LE SERGENT JOHN WOODS, BOURREAU DE …

Le sergent Woods, bourreau de Nuremberg 59

Traduit de l'anglais

LE SERGENT JOHN WOODS, BOURREAU DE NUREMBERG

Robert H. Countess

Ce r?cit puise sa source dans le t?moignage oculaire d'un ami (ancien lieutenant de l'arm?e am?ricaine), Stanley Tilles. Stan fut affect? ? divers services sur le th??tre des op?rations en Europe et servit ? Munich, ? Landsberg et ? Heidelberg ? partir de 1945 apr?s la fin de la guerre. C'est en juillet 1946 qu'il fut mut? ? Heidelberg et travailla sous les ordres du colonel Phillip Clayton. En septembre de cette ann?e, Tilles apprit qu'il ?tait d?sign? pour surveiller la construction, ? Landsberg, de potences pour la pendaison des responsables nazis condamn?s ? Nuremberg.

Tilles avait d?j? acquis quelque exp?rience ? Landsberg, avec un certain sergent John Woods, lors d'une pendaison de nazis les 28 et 29 mai 1946. Woods fut ensuite affect? en France. Le colonel Clayton donna pouvoir ? Tilles de r?quisitionner tout ce qui ?tait n?cessaire pour concevoir et construire de nouvelles potences. Tilles convoqua alors le sergent Woods.

A la diff?rence des potences jusqu'ici en usage, celles-ci devaient ?tre portables et il en fallait trois. Le projet ?tait ? ultra-secret ? et il faudrait trois ? quatre semaines pour les construire ? Landsberg.

Le sergent John Woods avait ? peu pr?s 43 ans ; c'?tait un Am?ricain d'origine irlandaise, un militaire de carri?re, qui avait d?j? pratiqu? le m?tier de bourreau dans une prison du

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Texas avant d'entrer dans l'arm?e. Tilles a ?crit que Woods ?tait un particulier au caract?re rude qui, ? ses heures de loisir, s'adonnait ? la boisson.

Woods con?ut pour ces potences une trappe am?lior?e. Avec l'ancien mod?le, la trappe d?crivait un mouvement de va-etvient apr?s l'ouverture, heurtant ainsi la t?te du condamn? et la faisant saigner abondamment. Les potences perfectionn?es destin?es ? Nuremberg avaient un syst?me d'accrochage qui emp?chait le balancement de la trappe. Woods demanda aussi de la peinture gris-olive, au lieu de la peinture noire jusqu'ici en usage, pour que, si on les apercevait en cours de transport, ces potences ressemblent simplement ? d'autres bois de charpente gris-olive de l'Arm?e am?ricaine.

Le colonel Clayton informa le lieutenant Tilles que la date des pendaisons ?tait fix?e au 16 octobre (1946) et que l'information ?tait ? ultra-secr?te ? ; personne d'autre que lui et Woods ne devait ?tre au courant. Le tribunal des Alli?s voulait ?viter toute d?monstration publique contre les ex?cutions. Les potences devraient arriver ? Nuremberg ? la faveur de la nuit et, sit?t les pendaisons termin?es, Tilles et Woods devraient quitter l a ville avec les potences.

Les cordes de chanvre avaient une ?paisseur de 2 cm. Woods pr?para lui-m?me le noeud coulant et, pour ?tirer les cordes, il leur attacha ? chacune un sac marin rempli de sable. Il ouvrit la trappe ? plusieurs reprises jusqu'? ce qu'il f?t convaincu que la corde ?tait suffisamment tendue et pr?te pour le condamn?. Il pr?para treize cordes, une pour chaque homme, et deux suppl?mentaires pour le cas peu probable o? une corde romprait pendant l'op?ration.

Chaque potence, haute de huit pieds [environ 2 m 45], ?tait accessible par treize marches. Autour de la partie inf?rieure se trouvait un rideau noir avec deux ouvertures. L'une d'elles permettait aux m?decins d'entrer pour examiner le condamn?, le d?clarer mort et enregistrer l'heure exacte de la mort. Quand il entendrait que l'homme ?tait mort, Woods couperait la corde et ses assistants d?gageraient le corps par l'autre ouverture, de l'autre c?t? du rideau, pour ?chapper aux regards des spectateurs.

