 1er mai contre un projet de loi restreignant l'immigration, un rapport des Nations unies sur les migrations mondiales confirme que le r?ve am?ricain n'est pas mort : le pays de l'Oncle Sam arrive en t?te des terres d'accueil avec 38,4 millions d'immigr?s recens?s. Il distance largement la Russie et ses quelque 12,1 millions d'?trangers. A Moscou, en effet, est consid?r? comme immigr? tout ressortissant des ex-R?publiques sovi?tiques, m?me dans le cadre des migrations

ant?rieures ? l'effondrement de l'Union en 1991. En France, o? le projet de loi Sarkozy pr?ne l'immigration choisie et restreint le regroupement familial, les ?trangers repr?sentent 6,5 millions d'individus sur plus de 60 millions d'habitants. A noter ?galement la part importante d'immigr?s ? notamment de la main-d'oeuvre non qualifi?e venue d'Asie ? au sein de la population des pays du Golfe. Hongkong et Isra?l apparaissent ?galement comme des destinations tr?s pris?es.

Au Costa Rica, les producteurs de bananes r?vent d'Europe

Face aux g?ants am?ricains, les agriculteurs locaux veulent profiter de la lib?ralisation du march? intervenue le 1er janvier

LIMON

ENVOY?E SP?CIALE

Ce matin, Ricardo a pris son travail ? 5 heures. Il s'ach?vera, comme souvent, dix heures plus tard, pour environ 10 euros. Ricardo est carrero : coupeur de bananes dans la bien nomm?e ? Ferme de l'Effort ?, situ?e pr?s de Limon, une des principales zones de production banani?re du pays. ? Le travail est dur, mais nous sommes habitu?s ?, explique ce jeune homme de 28 ans dans l'atmosph?re moite d'une saison des pluies naissante. Avec ce salaire, il fait vivre sa femme et leur petite fille, et, dit-il, ? il s'en sort ?.

Jorge Cardona Montoya, le r?gisseur de ce domaine de 200 hectares qui emploie 500 ouvriers, revendique le ? mieux-disant social ? des plantations costariciennes. ? Ici, le droit des travailleurs est respect? et les salaires sont d?cents. Ce n'est pas comme en Colombie ou en Equateur ?, affirme ce Colombien d'origine. Le tableau est trop idyllique pour ne pas ?tre nuanc?. Ce que ne manque pas de faire le pr?sident de la Cosibacr, la coordination des syndicats des travailleurs du secteur bananier.

Dans un petit immeuble du centre de la capitale San Jos?, Ramon Barrantes del Monte ?tale sur son bureau les r?cents proc?s-verbaux ?tablis par le minist?re du travail pour sanctionner les entorses faites au code du travail : rupture abusive de contrats, journ?e de travail sup?rieure ? douze heures, chasse aux syndicalistes...

Pour autant, en Am?rique latine, le Costa Rica, deuxi?me exportateur mondial de bananes derri?re l'Equateur, fait bien figure d'exception pour ses standards sociaux, dont les bases ont ?t? jet?es au tournant des ann?es 1940 avec l'instauration d'un salaire minimum et la cr?ation de la S?curit? sociale. ? Nous payons nos ouvriers deux ? trois plus cher que nos voisins ?, explique Romano Orlich, le pr?sident de la f?d?ration des exportateurs de bananes Corbana, qui esp?re faire de cette diff?rence un avantage comparatif aupr?s des consommateurs occidentaux soucieux d'un commerce plus juste. Corbana veut aussi appuyer son offensive sur le respect des normes environnementales, auxquelles les trois quarts de ses membres se sont pli?s en se conformant aux certifications de l'ISO (International Standard Organization) ou de l'Union europ?enne.

Depuis le 1er janvier, la r?forme du r?gime d'importation du fruit le plus ?chang? dans le monde facilite th?oriquement l'acc?s des producteurs latino-am?ricains ? un march? europ?en jusqu'alors pro-

Plantation de Parrita, au sud-ouest de San Jos?. GILBERT KENT/AP

t?g? au profit des pays ACP (Afrique-Cara?bes-Pacifique). Apr?s dix ann?es de bagarres au sein de l'Organisation mondiale du commerce, Bruxelles a d? d?manteler en partie son syst?me de quotas pour instaurer un tarif unique de 176 euros par tonne de marchandises import?es.

Concurrence Les producteurs ind?pendants

? ils sont moins d'une cinquantaine ? la t?te de domaines allant jusqu'? quelques centaines d'hectares ? n'ont pas encore go?t? les retomb?es de cette victoire. Il ne suffit pas de produire, encore faut-il ?tre en mesure d'acc?der aux circuits de la distribution mondiale. ? Les multinationales am?ricaines Chiquita, Dole et Del Monte poss?dent ici pr?s de 40 % des surfaces plant?es et contr?lent 92 % des exportations en achetant la r?colte des autres producteurs ?, d?plore M. Orlich, qui

avoue avoir perdu des dizaines de milliers de dollars en tentant de s'aventurer seul en Europe. Le co?t du transport, plomb? par la flamb?e des prix du p?trole, et la p?nurie de bateaux r?frig?r?s ? il faut dix-huit jours pour atteindre l'Europe ? ne facilitent gu?re l'ind?pendance des producteurs locaux. De l'autre c?t? de l'Atlantique, ils doivent aussi affronter la puissance des grands distributeurs ? l'allemand Aldi, le britannique Tesco, le belge GB ?, qui ont tout loisir de faire jouer la concurrence. ? Nous avons d? investir beaucoup pour r?pondre aux normes souhait?es par les Europ?ens, mais nous n'en recevons jusqu'? pr?sent aucun gain suppl?mentaire. Il faudra qu'un jour cela se paie ?, veut croire le r?gisseur de la Ferme de l'Effort. Sur le prix pay? par le consommateur europ?en, 9 % seulement reviennent au producteur... a

Laurence Caramel

CHRONIQUE

D'autres dimensions compli-

ALICE SINDZINGRE

quent les relations : par exemple

l'existence de classes moyennes,

ON AURAIT aim? en ?tre s?r : qui aident ? stabiliser la d?mocra-

malheureusement, si la croissan- tie, ou bien l'?ducation, qui influe

ce semble (souvent) conduire ? la sur la d?mocratie et r?ciproque-

d?mocratie, la d?mocratie n'est ment. Dans les r?gimes oligarchi-

pas n?cessairement associ?e ? la ques, comme en Am?rique latine,

croissance.

les ?lites se sont historiquement

La nature des liens entre crois- maintenues en verrouillant l'ac-

sance et r?gime politique est c?s ? l'?ducation. R?ciproque-

depuis longtemps l'objet de vifs ment, l'?ducation inculque les

d?bats. D'autant qu'en se pen- b?n?fices de la participation

chant sur les institutions politi- citoyenne. La d?mocratie fonc-

ques les ?conomistes s'aventu- tionne laborieusement si les ?lec-

rent dans des domaines dont la teurs sont illettr?s (en Afrique

complexit? d?fie leurs mod?les. subsaharienne, le taux d'illettris-

Les relations sont ? premi?re me des adultes ?g?s de plus de

vue assez confuses. Quid d'abord 15 ans ?tait de 35 % en 2002).

des effets des r?gimes politiques Adam Przeworski a montr?

sur la croissance ? En Afrique sub- que la stabilit? des institutions

saharienne, les d?mocratisations politiques est avant tout ce qui

des ann?es 1990 n'ont pas mis fin compte pour la croissance. Tout

? la stagnation ?conomique. Elles comme la capacit? d'un r?gime ?

ont intensifi? la comp?tition canaliser les conflits sociaux. Ces

entre les firmes autour des res- deux traits expliqueraient, par

sources naturelles, par exemple exemple, la divergence entre

p?troli?res ou mini?res. Les tech- l'Am?rique latine et les Etats-

nocrates ont perdu en

Unis : le revenu par t?te

l?gitimit? face aux poli-

y ?tait similaire au d?but

ticiens chevronn?s des anciens partis uniques, qui ont m?me

? L'?ducation inculque

du XIXe si?cle, mais, en 2000, celui des pays latino-am?ricains ?tait

parfois repris du service gr?ce aux ?lections.

les b?n?fices

cinq fois moins ?lev?. Les r?gimes autoritaires

De l'autre c?t?, les pays qui ont connu les

de la

et in?galitaires peuvent ?tre stables aussi long-

taux de croissance les plus spectaculaires n'?taient pas des

participation citoyenne ?

temps qu'ils savent neutraliser les conflits. De l'autre c?t?, comme le

d?mocraties exemplai-

rappelle John Roemer,

res. Singapour, et

de l'universit? Yale, la

aujourd'hui la Chine, ont amorc? d?mocratie est une comp?tition

leur croissance sous des r?gimes ?lectorale impitoyable entre des

autoritaires, et m?me militaires groupes aux int?r?ts diff?rents.

en Cor?e et ? Ta?wan.