Le 10 octobre, les trois potences avaient toutes ?t? test?es gr?ce au largage de plusieurs sacs marins remplis de sable, puis

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d?mont?es et emball?es pour ?tre transport?es au palais de justice de Nuremberg en vue de leur utilisation le 16 octobre. Dress?es ? l'int?rieur d'une salle de sport dont toutes les fen?tres ?taient couvertes de rideaux noirs, la zone ?tait maintenant d'acc?s interditsauf pour quelques rares privil?gi?s. Une demande tardive arriva de la part de la d?l?gation sovi?tique : les Sovi?tiques voulaient assister ? un simulacre de pendaison. Le g?n?ral Nikitchenko [juge du Tribunal de Nuremberg] conduisait le groupe. Tilles raconte qu'ils eurent l'air tout ? fait int?ress?s par tous les d?tails sordides de ces engins. Lorsque le sac de sable tomba ? la perfection, ils parurent pleinement satisfaits.

Woods d?clarait ouvertement sa haine des Allemands, sp?cialement en raison du ? massacre de Malm?dy ? pendant la bataille des Ardennes. (Bien entendu, on ne pouvait s'attendre ? ce que Woods f?t au courant de tous les d?tails de cette trag?die, d?tails qui ne vinrent au jour que plus tard et qui donnent ? l'historien la vue p?n?trante et plus compl?te qui fait d?faut au profane.)

Quand Tilles demanda ? Woods quel effet cela lui faisait de pendre des nazis, sa r?ponse fut : ? ?a me fait rudement plaisir. Ces salauds n'ont eu que ce qu'ils m?ritaient ! ? Quand Woods avait appris que Hermann G?ring s'?tait suicid? dans sa cellule seulement quelques heures avant d'?tre pendu, Tilles l'avait entendu prononcer ? voix basse : ? Saloperie de Boche ! [That lousy Kraut bastard] !?

Le 16 octobre 1946 ? 0 h 25, le major Teich annon?a qu'il ?tait temps de se rendre au lieu de l'ex?cution et, pour chacun, d'occuper l'emplacement pr?vu. La nuit ?tait froide et une l?g?re couche de neige couvrait le sol. Des journalistes s'assirent ? quatre tables. Des membres de la commission quadripartite s'assirent ?galement ? quatre tables, avec des interpr?tes debout derri?re eux. Le sergent Woods et son assistant, nomm? Malta, se tenaient debout pr?s des potences.

On ne prit que des photographies officiellesdes ex?cutions, en faisant appel ? un photographe de l'arm?e. Tilles eut ? enregistrer l'heure exacte ? laquelle la trappe s'ouvrirait et l'heure ? laquelle le m?decin prononcerait la mort. A 1 h 10, tout ?tait pr?t et ce fut le premier coup : Joachim von Ribbentrop

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?tait l?. Tilles avait enregistr?, sur un document marqu? ? secret?, le poids et la taille de chaque homme ? pendre.

(Lors des pendaisons de Landsberg, Tilles ?tait aussi charg? de lire la sentence officielle au condamn? quand il ?tait encore dans sa cellule ; cela devait se faire au moins 24 heures avant la pendaison. Cette fois-l? le r?le avait ?t? assign? ? un autre officier.)

Julius Streicher entra ? 2 h 11. [R?dacteur en chef du c?l?bre magazine Der St?rmer, Streicher s'?tait trouv? en d?saccord avec Adolf Eichmann qui lui demandait, encore en mai 1938, d'abandonner ses diatribes antijuives au profit de son soutien ? la collaboration d'Eichmann avec la Haganah sioniste pour l'entra?nement des juifs allemands ? des activit?s agricoles et militaires en Palestine. ? Eichmann ?choua. ? (H.W. Koch, Aspects of the Third ReichS,t Martin's Press, New York, 1985, p. 377.)]

Tilles raconte que Streicher portait un costume r?p? et une chemise bleue us?e et boutonn?e jusqu'au cou sans cravate. Il s'arr?ta un moment, regarda les potences, puis parcourut la salle d'un oeil furieux et arr?ta son regard sur les officiers alli?s. Devant la commission quadripartite, il d?gagea son bras droit des mains de son garde, le leva pour le salut familier des fascistes et cria : ? Heil Hitler ! ?