Comment expliquer alors la sta-

Malgr? tout, les effets de cer- bilit? pr?coce de la d?mocratie

tains r?gimes politiques sem- dans certains pays (Etats-Unis,

blent plus probables que d'autres. Angleterre, parmi d'autres) et

D'abord, le despotisme et la l'instabilit? continuelle des insti-

concentration des pouvoirs finis- tutions politiques dans certains

sent toujours par couler l'?cono- autres (ainsi l'Argentine) ? Dans

mie. Les r?gimes pr?dateurs leur r?cent ouvrage Economic Ori-

n'ont pas int?r?t ? un d?veloppe- gins of Dictatorship and Democra-

ment qu'ils ne contr?leraient pas. cy, Daron Acemoglu, du Massa-

L'exemple le plus classique en res- chusetts Institute of Technology,

te l'ex-Za?re du mar?chal Mobu- et James Robinson, de Harvard,

tu. A l'inverse, la participation montrent ? l'aide de mod?les

politique, les institutions ? d?lib?- sophistiqu?s que les institutions

ratives ? et les contraintes impo- sont le fruit des rapports de forces

s?es aux gouvernants favorisent entre les diff?rents groupes

clairement le d?veloppement.

sociaux. Les citoyens et les ?lites

Sym?triquement, la croissance (propri?taires terriens, indus-

induit-elle des r?gimes politiques triels) ont des int?r?ts oppos?s

particuliers ? Depuis Aristote, on sur la fa?on dont les institutions

observe que l'augmentation du allouent pouvoir et ressources. La

niveau de vie s'accompagne de d?mocratie, pr?f?r?e par la majo-

revendications d?mocratiques. rit?, n'est pas n?cessairement de

Cependant, comme l'a soulign? l'int?r?t des ?lites, qui y consen-

Adam Przeworski, ?conomiste de tent cependant en esp?rant y

l'universit? de New York, l'enri- gagner la stabilit? qu'offrent de

chissement n'engendre pas auto- fa?on moins durable les dictatu-

matiquement la d?mocratie. Les res. Au bout du compte, les institu-

institutions d?mocratiques sont tions politiques ne seraient que la

peut-?tre simplement plus dura- traduction d'enjeux ?conomi-

bles dans les pays riches, tandis ques. Les mod?les math?mati-

qu'elles sont fragilis?es par la pau- ques confirment ici des th?ses qui

vret?. Dans les pays pauvres, elles ne nous ?taient finalement pas

peuvent ?tre plus facilement inconnues. a

? captur?es ? par les ?lites sur- Alice Sindzingre est chercheuse au

tout pr?occup?es par leurs int?- CNRS, UMR EconomiX, universi-

r?ts.

t? Paris-X.

LE GRAPHIQUE SENIORS

Selon une ?tude sur ? L'avenir des retraites ? r?alis?e par la banque HSBC dans 20 pays aupr?s de 6 000 entreprises, celles-ci sont peu nombreuses ? mettre en place des dispositifs sp?cifiques pour leurs salari?s ?g?s. La plupart se contentent d'insister sur leur r?le de formation des d?butants, ou affirment leur pr?server ? un cadre de travail agr?able ?. Ainsi, moins d'une entreprise fran?aise sur quatre r?duit leur temps de travail , et elles ne sont gu?re plus nombreuses ? proposer des am?nagements de leur activit?. Plus courantes, la formation et la reconversion sont loin d'?tre syst?matiquement offertes.

QU'EST-CE QUE VOTRE ENTREPRISE OFFRE ACTUELLEMENT

? SES SALARI?S DE 50 ANS ET PLUS ?

en %

Europe

France

Former des coll?gues plus jeunes

Continuer ? exercer une activit? r?mun?r?e Un environnement de travail agr?able Acqu?rir de nouvelles comp?tences Exercer des t?ches moins fatigantes Exercer de nouvelles t?ches

Travailler moins

0 10 20 30 40 50 60 70

Source : HSBC : Etude sur l'avenir de la retraite , rapport France

LE CHIFFRE BANQUE

0,12

C'est le montant en euro du co?t d'une transaction bancaire via Internet, selon les donn?es recueillies par Banque Magazine. Un chiffre ? comparer avec celui d'une transaction r?alis?e dans un guichet automatique de billets (0,25 euro), par t?l?phone (0,50 euro) et dans une agence (1 euro). Ces r?sultats expliquent la progression du nombre de banques ? proposer des services en ligne : 1 200 en 1998 et 15 845 en 2003.

George Sand

Itin?raire d'une femme de lettres

2,20 A la d?couverte de la litt?rature et des grands auteurs

VI Economie

TRIBUNES

0123

Mercredi 10 mai 2006

LIVRES

Bastions

Le mouvement syndical fran?ais n'a jamais pris v?ritablement pied dans la r?alit? du salariat

Le congr?s de la CGT vient de se clore ? Lille, le 28 avril, par la r??lection ? sa t?te de Bernard Thibault et de sa ? ligne r?formiste ? pour ? bouger la CGT ? dans le sens d'un ? syndicalisme rassembl? et de conqu?te ? : l'ambition est de sortir des bastions de la fonction publique et de quelques grandes entreprises pour rallier dans l'action les jeunes, les travailleurs pr?caires et les salari?s du secteur des services. Le congr?s de la CFDT s'ouvrira le 12 juin ? Grenoble et tirera vraisemblablement les le?ons du succ?s de sa virulente opposition au contrat premi?re embauche, en rupture avec son image de dialogue, voire de compromission, qui lui a valu une h?morragie d'adh?rents lors de son ralliement ? la r?forme Fillon sur les retraites.

Pour comprendre ces ?ni?mes tentatives de refondation d'un syndicalisme fran?ais souvent per?u comme scl?ros?, voire moribond, il faut lire l'ouvrage de Dominique Andolfatto et Dominique Labb?, qui en retrace l'histoire ? partir du congr?s d'Amiens d'octobre 1906, il y a cent ans. Ce congr?s est en effet fondateur de la sp?cificit? du mouvement ouvrier fran?ais, puisqu'il vise ? trouver une alternative, le ? syndicalisme r?volutionnaire ?, ? l'imbrication entre les syndicats allemand et britannique et les partis, social-d?mocrate dans le premier cas et travailliste dans le second. Mais les auteurs montrent que ce choix fonde ?galement la faiblesse du syndicalisme fran?ais. Celui-ci s'av?rera finalement plus ? politis? ? que ses homologues allemand et britannique, qui profiteront de leurs liens politiques pour obtenir la gestion d'une protection sociale naissante et s'?riger ainsi en indispensable ? syndicalisme de services ?,

alors que la poursuite du r?ve r?volutionnaire ?loignera les organisations fran?aises des r?alit?s ?conomiques et sociales. Le grand schisme entre communistes et socialistes fran?ais (le congr?s de Tours de 1920), qui divise ?galement le mouvement syndical, montre d'ailleurs la r?alit? de son extr?me politisation.

Ne parvenant gu?re ? s'installer dans le tissu social d'un salariat en plein essor, le syndicalisme fran?ais n'obtient des succ?s qu'au moyen de ? coups de force ? momentan?s et locaux, et se trouve plus souvent ? la remorque des mouvements politiques et sociaux qu'? leur initiative (Front populaire, Lib?ration, Mai-1968). Ce n'est que parce que le patronat et les gouvernements, ? la recherche

HISTOIRE DES SYNDICATS (1906-2006)

de Dominique Andolfatto et Dominique Labb?