A ce moment, Tilles regarda le bourreau Woods et vit sa m?choire se serrer et ses yeux s'enflammer d'une haine ardente ; il sut que Woods traiterait Streicher d'une mani?re diff?rente des autres nazis. Streicher, maintenant sur la potence, s'?cria : ? A pr?sent, je m'en remets ? Dieu ! ? Apr?s qu'on lui eut attach? les mains et les pieds, il s'exclama : ? C'est la f?te de Pourim 1946 !(*) ? Ainsi cet ?rudit, ce pourfendeur de juifs rappelait-il le livre d'Esther et l'ex?cution d'Aman et de ses fils par les juifs dans la Perse du Ve si?cle avant J.-C. o?, en tout, quelque 75 000 ennemis des juifs furent massacr?s en une journ?e.

Quand, pr?s de la potence, l'officier am?ricain demanda ? Streicher s'il voulait dire un dernier mot, celui-ci cria : ? Un jour ce sont les Bolcheviks qui vous pendront ! ?

(*) En 1946, Pourim a ?t? f?t? le 15 f?vrier. J. Streicher a sans doute voulu dire que les juifs pouvaient d?sormais c?l?brer deux Pourim, celui du Ve si?cle avant J.C. et celui du XXe si?cle apr?s J.C. -- NDLR.

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Le sergent Woods s'arr?ta un instant et d?visagea le nazi, l'homme cultiv? directeur de publication. Il fallait que cette pendaison f?t diff?rente. Tilles le vit placer le noeud de la corde ? un pouce [2,5 cm] ou plus de l'emplacement habituel qui garantissait la cassure du cou et, avec elle, une mort instantan?e. Lorsque la trappe s'ouvrit, il fut ?vident pour tous, ?crit Tilles, que le hal?tement et les gargouillements de Streicher prouvaient qu'il se mourait lentement par ?touffement. Tous les observateurs parurent conscients de cette entorse ? la proc?dure normale, mais personne ne dit mot.

La trappe avait ?t? ouverte ? 2 h 14. C'est quatorze minutes plus tard, ? 2 h 28, que l'on pronon?a la mort de Streicher.

Cette pendaison est aussi connue que celle des autres condamn?s, mais l'aspect particulier de cette macabre torture ne l'est pas. Nous savons gr? ? Stan Tilles de nous avoir rapport?, apr?s bien des ann?es, ce t?moignage oculaire. Il fournit ? la recherche historique un aper?u de ce que peut l'homme quand la haine l'inspire. La haine de Streicher pour les juifs trouvait son expression ?crite dans sa revue. La haine des juifs pour les Gentils se trouve grav?e dans l'ensemble, antique et v?n?rable, des volumes du Talmud. Quant ? la vengeance personnelle de Woods, elle ?tait, en partie, fond?e sur une ?ducation qui ne lui permettait gu?re de comprendre le sens de la guerre que l'Allemagne avait men?e contre le bolchevisme.

Si Julius Streicher avait, par exemple, eu ? pendre le g?n?ral Nikitchenko, peut-?tre l'aurait-il trait? commeWoods l'avait lui-m?me trait? car, sur le chapitre des horreurs du bolchevisme, il en savait long.

Julius Streicher (1885-1946) avait fond?, en 1923, Der St?rmer, un p?riodique antijuif. Il dirigea un ? Comit? central contre la propagande juive ?, ses ? r?cits d'atrocit?s ? et son ? incitation au boycottage ?. Il fut Gauleiter de Franconie, poste dont il fut d?mis en mars 1940 et, en disgr?ce, n'exer?a d?s lors plus aucune activit? politique. Pendant la guerre, il cultiva ses terres et ne put obtenir d'?tre envoy? au front. En mai 1945, il fut fait prisonnier par les Am?ricains et tortur? dans la prison de Freising. Il fut condamn? ? mort par les juges de Nuremberg non pour ce qu'il avait fait (aucune action pr?cise ne pouvait lui ?tre imput?e) mais pour ce qu'il avait pens? et ?crit, sans enfreindre les lois de son pays, non plus, d'ailleurs, que les lois

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