(Seuil, coll. ? XXe si?cle ?,

376 p., 24 ?)

d'interlocuteurs, offriront aux conf?d?rations les instruments institutionnels de leur repr?sentativit?, tant dans l'entreprise qu'au niveau national, que les syndicalistes parviendront ? conqu?rir une influence hors de proportion avec leur ancrage v?ritable dans le monde du travail.

Les auteurs livrent donc un diagnostic plut?t cruel de la faiblesse du syndicalisme fran?ais, qu'ils qualifient de ? hors sol ? : ? Solidement retranch?s derri?re les protections et les privil?ges conventionnels ou l?gaux, quelques dizaines de milliers de repr?sentants ? syndicaux ? n'ont plus de comptes ? rendre ? personne. Ils vivent en vase clos loin d'un salariat qui h?site entre l'indiff?rence et l'hostilit?. ? a

Antoine Reverchon

Les sept fantasmes des politiques de l'emploi

Les ? r?ves ? des gouvernements en mati?re de lutte contre le ch?mage se traduisent par des consignes qui laissent peu de place aux initiatives locales

Ssouvent ?voqu?e concernant le r?le des missions locales, la notion de ? laboratoire ? n'est pas une simple option, mais une obligation qui leur est faite dans l'article 9 de leur Charte de 1990, Construire ensemble une place pour tous les jeunes. On s'attendrait donc ? ce que cet engagement soit encourag? pour la simple raison que le march? pur et les dispositifs des politiques de l'emploi ne suffisent pas. On sait ce qu'il en est du march? et de sa ? main invisible ?. Reste ? interroger les politiques de l'emploi, un jardin extraordinaire cultiv? par des jardiniers g?n?ralement consciencieux, inspir?s par l'int?r?t g?n?ral... et m?me humain. Toutefois ils y s?ment aussi leurs fantasmes.

Premier fantasme, l'? ad?quationniste ?, qui r?ve d'ajuster en tenon-mortaise offres et demandes d'emploi oubliant : 1) que les gens n'ont pas un bracelet ?lectronique ? la patte : ils peuvent partir, revenir, changer de travail, faire le gar?on de salle apr?s une formation de tuyauteur... ; 2) que plusieurs temporalit?s s'entrechoquent : celle des entreprises qui r?vent de personnes qualifi?es, motiv?es, imm?diatement disponibles et cong?diables, le carnet de commandes tenant lieu de code du travail ; celle des ch?meurs qui demandent du temps pour se former ; celle des structures d'insertion ou de formation, ?cartel?es entre le temps ? long ? de l'accompagnement et le temps ? court ? de la rentabilit? des mesures ; celle des institutions au m?tabolisme social plut?t lent ; enfin celle des horloges ?lectorales...

Deuxi?me fantasme, l'emploi durable. Jamais, depuis que la pr?carit? s'est r?pandue, le qualificatif de durable n'aura ?t? autant utilis?. On lit certes dans des rapports officiels qu'il faut ? apprendre aux gens ? g?rer la discontinuit? ?. Pourtant, les politiques de l'emploi ne veulent entendre parler que d'emploi dit durable.

Troisi?me fantasme, l'entreprise. Hors d'elle, point de salut ! L'?conomie publique, l'?conomie associative, solidaire ? pourtant promues avec ferveur par les m?mes agents il y a peu d'ann?es avec le programme emplois-jeunes ? se sont ?vapor?es. Ou transform?es en variables d'ajustement, faute de mieux, face ? l'urgence sociale. A r?fl?chir : les plus ardents

PHILIPPE LABB?

pros?lytes du ? tout-entreprise ? sont g?n?ralement ceux qui n'en ont aucune exp?rience.

Quatri?me fantasme, le tout-formation. Soutenu par la ? strat?gie de Lisbonne ? et fond? sur la corr?lation statistique entre le niveau de formation et la dur?e de ch?mage, le tout-formation n'est pas ? il faut le reconna?tre ? compl?tement faux. Mais il occulte une mutation de taille : alors que les politiques de l'emploi ont ?t? con?ues pour une gestion de flux (les ch?meurs int?grent des dispositifs puis en sortent pour un emploi), elles g?rent aujourd'hui des stocks. En d'autres termes et selon la m?taphore du sociologue Robert Castel, les interm?diaires des politiques de l'emploi sont comme des passeurs qui, au milieu de la rivi?re, s'apercevraient qu'il n'y a plus de berges pour d?barquer leurs passagers.

? "Oui ? l'approche globale mais limitez-vous au placement dans

l'emploi !", "Travaillez en partenariat mais soyez concurrents !", "Ayez des projets mais appliquez des programmes !" ?

Cinqui?me fantasme, le plein emploi. Souvenons-nous, en 2000, du printemps des proph?tes du retour du plein emploi... qui n'a dur? qu'une saison. Cela fait trente ans que le taux de ch?mage, pourtant sous-estim? (? cat?gorie 1 ?), oscille autour de 10 %, celui des jeunes actifs autour de 25 %. Ces trente ann?es ne suffisent pas : le plein emploi est pour demain ; parler de ? partager le travail ? est devenu politiquement incorrect.

Sixi?me fantasme, le r?sultat. D'une culture du r?sultat, l?gitime et moralement exigible face ? la souffrance sociale, on d?rape vers une obligation de r?sultat qui se concr?tise dans la

modulation des financements. En oubliant que les op?rateurs, ? qui s'impose cette obligation, ne sont pas ceux qui embauchent et ne sont pas ceux qui d?cident (ou non) d'aller travailler. Cette obligation de r?sultat correspond, en r?alit?, ? une posture de d?fiance qui ne peut que g?n?rer strat?gies d'opposition, de contournement, esquives et tricheries : on peut toujours mettre du ? partenariat en veux-tu, en voil? ?, la r?alit? est celle de la mise en concurrence et de la tension. Pas s?r que cela soit efficace.

Le septi?me fantasme est celui du prestataire de services. Les politiques de l'emploi se d?clinent en programmes, ce qui, d?j?, n'est pas la m?me chose que des projets. Les premiers sont descendants, les seconds ascendants. Pour mettre en oeuvre leurs programmes, on stimule les prestataires en les mettant en concurrence. La cons?quence m?canique de ce syst?me est la tentation d'?cr?mage, c'est-?-dire se mobiliser pour les plus employables, ce qui permettra d'obtenir des r?sultats. L'inverse de l'?quit?.

Ces fantasmes, et d'autres, constituent autant d'obstacles ? l'innovation : sur le terrain, les professionnels se retrouvent tous derri?re le mot d?sormais le plus usit? dans ce secteur... c'est ? len?danleguidon ?. Ils auraient besoin d'organisations capables de les engager dans de v?ritables dynamiques de R & D ; ils subissent l'illusionnisme social et ses injonctions paradoxales (? Oui ? l'approche globale mais limitez-vous au placement dans l'emploi ! ?, ? Travaillez en partenariat mais soyez concurrents ! ?, ? Ayez des projets mais appliquez des programmes ! ?). Alors, certes, perdure dans le r?seau des missions locales ? qui r?siste ? une fonction de laboratoire social, mais celle-ci se porte mal parce que les conditions faites ? ces structures vont exactement dans le sens contraire. L'urgence a rel?gu? l'essentiel. Ce constat pourrait ?tre, apr?s tout, relativis? comme expression d'une opinion d?pressive et individuelle. Il est, h?las, partag? sur les nombreux terrains que je parcours. Doit-on, courbant l'?chine, s'en contenter ? a

Philippe Labb? est consultant associ? du cabinet Geste Grand ouest et chercheur associ? ? l'universit? de Haute-Bretagne 2 (Cerieme) Labbe.geste@wanadoo.fr

PARUTIONS

Responsabilit? sociale : l'entreprise

LA FRANCE INDUSTRIELLE EN QUESTION Analyses sectorielles sous la direction de Gabriel Colletis et Yannick Lung Globalisation des ?changes, poids accru des march?s financiers, importance grandissante des nouvelles technologies... L'industrie fran?aise conna?t depuis les ann?es 1990 de profondes mutations. Sous la direction des ?conomistes Gabriel Colletis et Yannick Lung, un coll?ge d'universitaires propose une synth?se th?matique de ces ?volutions. A travers l'analyse des principaux secteurs industriels fran?ais ? textile, automobile, a?ronautique, pharmacie, grande distribution?, ce manuel d?taille les enjeux de cette nouvelle ?conomie et ses cons?quences sur le tissu industriel. A ces secteurs traditionnels, ? qui repr?sentent (...) pr?s de 70 % des exportations de biens manufactur?s ?, les auteurs associent les technologies de l'information et de la communication (TIC) et la net?conomie. L'ouvrage est bien fait et l'effort de vulgarisation r?ussi. Seul regret : un panorama incomplet, qui laisse de c?t? l'?nergie et les services.

(La Documentation fran?aise, coll. ? Etudes ?, 151 p., 14 ?) C. Fe.

PETIT MANUEL D'INTELLIGENCE ?CONOMIQUE AU QUOTIDIEN de Pierre Mongin et Franck Tognini ? Dirigeant press? ?, ? cadre impliqu? ? ou ? salari? motiv? ?, cet ouvrage vous est destin?. Objectif des deux auteurs : transformer le lecteur en un ? info-strat?ge ?, qui tire un profit maximum des informations qu'il r?colte. Pr?sent? comme un guide pratique sur l'in-

telligence ?conomique, ce manuel fait la promotion des m?thodes offensives du management moderne ? partir d'exp?riences v?cues par des PME. ? Cartes de vigilance ?, quizz et autre foire aux questions sont mis ? profit pour d?velopper les deux axes de r?flexion de l'ouvrage : l'acquisition d'une ? posture d'?veil et d'anticipation ? et la mise en oeuvre d'un ? plan de vigilance et de conqu?te ? de l'information en entreprise.

(Dunod, coll. ? Efficacit? professionnelle ?, 182 p., 19,90 ?) C. Fe.

DEMAIN L'EMPLOI SI... Le rapport Rexecode 2006, sous la direction de Michel Didier Dans un contexte de sinistrose ?conomique et sociale, ce rapport fournit un diagnostic d?taill? des r?formes faites et encore ? faire pour renouer avec la croissance. Troisi?me publication du Centre de recherches pour l'expansion de l'?conomie et le d?veloppement des entreprises (Rexecode) sur le sujet, il b?n?ficie des contributions d'?conomistes de renom et est coordonn? par l'?ditorialiste du quotidien Les Echos Jean-Marc Vittori. Tr?s complet et assorti d'une chronologie, cet ouvrage explique entre autres les m?canismes des march?s financiers, analyse la politique de l'emploi et passe en revue les diff?rents volets de la r?forme de l'Etat. Suit l'exposition des grands d?bats de politiques ?conomiques, introduits par Michel Didier, directeur de Rexecode, et Christian de Boissieu, pr?sident du Conseil d'analyse ?conomique, dans un chapitre ? l'intitul? prometteur : ? Ce ne sont pas les id?es qui nous manquent. ? (Economica, 334 p., 23 ?) C. Fe.

ne doit pas substituer les ONG aux syndicats

Les firmes multiplient les partenariats sur les questions d'environnement et de droits sociaux. Mais l'implication du personnel reste indispensable

Des partenariats strat?giques entre organisations non gouvernementales (ONG) et entreprises font l'objet de nombreuses interrogations, au motif que ces partenariats ne draineraient que de tr?s faibles moyens financiers au profit des ONG et qu'ils ne seraient pas de nature ? faire face aux grands d?fis plan?taires tels que la lutte contre la pauvret? ou le r?chauffement climatique. Le rapport remis par l'Observatoire de la responsabilit? sociale des entreprises (ORSE) au gouvernement en novembre 2005 montre que, si les entreprises inscrivent effectivement leur d?marche de d?veloppement durable dans une logique de performance financi?re et n'ont pas vocation ? faire du ? charity business ?, ces partenariats pr?sentent n?anmoins deux int?r?ts majeurs : ils permettent d'interpeller les pouvoirs publics sur leurs responsabilit?s et ils cr?ent de nouvelles formes de dialogue au sein de l'entreprise, au-del? du dialogue social traditionnel.

Dans le cadre de ces partenariats, un nombre croissant d'entreprises, et on ne peut que s'en f?liciter, font la demande d'une ouverture sur la soci?t? pour faire face ? des enjeux nouveaux sur lesquels l'ensemble des parties prenantes de l'entreprise (agences de notation extra-financi?re, ONG, m?dias...) attendent des r?ponses : corruption, respect des droits de l'homme, lutte contre les pand?mies (sida, malaria), enjeux sanitaires (drogue, ob?sit?)... Plusieurs prises de position (dont celle du Medef) t?moignent de l'engagement des entreprises ? s'inscrire r?solument dans cette voie. De nombreuses firmes ont en effet, de par leur taille et leur implantation internationale, une responsabilit? particuli?re ? assumer vis-?-vis de leurs filiales mais aussi vis-?-vis de leurs fournisseurs et sous-traitants fran?ais et ?trangers.

CLAIRE ISNARD

La mise en place de partenariats strat?giques entre ONG et entreprises pour apporter des solutions aux probl?mes locaux initie de nouvelles formes de r?gulation sociale qui interf?rent avec le jeu des acteurs publics (gouvernements et autorit?s locales) et, dans certains cas, vont jusqu'? se substituer ? eux faute de r?ponse satisfaisante de leur part.

Dans le domaine de la lutte contre le sida en Afrique par exemple, c'est l'action concert?e de certaines grandes ONG et d'entreprises, confront?es ? ce fl?au pour leurs salari?s et leur environnement local, qui a permis d'ouvrir un d?bat sur les questions de pr?vention et de traitement des populations.

Dans le domaine de la lutte contre la corruption, c'est l'interpellation des ONG en direction des entreprises (initiative ? Publiez ce que vous payez ? dans l'industrie p?troli?re), accompagn?e d'une logique de partenariat, qui a permis de mettre en avant cet enjeu dans le cadre des n?gociations internationales. Dans ce cas, la soft law a pr?c?de l'instauration de r?gles de droit internationales.

L'autre int?r?t des partenariats entre ONG et entreprises, m?me s'il est per?u comme un risque par les syndicats de salari?s, est qu'il offre la possibilit? d'enrichir le dialogue social interne traditionnel. Les entreprises peuvent ?tre tent?es d'ajouter au dialogue social traditionnel avec des interlocuteurs syndicaux qui s'imposent d'euxm?mes un dialogue soci?tal avec des ONG qu'elles ont librement choisies.

L'absence d'interlocuteur syndical au niveau mondial, la n?cessit? de traiter de sujets environnementaux et soci?taux sur lesquels les syndicats ne sont pas, du moins ? ce jour, comp?tents et/ou int?ress?s, peuvent inciter ? s'engager dans cette voie. De m?me, pour mener des audits sociaux dans des pays asiatiques comme la Chine, il est plus simple de recourir ? des ONG qu'? des syndicats dont l'existence m?me est interdite.

L'ORSE pense toutefois qu'il y aurait danger ? opposer les ONG aux syndicats. Multiplier les audits sociaux par les ONG est une bonne chose, mais s'assurer de la pr?sence syndicale chez chaque fournisseur est encore mieux.

Dans son rapport, l'ORSE a insist? sur la n?cessit? pour les entreprises d'impliquer les syndicats et les repr?sentants des salari?s dans les d?marches de partenariat avec les ONG de fa?on que l'ensemble des salari?s de l'entreprise partage les valeurs du groupe.

Pour conclure, le succ?s de ces partenariats strat?giques devra se mesurer non en termes de contrats conclus, d'entreprises engag?es ou de moyens financiers d?bloqu?s au profit d'ONG, mais plut?t en termes de capacit? d'une part des diff?rents secteurs de l'?conomie comme le tourisme, le transport, l'alimentation, la finance, l'?nergie, ? se remettre en cause pour int?grer les enjeux du d?veloppement durable de mani?re ? assurer la p?rennit? de leur activit?, et d'autre part des directions des entreprises ? impliquer les salari?s et leurs repr?sentants dans la conduite de ces projets pour les faire partager par tous. a

Claire Isnard est pr?sidente de l'Observatoire de la responsabilit? soci?tale des entreprises (ORSE).

0123

Mercredi 10 mai 2006

EMPLOI

La vie au travail Les conduites addictives, un sujet tabou en entreprise. Page VIII

VII Economie

PARIT?

Les indicateurs Eurosif/? Le Monde ? de la performance environnementale et soci?tale des grandes entreprises internationales

Le ? plafond de verre ? p?nalise les femmes dans plus d'un tiers des firmes

L'?galit? professionnelle entre les hommes et les femmes a beau ?tre inscrite dans les l?gislations nationales, euro-

tivit? et de r?putation, tant aupr?s de ressources humaines internes ou externes que des consommateurs(trices) ou des

p?enne et internationale (c'est l'un des investisseurs.

huit principes fondamentaux de l'Organi- Il ne s'agit pas de s'approcher au plus

sation internationale du travail), sa traduc- pr?s de la parit? dans chaque cat?gorie,

tion dans la r?partition entre les sexes aux dans la mesure o? les effets sectoriels expli-

trois niveaux hi?rarchiques des grandes quent une bonne part des diff?rences, com-

entreprises (effectif total, encadrement et me la faible repr?sentation des femmes

dirigeants) indique que le ? plafond de ver- aux diff?rents ?chelons des groupes auto-

re ? ? expression qui d?signe les crit?res mobiles ou, ? l'inverse, la forte part des

? invisibles ? qui pr?sident ? la promo- femmes dans l'encadrement de Danone,

tion, plus souvent masculine que f?mini- o? les fonctions marketing et communica-

ne, aux postes ? responsabilit? ? reste bien tion sont largement repr?sent?es, alors

solide dans la plupart d'entre elles. C'est le que les hommes dominent dans les fonc-

principal enseignement des donn?es sur tions de production, et donc dans l'effectif

la parit? hommes-femmes publi?es par global.

? Le Monde Economie ? en partenariat En revanche, la mesure de la coh?rence

avec l'European Social Investment Forum entre les proportions, quelles qu'elles

(Eurosif) et avec le soutien de la Commis- soient, de femmes aux diff?rents ?chelons

sion europ?enne, deuxi?me volet des manifeste clairement l'existence de prati-

? indicateurs Eurosif/Le Monde ?, apr?s ques de promotion discriminatoires dans

un premier tableau sur les ?missions de plus d'un tiers des firmes de l'?chantillon.

gaz ? effet de serre publi? le 14 mars.

? L'id?al aurait ?t? d'avoir des taux de pro-

Comme l'explique Jean-Philippe Des- motion par sexe aux diff?rents niveaux hi?-

martin, analyste chez

rarchiques, mais les entrepri-

Oddo Securities et administrateur du Forum de

? Les directeurs des

ses ne publient pas de telles donn?es ?, regrette M. Des-

l'investissement responsable (FIR), membre fran?ais d'Eurosif, ? le th?me

ressources humaines peuvent de moins

martin. Dans ces conditions, l'absence de femmes au conseil d'administra-

de la parit? est devenu un facteur de risque juridique

en moins se priver

tion ou conseil de surveillance, qui concerne 15

et financier pour les entreprises ? partir du moment

du vivier des dipl?m?es

des 35 entreprises de l'?chantillon Eurosif, reste

o? elles ont des activit?s dans les pays anglo-saxons, en particulier aux Etats-

comme de la promotion de leurs

le marqueur le plus ?vident, a fortiori lorsque les femmes repr?sentent plus

Unis, via les class actions ?. Ce risque tend ? se diffu-

propres salari?es ?

des trois quarts de l'effectif total et plus du tiers de l'en-

ser au fur et ? mesure que

cadrement, comme chez

les l?gislations antidiscrimination se ren- Marks & Spencer. La chute entre la part

forcent en Europe, comme la loi fran?aise des femmes dans l'effectif total et l'enca-

du 23 f?vrier 2006 sur l'?galit? salariale drement est ?galement spectaculaire dans

entre hommes et femmes, qui donne cinq le secteur bancaire, surtout chez ABN

ans aux entreprises pour supprimer, via la Amro et HBOS.

n?gociation paritaire, les ?carts de r?mun?- Le facteur culturel, qui opposerait une

ration entre les sexes ? comp?tences et culture ? machiste ? latine ? une pratique

fonctions ?gales. Surtout, les entreprises ?galitaire plus nordique, ne se v?rifie gu?-

peuvent de moins en moins se priver du re, les exceptions dans un sens ou dans

vivier des dipl?m?es comme de la promo- l'autre ?tant nombreuses. Ainsi, les entre-

tion de leurs propres salari?es, alors qu'il prises pr?sentant le moindre ?cart de la

faudra remplacer une bonne part de l'enca- part f?minine entre l'effectif total et l'enca-

drement partant en retraite dans les drement sont le fran?ais Sanofi Aventis et

ann?es ? venir : le respect de l'?galit? l'am?ricain Pepsico. a

devient de plus en plus un facteur d'attrac-

A. R.

Une faible pr?sence aux ?chelons les plus ?lev?s

ENTREPRISES (PAYS ET SECTEUR)

PART EN % DE FEMMES... ... DANS L'EFFECTIF

DONN?ES MONDIALES

ABN AMRO (Pays-Bas, banque) ALCATEL (France, t?l?coms) AUCHAN (France, distribution) BARCLAYS (Royaume-Uni, banque) BNP PARIBAS (France, banque) DANONE (France, alimentaire) DEUTSCHE BANK (Allemagne, banque) FIAT (Italie, automobile) HBOS (Royaume-Uni, banque) HSBC (Royaume-Uni, banque) LA POSTE (France, poste) LUFTHANSA (Allemagne, transports) NOKIA (Finlande, t?l?coms) NOVARTIS GROUP (Suisse, pharmacie) NOVO NORDISK (Danemark, pharmacie) PEPSICO (Etats-Unis, alimentaire) PHILIPS (Pays-Bas, t?l?coms) PPR (France, distribution) RENAULT (France, automobile) SANOFI AVENTIS (France, pharmacie) SNCF (France, transports) SOCI?T? G?N?RALE (France, banque) TNT (Pays-Bas, poste)

49,0 24,0 53,9 65,5 51,5 24,0 44,6 15,6 64,0 55,0 50,3 40,0 32,0 46,0 49,1 26,0 38,0 54,0 14,0 45,5 16,6 51,0 36,0

DONN?ES PARTIELLES

BRISTOL MYERS SQUIBB (E.-U., pharmacie) CITIGROUP (Etats-Unis, banque) DEUTSCHE POST (Allemagne, poste) FORTIS (Pays-Bas, banque) INTEL (Etats-Unis, t?l?coms) KESKO (Finlande, distribution) LLOYDS TSB (Royaume-Uni, banque) MARKS&SPENCER (Royaume-Uni, distribution) ROCHE (Suisse, pharmacie) SAINSBURY (Royaume-Uni, distribution) SODEXHO (France, services) TARGET CORPORATION (E.-U., distribution)

Source : Ernst & Young, d'apr?s les informations publi?es par les entreprises

49,2 56,1 48,0 44,4 30,0 61,1 63,0 78,0 42,0 60,0 57,0 59,0

... DANS L'ENCADREMENT ...AU COMIT? EX?CUTIF

19 7* 36,0 33,0 20,0* 37,0 14,8* 13,5 27,0 41,0 41,0 13,3 20,0 29,0 32,0 24,0 5,0* 47,4 21,0 42,2 19,3 34,0 20,0

0/9 1/8 0/11 0/11 0/11 0/8 0/10 0/3 0/6 3/22 1/12 0/3 1/13 1/12 1/10 1/6 0/4 1/10 0/7 2/21 3/13 0/9 1/5

39,8 46,9 19,8 15,9 21,0 23,2 34,0 68,0 31,0 35,0 43,0 44,0

2/10 3/18 0/9 0/12 1/12

1/7 4/15 0/3 2/11 3/11 2/11 3/11

*Cadres sup?rieurs

H?l?ne Masse-Dessen : ? Notre syst?me de protection sociale explique aussi l'in?galit? d'acc?s aux postes de responsabilit? ?

Le principe d'?galit? entre

Mais ces explications

hommes et femmes pour l'ac-

sociologiques ont tendance

c?s ? ? qualification ?gale ?

? gommer les raisons

aux postes de responsabilit?

?conomiques dues au

est visiblement battu en br?-

fonctionnement des r?gimes

che dans la plupart des entre-

de protection sociale.

prises. Pourquoi ?

En effet, les droits sociaux

Il existe beaucoup de

sont li?s ? la fois au montant

raisons. Il est courant de

de la r?mun?ration et ? la

mettre en avant les

H?L?NE

long?vit? de la carri?re.

repr?sentations culturelles : MASSE-DESSEN Et lorsqu'une contrainte

le mod?le social du dirigeant

familiale n?cessite qu'un

suppose la mobilit?, la disponibilit?, les membre du m?nage connaisse une

journ?es prolong?es..., m?me lorsque

interruption ou un all?gement

cela n'a aucune incidence sur la

momentan?, le simple calcul de la perte

performance r?elle de l'entreprise. Or la de r?mun?ration, imm?diate

division sexu?e du travail domestique

ou diff?r?e via les droits sociaux,

fait que ces crit?res ne sont pas, la

conduit ? ce que ce soit le salaire

plupart du temps, corr?l?s avec la vie

le plus bas qui effectue ce choix.

non professionnelle des femmes ?g?es Or les salaires des femmes sont

de 30 ? 40 ans, l'?ge o?, pr?cis?ment, se g?n?ralement inf?rieurs parce

font les avanc?es de carri?re. Et je ne

que les qualifications ? typiquement

pense pas seulement ? la maternit?, car f?minines ? (la communication, la

il est av?r? que ce sont aussi les femmes recherche...) sont moins bien

qui prennent en charge les soins des

r?mun?r?es que les ? qualifications

parents ?g?s. Alors que les accords

masculines ? (la finance, l'ing?nierie...)

paritaires ou la l?gislation pr?voient le de m?me niveau. L'interruption de

cong? pour la maladie des enfants, rien carri?re n'am?liorant pas les choses,

n'est pr?vu pour ces cas !

c'est un cercle vicieux !

Comment corriger cela ? Il faudrait que le syst?me de

protection sociale neutralise l'effet d'un all?gement de la contrainte professionnelle. En ?vitant toutefois deux ?cueils : si la compensation est trop ?lev?e, elle incite les femmes ? se retirer du march? du travail ; si elle est trop faible, seuls les bas salaires, donc les femmes, l'utilisent... Mais c'est une premi?re ?tape pour gommer l'effet des diff?rences de r?mun?ration et obtenir qu'? plus long terme la repr?sentation sociale change pour qu'un choix v?ritable puisse ?tre offert quel que soit le sexe.

La loi du 9 mai 2001 sur l'?galit? professionnelle oblige les partenaires sociaux ? n?gocier la question de la parit? dans chaque entreprise. Peut-on en attendre des r?sultats ?

La n?gociation collective a permis de supprimer les diff?rences de droits qui existaient dans les textes conventionnels ici ou l?. En revanche, il y a encore tr?s peu de chose sur l'organisation du travail, sur la question de l'adaptation des droits sociaux aux contraintes

extraprofessionnelles, et surtout sur la d?finition d'objectifs clairs. Nous restons attach?s, en France, ? une vision formelle de l'?galit? des droits plut?t que de l'?galit? des chances, ? l'inverse du monde anglo-saxon, des Pays-Bas ou du Canada, o? l'on distingue les droits permanents des mesures ? transitoires ?. Les programmes d'affirmative action s'apparentent en effet, comme leur nom l'indique, ? des mesures de d?blocage plut?t qu'? l'?tablissement de statuts permanents. a

Propos recueillis par

Antoine Reverchon

CV

1982 H?l?ne Masse-Dessen devient avocate au Conseil d'Etat et ? la Cour de cassation. Elle est membre du r?seau d'experts juridiques aupr?s de la Commission europ?enne sur l'?galit? professionnelle hommes et femmes, et secr?taire g?n?rale de l'Association fran?aise de droit du travail et de la S?curit? sociale. 1969 Avocate au barreau de Paris.

Les informations publi?es dans le tableau ci-dessus ont ?t? collect?es et trait?es par le cabinet de conseil Ernst & Young ? partir de documents d'entreprises accessibles au public : rapports annuels, bilans sociaux, rapports ? d?veloppement durable ? ou de ? responsabilit? sociale ?, sites Web, etc. La s?lection des entreprises a ?t? r?alis?e sur le crit?re du chiffre d'affaires 2004 (ou ? d?faut 2003) publi? dans le classement des Global 500 du magazine am?ricain Fortune. Certaines entreprises publient, sur le th?me de la parit? hommes-femmes, des donn?es concernant leur effectif mondial total, et d'autres des donn?es ne portant que sur une partie de leur p?rim?tre. D'o? l'articulation de ce tableau en deux parties, afin de faciliter les comparaisons. Par ailleurs, la d?finition de l'encadrement (management) varie selon les entreprises et les pays. On distingue les entreprises pour lesquelles cette cat?gorie englobe l'ensemble des postes d'experts et de responsables hi?rarchiques (middle management), et celles pour lesquelles elle ne recouvre que les postes de direction d'unit?s, d'?quipes ou de fonctions (cadres sup?rieurs). Seules les donn?es concernant une m?me d?finition de l'encadrement sont comparables.

VIII Economie

LA VIE AU TRAVAIL

0123

Mercredi 10 mai 2006

Les conduites addictives, un sujet tabou en entreprise

TRANCHES D'ENTREPRISES

L'autre !

CHRONIQUE

VINCENT PRIOU

62 % des DRH doivent rem?dier l'Anpaa. L'Institut national de la sant? et de

? une consommation abusive

la recherche m?dicale (Inserm) estime par ailleurs que l'alcool serait ? l'origine de 15 %

d'alcool de leurs salari?s.

? 20 % des accidents du travail, de l'absen-

14 % ? celle de cannabis

t?isme et des conflits au travail. Et l'agence Restim ?value ? 1,25 % de la masse salariale

globale les d?penses annuelles des entreprises

Je passe de longues heures seul dans un sous- pour payer les co?ts cach?s occasionn?s par sol mal ?clair?, raconte Fred, magasinier les addictions des salari?s. Pour autant, la

dans un entrep?t. Aussi, il m'arrive de consommation d'alcool, cannabis ou psycho-

temps en temps de fumer un joint l'apr?s- tropes n'est encore que tr?s rarement abord?e

midi pour me donner du coeur ? l'ouvrage. ? dans les entreprises, y compris entre le m?de-

De nature inhib?e, Dany reconna?t avoir cin du travail et le salari? lors des visites m?di-

toujours eu besoin de l'alcool pour exercer cales, contrairement au tabagisme. ?

un emploi : ? Le monde de l'entreprise valo- Les entreprises fermeraient-elles sciem-

rise une certaine attitude, celle de l'homme ment les yeux sur un probl?me dont elles

sociable, s?r de lui, boute-en-train. L'alcool n'ignorent pas la r?alit? ? Un sondage, r?a-

m'accompagne dans chaque situation de lis? en avril aupr?s de 800 directeurs des

parole publique. C'est triste ? dire, mais ?a ressources humaines (DRH) et chefs d'?ta-

marche... ? Vincent a mont? sa propre blissement ? la demande de l'Anpaa, mon-

soci?t? de conseil financier. Travaillant tre un certain paradoxe. Quand ils citent

chez lui, il consomme r?guli?rement du leurs priorit?s en mati?re de sant? au tra-

cannabis : ? Certaines

vail, ils ne sont que 6 % ?

t?ches r?p?titives ou intellectuellement peu stimulantes

? Il m'arrive de temps

?voquer spontan?ment la consommation d'alcool et

comme la r?daction de rap- en temps de fumer

ports sont moins r?barbati-

de tabac et 3 % celle de cannabis et d'autres drogues,

ves ? effectuer sous canna-

un joint

loin derri?re la pr?vention

bis. ? A 41 ans, Max, cadre dirigeant, boit et fume du

l'apr?s-midi

des risques professionnels (34 %) et le respect des

cannabis depuis l'adolescence, ce qui ne l'a pas

pour me donner

r?gles de s?curit? (24 %). Pourtant, quand on leur

emp?ch? de faire une ? car- du coeur ? l'ouvrage ? pose pr?cis?ment la ques-

ri?re honorable ?, y com-

tion, 62 % disent ?tre

pris dans de grands grou-

confront?s ? une consom-

pes : ? L'attitude des entreprises est simple : mation abusive d'alcool dans l'entreprise

tant que vous ?tes op?rationnel et que vous et 14 % ? un usage de cannabis. Et ils sont

vous donnez ? 100 %, peu importe les subs- 35 % ? juger les questions de toxicomanie

tances que vous utilisez pour vous d?stresser, au travail de plus en plus pr?occupantes.

mieux vendre ou r?sister ? la pression. Si, en ? M?me si 85 % des DRH affirment prendre

revanche, vous craquez ou si vous d?passez au s?rieux les risques d'addiction, cette prise

les doses raisonnables, c'est tant pis pour de conscience ne d?bouche pas sur des mesu-

vous... ?

res de pr?vention, puisque 70 % ne m?nent

Tous ces t?moignages anonymes ont aucune action de sensibilisation aupr?s des

?t? recueillis sur le site Internet de l'Asso- salari?s, analyse Marie Eon, d?l?gu?e g?n?-

ciation nationale de pr?vention en alcoolo- rale de l'Association nationale des direc-

gie et addictologie (Anpaa). L'organisa- teurs et cadres de la fonction personnel

tion a ouvert en f?vrier ce ? forum ? pour (ANDCP). Car, pour beaucoup, la consom-

lib?rer la parole autour d'un sujet encore mation d'alcool ou de drogue rel?ve d'un pro-

tabou et a tenu mercredi 3 mai les premi?- bl?me personnel et non collectif. On le r?gle

res Assises nationales de la pr?vention des par des sanctions disciplinaires ou on s'en

addictions en entreprise. ? Les enqu?tes d?charge sur le m?decin du travail. Or il

men?es par les m?decins du travail indiquent serait int?ressant que l'entreprise se penche

que 8 % ? 10 % des salari?s sont concern?s sur le lien entre les conditions de travail et la

par une consommation probl?matique d'al- fragilisation de certains salari?s. ? L'entre-

cool, rappelle Alain Rigaud, pr?sident de prise jouerait-elle un r?le ? addictog?-

ne ? ? Psychiatre au centre m?dical Marmottan, Michel Hautefeuille fait un parall?le entre le dopage sportif et le ? dopage quotidien au travail ? : ? La notion de performance pousse certains salari?s ? utiliser des produits psychoactifs pour faire face aux contraintes de leurs t?ches, g?rer la pression, r?sister ? un rythme de travail d?cal?. Il y a une contradiction interne ? l'entreprise, qui demande sans cesse davantage ? ses salari?s mais refuse d'aborder la question des addictions pourtant li?e ? ses exigences. ?

Cependant, les d?marches de pr?vention s'aventurent peu sur ce terrain-l?, comme le constate G?rald Demorti?re, m?decin du travail : ? Nous pouvons parler de l'incidence des conditions de travail en consultation priv?e avec le salari?, mais les actions collectives de sensibilisation que nous menons au sein de l'entreprise ne sont pas centr?es sur cette question. ? Quand deux tiers des DRH se disent favorables ? des contr?les pour d?masquer l'usage d'alcool ou de drogues, les adeptes de la pr?vention mar-

? Un travail de longue haleine... ?

C'EST ? la suite d'un accident grave du travail li? ? l'alcool que la direction de l'usine Arcelor Montataire, employant 1 100 salari?s, dans l'Oise, a pris le taureau par les cornes. En 1994, la d?marche Pr?vention des conduites addictives est lanc?e : ? L'action est impuls?e par un comit? qui r?unit des repr?sentants du CHSCT, de la direction, du service communication, ainsi que la m?decine du travail et les assistants ressources humaines de chaque d?partement, explique Denis Turpin, responsable d'un atelier de fabrication. Les consommations de substances psychotropes dans l'entreprise sont davantage une affaire manag?riale qu'un probl?me m?di-

cal. Aussi a-t-il ?t? d?cid? que le comit? serait pilot? par un cadre op?rationnel. ?

Premier chantier ? Etablir des r?gles : suppression des pots ? arros?s ?, mesures ? l'intention des personnes alcoolis?es au travail, d?finition du r?le des managers face aux comportements addictifs, etc. ? Nous avons ?galement form? une infirmi?re, dont la mission est d'aider les employ?s ? s'adapter aux changements, relate M. Turpin. Car nous vivons dans un contexte de restructurations permanentes, o? les m?tiers ?voluent rapidement. Celuici peut inciter ? la prise d'alcool, de m?dicaments ou de cannabis. Nous avons pris conscience de l'usage de ce dernier ? la fin des ann?es 1990, notamment chez les jeu-

nes int?rimaires. Nous ne savions pas comment traiter ce nouveau probl?me. Finalement, en 2001, nous avons int?gr? le cannabis et les m?dicaments ? notre plan de pr?vention, qui ne concernait au d?part que l'alcool. ?

Mais l'action ne s'arr?te pas ? la sensibilisation r?guli?re des employ?s. Le comit? de pilotage a mis en place des indicateurs de suivi de la consommation des produits psychoactifs : le m?decin du travail soumet aux salari?s des tests d'auto?valuation pour caract?riser leur usage ; les r?sultats individuels sont prot?g?s par le secret m?dical, et seules les donn?es agr?g?es par type de consommation (normale, ? risques, ? probl?mes, d?pen-

VALIDATION DES ACQUIS DE L'EXP?RIENCE Le CNAM fait le point Le Conservatoire national des arts et m?tiers (CNAM) organise ? son si?ge (amphi Painlev?, 292, rue Saint-Martin, 75003 Paris), le 16 mai de 9 heures ? 17 heures, un colloque sous la pr?sidence de G?rard Larcher, ministre d?l?gu? ? l'emploi, au travail et ? l'insertion professionnelle des jeunes, sur ? la VAE dans les entreprises, un atout collectif ? ?. Une ?tude men?e pour le compte de la d?l?gation g?n?rale ? l'emploi et ? la formation professionnelle (DGEFP) par l'Institut Management, comp?tences, validation des acquis (MCVA) du CNAM et les t?moignages d'acteurs impliqu?s sur les territoires permettront d'?clairer ces questions.

FORMATION PROFESSIONNELLE Quelles pratiques en entreprise ? L'association D?veloppement et emploi organise un s?minaire le 16 mai ? la

Maison de l'Europe (35, rue des Francs-Bourgeois, 75004 Paris) sur la ? r?forme de la formation professionnelle continue. Un premier bilan ?. Au cours de cette manifestation, le cabinet de conseil en management Algoe pr?sentera les r?sultats d'une enqu?te approfondie aupr?s d'entreprises, portant sur leurs pratiques nouvelles en mati?re de formation professionnelle continue. Renseignements : D?veloppement et emploi, Carr? Saint-Nicolas, 10, rue Saint-Nicolas, 75012, t?l. : 01-43-46-28-28, fax : 01-43-46-28-20 et e-mail : contact@

MINIST?RE DU TRAVAIL Regard historique Pour c?l?brer le centenaire du minist?re du travail, un colloque scientifique international sur le th?me ? ?laborations et mises en oeuvre des politiques du travail : le minist?re du travail et la soci?t? fran?aise au

XXe si?cle ? est organis? les 18 et 19 mai, ? l'initiative du minist?re du travail, du comit? d'histoire des administrations charg?es du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle (Chatefp) et de la Dares. Durant ces deux jours, de nombreux universitaires et chercheurs pr?senteront les r?sultats de leurs travaux sur diff?rents aspects historiques des politiques du travail. Ce colloque se tiendra au minist?re de la sant?, salle de conf?rences Pierre-Laroque, 14, avenue Duquesne, 75007 Paris. Entr?e libre mais compte tenu du nombre limit? de places, mieux vaut r?server. Renseignements : Florence Balsac, t?l. : 01-41-44-84-10 ; e-mail : dvb@wanadoo.fr

JEUNES HANDICAP?S Quand les entreprises recrutent L'association pour faciliter l'insertion professionnelle des jeunes (AFIJ) organise le 18 mai, ? Paris, une journ?e

chent sur des oeufs. Pour V?ronique Kunz, m?decin du travail, les services de sant? ont un r?le important ? jouer, d'autant que les m?decins disposent d'outils nouveaux : ? Deux questionnaires d'auto?valuation sur la consommation de produits psychoactifs permettent de d?celer de fa?on pr?coce les consommations excessives et d'ouvrir le dialogue avec le salari?. Ils sont suivis d'une intervention br?ve, avec la restitution des r?sultats du test, une information sur les risques pour la sant? et des conseils pour r?duire sa consommation. Dans un tiers des cas, cela est suffisant pour que les personnes changent leur comportement. ? Ce n'est qu'un moyen parmi d'autres, et l'Anpaa estime que beaucoup reste ? faire. Elle lancera ? l'automne 2006 ? Les soixante jours de la pr?vention des addictions en entreprise ?. Une tourn?e de deux mois aupr?s des employeurs de bonne volont? pour pr?senter quelques outils de pr?vention et sortir du tabou. a

Nathalie Qu?ruel

dance) sont publiques : ? Cette m?thode permet de suivre l'?volution des consommations dans le temps, de rep?rer les postes ou les t?ches ? risque et d'?valuer l'efficacit? des mesures de pr?vention ?, pr?cise M. Turpin. Ainsi, en dix ans, le nombre de salari?s consommant excessivement de l'alcool est pass? de 12 % ? 7 %. Une petite victoire ? ? La r?duction des conduites addictives est un travail de longue haleine. C'est l? que r?side la difficult? : inscrire cette d?marche de pr?vention dans le long terme et convaincre l'encadrement sup?rieur, qui change souvent, de poser une parole claire sur ce sujet ?, conclut le chef d'atelier. a

N. Q.

sur l'emploi consacr?e aux handicap?s (mairie du 15e arrondissement, 3, rue P?clet). Les ?tudiants et dipl?m?s, en situation de handicap, du niveau bac jusqu'au doctorat, pourront rencontrer des recruteurs potentiels (Accor, Adecco, Air France, Decathlon, Dexia cr?dit local, EADS, SNCF, etc.) Renseignements, t?l. : 01-40-64-32-00 ; cesso@

COMPAGNONS DU DEVOIR M?tiers de l'industrie Les Compagnons du devoir organisent une rencontre sur les m?tiers de l'industrie, le 13 mai, et une autre sur les m?tiers de l'alimentation le 3 juin. Ces deux journ?es sont destin?es aux jeunes dipl?m?s d'un CAP et ? ceux qui souhaitent se former. Renseignements : Maison des Compagnons du devoir de Paris, 1, place Saint-Gervais, 75004 Paris, t?l. : 01-48-87-38-69 et compagnons-du-devoir. com

L'ENSEMBLE de l'entreprise est r?u-

ni : le directeur a une annonce ? faire !

Tout le monde est l?. Il prend la parole :

? Mesdames, messieurs, chers collabora-

teurs et amis, j'ai d?cid? de vous r?unir

aujourd'hui pour vous faire part d'une d?ci-

sion importante : nous allons int?grer dans

peu de temps une nouvelle personne dans

l'entreprise... ? ? Ah bon ! C'est ?a ? ?.

? Excusez-nous chef, mais on a du boulot,

alors nous d?ranger pour si peu... ?. L'am-

biance est joyeuse. La bo?te tourne, les

commandes se multiplient, l'image est

bonne, les clients satisfaits. Le chef

reprend la parole, il a son air s?v?re des

grands jours, personne ne comprend bien

pourquoi : ? Mesdames, messieurs, le nou-

veau salari? dont je vous parle a une particu-

larit?, une diff?rence m?me, n'ayons pas

peur des mots... ? L'assistance fronce des

sourcils, des bras se croisent, et puis une

voix s'?l?ve : ? Une diff?rence vous dites,

chef ? Mais laquelle ? ?

Le chef hausse le ton : ? Justement, je

vais y venir dans un instant mais avant cela,

laissez-moi vous dire la chose suivante... ?. Il

a repris la main, le chef, il a de la prestance,

il sait s'exprimer devant ses troupes, il est

? l'aise. Et quand il prend une d?cision,

personne ne conteste. Il est de la trempe

des grands chefs, lui. Pas comme son pr?-

d?cesseur dans le poste, une femme sym-

pathique mais pas assez de poigne, trop de

souplesse. Mais ?coutons le chef qui vient

de s'?claircir la gorge : ? Dans un monde

en perp?tuel mouve-

ment... ?, ?... dans un pays vieillissant com-

? La diversit?

me notre belle France... ?, visionnaire et

c'est vrai

po?te, il lit beaucoup, c'est certain ?... il ne saurait ?tre question

depuis toujours

que l'entreprise se prive de toutes les comp?-

et partout ?

tences possibles ! Aus-

si quand le talent n'est pas ? notre porte, il

faut savoir accepter de le laisser venir ? nous,

il faut accepter que celui que l'on accueille ne

soit pas forc?ment comme nous, bref, mesda-

mes et messieurs, chers collaborateurs, il va

falloir que vous acceptiez demain de bosser

avec des minorit?s visibles, comme on dit !

Voil?, c'est dit. ?

? Mais il ne saurait ?tre question de vous

laisser sur le bord du chemin, seuls et sans

soutien. Aussi, dans les prochaines semaines,

j'ai d?cid? de mettre en place une cellule

d'aide psychologique afin que vous puissiez

venir exprimer et ?vacuer le stress engendr?

par cette situation. ?

Depuis plusieurs minutes d?j?, cer-

tains, dans l'assistance se retiennent de ne

pas ?clater de rire. Lui aussi, leur chef bien-

aim? a donc ?t? contamin? par le virus de

la diversit?. Lui aussi ne jure plus que par

cela. Dans la surench?re de moyens mis en

place par les entreprises pour accompa-

gner les salari?s ? vivre avec l'autre, la cel-

lule d'aide et de soutien psychologique res-

te le nec plus ultra.

Sans se concerter, plusieurs voix s'?l?-

vent dans l'assistance. ? Excusez-moi,

Monsieur, commence une femme, mais

rien de nouveau sous le soleil. D'ailleurs je

constate que vous n'avez pas fait tant de bat-

tage quand vous m'avez embauch?e. ? Une

autre personne : ? C'est m?me notre quoti-

dien ! Chacun est diff?rent, unique et doit

?tre reconnu comme tel. ? Un troisi?me :

? C'est dr?le, chef, on dirait que vous venez

d'ouvrir les yeux sur le monde qui nous entou-

re. Mais la diversit?, c'est vrai depuis tou-

jours et partout. Moi, par exemple, je suis bre-

ton, et je n'ai jamais entendu que ?a ait pos?

probl?me. ? La salle acquiesce.

Le chef est stup?fait, il a du mal ? s'en

cacher. Il ne se serait jamais attendu ? cela.

Il s'imaginait plut?t devoir faire face ? une

bronca g?n?ralis?e, la mont?e au cr?neau

des syndicats... Et rien de tout cela. La bo?-

te aurait-elle ?volu? sans qu'il s'en rende

compte ? ? Et si c'?tait moi qui ?tais le

moins ? l'aise sur le sujet ? ?, se met-il ? pen-

ser... D?contenanc?, il retourne ? son

bureau. Il d?croche son t?l?phone, compo-

se le num?ro de chez lui... ?a d?croche :

? Paul, mon ch?ri, c'est moi, il faut que je te

parle, je crois que j'ai un probl?me... Je viens

de r?aliser que les minorit?s visibles, ?a m'an-

goisse. Tu crois, toi qui me connais bien, que

je pourrais faire moi-m?me de la discrimina-

tion ?... ? a

Vincent Priou est sc?nariste au Th??tre ? la carte (theatrealacarte.fr).

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